QUATRIÈME PARTIE - CHINE

Principales données socio-économiques

Population (estimation 2005)

1,3 milliard

Espérance de vie

71,6 ans

Taux d'alphabétisation de la population

85,8 %

Indice de développement humain (ONU, 2003)

0,755

PIB / habitant (2004)

1.487 $

Taux de croissance (2004/2005)

9,9 %

Taux de chômage urbain (2005)

4,3 %

Taux d'inflation (2005)

1,8 %

Solde exportations / importations françaises (2004)

- 11,3 milliards d'euros

Communauté française (2004)

11.854

Source : ministère des affaires étrangères

La Chine n'appartenant pas à la ZSP, votre rapporteur spécial a ciblé son contrôle sur l'AFD , compte tenu des réserves qu'il avait déjà exprimées dans de précédents rapports budgétaires à propos de cette implantation, et sur les deux instruments mis en oeuvre par la mission économique de Pékin, la Réserve pays émergents ( RPE ) et le Fonds d'aide au secteur privé ( FASEP ), qui jouent un rôle au confluent de l'APD et de la promotion des exportations françaises. Il n'a donc pas examiné les actions de coopération du SCAC de l'ambassade (coopération culturelle et scientifique, bourses...).

I. LE POSITIONNEMENT DE L'AFD

A. UNE IMPLANTATION RÉCENTE ET UNE STRATÉGIE ÉVOLUTIVE

1. Un mandat qui s'est progressivement recentré sur l'efficacité énergétique et la réduction des émissions nocives

Ainsi que le précise la plaquette de présentation intitulée « L'Agence française de développement en Chine - 2007 », l'AFD a été mandatée par le gouvernement français en décembre 2003 pour développer sa coopération en Chine, pays à revenu intermédiaire situé hors de la ZSP. Le contexte et la chronique des orientations stratégiques de l'Agence témoignent de certaines hésitations sur son positionnement sectoriel :

- le CICID du 11 décembre 2002 a prévu une extension du champ d'activité de l'AFD au-delà de la ZSP 138 ( * ) , sans préciser les pays concernés, afin de mieux exploiter le potentiel d'APD sous forme de prêts ;

- une lettre conjointe des deux tutelles (DGCID et Directeur du Trésor) du 12 décembre 2003 a validé les propositions de l'Agence et autorisé le groupe AFD à intervenir dans six pays hors de la ZSP : Jordanie, Syrie, Turquie, Egypte, Chine et Thaïlande, « sur des catégories d'emprunteurs à la solvabilité avérée et dans des conditions financières peu concessionnelles ». Les trois objectifs visés étaient l'accompagnement économique des objectifs de la politique extérieure française en Méditerranée et en Asie, l'optimisation de l'effet de levier des prêts en minimisant le coût de l'APD pour l'Etat, et la diversification des risques.

S'agissant de la Chine, le mandat d'intervention a été initialement limité à la province du Yunnan , dans la sous-région du Grand Mékong, et les deux premiers projets approuvés (un axe routier dans le Yunnan 139 ( * ) puis une liaison ferroviaire entre Dali et Lijiang 140 ( * ) ), en cofinancement avec la BAD, s'intégraient dans ces orientations initiales ;

- à l'occasion de la visite du président chinois Hu Jintao en France en janvier 2004, une déclaration conjointe a réaffirmé les axes prioritaires de la coopération entre la France et la Chine : oeuvrer au renforcement du système multilatéral pour la sécurité collective, favoriser la résolution des grands problèmes mondiaux (développement durable, santé, diversité culturelle...), approfondir la relation bilatérale au coeur de l'Union européenne ;

- l'agence de Pékin a été installée en juillet 2004 , puis Proparco a ouvert une représentation début 2006. La stratégie d'intervention a été mise au point avec les autorités chinoises et un accord-cadre a été signé le 9 octobre 2004. Une mission de consultation et de cadrage a été organisée en septembre 2004, dont l'aide-mémoire a été approuvé par le ministère chinois des finances en janvier 2005.

A la suite de la mission de cadrage, il a été convenu de cibler les interventions de l'AFD sur les objectifs d'amélioration de l'efficacité énergétique et de réduction des impacts environnementaux négatifs , notamment en termes d'émission de gaz à effet de serre, déclinés sur 3 secteurs : chemins de fer et transport urbain, énergie (propre, sobre ou renouvelable) et développement urbain 141 ( * ) . Trois arguments ont été avancés pour justifier cette stratégie :

- l'AFD, en tant que bailleur de petite taille, doit concentrer son effort pour davantage d'efficacité ;

- l'AFD s'inscrit dans la stratégie de maîtrise de la consommation énergétique figurant dans le XI e plan quinquennal pour 2006-2010. La Chine est désormais le premier émetteur mondial de CO 2 142 ( * ) , notamment du fait de la croissance accélérée de sa demande en électricité et en énergie primaire, constituée de charbon à 70 %, avec des effets environnementaux négatifs au niveau planétaire, tels qu'émissions de gaz à effet de serre et pluies acides. La Chine est signataire de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et du Protocole de Kyoto, mais n'a pas présenté d'engagement de maîtrise de ses émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 ;

- cette approche se situe au confluent des intérêts chinois (l'énergie propre et sobre constitue une des deux priorités du XI e plan), français et européen (promotion du marché du carbone et des projets répondant au Mécanisme de développement propre 143 ( * ) prévu par l'article 12 du Protocole de Kyoto) pour la préservation de l'environnement et la baisse de la tension sur les marchés mondiaux de l'énergie. Il apparaît nécessaire de prouver à la Chine, dans la perspective des futures négociations sur les suites du protocole de Kyoto, que la réduction de émissions de gaz ne constitue pas forcément une entrave à son développement économique, ainsi que l'illustre l'exemple de la Corée du Sud.

Le CICID du 19 juin 2006 a conforté cette orientation en fixant le mandat de l'AFD dans les pays émergents : promotion des « biens publics mondiaux » en vue de réduire les risques globaux qui menacent la planète, et haut niveau de visibilité pour la France.

Les priorités géographiques ont été concentrées sur 6 provinces du sud-ouest et du centre (Yunnan, Guangxi, Guizhou, Sichuan, Hubei et Hunan) et à la municipalité de Chongqing. L'intervention de l'AFD inclut également une dimension de coopération régionale avec les pays limitrophes du Grand Mékong.

La filiale Proparco intervient en faveur du secteur privé, selon des conditions commerciales. Ses axes d'intervention sont l'amélioration des normes sociales et environnementales et de la gouvernance d'entreprise par la restructuration de sociétés chinoises avant leur introduction en bourse, le financement de projets d'énergie renouvelable et l'investissement « innovant » (fonds propres ou dette) dans des sociétés françaises. Un bureau de représentation a été ouvert en septembre 2006.

Votre rapporteur spécial est réservé sur le soutien aux introductions en bourse d'entreprises chinoises, qui ne se justifie guère dans un pays où la spéculation boursière prend des proportions inquiétantes (en particulier sur la place de Shanghai) et des allures de « loterie ».

Le directeur de l'agence a souligné à votre rapporteur spécial que l'AFD était en Chine un outil d'influence au service des pouvoirs publics français, dont le financement de projets est la composante de base mais non exclusive (cf. infra ), et s'était volontairement positionnée hors du financement de la réduction de la pauvreté 144 ( * ) et de l'appui à la croissance (la Chine n'en a effectivement guère besoin !).

Votre rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence de cette stratégie , qui ne contribue que de façon très indirecte à la lutte contre la pauvreté - qui perdure dans certaines régions centrales - et donne le sentiment que l'AFD en fait soit trop , au regard des montants consacrés aux pays les moins avancés, soit trop peu , compte tenu de l'ampleur du défi environnemental que pose la croissance chinoise et du champ d'intervention des opérateurs concurrents, qui ne se sont pour la plupart pas limités à l'efficacité énergétique (cf. infra ).

L'intervention de l'AFD dans les pays émergents réputés plus solvables et disposant de meilleures capacités d'absorption, et singulièrement en Chine, révèle le prisme bancaire de l'Agence , soucieuse de diversifier ses risques et d'améliorer la rentabilité de ses concours, et les ambiguïtés d'un opérateur qui se situe au confluent de la promotion des entreprises françaises et du financement du développement.

Il est vraisemblable que pour la direction générale de l'Agence, l'implantation en Chine devait aussi constituer un levier de changement et de modernisation internes , en plaçant l'agence dans une posture plus difficile de réelle négociation avec les autorités locales, plutôt que d'octroi de dons en « terrain conquis ».

2. Une complémentarité partielle avec les interventions des autres bailleurs

Bien que la Chine soit une puissance économique et commerciale mondiale, entretenue par une croissance moyenne de 9 % par an depuis 20 ans et une devise sous-évaluée, tous les grands bailleurs bi- et multilatéraux lui consentent des concours pour des montants élevés et en partie éligibles à l'APD, majoritairement sous forme de prêts. Selon le CAD de l'OCDE, la Chine a ainsi reçu 1,76 milliard de dollars d'APD nette en 2005 , à 91 % bilatérale, la France étant le 3 e bailleur avec 164 millions de dollars d'aide brute , derrière le Japon (1,66 milliard de dollars) et l'Allemagne (470 millions de dollars).

Une telle situation peut sembler singulière si ce n'est choquante , compte tenu de la vocation de l'APD et des immenses besoins de l'Afrique. Ces interventions sont en partie légitimées par les déséquilibres que crée la croissance chinoise et par le maintien de larges zones de pauvreté et de sous-développement au centre et au sud du pays.

Votre rapporteur spécial considère cependant que l'abondance des concours versés à la Chine n'est aujourd'hui plus vraiment justifiée , en particulier les prêts de la Banque mondiale et de la BAsD. La situation actuelle de transition témoigne d'une certaine ambiguïté puisque se mêlent dons, prêts de concessionnalité variable et instruments d'aide liée.

Cadre d'intervention des principaux bailleurs internationaux en Chine au titre de l'APD

Bailleurs

Stratégie

Secteurs d'intervention

Montant des engagements

Instruments financiers

Banque mondiale

5 piliers : la Chine dans l'économie mondiale ; pauvreté et exclusion sociale ; gestion des ressources rares ; réforme du secteur financier ; secteur privé

Transports (31 % des prêts) ; développement urbain (25 %) ; éducation de base (7 %) ; développement rural (22 %) ; énergie (15 %)

La Chine est le 1 er emprunteur de la BM 145 ( * )

2006 : 1,44 Md$ pour la BIRD et 540 M€ pour la SFI

Objectif 2006-2010 : 500 M$ / an (SFI) et 1,5 Md$ pour la BIRD

Dons (Fonds pour l'environnement mondial)

Prêts concessionnels en $ : maturité 20 ans, différé 5 ans, taux Libor 6 mois + 0,75 %

BAsD (Banque asiatique de développe-ment)

Accompagner la Chine dans la réalisation des ODM (croissance équitable, fonctionnement des marchés, développement durable, coopération régionale)

Transports et communication ; eau et assainissement ; agriculture et ressources naturelles ; énergie ; multi-sectoriel

Prêts : 1,5 Md$ par an en 2006-2008

Subventions : 12,7 M$ en 2007

Dons (assistance technique)

Prêts concessionnels en $ : maturité 25 ans, différé 4 à 5 ans, taux Libor 6 mois + 0,6 %

PNUD

Accompagner la Chine dans la réalisation de la « Société du bien-être »

Gouvernance démocratique ; gestion des ressources naturelles ; sida ; énergie

2006-2010 : 40 M$ de ressources directes et 242 M$ de ressources indirectes

Dons

Fonds pour l'environ-nement mondial (FEM)

Gestion conjointe par la BM, le PNUD et le PNUE

Changement climatique et biodiversité

725 M$ au total pour 57 projets (hors projets régionaux et mondiaux)

Dons

Commission européenne

Accompagnement des réformes et aide à une plus grande intégration politique et économique

Accompagnement des réformes ; efficacité énergétique et énergies renouvelables ; gouvernance et Etat de droit

Environ 50 M€ par an

Dons

Allemagne (GTZ)

Coopération technique

Environnement et énergie ; protection des ressources naturelles et lutte contre la pauvreté ; soutien aux réformes

22,5 M€ en 2004

Subventions d'assistance technique

Allemagne (KfW et DEG)

Infrastructures économiques et sociales ; conservation des ressources naturelles ; appui au secteur financier

Eau et assainissement (21 %) ; protection des ressources naturelles (24 %) ; énergie (15 %) ; transport (10 %) ; secteur financier (7 %)

2005 : 100 M€ pour la KfW et 40 M€ pour la DEG. Engagements cumulés de 3,8 Md€

Subventions (assistance technique et études)

Prêts concessionnels en € : maturité 40 ans, différé 10 ans, taux fixe 0,75 %

Japon (JICA)

Coopération technique

Environnement et enjeux globaux ; assistance institutionnelle ; promotion de la compréhension mutuelle ; lutte contre la pauvreté

39,6 M€ en 2004 (en voie de réduction substantielle)

Subventions d'assistance technique

Réduction substantielle de l'APD à moyen terme

Japon (JBIC)

Protection de l'environnement et renforcement des capacités pour lutter contre les disparités régionales

Environnement, développement des ressources humaines, transferts technologiques, développement social

501 M€ en 2005 (aide en diminution depuis 2002)

Fin des prêts d'APD à partir de 2008

Aide liée

Prêts concessionnels, pour les secteurs prioritaires : maturité 40 ans, différé 10 ans, taux fixe 0,75 %

Royaume-Uni (DFID)

Contribuer à la réalisation des ODM et problématiques internationales

Education de base ; santé ; accès à l'eau potable ; réformes fiscales ; environnement

59 M€ en 2006-2007, 52 M€ en 2007-2008

Dons. Le RU souhaite souhaite mettre fin à son APD d'ici 2011.

Australie (AusAID)

Appui à un développement urbain et rural plus équilibré

Gouvernance ; environnement ; commerce régional ; lutte contre le sida

30 M$ sur 2005-2008

Dons

Diminution progressive de 2 M$ par an sur 2006-2010

Canada (ACDI)

Droits de personne, démocratie et bonne gouvernance ; viabilité environnementale

28 M€ en 2004 et en 2005

Dons

Evolution vers un ciblage sectoriel et géographique

Etats-Unis (USAID)

Etat de droit ; lutte contre le sida ; aide aux communautés tibétaines ; préservation de l'environnement

Environ 10 M$ par an

Dons

Source : document de l'AFD

Votre rapporteur spécial constate que le positionnement de l'AFD par rapport aux autres bailleurs n'est en définitive pas fondamentalement original , puisque des bailleurs tels que la Banque mondiale, la BAsD, l'Allemagne et naturellement le FEM ont également choisi l'environnement et l'énergie parmi leurs axes d'intervention, bien que de manière non exclusive.

* 138 Le relevé de conclusions du CICID précise ainsi :

« Une ouverture maîtrisée du champ d'intervention de l'AFD à de nouvelles zones géographiques permettra, à coût budgétaire constant, d'augmenter le volume d'aide publique au développement, sans porter préjudice aux montants apportés à la ZSP.

« Une telle ouverture permettra ainsi à l'Agence d'intervenir dans des zones qui constituent des enjeux stratégiques pour la France, pour des pays ou des projets dont la solvabilité est établie et en soutien à des politiques de développement durable. Le Bassin méditerranéen et la région du Grand Mékong constituent des exemples de zones géographiques et de domaines d'intervention pouvant bénéficier de ces nouvelles activités.

« Les décisions d'élargissement de la zone d'intervention de l'AFD seront prises par décision conjointe des tutelles de l'Agence ».

* 139 Approuvé en décembre 2003 pour un montant de 35 millions d'euros.

* 140 Approuvé en décembre 2004 pour un montant de 33,5 millions d'euros.

* 141 Chauffage urbain et climatisation, optimisation de la consommation d'énergie dans l'habitat, gestion des déchets solides.

* 142 Selon l'Agence internationale d'évaluation environnementale (juin 2007).

* 143 Un accord de promotion de ce mécanisme a été conclu entre la France et la Chine le 9 octobre 2004.

* 144 En particulier au motif que l'économie chinoise disposait en elle-même des ressources nécessaires à la réalisation de l'objectif de lutte contre la pauvreté rurale et que les bailleurs multilatéraux allouaient une part importante de leurs financements à cette thématique.

* 145 Au 31 décembre 2004, le montant total des engagements de la Banque en Chine s'élevait à 38 milliards de dollars pour 260 projets, dont plus de 80 en cours.189

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