b) Le cas particulier de la santé maternelle et infantile

Les rencontres organisées avec les experts en santé du Gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, tout comme la visite de l'hôpital de Salta, témoignent de la préoccupation prioritaire des autorités publiques argentines pour l'amélioration de la santé maternelle et infantile. Deux raisons principales justifient cet état de fait.

La première tient à la persistance d'un taux de mortalité materno-infantile élevé . En 2000, l'espérance de vie des Argentins était de soixante-quatorze ans (soixante-dix-neuf ans en France, la même année), donc supérieure à celle de la plupart des pays d'Amérique latine et comparable à celle des grands pays industrialisés. Or, on constate aussi le maintien d'une mortalité maternelle et infantile élevée. En effet, si le taux de mortalité infantile 3 ( * ) s'est réduit de moitié au cours des vingt dernières années, passant de 33,2 décès pour 1 000 naissances en 1980 à 16,6 pour 1 000 en 2000, il est ensuite remonté en 2002 pour atteindre 16,8 décès (ce taux est de 4,1 pour 1 000 en France). Ce niveau demeure supérieur à celui d'autres pays de la région comme le Chili ou l'Uruguay et la majorité des décès seraient évitables avec le développement d'actions de prévention et de soins.

Cette mortalité infantile s'accompagne d'un taux de mortalité maternelle qui, bien que réduit dans des proportions importantes au cours des vingt dernières années, passant de 7 décès pour 10 000 en 1980 à 4,3 en 2001 (mais 3,8 pour 1 000 en 1998), demeure élevé.

Il existe une grande hétérogénéité entre les différentes provinces argentines et en leur sein. Les taux les plus élevés sont enregistrés dans les provinces les plus rurales et dans les zones urbaines les plus défavorisées.

Le développement d'une politique de prévention plus active doit permettre de réduire de façon significative les décès maternels et infantiles. Le ministère de la santé publique estime qu'un tiers des décès à la naissance sont évitables en développant un meilleur suivi des grossesses. De la même manière, 40 % des 4 000 décès de nourrissons pourraient être évités avec le développement d'une meilleure prise en charge de la mère et de l'enfant.

En Argentine, un tiers des décès de femmes enceintes est dû aux avortements clandestins pour les suites desquels plus de mille hospitalisations sont enregistrées chaque année. Dans un quart des situations, il s'agit d'adolescentes âgées de dix ans à dix-neuf ans. Si le recours à l'avortement est interdit, sauf dans des cas très spécifiques (mise en danger de la vie de la mère, viols de personnes handicapées), l'accès aux moyens de contraception est généralement assez difficile pour les couches les plus démunies de la population dénuées de moyens financiers.

Pourtant, au cours des dix dernières années, la moitié des provinces ont adopté des législations visant à favoriser la promotion de l'éducation sexuelle et l'information relative à l'emploi des contraceptifs. Les services publics hospitaliers ont été chargés de cette mission, mais la législation ne suffit pas à garantir l'accès à ces dispositifs.

Le Gouvernement fédéral a fait adopter, en 2002, une loi sur l'éducation sexuelle et la procréation responsable qui a prévu la mise en oeuvre d'un programme national spécifique ( Programa Nacional de Salud Sexual y Reproductiva ) dont les objectifs visent à :

- réduire la morbidité et la mortalité maternelle et infantile ;

- prévenir les grossesses non désirées ;

- promouvoir l'éducation sexuelle auprès des adolescentes ;

- prévenir les maladies sexuellement transmissibles ;

- respecter le droit des femmes à décider de leur sexualité.

La deuxième tient au niveau de couverture médiocre de ces populations par le système d'assurance maladie, notamment 74 % des enfants argentins vivent en dessous du seuil de pauvreté.


Le comedor Casa de Nazareth :
un exemple de lutte contre l'exclusion pris en charge par des acteurs privés

Les différents plans de lutte contre l'exclusion mis en place par le Gouvernement argentin ne permettent pas aux parties les plus démunies de la population argentine d'assurer leur subsistance.

Cette population, composée en grande partie d'enfants, bénéficie néanmoins de prises en charge complémentaires assurées par divers opérateurs privés. C'est le cas dans le domaine de la santé avec l'intervention d'organisations, telles que l'ONG française Médecins du monde, ou dans le domaine de l'alimentation.

Lors de son déplacement à Salta (nord-ouest du pays), les membres de la délégation ont pu visiter le comedor casa de Nazareth, une structure qui assure la garde et la restauration des enfants d'un bidonville proche.

Créé en 1986, le comedor s'est fixé comme mission de réduire la situation de précarité dans laquelle vivaient les enfants du quartier. Géré par le prêtre de la paroisse assisté de quelques religieuses, cette structure sert 450 repas par jour aux enfants du quartier.

Elle assure également la garderie d'environ 180 d'entre eux âgés entre quarante-cinq jours et cinq ans avec une amplitude horaire comprise entre 07 heures 45 et 18 heures 30.

Ce comedor, dont il existe les équivalents dans d'autres villes argentines, est financé par des dotations versées par les autorités publiques et des donations de personnes privées ou d'ONG.

Ses besoins financiers sont importants autant pour assurer la pérennité du comedor que pour augmenter ses capacités d'accueil qui ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins de la population voisine.

Le ministère de la santé a constaté, entre 2000 et 2002, une détérioration du suivi de la population maternelle et infantile, qu'il s'agisse du suivi des grossesses ou du suivi des nouveau-nés.

Les niveaux de couverture ne sont pas homogènes ni par sexe ni par âge. En 2001, la population infantile et juvénile enregistrait les plus bas taux de couverture, 41 % des enfants entre zéro et quatre ans et 47 % des enfants entre cinq ans et dix-neuf ans ne bénéficiaient d'aucune couverture santé.

Le Gouvernement a donc prévu le recrutement de personnels actifs sur le terrain, le renforcement des services de prévention, de diagnostic et de prise en charge des maladies sexuellement transmissibles et l'approvisionnement des services publics de santé en produits contraceptifs. La loi dispose également que ces produits doivent figurer au sein du panier de biens et services pris en charge par les organismes de sécurité sociale.

Le service public de santé a développé un secours maternel et infantile ( Seguro materno infantil - SMI) afin de porter secours aux populations les plus fragiles ; son objet est de réduire les inégalités entre les régions, de disposer d'informations précises sur l'état de santé de la population maternelle et infantile et d'optimiser les actions menées dans ce domaine.

* 3 Le taux de mortalité infantile est le rapport entre le nombre d'enfants décédés à moins d'un an et l'ensemble des enfants nés vivants.

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