D. M. CHRISTIAN COINTAT, SÉNATEUR, RAPPORTEUR DE L'OUTRE-MER À LA COMMISSION DES LOIS DU SÉNAT

En l'absence de M. François Baroin, M. Christian Cointat, sénateur représentant les Français établis hors de France, prononce l'allocution du Ministre.

Monseigneur,

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames, Messieurs,

Comme on vient de le rappeler, c'est François Baroin qui s'exprime par ma voix. Je suis également rapporteur de l'Outre-mer à la commission des lois du Sénat, et c'est à ce titre qu'il m'a chargé d'être son porte-parole. C'est un très grand honneur et un très grand plaisir pour moi. Par ma voix, il s'adresse donc directement à vous.

« Je tiens d'abord à vous exprimer le plaisir qui aurait été le mien de me trouver parmi vous aujourd'hui pour ouvrir l'année polaire internationale. Cette année est particulière, puisque 2007 marque le centenaire de la naissance de Paul-Emile Victor.

Je souhaite en profiter pour souligner l'action de l'Institut Paul-Emile Victor et de son directeur, M. Gérard Jugie qui, grâce à son remarquable travail, perpétue la tradition française d'excellence et d'innovation pour la recherche dans les régions polaires. Je salue la présence de Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II de Monaco, qui a notamment accompli l'exploit d'être le premier chef d'Etat en exercice à avoir atteint le pôle Nord et qui, grâce à la Fondation Albert II de Monaco, contribue à sensibiliser l'opinion internationale sur les enjeux environnementaux, cruciaux pour les régions polaires. J'adresse également au sénateur Christian Gaudin tous mes remerciements pour ses travaux au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire.

La présence française dans les régions australes et polaires date des grandes expéditions scientifiques menées depuis le 18 e siècle, celles de Marion-Dufresne, de Charcot et de Dumont d'Urville. Lorsque Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec découvre l'archipel qui porte aujourd'hui son nom, celui-ci sera longtemps appelé îles de la Désolation. Jusqu'au début du siècle dernier, l'occupation de ces îles a été marquée par le massacre de leur faune terrestre et aquatique.

A l'heure actuelle, Kerguelen et l'ensemble des terres australes et antarctiques sous administration de la France représentent un formidable potentiel de recherche. Il nous appartient de veiller tout particulièrement à leur protection. Cette approche du territoire, conforme à la philosophie des explorateurs, des pionniers et des explorateurs qui marquèrent ces terres de leur nom, est celle que porte la France.

Je souhaiterais saluer ici à la fois la compétence et le talent pédagogique de Jean-Louis Etienne et de Nicolas Hulot, qui s'inscrivent dans cette prestigieuse lignée. Si la présence de la France aujourd'hui dans les terres australes antarctiques est l'héritage d'une histoire, elle donne également à notre pays la responsabilité d'assurer le développement raisonné de certaines activités économiques, ainsi que les conditions de la recherche scientifique dans ces régions, et de préserver ces écosystèmes uniques.

La souveraineté française dans ces territoires garantit l'exercice de ces deux missions. Cette souveraineté, c'est le maintien du droit au sein de cet espace, c'est la mise en place de moyens de transport et d'infrastructures pour rendre ces terres habitables, c'est enfin le volet des relations internationales. Il appartient au ministère de l'Outre-mer d'assurer le respect des engagements internationaux et de permettre aux chercheurs de tous les pays de poursuivre leurs travaux dans les meilleures conditions possibles. Pour cela, il est indispensable que le ministère de l'Outre-mer, en raison avec l'ensemble des départements ministériels et des organismes publics, veille au respect de notre souveraineté et assure notre présence dans cette zone.

A cet effet, la France dispose d'une administration spécifique dont vous connaissez tous le sigle : les TAAF, Terres australes et antarctiques françaises. Un préfet, administrateur supérieur, dirige les services de l'Etat, assure le maintien de l'ordre public, veille sur les intérêts généraux de ces territoires. Cette administration un peu particulière est amenée à évoluer : la loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relative à l'outre-mer, récemment votée par le Parlement et promulguée par le Président de la République, modernise la loi de 1955 sur le statut des TAAF. Dans cette perspective, j'ai engagé une mission de réflexion sur les Terres australes et antarctiques françaises et sur les moyens qui leur sont donnés, en concertation avec les ministères et les différents organismes qui interviennent dans ces territoires.

Les relations entre les TAAF et l'Institut Paul-Emile Victor sont primordiales pour la présence de la France dans les régions australes du globe. La nouvelle convention qui les lie, signée le 27 décembre dernier, établit et surtout pérennise le rôle de chacun. A l'Institut de sélectionner et d'animer les programmes de recherche scientifique, aux TAAF de contribuer à leur accompagnement logistique. L'action des deux navires emblématiques que sont l'Astrolabe et le Marion Dufresne est déterminante pour garantir la souveraineté dans les zones polaires sous protection française, le premier de ces navires assurant cinq fois par an la desserte de la station Dumont d'Urville, en terre Adélie, le second, tout à la fois paquebot, cargo, pétrolier, porte-hélicoptères et navire de recherche scientifique, veillant à l'approvisionnement des TAAF. Ils symbolisent l'importance des moyens consacrés par l'Etat à ces régions du monde.

Les mers sous responsabilité française sont des richesses naturelles à gérer de façon durable dans le cadre d'une exploitation raisonnée. A cet égard, la lutte contre la pêche illicite est une priorité de l'Etat, dans la zone sud de l'Océan indien, à laquelle participent également les armements de pêche. Un dispositif de surveillance utilisant deux satellites, Radarsat et Envisat, a été mis en oeuvre par le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de La Réunion. Ce dispositif permet une connaissance de l'activité de pêche illicite dans l'intégralité de la zone économique exclusive française, mais aussi dans les zones australiennes de Heard et de MacDonald. La marine nationale consacre chaque année, grâce au patrouilleur Albatros, 250 jours de mer à la surveillance de cette zone en compagnie de l'Osiris, qui effectue 150 jours de présence.

Le sujet de la pêche illicite montre la particularité de la présence française dans ces zones : les moyens de l'Etat sont mis à la disposition d'objectifs internationaux. C'est par un objectif partagé, mais aussi des moyens communs, que nous parviendrons à un développement durable des moyens d'exploitation et de valorisation des ressources de la mer dans ces zones particulièrement riches.

Il nous est parfois reproché, en luttant activement contre la pêche illicite dans notre zone économique exclusive, de repousser ces comportements prédateurs à la frontière de ces zones. C'est en réalité la reconnaissance de la qualité et de l'efficacité de notre action, ainsi qu'un encouragement à continuer et à étendre la coopération internationale dans ce domaine. Le renforcement des liens de coopération et de concertation entre les pays est essentiel pour assurer dans des conditions pérennes la desserte de ces terres dont l'accès est difficile. Je sais que l'Institut Paul-Emile Victor s'emploie actuellement à la recherche de partenariats internationaux susceptibles d'assurer le maintien en activité de l'Astrolabe après mars 2007 et je m'en félicite.

L'Antarctique est le seul espace terrestre véritablement international. Régi par le traité de Washington de 1959, initialement signé par douze pays mais auquel plus de 40 pays ont aujourd'hui adhéré, l'Antarctique constitue un enjeu important de la présence de la France sur la scène planétaire.

L'objectif de notre présence n'est pas de rappeler simplement des revendications territoriales, mais bien de préserver, par notre action, cet espace démilitarisé, dénucléarisé et dédié à la recherche scientifique. Mais nous ne devons pas seulement voir les TAAF comme un lieu stérilisé et sanctuarisé. La liberté d'aller et venir doit s'y appliquer avec des conditions particulières : il est important, dans ces espaces délimités et réglementés, de ne pas fermer toutes les portes au développement de certaines activités liées aux ressources de ces territoires ou à leur attractivité touristique. Il est cependant de notre responsabilité de prévoir en amont leur encadrement par les objectifs de développement durable et raisonné que nous appliquons aujourd'hui dans l'ensemble de nos politiques publiques.

La France peut être légitimement fière de posséder ces territoires, car notre pays est ainsi à la tête d'atouts géostratégiques, économiques et scientifiques indéniables.

Je voudrais conclure en partageant avec vous à la fois mon inquiétude et ma passion pour les régions australes et polaires. Ces parties du monde où les conditions de vie pour l'homme en font d'éternelles terres de missions et de pionniers abritent une nature fragile et grandiose. Cette nature, la récente réunion à Paris du GIEC nous l'a encore montré, est la plus exposée aux changements climatiques que nous connaissons aujourd'hui. Ces espaces nous rappellent qu'il est de notre responsabilité de mettre tout en oeuvre pour lutter contre la catastrophe écologique qui se produira inévitablement si les écosystèmes polaires venaient à disparaître.

La France, dans ces territoires austraux, s'est donné les moyens de préserver ces espaces uniques. Je pense notamment à la réserve naturelle des TAAF, de loin la plus grande de France avec ses 700 000 hectares, qui couvre certaines parties terrestres et maritimes des archipels de Crozet, de Saint-Paul, d'Amsterdam et de Kerguelen. Mais cette mobilisation doit être mondiale, et la France est, notamment par la voix du Président de la République, un des pays qui ont le plus contribué à mettre ces problématiques sur le devant de la scène.

Les années à venir seront déterminantes pour la lutte contre le réchauffement climatique. La recherche scientifique devra donc porter une attention particulière aux pôles. C'est en effet dans ces régions, qui connaissent les plus importants bouleversements climatiques, que l'on pourra appréhender la gravité du phénomène et y trouver les clés pour y remédier et s'y adapter.

Le rôle de l'année polaire internationale est donc primordial. Il doit participer à la sensibilisation mondiale sur ces dangers, en faisant appel à la conscience, et à la responsabilité, internationales. Il est grand temps qu'une mobilisation sans précédent puisse enfin voir le jour. Chacun d'entre nous, citoyens, scientifiques, chercheurs, responsables politiques, devra profiter de cette année polaire internationale pour accentuer nos efforts, pour alerter et convaincre ceux qui ne le sont pas encore de l'urgence de la situation.

L'année polaire internationale participera efficacement à cet élan. A l'heure de la mondialisation, cette prise de conscience et cette mobilisation civique ne peuvent évidemment pas se faire indépendamment les unes des autres. Il est de notre responsabilité, chacun dans nos domaines respectifs, de trouver une réponse citoyenne et globale. »

Voilà le message que m'a chargé de vous transmettre François Baroin.

Bruno ROUGIER

Merci beaucoup. Le moment est maintenant venu d'accueillir le Président du Sénat, Christian Poncelet, qui va officiellement annoncer l'ouverture de l'année polaire internationale.

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