8. La fiscalité des casinos

Votre rapporteur s'est inspiré largement, pour traiter ce sujet, du travail effectué par Mlle Anna Fauquet 31 ( * ) .

« Tout comme la réglementation, qui encadre l'activité des casinos, est le fruit d'un cumul de textes qui s'additionnent sans s'annuler, -écrit-elle- , la fiscalité qui pèse sur les casinos résulte d'une succession de mesures fiscales plus ou moins exceptionnelles arrêtées au cours des années » (sic).

Ah, qu'en termes galants ces choses là sont dites !

On pourrait, plus brutalement, avancer que la fiscalité qui s'applique aux casinos est, tout comme la réglementation dont ils font l'objet, le fruit d'accumulations successives plus ou moins cohérentes de textes aboutissant à un cadre fiscal complexe, dérogatoire et archaïque .

Selon Mlle Anna Fauquet :

- L'Etat n'a pas su (ou voulu) tenir compte de l'évolution et de l'essor des casinos depuis 1990.

- Il n'a pas accompagné cette dynamique par des textes fiscaux en adéquation.

- Il s'agit d'une fiscalité complexe ne serait ce qu'en raison de la prise en compte des intérêts des communes délégataires.

- La politique des « abattements » sur les prélèvements est une complication supplémentaire qu'un aménagement de l'assiette remplacerait avantageusement.

- L'enquête des juridictions financières elle-même réclame une remise à plat de l'ensemble de la fiscalité des casinos.

Le rapport I - 2002 de la commission des finances du Sénat partageait tout à fait ce point de vue, soulignant, en outre, le coût forcément élevé d'un tel système pour l'industriel et pour les services de l'Etat.

De leur côté, les syndicats de casinos et l'association des casinos indépendants font observer que :

- En dix ans, la pression fiscale est passée de 45 à 55,25 %.

- Entre 2002 et 2005, elle a encore augmenté, de 54,1 à 56,7 %.

- Depuis deux ans (2004 à 2006) l'accroissement de la pression fiscale sur les casinos a été supérieur à l'évolution du marché .

- La substitution du produit réel au produit théorique des machines à sous a pesé lourd.

- En 2005, la CSG est passée de 7,5 à 9,5 % et de 10 à 12 pour les gagnants de plus de 1.500 euros.

- La CRDS n'a été que très récemment allégée au moment de la suppression du droit de timbre.

Pourquoi les prélèvements sociaux sont-ils plus élevés pour les casinos que pour la FDJ et le PMU ?

Pour certains syndicats, l'Etat a une « fâcheuse » tendance à traiter les casinos comme des entreprises hors du secteur marchand, et à leur appliquer une fiscalité propre (six impôts et prélèvements différents) qui s'ajoute à la fiscalité générale et sociale de droit commun.

Ainsi, pour l'année 2004, sur un PBJ de 2,6 milliards d'euros, l'Etat et les communes ont prélevé 1,5 milliard d'euros, soit 55,25 %, les 44,75 % restant étant soumis aux impôts de droit commun.

Cette accusation de « fiscalité archaïque et complexe » n'est pas une simple vue de l'esprit, avec le cumul :

- d'un prélèvement progressif de l'Etat, calculé selon des tranches entre 10 et 80 % du PBJ (!), après application d'un abattement de 25 % (!). Ce prélèvement est en partie reversé aux communes à hauteur de 10 % (!) ;

- d'un prélèvement des communes (cahier des charges) plafonné à 15 %, après abattement de 25 % (!) ;

- de deux prélèvements fixes de l'Etat, sans abattement, s'élevant à 0,5 % du PB des jeux de table et 2 % du produit des machines à sous ;

- de la contribution au remboursement de la dette sociale à 3 % ;

- de la contribution sociale généralisée à 9,5 % (1 er janvier 2005) ;

- d'un régime de TVA particulièrement défavorable sur certains investissements ;

- et bien entendu, in fine , l'impôt sur les sociétés sur les résultats, les taxes immobilières et professionnelles, la taxe sur les salaires.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Ces syndicats verraient d'un bon oeil qu'une clause de sauvegarde soit introduite dans leurs cahiers des charges, selon laquelle une compensation jouerait entre les augmentations des prélèvements de l'Etat et des communes...

Votre rapporteur estime devoir faire part de cette idée, sans méconnaître les difficultés de sa réalisation !

En revanche, certaines réformes seraient certainement bienvenues, telles que :

- l'actualisation de certains prélèvements fort anciens ;

- la simplification et l'allègement de la fiscalité des casinos ;

- le regroupement en un prélèvement unique (progressif) des strates actuelles que constituent :

*le prélèvement progressif,

*le prélèvement fixe des jeux de table,

*le prélèvement fixe sur les MAS,

*le prélèvement dit à employer (compte 471),

*la CSG et la CRDS.

S'il apparaît intéressant à votre rapporteur d'étudier un tel regroupement (à coût nul pour l'Etat ?), en ce qui concerne les quatre premiers impôts, par contre, il n'est pas possible, selon lui, d'y adjoindre la CSG et la CRDS, en raison de la destination sociale exclusive de leur affectation et en conséquence de l'exigence d'égalité de tous devant l'impôt.

Enfin, dans sa thèse, Mlle Anna Fauquet s'étonne de la curieuse allure de ces « délégations de service public » et relève, à la fois, le peu de vocation de ces industriels à être des opérateurs de service de cette nature, et l'étrange assimilation des activités de restauration et de spectacles à ces services, par ailleurs interdits aux mineurs et aux « réprouvés » que sont les interdits de jeux... !

Courteline est toujours vivant ! Bien d'autres étrangetés pourraient être décelées dans la législation et la réglementation française.

Depuis le mémoire de Mlle Anna Fauquet, il y a eu, en 2006 l'abrogation, du droit de timbre qui pénalisait l'entrée aux salles de jeux traditionnels et une reforme du taux de la CRDS, mais c'était en échange de l'instauration du contrôle aux entrées des casinos.

Tout le travail de dépoussiérage de la fiscalité des casinos reste à accomplir.

* 31 « Fiscalité des casinos en France » - Anna Fauquet, Université Saint-Denis, Paris VIII - DESS droit des affaires et fiscalité - Mémoire pour un 3 e cycle de droit - 2001/2002.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page