3. Les actions déléguées par des tiers (ADT)
Les actions déléguées par des tiers (ADT) ont représenté, en montant, 23,5 % des aides octroyées par l'ANVAR en 2005 contre 5,7 % en 1998, et, en nombre d'aides, 33 % en 2003 contre 16 % en 1998. Ce fort développement ne doit toutefois pas dissimuler les éléments négatifs constatés par ailleurs : la stagnation globale du montant des aides attribuées sur les crédits de l'ANVAR et le recul du nombre d'entreprises aidées à partir des ressources propres de l'agence en 2003.
En outre, la gestion des divers types d'ADT appelle plusieurs observations .
a) Les aides gérées par l'ANVAR pour le compte du ministère de la recherche
Depuis 1997, des aides au recrutement sont gérées par l'ANVAR, couvrant des emplois allant du niveau de technicien supérieur à celui de docteur : CORTECHS (conventions de recherche pour les techniciens supérieurs), DRT (diplômes de recherche technologique) et, à partir de 2000, conventions Post-Doc (post-doctorales). 1,12 M€ d'aides de ce type ont été attribuées par l'ANVAR en 2003, contre 7,62 M€ en 2001 et 4,72 M€ en 1998.
Le s dotations du concours de création d'entreprises interviennent, elles, en aval de l'aide au transfert apportée aux laboratoires et en amont de l'aide à l'innovation de l'ANVAR. Au 1 er janvier 2004, 550 entreprises ont été créées à l'issue des cinq premières éditions du concours. Il reste difficile d'évaluer l'effet d'aubaine que peut entraîner le concours, auprès de créateurs d'entreprises qui auraient, de toute façon, lancé leur projet. La formule du concours de création d'entreprises technologiques innovantes paraît justifiée, même si un meilleur suivi des lauréats et une réflexion sur l'organisation des jurys contribueraient à asseoir sa légitimité.
b) Les aides gérées par l'agence pour le compte du ministère de l'Industrie
En 2003, l'État a été décidé de transférer la gestion et l'instruction des aides ATOUT à l'EPIC ANVAR, au 1 er janvier 2004, avant une éventuelle reprise par les conseils régionaux au 1 er janvier 2005. La procédure ATOUT, aide à la diffusion technologique, prend en compte le risque lié au saut technique effectué par l'entreprise.
Mais trois processus de décision se sont entremêlés pour aboutir à un transfert chaotique et incohérent de ces aides.
Dans un premier temps, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dans une optique de « recentrage » des missions et pour pallier une gestion insuffisamment maîtrisée des remboursements, a planifié un transfert de gestion de ces aides à l'ANVAR.
En parallèle, la nouvelle phase de décentralisation a conforté l'attribution du développement économique - y compris le dispositif qui était déjà en voie d'extinction - aux conseils régionaux.
Enfin, le transfert d'ATOUT à l'ANVAR s'est inscrit dans un mouvement plus large par lequel l'État a décidé que l'ANVAR serait désormais l'organisme payeur pour l'ensemble des aides en faveur de l'innovation et de la recherche industrielle : procédure ATOUT ; RRTPG (réseau de recherche sur les technologies pétrolières et gazières) ; FCE (fonds de compétitivité des entreprises).
Dans de telles conditions, le travail de prise en compte matérielle, informatique et comptable des dossiers a constitué une tâche fort lourde et complexe pour l'EPIC ANVAR.
Le transfert de gestion des crédits du ministère de l'industrie a aussi comporté plusieurs conséquences négatives :
Il est paradoxal que l'État, qui devait assumer la fonction administrative et comptable des procédures précitées, ait fait jouer à l'ANVAR un rôle de gestionnaire, alors que la mission de l'agence est de soutenir l'innovation technologique dans son contenu et pas seulement dans ses procédures. Cette logique est porteuse de risques quant à l'identité de l'agence, à son image et, de manière plus concrète, à sa capacité financière de long terme.
La loi de finances initiale pour 2005 est revenue sur ce transfert de manière partielle, les crédits du FCE étant à nouveau entièrement de la compétence du ministère chargé de l'industrie. Cette succession d'arbitrages en sens contraire révèle une faible cohérence dans les choix d'organisation du soutien à la recherche industrielle.
Cette succession de décisions contraires a eu pour conséquences des redéploiements internes à l'ANVAR, qui seront partiellement remis en cause, ainsi que le développement de moyens informatiques dont le coût est proche de 500 000 € et qui ne seront finalement utilisés que pour les crédits du RRTPG et pour l'extinction des crédits ATOUT.
Enfin, les recouvrements par l'ANVAR, qui ont débuté tardivement en 2004, puis ont été ralentis en prévision de cette nouvelle configuration, se sont avérés inférieurs aux attentes (35 M€ au lieu des 50 M€ prévus). L'absence de cohérence et de continuité dans la décision publique a manifestement nui au bon usage des fonds publics.
a) Les aides gérées par l'ANVAR pour le compte des collectivités territoriales
Les conventions, avenants et délibérations régissant en 2003 les relations entre l'EPIC ANVAR et les conseils régionaux permettaient l'attribution d'un maximum de 11,7 M€ d'aides. Trois régions n'ont pas signé d'accord avec l'ANVAR : Île-de-France, Picardie et Basse-Normandie. Le contenu des conventions est très variable, mais elles sont avant tout complémentaires des aides mises en place par l'ANVAR sur ses crédits propres.
Les conventions, avenants et délibérations régissant en 2003 la relation entre l'ANVAR et les conseils généraux permettaient l'attribution d'un maximum de 1,8 M€ d'aides. En proportion du nombre de conseils généraux, le développement des relations avec l'ANVAR reste circonscrit. Sur les dix-sept départements qui ont conclu une convention avec l'ANVAR à la mi-2004, huit ou neuf sont situés dans deux régions (Bourgogne et PACA).
La diversité des dispositifs en place avec les régions ne se retrouve que partiellement au niveau des départements. Ceux-ci agissent essentiellement en abondement des aides de l'ANVAR ou en surabondement d'abondements régionaux, en général sur des projets d'innovation classiques.
b) Les fonds communautaires
Les fonds structurels européens sont délégués aux préfectures de région. 18 conventions ont été signées entre celles-ci et l'ANVAR pour mettre en place la nouvelle génération de fonds FEDER, depuis 2001. Les fonds FEDER gérés par l'ANVAR sont utilisés pour financer des projets innovants d'entreprises situées dans les zones éligibles. Par ce biais, 23,5 M€ d'aides ont été attribuées en 2003, contre 2 M€ en 1998. Mais ces financements ont vocation à s'amenuiser au fur et à mesure de la réorientation des fonds structurels et régionaux vers d'autres territoires européens.
L'utilisation des fonds européens est très difficile concrètement : signature tardive des conventions ; règle du « n+2 » qui prévoit un dégagement d'office du financement européen si aucune demande de paiement n'est formulée ou recevable dans les deux ans de l'engagement ; archivage des justificatifs pendant huit ans ; caractère limité de la souplesse apportée par la possibilité de « décofinancement » ; avance de trésorerie par l'ANVAR.
c) Avantages et risques pour l'ANVAR de la gestion des aides déléguées par des tiers
- Des apports positifs au métier de base de l'ANVAR.
L'ancien président de l'EPIC estime dans sa réponse de juillet 2006 que les aides déléguées par des tiers (ADT) sont au coeur de la mission de l'ANVAR, dont le but est de mobiliser le maximum de ressources en faveur de l'innovation. Il estime que les ADT pouvaient répondre à l'objectif de représenter le tiers des aides de l'ANVAR. Il est vrai que le développement des ADT apporte une grande souplesse dans l'attribution des aides par l'ANVAR, qui peut recourir de manière quasiment indifférenciée à des sources de financement variées, en fonction d'impératifs structurels ou conjoncturels ou en fonction des caractéristiques du projet.
Sans effet négatif sur l'abonnement, les ADT constituent un complément de ressources utile pour l'ANVAR, qui en a une utilisation économique en effectuant un travail d'instruction identique à celui mis en oeuvre pour l'aide à l'innovation traditionnelle. Ainsi confortée dans sa position prééminente par la gestion des dispositifs les plus importants en matière de soutien à l'innovation, l'ANVAR dispose de ressources qui complètent son action en amont et en aval dans le déroulement des projets et contribuent à compenser la diminution des dotations de l'État et à lisser son activité dans l'année.
- La gestion juridique, administrative et financière interne des ADT par l'EPIC ANVAR n'a pas été rigoureuse.
L'EPIC ANVAR n'a créé aucun outil de gestion commun aux ADT . Les opérations de reprise comptable en 2001 ont montré que la reconstitution et l'affectation des flux de trésorerie liés à certaines conventions étaient plus que malaisées. Une incertitude a longtemps pesé sur l'habilitation des signataires des conventions ADT. Les sous-budgets retraçant les différents dispositifs d'ADT, même s'ils ne sont plus utilisés, n'étaient pas soldés. La Cour avait, lors d'un précédent contrôle, souhaité que, pour les futures conventions relatives à la gestion des ADT, une clause définisse expressément les conditions de reversement des soldes (lorsque les partenaires décident de mettre fin à l'opération ou au dispositif en cause), ainsi que les modalités pratiques du reversement ou la conservation du reliquat par l'ANVAR. Celle-ci n'a pas suivi cette recommandation de manière systématique, la situation s'améliorant surtout avec les collectivités territoriales.
L'ANVAR n' a pas de vue d'ensemble des aides reçues par ailleurs par l'entreprise aidée. Même si elle n'a pas compétence pour consolider les données relatives aux seuils permettant l'attribution d'aides publiques, l'ANVAR pourrait demander aux entreprises une déclaration exhaustive des autres aides reçues et l'engagement de respecter la réglementation communautaire.
La Cour souligne que des mesures de redressement s'imposent : développement d'un mode de gestion exhaustif et cohérent au niveau national, et notamment d'un outil de gestion interne pour améliorer un suivi administratif insuffisant ; résorption des difficultés de trésorerie liées aux ADT gérées pour le compte de État, qui incombe aux tutelles ; mise en place d'un encadrement juridique rigoureux et plus homogène, notamment pour les modalités d'extinction des dispositifs.
(1) - Le problème de la « rémunération » de l'ANVAR pour la gestion des ADT
La « rémunération » perçue par l'EPIC ANVAR pour sa gestion des ADT était extrêmement variable d'un dispositif à l'autre, d'un tiers à l'autre. En outre, les frais de gestion perçus par l'ANVAR l'étaient souvent avec retard et avec de nombreuses difficultés administratives et comptables, en raison du manque de traçabilité desdits frais au sein de l'agence comme chez les tiers.
La « rémunération » de l'EPIC ANVAR est clairement insuffisante. Le taux moyen d'environ 3,5 % est presque certainement inférieur aux coûts réels supportés par l'agence. L'évaluation faite par les délégations régionales se situe entre 8 et 12 %, la gestion des fonds européens constituant un facteur important de charges. Le taux de 3,5 % constituait un « prix d'appel », dans un contexte de priorité forte au développement quantitatif des ADT, des pourcentages a minima ont été retenus. Ce taux a été maintenu, alors que les tiers ont progressivement ajouté des actions et des procédures différentes.
Une mesure précise des coûts de gestion de ces aides par OSEO ANVAR et de leur ventilation est désormais indispensable pour fonder, puis parvenir à augmenter, ces frais de gestion. Cette mesure est d'autant plus nécessaire que le passage au statut de société anonyme impose des conditions au maintien d'une dotation de fonctionnement de l'État par l'Union européenne : il faut que cette dotation soit établie de manière objective et transparente, sur la base de la réalité des missions de l'ANVAR et des coûts supportés, dont elle sera la contrepartie. En aval, si l'agence se trouve dans la situation de soumissionner à des délégations de service public, voire à des marchés publics de prestations ou de services, elle devra être en mesure de justifier le fait que les dotations reçues de l'État ou de collectivités territoriales servent effectivement à couvrir des coûts précisément mesurés, afin de ne pas être en situation de rompre l'égalité entre candidats.
La Cour considère que le foisonnement des ADT exige une rationalisation et une augmentation des frais de gestion perçus par OSEO ANVAR, aujourd'hui hétérogènes, difficiles à suivre et faibles. Elle ne pourra pas faire l'économie, à cet effet, d'un outil analytique de mesure précise des temps et des coûts réels de gestion des ADT et devra amplifier les travaux entrepris qui risquent de se révéler trop partiels (sur la base de moyennes d'approximations régionales, un dossier ADT reviendrait à 9 661 € hors frais de siège, soit 5,4 % pour une aide moyenne d'environ 180 000 €).