2. Quels sont les besoins en effectifs ?

Dans son volet « justification au premier euro », le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2007 détaille avec précision le coût prévisible des vignettes visas, dont le prix de vente est de 0,71 euro TTC pour un volume attendu de 2,25 millions d'unités, soit un montant de crédits nécessaire de 1.600.000 euros. A l'inverse, contrairement à l'esprit et à la lettre de la LOLF, le ministère des affaires étrangères n'a pas été en mesure en 2006 et en 2007 de justifier les besoins en effectifs de ses services des visas.

Le ministère des affaires étrangères estime pourtant les besoins en personnel supplémentaires liés à la biométrie à 100 emplois de titulaires au minimum dont 25 % de B et 75 % de C.

Il s'appuie, d'une part, sur le rapport d'information n  1803 sur les moyens des services des visas, déposé à l'Assemblée nationale le 8 septembre 1999 par notre ancien collègue député Yves Tavernier, qui qualifiait le service des visas du « plus pauvre des parents pauvres ». Le personnel du service des visas, et notamment le taux d'encadrement était jugé insuffisant en nombre, spécialement pour les agents de catégorie B. Le recours à des agents non titulaires tendant à croître, des problèmes de précarité et de sécurité risquaient de se poser.

Il rappelle d'autre part que le rapport sur l'accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration de la Cour des comptes de novembre 2004 évoquait que les ratios théoriques agent / nombre de visas traités n'étaient pas respectés, que l'effectif global présentait un déficit global de 114 emplois. Ce chiffre ne prend pas en compte le passage aux 35 heures à effectif constant, qui se serait traduit par une baisse de 9 % de la capacité de traitement du réseau. La Cour des comptes indiquait que cette situation était préoccupante et pouvait compromettre durablement le niveau qualitatif du traitement.

Pour étayer sa demande de 100 postes supplémentaires, le Quai d'Orsay se fonde sur des ratios de productivité par agent et par an, qu'il décline selon les zones géographiques, en fonction du risque migratoire et de la difficulté des dossiers. Cette base de travail n'est pas contestable.

Le nombre de visas délivrés est inversement proportionnel au temps apporté à l'étude des demandes : un agent procédant à une étude approfondie et sérieuse des dossiers délivrera, par la force des choses, moins de visas.

Néanmoins, votre rapporteur spécial a pu vérifier que le ministère des affaires étrangères ne connaissait pas avec une précision suffisante les effectifs, en ETPT, de ses consulats consacrés à l'activité « visas » : ce ministère n'a pas été en mesure de fournir ces chiffres pour les 200 services des visas existants de par le monde. Contrairement au principe posé par la LOLF, le ministère des affaires étrangères, s'agissant en particulier des effectifs des visas, définit son plafond d'emploi en faisant varier à la marge les effectifs de l'année précédente, restant ainsi dans la logique des services votés de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Les éléments proposés au Parlement ne procèdent donc pas d'une justification au premier euro, ou, en l'occurrence, au premier emploi.

Le ministère des affaires étrangères a néanmoins effectué le recensement des effectifs, en ETPT, des 30 services des visas traitant le plus grande nombre de dossiers, à la demande de votre rapporteur spécial. Sans surprise, les ratios de productivité des services des visas sont très différents. Ils diffèrent selon la difficulté des dossiers traités. Néanmoins, malgré une pondération en fonction de la difficulté de la demande, certains consulats sont plus richement dotés que d'autres.

Effectifs et ratios de productivité (nombre dossiers traités par agent) pour les 30 services consulaires traitant le plus grand nombre de demandes

Demandes de visas 2006

Pays

Poste

Total ETP 2006

Ratio par poste

Ratio moyen

> 200 000

RUSSIE

MOSCOU

50,00

5.180

5.180

100 000 à 200 000

ALGERIE

ALGER

55,00

2.897

3.995

CHINE

PEKIN

22,50

4.558

TURQUIE

ISTANBUL

14,50

7.316

50 000 à 100 000

TUNISIE

TUNIS

27,50

3.064

3.320

ROYAUME-UNI

LONDRES

27,00

2.937

ALGERIE

ANNABA

27,00

1.970

MAROC

CASABLANCA

20,00

3.683

TAIWAN

TAIPEI

7,00

10.104

35 000 à 50 000

MAROC

RABAT

14,00

2.394

3.555

SUISSE

GENEVE

13,00

3.355

LIBAN

BEYROUTH

12,50

2.890

CHINE

SHANGHAI

11,00

3.471

UKRAINE

KIEV

10,00

4.280

INDE

BOMBAY

6,50

6.508

20 000 à 35 000

MAROC

FES

14,00

1.955

3.295

SENEGAL

DAKAR

11,50

2.453

CHINE

CANTON

10,50

2.712

NIGERIA

LAGOS

10,00

2.330

EGYPTE

LE CAIRE

9,00

3.405

IRAN

TEHERAN

8,50

2.732

SERBIE

BELGRADE

8,00

2.854

THAILANDE

BANGKOK

7,50

3.960

COTE D'IVOIRE

ABIDJAN

7,50

2.683

AFRIQUE DU SUD

JOHANNESBURG

7,00

4.396

INDE

NEW DELHI

6,50

4.958

RUSSIE

SAINT-PETERSBOURG

6,00

5.775

MAROC

TANGER

6,00

3.337

ARABIE SAOUDITE

DJEDDAH

4,50

5.106

KOWEIT

KOWEIT

3,50

6.060

Source : ministère des affaires étrangères/commission des finances du Sénat

Le ministère des affaires étrangères a établi des ratios de productivité théoriques de référence, afin de déterminer le besoin en effectifs des postes. Ces ratios de productivité varient entre 2.500 dossiers par an et par agent et 4.500 dossiers par an et par agent. Ces ratios ont été abaissés entre 2005 et 2006. Les services des visas sont répartis en cinq groupes.

Répartition des services des visas selon les ratios de productivité attendus

2.500 dossiers par agent et par an

32 postes

3.000 dossiers par agent et par an

38 postes

3.500 dossiers par agent et par an

27 postes

4.000 dossiers par agent et par an

8 postes

4.500 dossiers par agent et par an

82 postes

Source : ministère des affaires étrangères

Ces ratios sont d'une portée limitée : ils constituent une référence purement conventionnelle pour les consulats, ne reposant par sur une analyse précise de leur activité. Les petits consulats traitent ainsi un nombre de dossiers bien inférieur au ratio de productivité minimum de 2.500 dossiers par agent et par an . En posant a priori un ratio de productivité pour chaque poste, l'administration centrale empêche de plus une évolution de la productivité des postes fondée sur des réorganisations de services et l'externalisation . Enfin, même en faisant référence à ces ratios de productivité artificiels, certains consulats paraissent plutôt surdotés en emplois : près d'un tiers des 30 premiers services de visas traitent moins de dossiers que prévu par leur ratio de productivité, témoignant, le cas échéant de sureffectifs pouvant être déployés dans d'autres postes. Il s'agit de : Annaba, Belgrade, Beyrouth, Canton, Fès, Genève, Lagos, Rabat et Téhéran.

Du point de vue de votre rapporteur spécial, dans une perspective de justification au premier euro, ou au premier emploi, des besoins en effectifs, il paraîtrait plus judicieux de partir d'un calcul du temps moyen passé par dossier, dans chaque consulat, comme l'a fait le consulat général de Yaoundé.

Durée moyenne de traitement d'une demande selon le consulat général de France à Yaoundé

(en minutes)

Action

Durée minimale

Durée maximale

% de dossiers

Moyenne

Accueil du demandeur

Contrôle quantitatif des pièces du dossier

2

3

100

2,5

Saisie des données personnelles sur RMV2

2

3

100

2,5

Perception des droits et remise de la quittance

1

1

100

1,0

Saisie des données biométriques

1

4

100

2,5

Entretien avec le demandeur

2

8

100

5,0

Etude du dossier

Contrôle approfondi des pièces jointes

5

90

65

30,88

Edition, apposition et signature de la vignette

2

3

68

1,7

Classement du dossier

2

3

100

2,5

Motivation/traitement des recours, retraitement

5

10

15

1,13

Durée moyenne de l'instruction complète d'une demande

49,7

Source : consulat général de France à Yaoundé

L'exemple ci-dessus a de plus le mérite de montrer le gain pouvant être attendu d'une externalisation généralisée de l'accueil du demandeur, qui peut susciter une économie de 8 minutes et demie sur 80 minutes de temps moyen de traitement.

Ne pouvant réaliser de tels calculs pour chaque consulat, votre rapporteur spécial s'est fondé pour déterminer le besoin en effectifs des services des visas sur la productivité des services des visas britanniques, qui sont établis uniquement en tenant compte des agents titulaires du Royaume-Uni en poste à l'étranger : ce choix est parfaitement cohérent car ce sont les seuls, comme les agents titulaires français, qui prennent au final la décision en matière de visas. Selon un rapport du national audit office (NAO) de juin 2004, le ratio de productivité de ces agents est élevé : 8.000 dossiers par an et par agent, car il tient compte du mouvement d'externalisation lancé par UK Visas.

Sur cette base, il manquerait 50 emplois d'agents titulaires au sein des services des visas français.

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