DEUXIÈME PARTIE - CINQ AXES DE PROGRESSION

I. SÉCURISER L'ACCÈS À L'EMPLOI PAR LA QUALIFICATION

La capacité de chacun à développer, adapter et construire de façon permanente ses compétences, tout au long de sa vie professionnelle, est largement conditionnée par la réussite en formation initiale.

Permettre à tous d'accéder à un premier niveau de qualification doit constituer un défi prioritaire, pour notre Ecole mais également pour l'ensemble de la nation. L'échec collectif conduisant à ce que 160 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans diplôme ou qualification a un coût social et humain tel qu'il convient de dépasser tout clivage.

Il convient d'abord de sortir de la logique d'orientation par échecs successifs , qui contribue à dévaluer l'image des formations professionnelles, à démobiliser les jeunes et à les ancrer dans des trajectoires d'insertion précaires. Comme l'a souligné M. Jacques Delors lors de la table ronde organisée par la mission, « chaque jeune a en lui un trésor qu'il s'agit de faire sortir » , en acceptant de prendre en compte la diversité des talents.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de renforcer les points de contact entre le système éducatif et le monde professionnel , en vue de connecter les formations aux besoins en compétences de notre économie et de nos territoires . Ainsi que l'a souhaité M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), « nous devons repenser la formation des jeunes et des moins jeunes en fonction des débouchés qui existent. »

A. QUALIFIER TOUS LES JEUNES : PASSER DE L'INCANTATION AUX ACTES

1. Une orientation choisie, condition d'un parcours réussi

La question de l'orientation, à la fois initiale et continue, est revenue de façon récurrente au cours des auditions de la mission. Il s'agit en effet d'un enjeu central, puisqu'une bonne orientation, qui soit choisie et non pas subie, constitue, selon la formule employée par un représentant de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) lors de son audition devant la mission, le « socle d'une vie réussie ».

a) Généraliser la découverte des métiers au collège

La construction du projet personnel et professionnel de l'élève est un processus continu, qui doit se préparer le plus en amont possible, en lien étroit avec sa famille. Or, l'insuffisance de l'« éducation au choix », relevée notamment par M. Claude Thélot, explique en partie les carences de notre système actuel d'information et d'orientation initiale : « le collège ne doit pas se limiter à un lieu d'apprentissage de certaines disciplines et connaissances, mais il doit également permettre aux élèves de réfléchir davantage à leur orientation. Cependant cette éducation au choix est mal réalisée. Elle devrait aider les jeunes, et particulièrement les plus démunis, à forger, non pas un projet professionnel, prématuré à cet âge, mais un projet de formation, présentant ce que l'adolescent a envie d'apprendre et le champ dans lequel il compte s'investir durant ses années d'études. »

Aussi bien les représentants des parents d'élèves que des milieux professionnels ont ainsi souligné la nécessité de renforcer l' information sur les métiers, les différentes filières et leurs débouchés, y compris en termes de perspectives de carrière , au niveau du collège notamment, où les choix d'orientation en fin de troisième sont déterminants. Celle-ci doit être organisée en association étroite avec les parents 71 ( * ) , « coconstructeurs » du projet de leur enfant , et avec la participation des représentants des milieux professionnels.

A cette fin, le Gouvernement a mis en place, à partir de la rentrée 2005, l' option de « découverte professionnelle » , visant à apporter aux élèves de troisième une première approche concrète des métiers, une ouverture sur leur environnement économique et un contact direct avec des acteurs de la vie professionnelle. Ce dispositif, proposé dans plus de 80 % des collèges cette année, est, comme l'a reconnu M. Jean-Louis Nembrini, directeur général de l'enseignement scolaire, « certes perfectible », mais « sans précédent dans l'histoire de l'éducation nationale » : il suscite une mobilisation de l'ensemble des équipes éducatives et permet de développer des partenariats entre les établissements scolaires et le monde professionnel.

Compte tenu des retours très positifs entendus par la mission d'information, celle-ci propose de généraliser cette option de trois heures, pour le moment facultative, à l'ensemble des élèves de troisième .

La plus-value du stage de trois jours, désormais obligatoire en classe de troisième, trouverait mieux à s'inscrire dans ce cadre, alors qu'il apparaît pour le moment, dans bien des cas, insuffisamment préparé et encadré.

Il faudrait également étendre cette découverte des métiers en amont, dès la classe de cinquième, voire l'introduire, sous des formes diverses, dès l'école primaire, afin de stimuler la curiosité des jeunes enfants à l'égard de leur environnement professionnel et de pallier leur manque de connaissance concrète de la réalité et de la diversité des métiers.

Au-delà, la mission tient à souligner que l'information sur les métiers n'est pas suffisante en elle-même. Elle devrait s'accompagner d'une pratique des activités manuelles , afin de faire prendre conscience aux enfants de l'importance de l'habileté manuelle aux côtés de l'agilité intellectuelle et donc de l'égale dignité des filières ou métiers techniques. A cet égard, les quatre heures « d'atelier » que proposaient les classes pilotes, dans les années cinquante, ont apporté la preuve de leur succès. La mission regrette que ce contact direct avec la matière ait depuis perdu de son importance au sein des programmes scolaires de l'école primaire et du collège, et souhaite que la place de ces activités y soit réaffirmée.

Dans ce cadre, les milieux professionnels ont un rôle majeur à assumer. Leur implication directe, par exemple par l'organisation de journées « portes ouvertes » dans les entreprises, apparaît en effet indispensable pour renforcer l'attractivité des métiers et montrer la réalité des conditions de travail. C'est ce qu'a souligné M. Abdelaziz Bouramala, lors de la table ronde organisée sur le thème « d'une orientation subie à une orientation choisie » : « Les entreprises devraient s'efforcer d'être plus transparentes pour que le public puisse voir comment elles fonctionnent, et ne les réduise pas à des postes derrière des machines-outils. Une entreprise comprend en effet également des services, des bureaux de méthode ou des bureaux d'étude. Il faut redonner confiance aux parents pour qu'ils n'hésitent pas à orienter leurs enfants vers des contrats d'alternance, des qualifications propres à l'industrie ou les travaux publics par exemple. J'ai ainsi participé au projet « ouvre-boîte », qui invite des collégiens de troisième à passer une journée dans l'entreprise. Ils paraissent certes au début peu intéressés, mais lorsqu'ils sont convenablement pris en charge et que les différents domaines d'activité de l'entreprise leur sont expliqués, ils repartent respectueux de notre travail. »

Par ailleurs, certaines branches, comme le bâtiment, la métallurgie ou l'artisanat ont mené des campagnes d'information et de promotion des métiers ayant des besoins en personnels qualifiés. Il s'agit de changer leur image souvent désuète, et de montrer aux jeunes et aux familles les opportunités qu'ils ouvrent. Le secteur du bâtiment a accompagné ces initiatives d'un effort important pour donner des perspectives plus attractives, en termes de revalorisation des grilles salariales, de modernisation des conditions de travail ou de promotion. Les résultats sont probants puisque les filières du bâtiment sont désormais plébiscitées par les jeunes, comme la mission a pu le constater lors de son déplacement en Haute-Savoie, à la différence des métiers de l'industrie et de la mécanique, pour lesquels il reste encore de larges efforts à mener pour changer les représentations.

* 71 On relèvera en ce sens que l'entretien individuel d'orientation, en cours de généralisation, à partir de cette année, dans les classes de troisième et de première associe les parents.

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