II- LES DÉFAILLANCES DES COMPTES DE L'EPIC ET LEURS CONSÉQUENCES

A - DES COMPTES 1998 À 2003 NON FIDÈLES, NON RÉGULIERS, NON SINCÈRES

Les errements comptables des comptes des exercices 1998 à 2003, que la Cour analyse ci-après, ont été aussi constatés par l'audit effectué, en novembre 2004, par la mission régionale « Formation Contrôle » de la recette générale des finances. Les principales conclusions de cet audit ont été les suivantes : l'organisation de l'agence comptable est insuffisante ; il y a une absence de supervision des opérations qui explique la situation dégradée des comptes ; il n'y a pas de supervision centralisée du suivi des dossiers de prêts et avances, ce qui entraîne une inadéquation entre le suivi des opérations et les écritures comptables ; le manque de suivi des régies est avéré.

L'ordonnateur et le comptable ont, de manière récurrente, expliqué ces errements par les difficultés de l'ANVAR dans la mise en oeuvre de la réforme comptable et par les dysfonctionnements dans le fonctionnement des systèmes informatiques. Ces explications ne sont pas suffisantes pour justifier les multiples et importantes irrégularités comptables de la période, d'autant qu'un certain nombre d'opérations irrégulières sont antérieures à la réforme comptable : la Cour avait d'ailleurs déjà dû émettre une réserve générale sur la gestion des comptables entre 1998 et 2000, antérieurs à la réforme comptable. Cette réserve n'a été levée qu'en 2006, au vu des régularisations apportées par la cellule de recherche et de régularisation comptable.

1. Des soldes de comptes faux

Plusieurs comptes de bilan présentent des soldes inversés pour des montants très élevés : des comptes d'actif affichent un solde au passif du bilan, des comptes de passif sont débiteurs.

a) Le poste « avances remboursables » : un solde anormal de 4,3 millions €

Le compte 27 « avances remboursables » figure à l'actif du bilan, au poste « autres immobilisations financières ». Il enregistre le montant des avances remboursables consenties aux entreprises. Au 31 décembre 2003, le compte présente un solde anormalement créditeur, figurant au passif du bilan, de 4,36 M€. Il résulterait d'erreurs intervenues lors de la saisie de la codification des contrats ou des avenants. L'agence comptable a, début 2004, dressé la liste des opérations erronées, sans pour autant effectuer les corrections comptables correspondantes, ce qu'elle ne pouvait faire en l'absence des titres de recettes adéquats.

b) Le compte clients : un solde anormal de 4,9 M€et une majoration artificielle de 141 M€

A la clôture de l'exercice 2003, figure anormalement au passif du bilan un solde créditeur de 4,91 M€. Ce montant correspond d'une part, à des remboursements effectués par les entreprises mais dont la créance n'a pu être éteinte, en l'absence d'identification, et d'autre part, à des encaissements reçus à la fin de l'exercice pour lesquels les titres de recettes n'ont pas été établis, ce qui n'a pas permis d'établir un rapprochement entre le montant des fonds versés par l'entreprise et la créance client correspondante.

Le poste clients a par ailleurs été artificiellement majoré d'un montant de 141 M€ (sur un solde débiteur brut s'élevant à 398 M€), provenant des errements dans le fonctionnement du compte 441-700 (cf. développements point d).

c) Le compte 46-77 « Autres débiteurs à payer sur subventions » : un solde anormalement débiteur de 2,69 M€

Le crédit (passif du bilan) enregistre normalement les dettes de l'ANVAR à l'égard des entreprises. Le compte doit toujours présenter un solde créditeur. Dans les comptes 2003, le compte 46-77 présente au passif, un solde créditeur de 53 M€ et un solde anormalement débiteur de 2,69 M€ qui figure à l'actif.

d) Le compte « État : subventions d'exploitation » : une erreur de 141 millions €

Ce compte 441-700 doit, selon les normes comptables, enregistrer les dettes de l'établissement à l'égard de l'État. Il présentait, fin 2003, un solde créditeur anormal de 126,9 M€. Le solde réel 25 ( * ) s'est avéré débiteur, et après reconstitution des opérations, a été arrêté à 14,1 M€, soit une erreur au total de 141 M€.

L'écart de 141 M€ a été détecté par la direction du trésor, en juillet 2004. La cause des désordres a été identifiée ; de 2001 à 2003, en raison de mauvaises codifications informatiques successives, les titres de recettes émis par l'ordonnateur au compte 441-700 ont été trouvés enregistrés au compte clients 411. En conséquence, les écritures de débit, qui devaient apurer le solde créditeur du compte 441-700, ont alimenté le débit du compte clients 411, le gonflant artificiellement à hauteur de 141 M€.

2. Des comptes qui enregistrent des opérations dont le contenu ne peut être justifié

L'ANVAR n'est pas en mesure de justifier l'intégralité des opérations enregistrées dans deux comptes de tiers.

a) Le compte 46-77 « autres créditeurs à payer sur subventions »

A la clôture de l'exercice 2003, en plus du solde débiteur anormal (cf. supra), ce compte présente un solde créditeur de 53,5 M€ qui ne peut être justifié. Cette situation résulterait des erreurs commises lors de la reprise des dossiers dans les comptes de l'ANVAR (apparemment des écritures de débit et de crédit,références des bénéficiaires).

b) Le compte 46-82 «charges à payer »

Ce compte enregistre les subventions reçues des tiers délégants, à verser aux entreprises. A la clôture de l'exercice 2003, ce compte affiche, au passif du bilan, un solde créditeur de 62 M€. Les opérations enregistrées dans ce compte n'ont pu être justifiées par l'ANVAR : du fait de l'absence de vérification des informations entrées au moment de la réforme comptable.

3. Des opérations comptabilisées dans les comptes transitoires et laissées en instance pendant plusieurs exercices

Au cours des exercices 1998 à 2003, un grand nombre d'opérations ont été, pour des raisons qui ne sont pas toujours éclaircies, comptabilisées dans des comptes transitoires de la classe 47 et n'ont pas été régularisées.

a) Le compte 4718 « recettes à classer » : un compte de 15 M€ fin 2003

Diverses opérations n'ont pas été imputées dans les comptes de produits de l'exercice auxquelles elles se rapportaient et se trouvent au compte 4718. Certaines opérations remontent à 1999. Figurent également en recettes à classer des remboursements d'entreprises par chèques, non comptabilisés dans le compte client correspondant. Certaines opérations remontent à l'exercice 2000.

Le comptable a mis en place depuis 1999, un dispositif curieux de comptabilisation des chèques de remboursement d'avances : les chèques sont enregistrés, à leur arrivée à l'agence, dans un compte transitoire 581, avant d'être validés et imputés dans le compte de banque. Lorsque le comptable ne peut apparier le remboursement reçu et la créance correspondante, la comptabilisation du chèque est laissée en instance d'être régularisée dans le compte 581. Compte tenu des difficultés grandissantes pour l'appariement des chèques et des créances, le solde du compte « recettes à classer » a gonflé pour atteindre plus de 15 M€, fin 2003.

b) Le compte 473 « recettes à transférer » : une absence de justification de 4,8 millions €

Le compte transitoire 473 « recettes à transférer » concerne des opérations réalisées pour le compte de tiers. A la clôture de l'exercice 2003, trois types d'opérations n'ont pu être justifiés : des paiements reçus de tiers, antérieurement à 2001 (0,16 M€), des remboursements reçus des entreprises antérieurement à 2001, et pour lesquels les créances n'ont pas été identifiées (0,71 M€), une opération d'un montant de 3,91 M€.

c) Le compte 472 « dépenses à classer »

Ce compte comporte :

- des écritures relatives aux régies (dépenses à vérifier) ; le solde du compte est à la fois débiteur (9 914 €) et créditeur (30 955 €) au 31 décembre 2003. Il s'agit d'opérations anciennes non vérifiées par l'agent comptable ;

- d'autres dépenses à régulariser, intervenues sur la période 1999/2003. Le compte présente également un solde débiteur (4,133 M€) et un solde créditeur (0,523 M€). Il s'agit d'opérations non soldées au moment de la réforme comptable.

L'existence d'un tel nombre d'écritures en attente d'être régularisées, en recettes ou en dépenses, remet en cause la valeur des résultats puisque les charges et les produits ne sont pas comptabilisés dans les exercices auxquels ils se rattachent.

4. Des carences graves dans les recouvrements, les encaissements et dans la gestion de la trésorerie

a) Le manque de fiabilité du compte clients et l'absence d'états de restes à recouvrer

Les anomalies des différents comptes qui viennent d'être décrites ont montré que de sérieuses incertitudes grèvent l'exhaustivité et la sincérité du compte clients, à partir duquel sont établis les états de recouvrement. Dès lors, ces états sont incertains. A partir de 2000, ils sont inexistants.

b) Les carences graves dans le traitement des chèques reçus par l'EPIC ANVAR

Le circuit des chèques arrivant à l'EPIC ANVAR n'était pas sécurisé. Il n'existait pas de système d'enregistrement permettant de répertorier les chèques reçus quotidiennement, ceux-ci faisant l'objet d'un traitement « au fil de l'eau ».

L'agent comptable décrit lui-même cette situation dans sa réponse à la Cour en 2005. En l'absence de décentralisation des remboursements au niveau des délégations régionales, « il restera toujours une impossibilité à tracer les chèques. Et pas seulement à l'agence comptable qui reste pourtant le lieu et le service privilégié dont on peut espérer quelques résultats alors que ce n'est évidemment pas en son sein qu'existent le plus de risques ». Il précise : « Bien sûr, le cachet n'était pas apposé sur la majorité des chèques - ne serait-ce que parce qu'il n'a jamais été possible de canaliser les chèques qui arrivaient également dans les services centraux du siège en sus des envois redirigés par les délégations régionales - mais à tout le moins l'était-il sur ceux d'entre eux qui étaient directement envoyés par les entreprises à l'agence comptable ».

L'ordonnateur a indiqué, pour sa part, qu'il avait découvert, au cours de l'instruction de la Cour, les défaillances du circuit des moyens de paiement mis en oeuvre à l'agence comptable : « Si l'ordonnateur était conscient que les procédures de remboursement, comme l'ensemble des processus de gestion devaient être améliorées notamment pour supprimer tout risque d'erreur causé par des doubles ou triples saisies dans les logiciels de gestion, et s'il a mis en place à partir de 2001, un système de pointage entre les services de l'ordonnateur et du comptable, l'ordonnateur n'a pas eu connaissance d'éléments laissant supposer que des risques pouvaient exister sur la mauvaise conservation des fonds ».

En 2005, une enquête sur le suivi des chèques a, été faite à la demande de la Cour par l'ANVAR. Elle portait sur les chèques du premier trimestre 2000, les modalités d'encaissement des chèques ayant peu évolué par la suite. Les résultats de cette enquête communiqués ont confirmé que la traçabilité des chèques n'était absolument pas assurée.

c) La trésorerie n'était guère suivie

Le suivi et la gestion de la trésorerie ont été confiés à l'agent comptable. L'ordonnateur n'a pas réclamé de situation de trésorerie complète et régulière ; il a seulement demandé, à partir de 2003, un tableau de trésorerie, assez succinct.

d) La gestion des dossiers contentieux

L'ordonnateur n'avait pas connaissance des difficultés de paiement des entreprises défaillantes : il n'existait pas à l'EPIC ANVAR de suivi exhaustif des entreprises aidées pour lesquelles des difficultés de recouvrement étaient avérées. Les incidents de paiement représentaient pourtant près de 50 % des dossiers d'aides. La disposition du règlement général sur la comptabilité publique selon laquelle « les recettes sont recouvrées par l'agent comptable soit spontanément soit en exécution des instructions de l'ordonnateur » n'a donc pas été respectée.

Les dossiers contentieux étaient particulièrement mal gérés, le service comptable se limitant à consulter les informations juridiques officielles (règlement judiciaire, liquidation de biens, clôture pour insuffisance d'actifs...) sans aucune action suivie auprès des créanciers.

L'agent comptable n'a pas tenu, de 2000 à 2004, d'état de restes à recouvrer. Ill n'est donc pas possible de s'assurer de l'exhaustivité des productions de titres en non valeur. Ces productions, sur la période 2000-2003, ont été présentées de façon non systématique et souvent, plusieurs années après que le jugement de clôture pour insuffisance d'actifs de l'entreprise est intervenu.

5. Les autres manquements fin 2003

La Cour a aussi constaté d'autres irrégularités.

- L'EPIC ANVAR n'a ni recensé ses immobilisations ni fait l'inventaire physique des biens, contrairement aux prescriptions.

- L'EPIC n'évaluait et ne provisionnait ni les charges pour congés payés restant dues en fin d'année, ni les charges à payer pour indemnités de fin de carrière, alors que celles-ci constituent des charges de l'exercice.

- En 2003, les frais de déplacements, de mission et de réception, ainsi que les dépenses d'honoraires n'ont pas été comptabilisées dans les charges de l'exercice, contrairement aux principes de la comptabilité d'engagement. La Cour constate que le poste « frais de déplacements » a baissé de plus de 30 % par rapport à l'exercice 2002. Quant aux dépenses d'honoraires, l'ordonnateur a lui-même évalué leur minoration à 100 000 €.

L'ordonnateur a indiqué à la Cour que ce point était significatif de certaines difficultés de passage entre un système de comptabilité de caisse et un système de comptabilité d'engagement et que certaines dépenses, faute de justifications avant la clôture de l'exercice au cours duquel elles avaient été engagées, avaient fait l'objet d'un report de charges sur l'exercice suivant.

B - UN COMPTE FINANCIER 2004 ENTACHÉ D'ERREURS ET QUI N'EST PAS EN ÉTAT D'EXAMEN

1. Les erreurs ou incertitudes identifiées dans le compte 2004 sont multiples et importantes :

quelques cas de reprises de balance d'entrée non conformes aboutissant à des montants faibles (cumul d'écarts de -124,9 € en débit, et de +124,81 € en crédits) ;

une comptabilisation des aides sous forme de subvention en classe 6 qui aboutit à ce que ces écritures comptables traduisent des engagements pluriannuels et non des charges de l'exercice ; cette critique, peut-être excessivement rigoureuse, n'a pas été reprise à son compte par PWC qui a préconisé de conserver ce mode de comptabilisation ;

l'absence de transit par le compte de résultat, des recouvrements des aides remboursables (73 M€ en 2004, 74 M€ pour l'année 2005) ;

des actifs corporels mal suivis en valeur du fait de l'absence d'inventaire physique (2 M€ en 2004, 1,8 M€ en 2005);

des écritures spécifiques non fiables : dans le compte 139-100 qui présente un sur-amortissement des subventions d'équipement inexpliqué (0,37 M€ d'excès); un traitement fiscal des provisions incertain (voir ci-dessous) ; des états de créance antérieurs à 2004 non ajustés ; des procédures collectives probablement irrécouvrables en grand nombre ;

le compte 274 800 « avances remboursables ANVAR » qui comporte encore un solde anormalement créditeur de 5,5 M€ et le compte 274 810 « avances remboursables ADT », un solde anormalement créditeur de 0,35 M€ ; ces soldes anormaux se sont légèrement accrus au cours de l'exercice 2004 ;

le compte 467 700 qui enregistre les subventions à verser et qui comporte un solde débiteur résultant de reprises de soldes antérieurs et qui n'ont pas été justifiées au cours de l'exercice 2004 pour un montant de 0,228 M€ (il était de 2,9 M€ en 2003) ;

le compte clients 411 présente toujours un solde anormalement créditeur de 4,06 M€ (en réduction toutefois par rapport au solde anormal constaté à la clôture des comptes 2003).

l'état des comptes transitoires non encore régularisés à la clôture des comptes 2004, pour une masse totale de 26 M€ ;

la situation, révélée à l'arrêté des comptes 2005 en matière de comptabilisation des fonds de concours, qui entache les comptes 2004 ;

l'écart observé sur les opérations RTPG entre le comptable et l'ordonnateur.

Une partie des provisions supplémentaires constituées à la clôture de l'exercice 2004 confirment le mauvais état des comptes : la provision de 42 M€ a été constituée pour couvrir en intégralité le solde du compte de tiers qui enregistrait les opérations financières conduites avec les partenaires de l'ANVAR et une dotation de 17 M€ é été passée pour couvrir d'éventuels actifs injustifiés.

2. Les conséquences des défaillances du compte 2004 pour le juge des comptes : un compte qui n'est pas en état d'examen

Le compte financier doit être présenté au juge des comptes en état d'examen. Le compte 2004 n'est pas, pour de multiples raisons, en état d'examen.

a) Des informations incomplètes

Contrairement aux dispositions réglementaires, aucun état de développement de soldes exhaustif, aucun état de restes à recouvrer ou à payer, aucun état d'accord entre comptable principal et comptables secondaires ou régisseurs n'a été produit à la Cour avec le compte financier 2004. Le comptable aurait toutefois bien établi ces états. Les deux derniers états cités devaient être produits, selon les indications données par la DGCP lors de l'audition du 6 septembre 2006, mais ils ne l'ont pas été à ce jour.

b) Des comptes en grande partie erronés

Les comptes 2004 sont entachés des erreurs évoquées supra. Bien que quelques corrections aient été apportées aux erreurs antérieures à 2004, notamment en ce qui concerne les comptes de régularisation, le compte financier n'a pas été redressé. La plupart des défaillances observées lors des exercices précédents, se sont soit maintenues, soit aggravées au cours de l'année 2004.

La Cour a en conséquence, par arrêt du 30 juin 2006, renvoyé le compte pour mise en état d'examen.

Lors de l'audition du 6 septembre 2006, la direction générale de la comptabilité publique et OSEO ANVAR ont considéré que la correction des erreurs du compte 2004 avait été poussée aussi loin que possible. Un tel constat signifie que l'on accepte qu'un établissement public ne rende pas de compte.

3. Les conséquences fiscales des défaillances du compte 2004

Les défaillances précitées ont aussi eu pour conséquence de priver l'agence de la faculté de reporter son important déficit 2004 (261 M€), possibilité qu'ouvrent les règles de l'impôt sur les sociétés. Cette conséquence est apparue en juillet 2006 à la suite des discussions entre OSEO ANVAR et l'administration fiscale.

C - UN COMPTE 2005 DE L'EPIC NON PRODUIT

1. La non-production du compte 2005

Il n'existe pas de compte financier de 2005 pour l'EPIC ANVAR (1 er janvier - 8 juillet 2005), mais seulement un projet de compte qui attend, comme l'exige l'article 15, 2 e alinéa de l'ordonnance du 29 juin 2005 transformant l'EPIC ANVAR en société anonyme, d'être arrêté et approuvé par le ministre chargé du budget.

Il résulte des informations données lors de l'audition du 6 septembre 2006 que le directeur du budget pourrait proposer au ministre chargé du budget d'approuver le compte 2005, « sous toutes réserves quant aux comptes de bilan » et ensuite produire le compte à la Cour.

A la date de rédaction de la présente communication, le compte n'est ni arrêté, ni approuvé, ni produit.

2. Le « projet » du compte 2005 : des produits surestimés du fait de la proratisation incomplète des dotations

Dans les comptes de l'exercice de 2005 de l'EPIC (189 jours sur 365), les dotations attendues de l'État ont été inscrites au pro rata temporis de leur valeur : 58,2 M€. Il n'en a pas été de même pour les financements attendus par l'ANVAR des autres collectivités publiques. La direction de l'ANVAR a estimé impossible de déterminer la part de ce subventionnement qui revenait à l'exercice 2005 et celle qui revenait aux autres exercices. La totalité, soit 23,4 M€, a donc été intégrée aux comptes 2005.

Cette réponse est, en soi, révélatrice d'un manque de maîtrise comptable et administrative des dossiers. Elle est également en contradiction avec le compte de résultat provisoire au 30 juin, établi par OSEO ANVAR pour le conseil d'administration d'octobre 2005, qui fixe les dotations issues d'autres mandants que l'État à 15,664 M€.

Cette proratisation incomplète porte atteinte à la fidélité du projet de comptes de l'EPIC 2005 : l'exercice tronqué se conclut sur une perte de 4,65 M€. Si, par exemple, non pas la totalité des subventions de collectivités publiques mais cent-quatre-vingt-neuf trois-cent-soixante-cinquièmes ( pro rata temporis ) avaient été intégrés, la perte au compte de résultat aurait atteint 16,8 M€, soit plus de 12 M€ de plus.

3. Les opérations comptables de l'EPIC postérieures au 8 juillet 2005

Comme on l'a dit, la transformation de l'établissement public en société anonyme résulte de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la création de l'EPIC OSEO et à la transformation de l'EPIC ANVAR en S.A. L'article 16 de cette ordonnance prévoit que cette transformation « est réalisée à la date de la publication du décret approuvant les statuts initiaux de la société ». Cette réalisation est intervenue, soudainement pour les services d'OSEO ANVAR, le 8 juillet 2005.

Le comptable a alors décidé de ne demander la clôture effective du compte de dépôt de fonds au Trésor que le 29 juillet. Ce temps supplémentaire a été utilisé pour informer les fournisseurs récurrents et les entreprises aidées de la nécessité de basculer le compte sur lequel ils opéraient, respectivement, leurs prélèvements et leurs remboursements. Les opérations enregistrées sur le compte jusqu'au 29 juillet ont été prises en compte dans le compte 2005 de l'EPIC, comme étant rattachées à l'exercice échu.

D - CONSÉQUENCES DES ERREMENTS COMPTABLES POUR L'EPIC ET LA SOCIÉTÉ ANONYME

1. Le « toilettage » financier et comptable préalable au changement de statut

La préparation de la transformation de l'EPIC a donné lieu à une étude réalisée par Pricewaterhousecoopers (PWC) sur la situation financière et comptable de l'ANVAR. Le terme « audit » est employé, mais comme le relève justement PWC, ce n'est pas un véritable audit qui a été réalisé. Un audit n'aurait pu faire l'économie de l'identification de toutes les anomalies comptables majeures, travail nécessitant de nombreux mois. A la suite de cet audit, l'ANVAR a décidé de changer sa politique de provisionnement.

a) Les propositions de Pricewaterhousecoopers sur la situation financière de l'agence

Le diagnostic de PWC a résulté de travaux menés en février et mars 2005, qui complétaient des travaux réalisés jusqu'en janvier 2005 et qui ne portaient que sur les comptes financiers au 31 décembre 2003.

La proposition finale de réforme comptable de PWC prend pour principe le passage de l'agence à la comptabilité bancaire. Ce principe de départ ne se justifiait pas entièrement, car OSEO ANVAR n'est pas un établissement de crédit, à la différence d'OSEO BDPME et de l'EPIC de tête OSEO. Il permettait cependant d'aborder les questions de la consolidation des comptes OSEO ANVAR et ceux d'OSEO BDPME sans délai. De plus, il s'est traduit par un ensemble de recommandations comptables s'appuyant sur les principes de base de la comptabilité générale et pas sur les spécificités de la comptabilité bancaire.

Les propositions de réforme comptable de PWC comportaient de nombreux changements de méthodes comptables.

Par ailleurs, en ce qui concerne le niveau des provisions, PWC a proposé deux scénarios pour le provisionnement des avances remboursables, se traduisant par un surcroît de 173 M€ ou 203 M€, selon un taux de perte théorique fixé à 50 ou 55 %, le choix entre les deux scénarios incombant à l'ANVAR. Le cabinet a renoncé à proposer une provision sur le risque fiscal, l'administration fiscale n'ayant pas alors clarifié les problèmes invoqués devant elle par l'établissement.

Au total, la proposition de PWC conduisait à réduire de 264 M€ la situation nette ajustée au 31 décembre 2004, qui passait ainsi de 348 M€ à 84 M€.

b) Le provisionnement décidé par l'ANVAR

L'ANVAR a choisi d'appliquer l'essentiel des recommandations de PWC, en retenant l'idée d'un provisionnement maximum.

1- Les positions des différents acteurs quant au provisionnement

La direction, commanditaire de l'étude à PWC, a décidé de mettre en oeuvre les réformes comptables proposées, tant le provisionnement que le cantonnement dans les comptes des aides de l'Industrie.

Bien que le conseil d'administration ait donné son approbation à la position de la direction, en mars 2005, l'agent comptable a considéré que ces changements de méthode comptable étaient peu justifiés pour l'exercice normal d'un EPIC, statut qui se continuait au delà de 2004, et d'une ampleur telle qu'ils ne pouvaient être simplement mis en oeuvre par ses services sans disposer d'une validation directement par la tutelle. Les ministres chargés des finances et du budget ont confirmé la validité du cantonnement des aides déléguées par le ministère de l'industrie et de leur neutralisation dans le compte de résultat, par un courrier au président-directeur général de l'ANVAR, de mai 2005.

2- Les deux types de provisionnement supplémentaires décidés par l'ANVAR

Des provisions supplémentaires ont d'abord été passées pour couvrir le risque de non remboursement des aides.

173 M€ de provisions supplémentaires ont été inscrits pour accentuer la politique de provisionnement des aides non remboursables, par rapport à ce qui avait été la règle depuis 2001. Les taux de provisionnement par génération d'aides des années 2001 à 2004 étaient décroissants, de 50 % à 10 %, avant ajustement.

29,3 M€ supplémentaires ont été consentis pour les aides récentes à de jeunes entreprises, soit au total 203 M€ de provision (hypothèse haute de PWC retenue par l'ANVAR, passage de 40 % de provisionnement à 55 %).

L'augmentation du provisionnement est justifiée, pour quatre cinquièmes du montant, par un alignement du taux de provisionnement sur le taux de perte constaté historiquement, et pour le reste, par l'augmentation dans les années récentes de la proportion d'aides à des jeunes entreprises, présentant plus de risque moyen, suivant les axes du contrat de plan 2000-2003 ANVAR - État.

Le risque d'erreurs comptables a, lui aussi, fait l'objet de provisions. Il s'agissait, non de prendre en compte un risque dont la réalisation a été fréquemment constatée comme le non-remboursement des aides, mais d'appréhender la possibilité que des écritures comptables soient erronées. Compte tenu des incertitudes entourant l'estimation de ce risque, le calcul nécessitait des hypothèses fortes.

16,9 M€ ont été provisionnés pour divers postes comptables jugés probablement erronés ou injustifiés, principalement dans les comptes d'attente (classe 47), dans les subventions d'exploitation à recevoir de l'État (classe 441) et dans les comptes clients (classe 41);

42,5 M€ ont été provisionnés pour le risque comptable sur les écritures des aides pour compte de tiers (ADT), avec selon le cas un niveau de provisionnement de 50 ou de 100 %. Ils se décomposent en :

Un premier provisionnement de 13,3 M€ concerne le risque de remboursement des tiers, dans le cas des conventions qui prévoient que les remboursements d'aides doivent être rétrocédés aux tiers et non conservés par l'ANVAR. En premier lieu, 55,4 M€ de risque maximum de remboursement avaient été identifiés, à partir d'un provisionnement. Ce montant a ensuite été diminué de 42 M€ d'avances remboursables pour compte de tiers, octroyées mais non encore payées.

Un montant de 29,1 M€ concerne des incorrections dans l'encaissement ou un défaut d'encaissement de dotations de tiers.

Au total, 59,4 M€ ont été provisionnés pour risques comptables (voir tableau ci-dessous), aboutissant à un total général de 262 M€ de dotations aux provisions supplémentaires.

Provisions pour risques comptables au 31/12/04 (M€)

Provisions pour risques comptables

59,41

Dont : compte 441 700 subvention d'exploitation

5,88

Dont : compte 471 801 produits financiers débiteurs à classer

0,12

Dont : compte 471 810 recettes à classer (montants débiteurs)

5,83

Dont : compte 471 820 recettes régies à classer (montants débiteurs)

0,02

Dont : compte 472 300 dépenses régies à vérifier

0,01

Dont : compte 472 800 autres dépenses à régulariser

3,45

Dont : compte clients débiteurs non justifiés

1,61

Dont : erreur de saisie

0,00

Dont : provisions sur risques aides pour compte de tiers

42,48

Source : ANVAR

c) Analyse de ce provisionnement

La suite des opérations de l'agence a révélé que tous les risques liés à la comptabilité n'ont pas été provisionnés à la clôture de l'exercice 2004. D'autres anomalies comptables remontant aux années 2001 à 2004 ont commencé à être découvertes, à partir de la rentrée 2005, après l'entrée en activité de la nouvelle direction comptable de la société anonyme et de la cellule de régularisation (CRER) mise en place par la direction générale de la comptabilité publique.

Ces découvertes ont conduit à une dotation aux provisions exceptionnelle de 10,6 M€, en décembre 2005, pour l'exercice 2005. Cette dotation a permis de reconstituer, au passif, 5,8 M€ de subventions d'investissement qui auraient dû être inscrits pour compenser des charges d'amortissement de 5,8 M€ d'actif financé par prélèvement sur fonds de roulement, en particulier pour le logiciel Iris mis en place en 2004, pour 2,7 M€. Elle a aussi permis de comptabiliser 4,8 M€ de charges en retard (sur des projets CRI ou financés par la Commission européenne, dont les ressources avaient été comptabilisées au compte de résultat mais pas les dépenses).

Ces événements pourraient conduire à estimer que la réflexion de l'ANVAR sur le provisionnement à l'occasion du changement de statut était incomplète. Mais la connaissance précise des anomalies comptables a, de fait, nécessité un travail de longue durée, dont ni la mission de PWC, ni la réflexion interne à l'ANVAR EPIC ne pouvaient anticiper les résultats.

Par ailleurs, la provision de 16,9 M€ pour couvrir des actifs mal justifiés aurait dû être répartie entre les charges d'intervention et les charges de fonctionnement selon le cas. Faute de trouver les clés de répartition, la totalité de cette provision a été passée en charge de fonctionnement, réduisant la fidélité du compte de résultat au sein du compte financier.

Hormis ces remarques, l'avis de l'agence est que le conseil de PWC a été avisé. La politique comptable préconisée par le prestataire a permis de revenir à une agence dotée d'un niveau suffisant de fonds propres par rapport aux références du secteur bancaire et à son niveau d'activité.

Au moment du changement de statut, l'agence a missionné un prestataire extérieur pour examiner ses pratiques comptables et évaluer quelle était l'ampleur des dépréciations, des risques et charges non provisionnés dans ses comptes.

A la suite de cette étude, l'agence a décidé de passer des provisions pour risques, exceptionnelles, au titre de l'exercice 2004 d'un montant de 262 M€, aboutissant à un très fort déficit de l'exercice, de 261 M€, et à une réduction significative des fonds propres de 348 à 84 M€. Ces provisions ont eu pour buts essentiels de remonter le taux de provisionnement du non-remboursement des avances, de couvrir le risque d'actifs injustifiés présents dans les comptes, de couvrir le risque lié à une gestion comptable défaillante des aides pour compte de tiers.

Sous réserve de la grande incertitude des données comptables dont dispose la Cour, le provisionnement des risques liés aux seules écritures comptables serait sous-estimé. Toutefois l'état des connaissances au moment de la prise de décision, avant l'entrée en action de la cellule de régularisation comptable, ne permettait pas de le déterminer plus précisément.

2. Les premiers comptes de la société anonyme

La société anonyme a réalisé un bilan d'ouverture au 1 er janvier 2005 et des comptes provisoires au 30 juin 2005. Les grandes masses des comptes financiers de l'EPIC de 2004 (au 31 décembre 2004) et de 2005 (au 8 juillet 2005) devraient donc s'y retrouver, et les comptes être proches, aux retraitements de fin d'année près.

Toutefois, lors de l'examen de ce bilan et de ces comptes par le conseil d'administration d'OSEO ANVAR, le 7 octobre 2005, le représentant de la mission du contrôle général économique et financier a souligné que le montant des comptes de régularisation avait quadruplé du 1 er janvier 2005 au 30 juin, à sa surprise. Le représentant de la direction du budget a indiqué qu'il ne pouvait retracer précisément l'évolution du montant du bilan entre le 31 décembre 2004 (compte financier EPIC) et le 1 er janvier 2005 (bilan d'ouverture SA).

Compte de résultat provisoire d'OSEO ANVAR au 30 juin 2005
(milliers €)

Interventions

Emplois

Ressources

Pour compte propre OSEO ANVAR

68 470

Dotation d'intervention État

42 909

Pour compte de tiers

15 870

Dotation d'intervention régions et autres

15 147

Dotation aux provisions pour risques

1 001

Récupérations et produits divers

1 001

Imputation des constats d'échecs sur provisions

26 283

TOTAL

85 340

TOTAL

85 340

Fonctionnement

Charges

Produits

Dépenses de fonctionnement

19 708

Subventions d'exploitation

18 232

autres qu'État : 417

Dotation aux amortissements

1 040

Produits divers et exceptionnels

1 728

Impôt sur les sociétés

15

Déficit de fonctionnement

803

TOTAL

106 103

TOTAL

85 340

Bilan d'ouverture et situation provisoire au 30 juin 2005 (milliers €)

ACTIF

1 er janvier

30 juin

PASSIF

1 er janvier

30 juin

Immobilisations nettes

5 801

5 105

Capitaux propres

84 280

83 477

Aides pour compte propre

472 129

469 642

Dotations d'intervention

-

74 539

Aides pour compte de tiers

42 887

44 486

Provisions

421 453

442 356

Autres immo. financières

1 074

1 088

Passif circulant

146 976

118 076

Actif circulant

Dont comptes de régularisation

130 819

21 471

198 127

83 525

TOTAL ACTIF

652 710

718 447

TOTAL PASSIF

652 709

718 447

Opérations cantonnées (aides Industrie)

615 382

677 038

Opérations cantonnées (aides Industrie)

615 382

677 038

TOTAL GÉNÉRAL

1 268 092

1 395 485

TOTAL GÉNÉRAL

1 268 092

1 395 485

Source : OSEO ANVAR, réunion du conseil d'administration du 7 octobre 2005

La société anonyme s'est également trouvée en difficulté lorsqu'elle a dû faire certifier son compte de l'exercice 2005 (1 er janvier - 31 décembre), au printemps 2006. Les réserves projetées par les commissaires aux comptes et le report de l'arrêté des comptes par les administrateurs de tutelle ont amené la SA à procéder à un effort supplémentaire, considérable, de régularisation comptable pour obtenir cette certification. Les commissaires aux comptes ont toutefois émis des réserves.

Un tel constat montre que les défaillances des comptes de l'EPIC ANVAR ne sont pas seulement un problème de respect des dispositions de la comptabilité publique : c'est le système comptable même de l'agence, dans ses fondamentaux, qui est en cause.

1) Dans son rapport particulier de 2005, la Cour avait jugé que les comptes 2001 à 2003 étaient irréguliers, non sincères et ne donnaient pas une image fidèle de l'établissement. La remise en ordre de ces défaillances graves a été très insatisfaisante. Elle n'a pas débuté dans la dernière année du statut d'établissement public. Un certain nombre de causes d'erreurs comptables est resté et a contribué à alourdir l'héritage d'erreurs antérieures à 2004.

Le conseil d'administration, qui aurait pu refuser d'approuver des états financiers qui paraissaient déjà anormaux, a validé sans réelles difficultés les comptes 2003 et 2004.

Les comptables publics en fonction à partir de juillet 2004 ont perçu les erreurs existantes mais n'ont pas pu y remédier, soit en raison de la brièveté de leur mandat soit, pour le dernier d'entre eux, parce que la correction des errements découverts dépassait les capacités du service.

Les erreurs des comptes financiers, malgré les travaux de la cellule de régularisation ( CRER), n'ont pas été redressées. Le manque de conviction de la direction générale de la comptabilité publique et d'OSEO ANVAR pour redresser la situation d'un EPIC auquel il avait été mis fin, en est une des raisons. De fait, la situation traduit l'acceptation de l'administration qu'un établissement public ne rende pas de compte.

2) Le contexte de 2004 et du premier semestre 2005 a conforté ces renoncements.

En 2004 se sont succédé quatre agents comptables ; sont intervenus un changement de président-directeur général, une réorientation de l'agence et son rapprochement avec la BDPME, le déversement de six mille dossiers d'aides du ministère de l'industrie, suivi du retour de la plus grande partie vers le ministère en fin d'année.

En 2005, le changement de statut qui aurait dû intervenir au 1er janvier a été effectué le 9 juillet, créant entre-temps une situation d'attente et de démobilisation. La production ultérieure du compte financier a connu des conditions difficiles du fait de la superposition des exigences de la société anonyme naissante aux nécessités du statut antérieur.

3) La Cour a constaté d'une part que le compte financier 2004 de l'EPIC ANVAR n'était pas en état d'examen et l'a renvoyé au comptable d'autre part que le compte 2005 (exercice partiel de l'EPIC) arrêté et approuvé ne lui avait pas été produit.

* 25 En 2004, l'agence comptable avait entrepris de son côté une mise en état du compte, rendue nécessaire pour l'introduction des écritures dans l'interface reliant le logiciel comptable au système d'information Iris. L'état du compte 441-700 a donc été régularisé au cours de l'exercice 2004.

Page mise à jour le

Partager cette page