B. LES CRITIQUES SPÉCIFIQUES A CHACUN DES TROIS TYPES D'AIDES
1. Les avances remboursables
La Cour a procédé à un examen détaillé de quatre-vingt dossiers dans quatre délégations régionales (délégations de Paris et Nanterre pour l'Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Bourgogne) .
a) La définition réglementaire des critères d'attribution des avances remboursables pose des difficultés de mise en oeuvre
Le décret n° 97-682 du 31 mai 1997 relatif à l'aide à l'innovation définit les critères d'attribution des aides à l'innovation : « Les demandes d'aides sont appréciées en fonction des critères suivants : le caractère innovant du programme, le potentiel de croissance et de création d'emplois, l'intérêt économique des produits ou procédés, la qualité technique du programme, la capacité technique, industrielle, commerciale et financière du bénéficiaire » . Quoique complexes, ces critères peuvent néanmoins se résumer à l'idée que le bon usage des aides doit s'apprécier au regard de leur impact sur l'économie.
Or, la Cour a constaté que cet impact était mal connu et mal évalué a posteriori par l'EPIC ANVAR, que ce soit pour un dossier spécifique, pour une région ou pour un secteur d'activité dans son ensemble. Des critères différents de ceux prévus par le décret ont été pris en compte pour attribuer des aides, comme celui du maintien des emplois existants. En outre, l'examen de certains dossiers a montré que le principe même de l'aide au projet n'est pas toujours adapté : dans certains cas, c'est l'entreprise dans son ensemble qui est concernée et non un projet en particulier.
b) Des aides répétitives sont parfois attribuées sans examen approfondi de la situation économique de l'entreprise
L'importance des aides répétitives dans le total des aides attribuées par l'EPIC ANVAR a été évoquée supra. L'analyse des dossiers révèle que leur versement était parfois contestable. Certes, le versement d'aides successives peut s'avérer justifié pour que l'entreprise accède à un niveau économique qui lui permette ensuite de se passer des aides de l'ANVAR. Mais la Cour a constaté que, dans plusieurs cas, il y avait peu de chances que l'entreprise devienne viable économiquement sans des aides récurrentes de l'ANVAR.
La Cour estime impératif qu'il soit procédé à une analyse économique au cas par cas de la situation de l'entreprise concernée, afin d'apprécier, comme l'exige le décret du 31 mai 1997 relatif à l'aide à l'innovation, « le potentiel de croissance et de création d'emplois » des aides accordées. Si le résultat de cette analyse révèle que la série des aides accordées ne conduit pas à un chiffre d'affaires induit suffisant permettant d'autofinancer l'innovation de façon permanente, il conviendrait de ne pas la poursuivre. Cette démarche n'a pas été prise en compte par l'ANVAR.
c) Le critère d'attribution qui vise le caractère « innovant » du projet est d'une application difficile
Pour certains dossiers examinés par la Cour, le caractère innovant du projet est peu démontré. Cela peut s'expliquer soit par le souci des délégations de remplir leurs objectifs annuels d'attribution des aides, soit par la confusion entre le caractère innovant d'un projet et l'appartenance de l'entreprise à un secteur économique supposé innovant, comme celui des nouvelles technologies.
d) La prise en compte des aspects commerciaux est insuffisante
Alors que l'analyse scientifique et technique et l'analyse financière des projets sont le plus souvent de bonne qualité, la Cour a relevé une insuffisante prise en compte des aspects commerciaux dans les dossiers présentés. Il s'agit d'ailleurs de la première des causes d'échec des projets : les produits issus des projets aidés ne trouvent pas leur place sur le marché.
e) Ce diagnostic de défaillance dans l'attribution des avances remboursables n'a pas reçu de véritable réponse
Ce diagnostic, qui concerne une des recommandations les plus fondamentales de la Cour, puisqu'il porte sur la justification principale d'une politique de soutien à l'innovation, n'a pas été évoqué dans les réponses des ministres à la Cour.
En ce qui concerne le défaut d'évaluation des aspects commerciaux, le président d'OSEO ANVAR a rappelé qu'il ne le trouvait pas totalement fondé. Il a renvoyé cette question à des « travaux menés en matière d'évaluation ».
La recommandation de la Cour de prendre en compte le potentiel de croissance et de création d'emplois dans l'attribution des aides n'a pas été suivi d'effet.