4. Des territoires plus ou moins compris

Le fait de travailler en France permet ainsi aux dirigeants en question de mieux comprendre le pays, notamment en termes de culture économique et sociale, et dès lors de mieux comprendre comment en exploiter les atouts et en compenser les handicaps.

En effet, lorsqu'il est perçu de loin, notre pays ne bénéficie pas d'une image aussi favorable auprès des décideurs économiques que lorsqu'ils le connaissent mieux . Sur ce point, la France semble être dans une position inverse à celle d'autres pays, comme la Chine, souvent perçue comme un eldorado, en particulier pour les PME qui sous-estiment très généralement les difficultés d'accès à ce marché 112 ( * ) .

Dans le cas de la France, le biais d'image est en revanche négatif, près des deux tiers des décideurs interrogés en 2005 étant convaincus de l'impossibilité de mener un projet en France ou doutant de sa faisabilité 113 ( * ) .

Ceci explique que l'excellente position obtenue malgré tout par notre pays en matière d'accueil des projets étrangers (2 ème en Europe à quasi égalité avec le Royaume-Uni, et très loin devant l'Allemagne 114 ( * ) ) tient davantage que pour ses partenaires, au développement d'implantations déjà existantes 115 ( * ) et non à des implantations nouvelles.

La France est donc un pays qui fidélise les entreprises étrangères qui y sont déjà présentes . Mais, à l'inverse, elle a tendance à inquiéter ceux qui connaissent mal le pays 116 ( * ) .

De loin, la France est perçue au travers de ses discours ou de ses positions proclamées de méfiance vis-à-vis de l'économie de marché et de la mondialisation, et ce alors même que dans les faits, il s'agit d'un des pays les plus ouverts au monde .

Elle est aussi assimilée à ses conflits sociaux retransmis par les grands médias internationaux, dans la mesure où il s'agit essentiellement en France de grèves nationales du secteur public mettant en cause les pouvoirs publics. De tels évènements sont bien sûr plus spectaculaires que des mouvements sociaux locaux ou concernant une entreprise privée, et ils occultent le fait que la France se situe traditionnellement dans la moyenne basse des pays européens en termes de jours de grève, loin derrière les pays scandinaves 117 ( * ) .

Ce paradoxe a été confirmé par le directeur général d'Aker Yards France (ex Chantiers de l'Atlantique) faisant part de l'étonnement des repreneurs de l'entreprise quant au fait que celle-ci n'était pas en grève, et ce alors qu'ils étaient eux-mêmes originaires de ces pays champions d'Europe des conflits sociaux que sont la Norvège et la Finlande. Les mêmes visiteurs, pourtant spécialistes de la construction navale, disaient aussi avoir découvert dans les équipes de Saint-Nazaire, un niveau élevé en matière de recherche et de créativité qu'ils ne soupçonnaient pas.

Ainsi, mieux défendus, mieux connus et mieux compris, les territoires qui accueillent des centres de décisions peuvent, toutes choses égales par ailleurs, être avantagés sur différents plans.

A l'inverse, la dépendance vis-à-vis de centres de décision extérieurs peut être synonyme d'une véritable perte de substance, c'est-à-dire de la disparition de potentiels de développement.

* 112 Ce point de vue a d'ailleurs été confirmé par M. Franck Riboud dont le groupe réalise 10 % de son activité en Chine.

* 113 D'après le baromètre de l'attractivité du territoire 2006 réalisé par le Cabinet Ernst & Young, 27 % des décideurs se disaient convaincus de l'impossibilité de tels projets et 36 % doutaient de leur faisabilité dans ce pays.

* 114 Le même baromètre de l'innovation indique qu'en 2005, le Royaume-Uni et la France ont accueilli respectivement 18,2 % et 17,5 % de ces investissements contre seulement 5,9 % pour l'Allemagne ou la Pologne.

* 115 38 % des projets en France en 2006 contre 28 % au Royaume-Uni, 32 % en Allemagne et 26 % en Pologne.

* 116 Toujours selon le baromètre, la France détient le triste record du pays européen selon lequel les investisseurs (35 %) estiment que l'attractivité devrait se détériorer.

* 117 Le nombre de journées individuelles non travaillées (grèves) pour 1.000 salariés était de 37 par an en France en moyenne entre 1998 et 2004 contre 218 au Danemark, 188 en Espagne, 93 en Italie ou 80 en Norvège.

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