LA PERFORMANCE DE L'ÉMOC

Apprécier la performance de l'EMOC dans l'exécution de ses missions nécessite d'examiner les opérations dont il a été chargé. La qualité de la maîtrise d'ouvrage déléguée peut être analysée à titre principal à travers quatre questions générales posées au terme des chantiers :

1) le programme architectural et technique a-t-il été correctement défini par le maître d'ouvrage ou avec le concours de l'EMOC et sa mise en oeuvre a-t-elle été menée à bien conformément aux attentes des utilisateurs ?

2) l'enveloppe financière allouée à l'opération a-t-elle été respectée ?

3) les délais impartis à l'EMOC pour mener à bien les travaux ont-ils été tenus ?

4) l'ensemble des actes, marchés et décisions afférents à l'opération ont-ils été pris dans le respect de la réglementation applicable ?

La première question renvoie à la qualité des prestations elles-mêmes. Les malfaçons patentes et les ratés architecturaux sont rares dans le cadre des opérations conduites par l'EMOC, puisqu'en cas de difficultés sur des chantiers qui sont presque tous « de prestige », le maître d'ouvrage donne toujours les moyens en temps et en argent à son mandataire afin d'y remédier. Dans les chantiers culturels - la rénovation du théâtre de l'Odéon ou de la verrière du Grand Palais en sont de bons exemples - la contrainte qui pèse sur le mandataire est celle du résultat, pas celle des moyens. La question de la qualité des réalisations se trouve donc déplacée vers celles du budget et des délais.

Les développements consacrés aux cinq opérations sélectionnées ici se concentrent donc sur la programmation des opérations et sur les trois autres questions, tout en évoquant la genèse des chantiers et leurs caractéristiques techniques.

Au terme de la présentation de ces cinq opérations, une synthèse relative à la performance de la maîtrise d'ouvrage des chantiers attribués à l'EMOC est proposée en reprenant les questions posées ci-dessus.

***

I. CINQ EXEMPLES D'OPERATIONS

A. LA RÉNOVATION DES ESPACES D'ACCUEIL DU MUSÉE D'ORSAY

Moins de six ans après son inauguration, qui avait eu lieu le 1 er décembre 1986, le musée d'Orsay s'est engagé dans une réorganisation complète de ses espaces d'accueil (hall, billetterie, librairie) et des surfaces réservées aux expositions temporaires. Ces travaux étaient rendus nécessaires par une série de maladresses, voire d'erreurs lors de la conception du musée.

Les premières études liées à ce projet, effectuées sous la responsabilité du SNT, remontent à 1992. Mais ce n'est qu'en mars 1997 qu'une décision de principe lançant l'opération a été arrêtée par la direction des musées de France. Le programme prévoyait alors l'avancée de la billetterie et des espaces d'accueil du public sous la marquise d'entrée, le déplacement dans la salle des colonnes de la boutique de la Réunion des musées nationaux (RMN), l'extension des espaces dédiés aux expositions temporaires au rez-de-chaussée grâce aux surfaces libérées par la librairie, et la création au premier sous-sol d'un accueil spécifique pour les groupes.

C'est d'abord la mission interministérielle pour les grands travaux (MIGT) qui s'est vue confier, en août 1997, la maîtrise d'ouvrage de l'opération en lieu et place du SNT. Mais très vite, la perspective d'une dissolution de la MIGT a ralenti le rythme d'avancement, si bien qu'un an plus tard, seules quelques études de programmation et de flux ainsi que les relevés de géomètre avaient été menés à bien. La MIGT ayant été finalement dissoute le 1 er septembre 1998, c'est l'EMOC, créé quelques mois plus tôt, qui a repris l'opération.

Ce transfert a été opéré par une nouvelle convention de mandat, signée le 24 mars 1999, qui reprenait le programme arrêté en 1997 dans le cadre d'une opération de 24 mois à compter de la signature de la convention, inscrite dans une enveloppe de 58 MF (8,84 M€) en valeur juin 1998.

L'opération s'est finalement achevée par l'inauguration des nouveaux espaces le 31 mars 2004, soit avec exactement trois années de retard et plus de douze ans après que les premières études eurent été effectuées. Le coût total de l'opération atteint quant à lui 16,48 M€ pour ce qui concerne les travaux effectués sous la responsabilité de l'EMOC. Il est vrai que le programme réalisé est en fin de compte plus substantiel que ce qui avait été initialement prévu, même s'il n'est pas encore complet puisque la réfection du tympan Est, dont les désordres ont été constatés à cette occasion, a fait l'objet d'une nouvelle convention avec l'EMOC au printemps 2006 pour un coût prévisionnel de 7,15 M€ 32 ( * ) .

En cela, cette opération illustre les aléas, variations de programmes et problèmes techniques qui expliquent le caractère quasi-systématique des retards et surcoûts dans l'exécution des mandats pris en charge par l'EMOC.

1- Les vicissitudes du projet

Le large dépassement des délais et du coût nécessaires à l'achèvement de l'opération résulte d'une combinaison d'événements et non pas d'un unique accident de parcours. Deux éléments apparaissent toutefois déterminants, chacun d'eux illustrant une difficulté majeure de programmation ou de procédure.

a) La marquise corrodée

La programmation de l'opération reposait, depuis 1992, sur un projet de réaménagement intérieur qui n'impliquait pas de toucher aux structures du bâtiment, et notamment pas aux éléments architecturaux classés relevant de la réglementation sur les monuments historiques. Or, la vérification structurelle des auvents de la marquise métallique située sur le parvis Bellechasse menée au début de l'année 1999 révéla que « par défaut d'entretien depuis des dizaines d'années, certains risques de chute d'éléments n'étaient pas à écarter. » 33 ( * ) . Le syndrome de la verrière du Grand Palais contribua alors à une mise en mouvement rapide des services concernés.

A la date de signature de la convention de mandat entre l'Etat et l'EMOC, c'est-à-dire au 24 mars 1999 et plus encore à la date de signature de l'avenant n° 1, il était donc connu que la marquise était corrodée, et que des travaux seraient nécessaires même si leur consistance n'était pas évaluée à ce stade. Si l'on peut comprendre que le choix ait été fait de ne pas empêcher le lancement d'une partie de la procédure liée aux réaménagements intérieurs dans l'attente des éléments d'évaluation liés à la marquise, il apparaît toutefois que dès sa signature, la convention était notoirement inexacte, tant pour le contenu du programme que pour le montant de l'enveloppe et les délais d'achèvement.

Mais à peine les études de diagnostic avaient-elles débuté sur la marquise que d'autres symptômes d'une détérioration avancée furent constatés sur les structures porteuses du parvis Bellechasse. Il était impossible de poursuivre le chantier sans régler ce problème, et très rapidement, la rénovation des structures du parvis fut incluse dans le projet par l'avenant n° 2 à la convention de mandat, signé le 15 juin 2000 pour un supplément de 3,99 M€.

A ce stade, l'opération est donc devenue extrêmement complexe puisqu'elle comprenait en réalité deux types de travaux, les uns de « simple » réaménagement intérieur pouvant être confiés à un maître d'oeuvre du secteur concurrentiel, les autres touchant à des parties classées du bâtiment et devant donc être pris en charge, au niveau de la maîtrise d'oeuvre, par l'architecte en chef des monuments historiques compétent.

Cette séquence de découvertes amène à s'interroger sur le fait que l'établissement public du musée d'Orsay chargé de la maîtrise d'ouvrage de la transformation de la gare au milieu des années 1980 n'ait pas constaté qu'en plusieurs endroits, les entreprises prestataires n'avaient pas renforcé les structures métalliques qui constituent la charpente même du bâtiment, et s'étaient contentés de les repeindre pour masquer les traces de corrosion. Le problème s'est en effet posé pour la marquise, pour les verrières de la façade du quai Anatole France, pour le parvis et pour le tympan Est.

Quelles que soient les raisons de ce manque de vigilance à l'époque, il apparaît que ce n'est qu'en 1999 que les études liées à la marquise et aux autres structures métalliques, relevant d'un diagnostic indispensable pour une programmation éclairée des travaux, ont été menées. Au cours de la phase contradictoire, il a été confirmé que ni la recherche d'éventuelles responsabilités fautives lors de la construction du musée, ni celle d'une hypothétique mise en oeuvre des garanties attachées aux travaux passés n'ont été engagées par l'EMOC ou le musée d'Orsay, sans que les raisons de cette abstention soient indiquées.

Ces éléments expliquent l'essentiel de l'augmentation du budget de l'opération.

Mais à côté de ces extensions se sont aussi manifestées des modifications de programme, elles aussi coûteuse et génératrices de retard. Le meilleur exemple en est donné par l'essence du bois des mobiliers. Cette question, apparemment mineure était en réalité posée depuis 1999 et n'avait fait l'objet d'aucune coordination entre les différents acteurs du chantier. Le choix d'un bois foncé et dur, le wengé, a donc été fait en cours de consultation, puisque telle était la proposition du candidat retenu. Mais presque aussitôt, le président nouvellement nommé du musée, qui ne souhaitait pas faire référence à l'architecture d'origine du musée, a remis en cause ce choix en lui préférant un bois clair. La recherche d'une essence présentant des garanties de dureté équivalente avec une teinte plus claire a ainsi entraîné un retard supplémentaire de trois mois et demi. Le maître d'oeuvre a de surcroît indiqué à la Cour, en réponse à ses observations provisoires, qu'après avoir en vain prévenu le président du musée du caractère inapproprié de ce choix, il avait demandé à être déchargé de ses éventuelles responsabilités devant un vieillissement prématuré du bois clair, par nature plus fragile que le bois foncé.

b) Les défaillances d'entreprises

Le second élément qui explique l'importance des retards et des surcoûts enregistrés par le projet tient aux défaillances de plusieurs prestataires dans la conduite des travaux, défaillances qui faisaient déjà suite à l'infructuosité de la plupart des marchés lors de la consultation initiale des entreprises.

La première a été celle de l'entreprise chargée du gros oeuvre en début de chantier. Ensuite, une véritable séquence de défaillances a affecté en l'espace d'un an toutes les dimensions du réaménagement : l'entreprise chargée de la réalisation des mobiliers s'est vue retirer le marché après sa mise en redressement judiciaire en mai 2002 ; la société chargée des plâtreries et des faux plafonds, elle aussi placée en redressement judiciaire, a quasiment cessé toute activité pendant six mois ; la société chargée de l'agencement de la librairie, a déposé son bilan le 4 mai 2003.

Mais surtout, l'entreprise chargée des cloisons vitrées et de la reconstitution de la façade de la marquise, a vu ses deux marchés conclus le 1 er avril 2002 pour respectivement 1 262 676 € et 259 072 € résiliés à ses frais et risques le 18 avril 2003. Il s'agissait là de l'épisode final d'une défaillance continue de l'entreprise. Le retard occasionné par cette seule défaillance peut être estimé entre 6 et 8 mois. Sans même prendre en compte les surcoûts mécaniques liés à ces délais supplémentaires sur les autres prestataires, la résiliation et la réattribution des marchés initiaux, même aux risques et périls de l'entreprise, a conduit à un montage plus cher de près de 400 000 €.

c) La gestion du mandat

Signée le 24 mars 1999 pour un montant de 8,84 M€ en valeur juin 1999, la convention de mandat, après six avenants conclus de décembre 1999 à janvier 2004, a finalement atteint 17,20 M€. Malgré cette évolution préoccupante de l'opération, la gestion du mandat ne s'est pas traduite par un pilotage affirmé des délais et des coûts.

En premier lieu, il n'a plus été fixé de nouvelle date d'achèvement prévisionnel des travaux à partir de l'avenant n° 3, alors même que ce dernier était signé plus de quatre mois après l'expiration du délai prévu par l'avenant n° 2.

En outre, les modalités de révision du montant de l'enveloppe financière n'ont pas pris en compte la variation réelle des prix sur la période concernée.

Compte tenu des retards enregistrés par l'opération, c'est l'avenant n° 3 qui est venu provisionner non une « révision » mais une « actualisation-révision » sans en expliciter les modalités. La valeur de l'indice BT01 a été appliquée rétrospectivement à l'enveloppe arrêtée par l'avenant n° 2 jusqu'au mois de novembre 2000, puis une valeur prévisionnelle de l'indice égale à 2 % lui a été appliquée, alors qu'en mai 2002, date de signature de l'avenant, les valeurs de l'indice étaient disponibles jusqu'au mois de décembre 2001 (publié au Journal officiel du 30 mars 2002). Par ailleurs, la provision de 2 % appliquée aux années 2001 et suivantes a été sensiblement sous-évaluée : en 2000 et 2001 la progression de l'indice (connue à la date de signature de l'avenant) a en réalité représenté respectivement 3,58 et 2,91 % ; en 2002 et en 2003, elle a atteint 2,96 et 3,47 %.

Cette tendance à sous-estimer systématiquement le niveau des révisions de prix se retrouve dans la plupart des opérations conduites par l'EMOC. Elle rend compte d'une pratique constante tenant à minimiser l'affichage des coûts non seulement au stade des conventions, mais en cours de gestion.

2- La maîtrise d'oeuvre

Au total, les dépenses liées à la maîtrise d'oeuvre ont représenté 3,42 M€ en engagements (dont 3,35 M€ déjà mandatés), soit 20,33 % du coût total du projet, ce qui constitue un taux de rémunération exceptionnel, très supérieur à celui constaté sur un chantier comme l'Odéon (6,8 %) ou l'immeuble des Bons Enfants (9,7 %).

Ce niveau exceptionnel s'explique notamment par le dédoublement de la maîtrise d'oeuvre entre d'une part les travaux liés aux aménagements intérieurs, pilotés par un groupement choisi après un appel d'offres sur performance, et d'autre part les travaux sur les structures effectués sous l'empire de la réglementation sur les monuments historique par l'architecte en chef des monuments historiques (ACMH) territorialement compétent.

S'agissant de la première maîtrise d'oeuvre, son prix de base apparaissait élevé dès sa conclusion (1,115 M€), pour un projet dont le coût total était alors estimé à 8,84 M€, soit 12,6 % (MOE incluse). En proportion, ce taux n'a cessé de croître : après que le marché eut connu quatre avenants pour atteindre 2,01 M€ hors révisions de prix, l'EMOC lui a accolé un « marché complémentaire », conclu avec le même groupement pour 0,40 M€, soit 2,61 M€ au total en incluant les révisions de prix. Ces 2,61 M€ représentent 15,5 % du coût total du projet en comptant la part de travaux effectués sous la direction de l'architecte en chef des monuments historiques. Si l'on s'en tient aux opérations de réaménagement intérieur, le projet s'est en fait soldé sur un coût de 13,23 M€, ce qui veut dire que la maîtrise d'oeuvre stricto sensu pourrait y représenter in fine 19,7 % (MOE incluse), soit un taux de rémunération de 22,23 %. Même pour des travaux intérieurs, il s'agit là d'un taux hors norme.

Interrogée sur ce niveau de prix, la mandataire du groupement a confirmé que l'évolution à la hausse du marché était bien due aux effets itératifs des extensions et modifications de programme, qui avaient fréquemment nécessité des reprises d'études :

« Le taux d'honoraires constaté en fin d'opération a perdu toute signification car il consolide des aléas, des études abandonnées et des délais supplémentaires (...).  La hausse des honoraires n'a été en aucune manière indue et a correspondu à la rémunération partielle des services supplémentaires imprévus d'un processus de construction qui s'est déroulé de manière anormale sans que la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre soit mise en cause. » 34 ( * )

Tableau n° 4 :  Evolution du marché de maîtrise d'oeuvre (aménagements intérieurs)

Prestations

Montant TTC (hors révisions)

Marché initial

Maîtrise d'oeuvre - durée jusqu'au mois d'avril 2001

1 115 111 €

Avenant n° 1

- reprises d'études liées au chantier de la marquise

- prolongation jusqu'au mois de janvier 2002

+ 190 310 €

Avenant n° 2

- reprises d'études liées au chantier sur les structures métalliques du parvis

- prolongation jusqu'au mois de juin 2003

+ 367 430 €

Avenant n° 3

- études complémentaires sur les mobiliers

- prolongation jusqu'au mois de janvier 2004

+ 226 503 €

Avenant n° 4

- fixation définitive de la rémunération

+ 103 729 €

Marché complémentaire

+ 46 398 €

Il peut ici être observé à quel point l'absence de diagnostic global et fiable sur les structures a eu un effet sur les coûts : concrètement, les reprises d'études liées à la seule marquise prévues par l'avenant n° 2 ont elles-mêmes été reprises du fait de l'état des structures du parvis. Par ailleurs, le coût des études complémentaires et des quelques trois mois de délais supplémentaires liés aux préférences changeantes du président du musée en matière de bois pour le mobilier apparaît élevé pour un ensemble constitué, concrètement, d'une banque d'accueil, d'un kiosque, de cinq postes pour la billetterie et de deux tables situées à l'entrée de la nef. Mais surtout, c'est l'allongement considérable des délais de travaux qui a renchéri le coût de la maîtrise d'oeuvre privée sur ce chantier : prévu pour s'achever en avril 2001, son contrat s'est en effet prolongé jusqu'en mars 2004, les conditions de sa rémunération évoluant alors du forfait initialement négocié à une estimation des prestations supplémentaires au temps passé.

La  maîtrise d'oeuvre sur les parties classées été effectuée quant à elle pour un montant initial de 258 228 € représentant un taux de rémunération de 9,64 % à ce stade. Mais à l'inverse des travaux d'aménagement intérieur, celui-ci a légèrement décru en cours d'exécution puisque soldé sur un montant de 298 243 €, il ne représente plus in fine qu'un taux de rémunération de 9,48 %.

*

Au total, la rénovation des espaces publics et des structures métalliques du musée d'Orsay illustre les effets itératifs de la complexité sur les coûts et les délais. Certes, il n'était pas prévu initialement qu'un deuxième chantier s'ajouterait au premier après la découverte de la corrosion qui minait la marquise. La coexistence de deux maîtrises d'oeuvre et de deux ensembles de prestataires issus de deux consultations distinctes obéissant à des réglementations différentes a résulté du choix de ne pas retarder davantage la mise en mouvement d'une opération dont la genèse était déjà ancienne.

Cette opération pose donc la question de la phase préparatoire au lancement des chantiers. Il semble, et d'autres chantiers le montreront, que l'EMOC aurait dû être en mesure d'évaluer les implications du programme initial de l'opération, auquel il n'a pas pris part, et notamment de fournir un diagnostic précis sur l'état général des ouvrages qui lui étaient confiés avant d'engager les travaux. Le constat dressé ici laisse penser qu'une phase de préparation plus approfondie aurait évité de s'engager dans des travaux émaillés par de nombreuses reprises d'études qui conjuguées aux défaillances répétées d'entreprises, ont considérablement rallongé la durée du chantier et généré des effets sensibles sur les coûts et les délais.

B. LE THÉÂTRE NATIONAL DE L'ODÉON

Depuis sa construction en 1782, le théâtre de l'Odéon avait fait l'objet d'une dizaine de restaurations ou de modifications de son décor intérieur, mais aucune restauration d'ensemble n'avait été réalisée depuis l'après-guerre. De 1983 à 1990, la transformation progressive du théâtre en « Théâtre de l'Europe », accueillant et co-produisant des spectacles à l'échelle européenne, a révélé l'obsolescence de l'appareil scénique et la vétusté des bâtiments. Aussi la décision de réhabiliter le bâtiment a-t-elle été arrêtée en 1992. La première étude a été lancée en 1995 et confiée au SNT, doté d'un budget de 9,3 M€ (61MF) ensuite porté à 23,5M€ (154MF). Le projet, qui prévoyait l'aménagement d'une seconde salle sous le parvis (propriété de la Ville de Paris) et la création de surfaces supplémentaires incompatibles avec le plan d'occupation des sols, excédait l'enveloppe prévisionnelle. Ces éléments ont été à l'origine d'un blocage prolongé.

L'opération a finalement été relancée en 1999 avec un programme moins ambitieux autour de trois volets :

- L'adaptation de l'outil scénique (scène et appareillages) aux besoins de la mise en scène contemporaine et à l'acheminement des décors ;

- L'amélioration du confort des spectateurs (visibilité, rafraîchissement de la salle, accueil) et la restauration des parties visibles du bâtiment ;

- L'amélioration des conditions de sécurité par une consolidation des corbeilles et une mise aux normes en matière d'amiante et de sécurité incendie.

Pour respecter l'enveloppe, trois éléments du projet initial ont été abandonnés : l'aménagement d'une seconde salle, la création de surfaces supplémentaires (devenue optionnelle) et la restauration du Petit Odéon. Le programme a en revanche retenu une solution technique ambitieuse pour adapter la salle à l'italienne aux exigences scéniques et de confort contemporaines : abaisser la scène anciennement inclinée au niveau de la rue et incliner le parterre des spectateurs.

La maîtrise d'ouvrage déléguée du projet a été confiée à l'EMOC par convention de mandat le 11 juin 1999 pour une durée de 44 mois (soit jusqu'en février 2003) et un montant de 24,24 M€ (valeur mars 1999). En fait, le théâtre rénové a été inauguré le 3 avril 2006 avec 36 mois de retard, pour un montant total de 37,89 M€, soit un dépassement de 40 % par rapport à l'enveloppe initiale actualisée par l'indice du coût de la construction à février 2003 (26,95 M€).

1- La complexité du montage juridique

Sur les trois années de retard prises par le projet, deux sont imputables à la longueur des procédures de choix de la maîtrise d'oeuvre et d'autorisation des travaux. La troisième année est liée quant à elle à la combinaison d'un nombre de marchés infructueux de travaux et d'aléas techniques en cours de chantier.

a) Le recours à une maîtrise d'oeuvre « mixte »

Comme le théâtre est classé dans sa totalité au titre des monuments historiques depuis un arrêté du 7 octobre 1947, la maîtrise d'oeuvre pour l'ensemble des interventions sur le théâtre national de l'Odéon relevait, non du régime de la loi MOP mais des droits exclusifs de l'architecte en chef des monuments historiques territorialement compétent.

En raison de la complexité technique du projet, toutefois, le maître d'ouvrage a choisi d'adjoindre à l'ACMH une équipe spécialisée, constituée de quatre bureaux d'études en scénographie, structures, électricité et génie climatique au terme d'un appel d'offres tel que défini par l'article 108 bis du code des marchés publics, alors applicable.

Ces modalités de maîtrise d'oeuvre - élaborées par la DAJ du ministère, la DAPA, le SNT et l'EMOC - combinaient la réglementation des monuments historiques et le régime de droit commun de la maîtrise d'ouvrage publique autant qu'elles y dérogaient. Ainsi, le titulaire des études préalables avait la garantie de remporter la maîtrise d'oeuvre du projet, conformément à la réglementation des études sur les monuments classés 35 ( * ) mais contrairement au code des marchés publics. Après de longs débats, ce dispositif a néanmoins été « toléré » par la commission supérieure des marchés de bâtiment et génie civil 36 ( * ) .

Outre les problèmes de régularité qu'elle a soulevés, cette question juridique a retardé le lancement de l'opération. Le contrat d'études préalables a été notifié pour un montant de 0,37 M€ le 28 février 2000 au lieu du mois de juillet 1999 prévu initialement. A l'issue des études, le marché de maîtrise d'oeuvre de 2,06 M€ (13,51MF) a été notifié le 25 janvier 2001, soit un an après la date prévue dans la convention de mandat.

b) La question du permis de construire concernant la charpente

La complexité du projet a également été à l'origine d'un allongement de la procédure d'autorisation. Selon la jurisprudence du Conseil d'Etat (liée en l'espèce au théâtre des Champs-Élysées), une restructuration lourde sur un monument historique ne peut être soumise à une simple déclaration de travaux et doit faire l'objet d'un permis de construire. Or, dans le cas de l'Odéon, l'escamotage nécessitait de remonter la charpente au-delà du plafond des hauteurs (fixé à 25m) et du gabarit existant. Bien qu'il emportât les faveurs de l'ACMH et des riverains en rapprochant l'édifice de sa configuration d'origine, le projet n'entrait donc pas dans les dérogations prévues au POS et a suscité un refus de la préfecture.

La difficulté a finalement été contournée en 2002 par la décision du ministre de soumettre le projet à une simple déclaration de travaux, jointe à l'instruction donnée au préfet de ne pas s'y opposer. L'autorisation a été accordée en février 2003, soit deux ans après la date initialement prévue pour le démarrage des travaux.

Au cours de la phase contradictoire, l'EMOC a confirmé l'impact de ces procédures sur le calendrier de l'opération, tout en en réfutant la responsabilité : « En ne s'en tenant qu'aux études et aux travaux dont l'EMOC avait la charge, on peut considérer que l'opération s'est déroulée normalement, sans aléas ni retards particuliers. Ce sont les différentes procédures, tenant au caractère très spécifique de l'intervention au regard de la réglementation, qui expliquent l'essentiel du retard constaté ».

Aux termes de la convention de mandat pourtant, l'EMOC avait pour mission « la définition des conditions administratives et techniques selon lesquels sera étudié et réalisé le projet» (article 3, 1°). En corollaire, il était en charge de la phase préalable et peut être tenu responsable des dépassements y afférant, du fait d'une sous-estimation des délais de validation par les tutelles et des risques juridiques du projet.

2- L'insuffisance des outils de suivi

D'un montant initial de 24,24 M€ (valeur mars 1999), la convention de mandat a finalement atteint 37,89 M€, soit un dépassement de 40 % par rapport à l'enveloppe initiale actualisée à la date initiale d'achèvement en février 2003 (26,95 M€). Outre l'actualisation de l'enveloppe initiale, on distingue parmi les facteurs de surcoût :

- l'allongement du calendrier : le décalage dans le temps de l'opération est à l'origine de révisions de prix supplémentaires et constitue un surcoût en soi ;

- les aléas techniques : le creusement du parterre a révélé la faiblesse des fondations, nécessitant des fouilles archéologiques de juin 2003 à février 2004 puis un terrassement en sous-sol. Cet aléa, intégré dans la négociation des marchés infructueux, n'a pas eu d'impact sur les délais de passation mais a entraîné une hausse du montant des marchés (échafaudage et gros oeuvre notamment) ;

- les modifications de programme : initialement écartée du programme, la restauration du Petit Odéon a finalement été réintégrée en 2001. Ont également été ajoutés l'aménagement de locaux sociaux, la constitution de réserves sous la grande salle, le rafraîchissement des bureaux, le mobilier des loges, la rénovation du foyer, les luminaires extérieurs et les grilles le long des arcades.

L'évolution de l'enveloppe a été entérinée par six avenants à la convention de mandat initiale. Calqués sur le suivi des marchés qui ne considèrent que les révisions de prix et les aléas, ces documents ne permettent ni de pondérer précisément la part des différents facteurs dans le coût final de l'opération, ni d'en dresser le bilan économique.

a) La neutralisation des allongements de calendrier par les révisions de prix

Dans la convention de mandat et ses avenants, l'enveloppe initiale et les enveloppes complémentaires sont exprimées en valeur brute, hors révisions de prix. La date de valeur retenue est généralement proche de la date de signature de la convention (mars 1999 ici). Aux termes de l'article 5.1 de la convention, « la régularisation pour révision de prix sera effectuée lors du dernier exercice » . Les révisions de prix sont donc en principe calculées sur la base des indices de prix constatés et intégrées dans l'enveloppe par un avenant final.

Cette méthode de révision globale en fin de convention est destinée à faciliter le suivi des coûts au cours du temps, indépendamment des variations des prix. Toutefois, elle tend à majorer la part des révisions de prix dans le montant total de l'opération, à minimiser les extensions de programme et à neutraliser le coût des dépassements de calendrier. En effet, les révisions de prix sont calculées indifféremment selon qu'elles portent sur le programme initial ou les extensions, et selon qu'elles relèvent du calendrier initial de l'opération ou de dépassement de délais.

Ainsi, selon la typologie des avenants, sur les 56 % de dépassement brut (13,75 M€) de l'enveloppe initiale, les révisions de prix représentent 7,49 M€, soit 30,9 % du montant final de l'opération. La part des aléas de chantiers représente 3,85 M€ et 15,7 % du montant final, tandis que les extensions de programme ne représentent pour leur part que 2,34 M€, soit 10 % du montant final.

Si l'on applique au contraire l'évolution de l'indice BT01 sur l'enveloppe et le calendrier initiaux de la convention de mandat (soit entre mars 1999 et février 2003), la part des révisions de prix dans le dépassement diminue pour ne représenter que 24 %. La prise en compte de l'évolution de l'indice entre la date initialement prévue et la date réelle de fin des travaux permet de calculer le coût lié à l'allongement du calendrier, qui représente 19 % du dépassement. Le reste, soit 57 %, correspond à la part cumulée des aléas et extensions de programme.

Afin d'améliorer la sincérité du coût final de l'opération, et de faire de la convention de mandat un véritable outil de pilotage, il conviendrait de comptabiliser ce surcoût lié à des allongements de calendrier aujourd'hui masqué dans l'enveloppe globale de révision des prix.

b) La neutralisation des changements de programme par les aléas techniques

La méthode par laquelle les aléas de chantier et les extensions de programme sont retracés souffre également d'un défaut de lisibilité. Pas plus les documents de suivi des marchés que la convention de mandat ne permettent de retracer avec exactitude la part des aléas et des modifications de programme dans le coût final du projet.

Dans les marchés, les provisions pour aléas formées initialement s'élèvent à 0,97 M€, soit 3,5 % du montant des marchés initiaux en moyenne. En cas d'avenant, la provision pour aléas est le plus souvent annulée et intégrée dans le montant de l'avenant avec les extensions de programme. Au total, 53 marchés ont été passés, modifiés par 30 avenants ou marchés complémentaires. Le total des marchés passés au 1 er juin 2006 s'élève à 34,51 M€ soit un dépassement de 21,1 % par rapport au montant des marchés initiaux. Le montant final des aléas est obtenu par la somme de la provision pour aléas restante (0,4 M€) et du montant des avenants hors révision de prix (3,3 M€). L'ensemble (3,7 M€) représente 13,1 % du montant initial des marchés.

Dans la convention de mandat et ses avenants, le montant cumulé des modifications de programme s'élève à 2,36 M€, soit 17% du dépassement ; le montant des aléas (objet de l'avenant n°4) s'élève quant à lui à 3,8 M€, soit 28% du dépassement. Ce dernier chiffre, qui entérine les dépassements constatés sur les marchés, est présenté de manière globale, sans distinguer selon qu'il s'agit d'aléas techniques ou d'extensions de programme.

En raison de l'imprécision des documents de suivi des marchés qui confondent dans deux catégories (révisions et aléas) l'ensemble des sources de dépassement de l'enveloppe (révision selon calendrier initial, allongement de calendrier, aléas et changement de programme), la part des aléas dans le coût final de l'opération ne peut être affinée davantage. La part des modifications de programme dans le dépassement s'obtient quant à elle par soustraction (du montant des révisions, de l'allongement de calendrier et des aléas) et s'établit à 3,9 M€, soit 29 % du dépassement et 10 % du montant final.

Au total, la part des quatre facteurs dans le surcoût du projet est ainsi répartie :

Selon BT01 constaté, enveloppe et calendrier initiaux

Selon typologie de la convention de mandat et ses avenants

Composantes du dépassement de l'enveloppe initiale de l'opération Odéon

Ainsi, les documents de suivi de l'EMOC présentent, pour l'ensemble des marchés d'une opération (maîtrise d'oeuvre, assistance à maîtrise d'ouvrage, travaux et autres), le montant initial et les montants finaux des engagements et mandatements. A ce titre, ils constituent un outil de gestion budgétaire et comptable efficace des marchés. En revanche, ils ne permettent ni de piloter les délais et les coûts en cours d'exécution, ni d'apprécier la qualité et évaluer la performance de la maîtrise d'ouvrage déléguée à l'issue des opérations. Ces éléments expliquent comment, en dépit du dépassement d'enveloppe et de calendrier, l'opération peut être comptée par l'EMOC parmi ses réussites et révèlent la nécessité de disposer de bilans économiques plus complets.

C. LA RECONSTRUCTION DE L'IMMEUBLE DES BONS ENFANTS

La restructuration complète de l'immeuble de la rue des Bons Enfants, afin d'y installer l'essentiel des services du ministère de la culture, constitue elle aussi une opération ouverte depuis le début des années 1990. Après une phase de mise au point particulièrement longue, liée notamment au blocage du dossier par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et dont la Cour avait rendu compte en son temps, le projet est entré dans sa phase opérationnelle en août 1999 avec la signature de la convention confiant à l'EMOC le soin de mener à bien les travaux.

Au terme de la convention de mandat, les travaux devaient durer 42 mois, soit jusqu'au mois de février 2003, pour un déménagement prévu en mai 2003. En fait, les travaux se sont achevés fin novembre 2004 (sauf pour le 1 % artistique), et l'emménagement des services du ministère a eu lieu en février 2005. Avec un coût final de 70,67 M€ hors mobilier de bureau et déménagement, l'opération affiche un dépassement relativement limité de 16,5 % par rapport à ce qui était prévu, ce résultat étant lié au fait qu'à l'inverse d'autres opérations, le programme n'a pas fait l'objet de remises en causes importantes.

1- La gestion du mandat

La convention de mandat signée le 31 août 1999 portait sur un total de 54,12 M€ en valeur novembre 1998. Par la suite, cinq avenants ont été nécessaires pour piloter le projet, le plus important étant le n° 2, signé le 22 mai 2002, qui a porté l'enveloppe financière à 66,43 M€, soit une augmentation en valeur de 22 %.

Cette augmentation est décomposée en deux parts, l'une liée à l'évolution de l'indice BT01 depuis 1999, l'autre liée à « l'évolution conjoncturelle récente des coûts de construction ». Cette présentation traduit le fait qu'au cours des années 2000 à 2002, les coûts de construction ont augmenté plus que proportionnellement à l'indice BT01 utilisé pour les révisions, sous le double effet de la croissance économique et du renchérissement des coûts du travail. C'est la raison pour laquelle a été prévue, pour toutes les opérations de cette période, une actualisation supplémentaire dite « conjoncturelle » de 10 %.

Par ailleurs, comme sur l'opération du musée d'Orsay, il existe un décalage important entre la dernière valeur de l'indice BT01 prise en compte par les avenants pour l'actualisation réelle et la date de leur signature. Par exemple, pour l'avenant n° 2, la dernière valeur exacte prise en compte était celle de novembre 2000, alors qu'à la date de la signature de l'avenant, l'indice BT01 était connu jusqu'à janvier 2002. Et l'hypothèse prise en compte pour l'actualisation au-delà de novembre 2000 a été de 2 %, soit significativement moins que les valeurs finalement constatées et alors que cet écart pouvait déjà être anticipé : en somme, les valeurs portées dans l'avenant n° 2 étaient sensiblement sous-évaluées dès la signature de ce dernier. Du reste, c'est la raison pour laquelle l'avenant n° 3, signé vingt mois plus tard, prévoyait de nouveau un rattrapage de 1,85 M€ (sur les 2,55 M€ ajoutés à l'enveloppe) lié à l'évolution constatée et non anticipée de l'indice BT01. Mais là encore, et sans que les raisons en apparaissent clairement, l'avenant a été préparé sans que soient prises en compte les valeurs les plus récentes de l'indice.

Le programme étant ensuite demeuré stable, les avenants n° 4 et 5 ont surtout permis d'actualiser la valeur de la convention en fonction de l'évolution des prix compte tenu des retards du chantier. Finalement, au terme de l'avenant de clôture signé le 26 janvier 2005, l'enveloppe mise à disposition de l'EMOC aura représenté 71,27 M€, soit légèrement plus que le coût final.

2- La maîtrise d'oeuvre

Quoique désignée dès 1995 à l'issue d'un concours mené sans difficulté, la maîtrise d'oeuvre a connu quelques vicissitudes à partir du lancement des procédures de travaux en 1999. Le groupement titulaire comportait deux architectes, l'un pour la restructuration de l'immeuble, et l'autre, pour les aménagements intérieurs, sans qu'aucun des deux soit subordonné à l'autre. Cette situation a continûment induit des crispations et n'a pas facilité la liaison entre les phases de travaux.

Initialement conclu pour 4,96 M€, le marché de maîtrise d'oeuvre s'est finalement achevé sur un coût de 6,64 M€. Mais rapporté à la masse des travaux, ce montant traduit en fait une relative stabilité du taux de rémunération. Les principaux postes qui expliquent ces quelques 1,68 M€ de rémunération complémentaire sont les ajustements au programme (+ 488 198 €), puis les prolongements des délais d'exécution (+ 515 319 €), le solde s'expliquant par une multitude de commandes ponctuelles (dont trois maquettes et 25 dessins pour 127 374 €) ou de missions d'assistance.

Ainsi, les avenants n° 6 et n° 7 au marché de maîtrise d'oeuvre ont entériné des hausses de rémunération dues au dépassement des délais et aux modifications de programme, qui apparemment non imputables au maître d'oeuvre, n'ont pas entraîné l'application de pénalités mais ont été calculées au prorata du temps passé au-delà du délai d'achèvement prévisionnel, même si le montant final a fait l'objet d'une négociation.

Ceci illustre à nouveau les lourdes incidences financières de ces changements d'orientation subis par les chantiers au cours de leur exécution qui affaiblissent le maître d'ouvrage délégué dans ses relations avec ses maîtres d'oeuvres dont il rémunère les prestations supplémentaires quasiment à un prix de journée puisque si l'allongement des délais ne résulte pas de défaillances qui leur sont clairement imputables, il ne peut imposer les conditions de la rémunération forfaitaire du marché initial.

L'allongement des délais du chantier a également eu des conséquences coûteuses pour le marché d'ordonnancement, pilotage, coordination (OPC) qui prévoyait en principe un prix global et forfaitaire qui serait simplement révisable sur la base d'une formule incluant l'indice ingénierie. Pourtant, c'est une indexation mécanique du prix de l'OPC sur le prix révisé et le calendrier des travaux qui s'est imposée. La rédaction très directe de l'avenant n° 1 au marché en témoigne :

« Le montant initial de la mission d'OPC est déterminé sur la base d'un montant prévisionnel des travaux de 33 000 000 € HT et d'une durée des travaux de 22 mois. Le volume effectif des travaux est porté à 45 000 000 € HT en valeur mai 2000, et le recalage du calendrier laisse apparaître une prolongation de la durée des travaux de 10 mois. En fonction de l'évolution de ces éléments, le montant de la mission du titulaire est majoré d'un montant de 100 953,40 € HT en valeur mai 2000 (...) »

Si l'on peut comprendre que l'allongement des délais fasse l'objet d'une compensation compte tenu des exigences de présence sur le chantier des prestataires, il est discutable en revanche que l'augmentation du montant des travaux due aux mécanismes de révision de prix appliqués jusqu'à l'année 2005 - y compris la révision conjoncturelle portée par l'avenant n° 2 en mai 2002 - justifie elle aussi l'augmentation du marché d'OPC. Le passage de 33 M€ HT à 45 M€ HT entre 1999 et 2005 résulte en effet à hauteur de 2,65 M€ de l'augmentation du volume des travaux et de 9,35 M€ des révisions de prix : il ne s'agit donc que pour partie d'une augmentation en volume des travaux, mais bien pour l'essentiel d'une augmentation en valeur qui n'aurait pas dû donner lieu à compensation pour le marché d'OPC dont les prestations ont été elles aussi révisées.

*

Avec 16 % de dépassement du budget prévu par la convention de mandat et un retard de 20 mois (qui en fait le chantier le moins en retard mené par l'EMOC après la rénovation de l'amphithéâtre Verniquet du Muséum national d'histoire naturelle - 9 mois - et l'extension de la Cité de la musique - 14 mois) 37 ( * ) , le chantier de l'immeuble des Bons Enfants apparaît rétrospectivement comme ayant été relativement maîtrisé. Les responsables de l'établissement jugent d'ailleurs a posteriori que le délai initial prévu par la convention de mandat (42 mois) était difficile à tenir pour une opération revenant en fait à reconstruire le bâtiment.

Comme il a été indiqué plus haut à propos de l'évolution du mandat, les modifications de programme ont été relativement modérées, et en tous cas moins nombreuses et moins coûteuses que ce qui a pu être constaté dans d'autres opérations : sans doute s'agit-il là d'un constat normal pour un immeuble de bureaux, qui se prête moins aux évolutions programmatiques qu'un lieu accueillant du public. On peut néanmoins se demander si le dialogue entre les deux seuls partenaires (DAG / EMOC) également intéressés au respect de l'enveloppe budgétaire n'explique pas cette relative stabilité du projet en regard du trilogue constaté dans les autres opérations (utilisateur / direction centrale / EMOC) où les fonctions de donneur d'ordre et de financeur ne coïncident pas.

Deux déconvenues peuvent cependant être signalées.

Le jardin, ou plus exactement la « forêt tempérée de l'hémisphère sud, stratifiée verticalement par des espèces végétales diversifiées » 38 ( * ) , n'est pas une réussite. Bien que leur choix ait fait l'objet d'un contrat d'assistance auprès d'un expert réputé, les eucalyptus acquis en Italie sont morts peu de temps après avoir été plantés.

La gestion du 1 % artistique a, quant à elle, connu quelques accrocs. Dès le mois de décembre 2003, la commission constituée par l'EMOC avait retenu trois artistes parmi les candidats. Le ministre ayant ajouté personnellement trois noms à cette liste, ce sont finalement six artistes qui ont été invités à remettre une esquisse, et l'un d'eux s'étant dédit, ce sont cinq oeuvres qui ont fait l'objet de commandes fermes. L'oeuvre la plus originale consistait en une installation acoustique aléatoire reliée aux ascenseurs : à intervalles irréguliers - et imprévisibles - les usagers de l'ascenseur devaient assister à un événement artistique. Mais malheureusement, l'oeuvre n'a quasiment jamais fonctionné, et a été débranchée quelques semaines après l'emménagement des services dans l'immeuble.

D. LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

L'idée d'un équipement culturel entièrement dédié au cinéma est ancienne. Lorsque le projet de « Maison du cinéma » a vu le jour, il s'agissait de fédérer dans un même lieu trois acteurs de la politique du cinéma : les Archives françaises du film (AFM), département du centre national de la cinématographie (CNC) accueillant le dépôt légal du cinéma, la bibliothèque du film (BIFI) et la Cinémathèque française. Il comprenait, outre des salles de projection, une médiathèque, des espaces pédagogiques et d'exposition temporaire et le musée Henri Langlois.

Initialement pressenti pour accueillir le bâtiment, le site du Palais de Tokyo a finalement été abandonné en raison du coût d'aménagement qu'il supposait, estimé à 76 M€. A sa place, l'American Center conçu par l'architecte Frank. O. Gehry à Bercy a été choisi en 1998 et acquis par l'Etat en février 1999 pour un montant de 23,5 M€ (154,13MF) et le coût d'aménagement estimé à 24,24 M€ (160MF), soit un coût total de l'opération de 47,7M€. Sa proximité avec la BNF et l'Inathèque situées sur l'autre rive de la Seine (et reliées depuis par la passerelle Simone de Beauvoir) permettait en outre de rassembler la totalité du dépôt légal consacré à l'image dans l'est parisien.

La DAG du ministère de la culture était maître d'ouvrage du projet. Prenant la suite de la MIGT, l'EMOC a été chargé de solder l'opération au Palais de Tokyo et a participé au choix du nouveau site dès 1998. La réalisation des études préalables lui a été confiée par convention du 11 mai 1999 pour un montant de 150 000 € (1 MF). Logiquement, il a ensuite été chargé de la maîtrise d'ouvrage par convention de mandat signée le 1 er octobre 1999 pour un montant de 24,24 M€ 39 ( * ) (valeur janvier 1999) et une durée de 26 mois, soit un achèvement prévu pour décembre 2001.

Le bâtiment a été remis en mai 2005 avec trois ans et demi de retard, pour un montant total de 33,9 M€, soit 39,8 % de hausse apparente et 33,4 % de dépassement par rapport à l'enveloppe initiale actualisée à décembre 2001 suivant l'indice des prix à la construction (25,42 M€). Le coût lié à l'allongement du calendrier (obtenu par différence entre le montant final et le montant des révisions appliquées à l'enveloppe et au calendrier initiaux et les extensions de programme) représente 49 % du dépassement et les modifications de programme 31 %, les 20% restants étant imputables aux révisions de prix.

1- L'instabilité du programme

Sur les trois années et demi de retard, trois sont imputables à la phase préparatoire, du choix de la maîtrise d'oeuvre au démarrage des travaux. En dépit d'études préalables qui avaient déjà duré six mois, cette étape qui devait occuper huit des 26 mois du calendrier initial a duré trois ans et demi et décalé le démarrage des travaux en juin 2003 pour la partie immobilière et septembre 2004 pour la muséographie.

a) La difficile validation du programme immobilier

Le programme arrêté à l'issue des études préalables s'articulait autour de trois éléments : l'extension des espaces d'accueil et de billetterie ; la création d'un niveau supplémentaire par construction d'un plancher à mi-hauteur dans la salle de théâtre et la césure de la cage de scène ; la reconversion des studios et des ateliers d'artistes en salles de projection, d'exposition et en médiathèque. La création d'un accès commun aux trois salles de projection a été ajoutée ensuite, sur proposition du maître d'oeuvre.

Pour la partie immobilière - le musée faisant l'objet d'un projet dans le projet - le choix du maître d'oeuvre a été lancé en mars 1999 par appel public à la concurrence ; et a été notifié par l'EMOC le 12 janvier 2000 pour un montant de 1,61 M€. La validation de l'APD par le maître d'ouvrage n'est intervenue qu'en février 2001, 13 mois après la notification au lieu des six prévus 40 ( * ) , après plusieurs modifications. Ce délai a encore été allongé de 14 mois par la procédure d'autorisation rendue nécessaire par le changement de destination des ateliers d'artistes et l'extension des surfaces. Le permis, demandé en juin 2001, a été accordé en avril 2002.

Alors que le projet était prêt à passer en chantier en février 2002 après les travaux de démolition, l'arrivée du nouveau ministre de la culture en mai 2002 a donné lieu à une nouvelle hésitation et à la suspension de l'opération. Il a fallu attendre février 2003 pour que celui-ci soit relancé et juin 2003 pour que démarrent les travaux.

Enfin, le projet a connu un ultime changement d'orientation avec la nomination d'un nouveau président de la Cinémathèque, M. Berri, qui a repoussé les délais de livraison de plus de huit mois supplémentaires. Ces modifications, qui touchaient la distribution des espaces d'expositions temporaires et ceux du musée, ont été entérinées dans un second avenant à la convention de mandat en mars 2004.

Force est de noter que les changements de programmes adoptés (interversion des espaces d'expositions permanente et temporaires) relèvent d'une réorientation du projet qui a bouleversé l'économie du programme initial, sans que le maître d'ouvrage délégué dispose de quelque moyen que ce soit pour en limiter les effets sur les coûts comme sur les délais.

b) Les atermoiements du projet muséographique

La forme du futur musée du cinéma et la part que devait prendre la collection de l'ancien musée Henri Langlois disparu dans l'incendie du Palais de Chaillot ont fait l'objet de vifs débats, opposant la direction de la Cinémathèque, ses conservateurs et les deux directeurs successifs du musée. Cette absence de consensus a été à l'origine de la scission précoce du programme entre immobilier et musée pour éviter que les difficultés du second ne freinent l'ensemble de l'opération.

En pratique, l'instabilité de la programmation muséographique s'est traduite par une succession des maîtres d'oeuvre du projet qui a repoussé la livraison à fin 2005. Un premier marché a été notifié en septembre 2000 pour un montant de 0,40 M€, après trois études de définition d'un montant de 0,11 M€. L'APD n'a toutefois été validé qu'en mai 2002 41 ( * ) et le marché complété par avenant en mai 2003 pour un montant de 0,92 M€.

A l'arrivée du nouveau président de la Cinémathèque, M. Claude Berri, celui-ci a envisagé plusieurs modifications du projet muséographique. Le premier marché de maîtrise d'oeuvre s'avérant incompatible avec le nouveau projet, celui-ci a été résilié en juin 2003, pour un coût de 0,23 M€. Un deuxième maître d'oeuvre a alors été désigné en janvier 2004. Dans l'attente de la nouvelle programmation toutefois, la procédure a été déclarée sans suite et le candidat indemnisé à hauteur de 17 940 €. La désignation du maître d'oeuvre définitif, est finalement intervenue en juin 2004 à l'issue d'un troisième concours et le marché a été notifié le 1 er septembre 2004 pour un montant de 0,23 M€.

Ces décalages révèlent une sous-estimation des délais nécessaires à l'élaboration du projet. La durée de 26 mois inscrite dans la convention de mandat a négligé les délais de validation et d'autorisation de l'opération. Si l'EMOC ne peut être tenu responsable des délais de délivrance des permis, il a néanmoins explicitement la charge de la phase préparatoire de l'opération au termes de la convention de mandat. A fortiori quand il a été mandaté pour réaliser les études préalables au projet, l'EMOC est responsable de l'estimation des délais d'autorisation nécessaires et des coûts afférents.

Cette sous-estimation des délais de validation et l'instabilité du programme sont lourdes de conséquence sur le calendrier de réalisation et les coûts, comme l'a confirmé le ministère dans sa réponse : « Les principales causes de dépassement sur le chantier de la Cinémathèque ont été les décisions de modification du programme global ainsi que le déplacement des espaces dédiés aux expositions temporaires (demande formulée par le président de la Cinémathèque). »

Au total, le montant des modifications de programme a été entériné par deux avenants à la convention de mandat et porté à 2,96 M€, soit 31% du dépassement. Le coût induit par l'allongement du calendrier s'élève quant à lui à 4,52 M€. Sachant que sur 41 mois de retard, 35 sont liés à la phase préalable (soit 85 %), l'allongement de calendrier lié à l'instabilité du programme peut être évalué à 3,85 M€, et l'impact global des modifications de programme à 6,81 M€.

2- Le changement de porteur du projet

Le projet de Maison du cinéma réunissait au départ quatre partenaires : l'Etat, propriétaire du bâtiment et du fonds cinématographique et muséographique ; les Archives françaises du film (AFF), rattachées au centre national de la cinématographie (CNC) ; la Cinémathèque française, association loi 1901 ; et la bibliothèque du film (BIFI), association loi 1901 née de la scission avec la Cinémathèque.

En l'absence de structure commune, la DAG du ministère de la Culture a été maître d'ouvrage de l'opération, le CNC co-signant les conventions de mandat d'études et de maîtrise d'ouvrage. Les autres partenaires ont quant à eux été associés au suivi de l'opération mais sans prendre de responsabilité juridique.

Une « Mission de réalisation du 51, rue de Bercy » a été mise en place pour coordonner l'opération. En pratique, la mission a assuré la circulation de l'information et le secrétariat des réunions rassemblant les partenaires, l'EMOC et les maîtres d'oeuvre, mais elle n'avait pas de pouvoir de décision. En outre, aucune décision n'a été arrêtée sur la structure en charge de la gestion future du bâtiment. En particulier, la Cinémathèque s'opposait à toute création d'un GIP, susceptible de menacer son existence.

L'absence d'interlocuteur unique ou, à défaut, de pilote capable d'arbitrer les conflits entre les partenaires, a contribué à la multiplication des modifications de programmes et à l'allongement considérable de la phase préparatoire. La présence de l'EMOC comme intermédiaire entre le maître d'ouvrage, les partenaires du projet et le maître d'oeuvre n'a pas permis d'améliorer le processus de décision.

A l'inverse, la décision prise en 2003 d'abandonner les scénarios GIP et mission de réalisation et de transférer la gestion future du bâtiment à la Cinémathèque française a permis la relance des travaux. Cette décision s'est accompagnée d'une modification des statuts de la Cinémathèque, d'un changement de son président et d'une fusion avec la BIFI programmée pour le 1 er janvier 2007.

Au total, le président de la Cinémathèque émet un jugement positif sur l'opération : « Les travaux menés par l'EMOC ont été livrés dans les délais convenus suite à la redéfinition du projet, avec des équipements en ordre de marche » 42 ( * ) .

De fait, sortie de son contexte et prise indépendamment de ses objectifs de départ, une même opération considérée comme mitigée par ses financeurs peut être vue comme une réussite par ses bénéficiaires. Cette appréciation - qui ne peut être partagée si on se place du point de vue des délais et des coûts prévus à l'origine - milite pour un renforcement du suivi des coûts et du calendrier dans le temps, afin de mettre en évidence les conséquences de changements de programme à l'échelle de l'opération, et non dans l'horizon temporel des dirigeants les plus récents.

E. LE GRAND PALAIS

Edifié entre 1897 et 1900, le Grand Palais a présenté dès les années 50 des fissurations révélant la fragilité de ses fondations. En raison du vieillissement des pilotis sur lesquels reposait le bâtiment côté Seine, le palais s'est enfoncé et l'ensemble des structures, façades et ornements compris, ont été déstabilisés. En outre, l'armature de fer de la nef a connu des phénomènes de déformation et de corrosion menaçant la sécurité des visiteurs. En 1993, la chute d'un rivet a conduit brutalement à la fermeture de la nef et au lancement d'un vaste projet de restauration du bâtiment.

Le SNT a été initialement chargé des études préalables et de la conduite de l'opération. En 1995, il a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre de 2,93 M€ (19,25 MF) correspondant à une première estimation des travaux de 31,25M€ HT (205 MF). Au cours de l'année 1997 cependant, la fixation du coût définitif des travaux à 62,75M€ HT (411,6MF) a été source d'un blocage entre les ministères de la culture et des finances 43 ( * ) . Ce n'est qu'en mars 1999 que le projet a pu être relancé, après remise au secrétaire général du Gouvernement du rapport de M. Chabanol, conseiller d'Etat. Le montant des travaux a été ramené à 53,36M€ HT (350 MF) et la maîtrise d'ouvrage confiée à l'EMOC par convention de mandat du 28 juin 1999.

D'un montant de 60,98 M€, la convention initiale comprenait les dépenses déjà engagées par le SNT (5,03M€), de nouvelles études préalables confiées à l'EMOC par convention du 14 juin 1999 (0,076 M€) et les travaux de restauration de la nef et des galeries Sud (55,87 M€). Sa durée a été fixée à 27 mois, soit jusqu'au mois de juillet 2002. Une seconde phase de travaux - comprenant la confortation des galeries Nord et la restauration des façades et statuaires - a été ajoutée au programme par avenant à la convention de mandat en février 2001 pour un montant de 58,54 M€.

La première phase des travaux a été achevée en septembre 2004, soit avec deux ans et deux mois de retard, tandis que la seconde phase a été lancée en mars 2005. Par ailleurs, des travaux de mise en sécurité et d'aménagement ont été intégrés dans le programme en avril 2005 pour permettre la réouverture de la nef au public en septembre 2005 à la demande du ministre. A la même date, une réduction drastique des travaux prévus au titre de la seconde phase (23,56 M€) ramène l'ensemble de l'opération à une enveloppe de 106,05 M€.

Par sa complexité administrative et juridique (comparable au théâtre de l'Odéon), son calendrier de réalisation (plus d'une décennie) et son budget, la restauration du Grand Palais est une opération hors normes. Elle n'en questionne pas moins deux aspects de la maîtrise d'ouvrage déléguée, l'évaluation de l'enveloppe initiale et la gestion des marchés.

1- La sous-évaluation de l'enveloppe initiale

Le débat qui a opposé les ministères de la culture et des finances sur le coût prévisionnel des travaux et les modifications du projet décidées par la suite illustre les ambiguïtés de la programmation d'une opération de restauration d'une telle envergure, qui prive l'enveloppe financière initiale de toute portée limitative.

L'opération Grand Palais a présenté dès l'origine une complexité et une ampleur telles que le maître d'ouvrage était dans l'incapacité de déterminer ex ante l'étendue des travaux et l'estimation prévisionnelle de leur coût. Le maître d'oeuvre a ainsi été chargé de préciser le coût des travaux dans le cadre des études d'avant projet. Malgré le risque de dérive du coût lié à la fixation de l'enveloppe financière par le maître d'oeuvre lui-même, aucune formule incitative à la maîtrise des coûts n'était prévue dans le contrat de ce dernier pour le calcul du forfait définitif de rémunération.

Une première réévaluation du coût prévisionnel des travaux est apparu dans l'avant-projet sommaire (APS) portant le montant de 31,25 M€ à 55,38 M€ HT en avril 1996. L'avant-projet définitif (APD) validé en février 1997 - et le projet d'avenant qui a suscité alors l'opposition du ministère des finances - a fixé ce coût à 62,75 M€. L'écart est expliqué par la sous-estimation du coût initial en l'absence de références et de projets comparables, le choix de la technique des parois moulées pour rendre possible des aménagements en sous-sol et la décision de réaliser les travaux en site occupé. Après négociation, ce montant a été ramené à 53,36 M€ HT dans l'avenant n° 2 notifié en décembre 1999, dont 41,56 M€ pour la première phase et 11,8 M€ pour la seconde.

Tableau n° 5 :  Evolution du coût prévisionnel des travaux du Grand Palais

Evaluation du marché initial (22/12/95)

APS

(19/04/96)

APD

(06/02/97)

Avenant n° 2

(13/12/99)

Fondations

100 MF

192 MF

221,9 MF

178,5 MF

Charpentes

70 MF

105,5 MF

111,3 MF

105,7 MF

Verrières et toiture

35 MF

65,8 MF

78,4 MF

65,8 MF

Total travaux HT

205 MF (31,25 M€)

363,3 MF (55,38 M€)

411,6 MF (62,75 M€)

350 MF (53,36 M€)

Sur le plan juridique, le débat a été tranché par le rapport de M. Chabanol faisant valoir le caractère provisoire du prix initial, tel que prévu par l'article 2 alinéa 5 de la loi MOP : « Lorsque le maître d'ouvrage décide de réutiliser ou de réhabiliter un ouvrage existant, l'élaboration du programme et la détermination de l'enveloppe financière prévisionnelle peuvent se poursuivre pendant les études d'avant-projet ». En ce sens, l'avenant n° 2 n'a pas constitué un bouleversement de l'économie du marché de maîtrise d'oeuvre mais a fixé la rémunération définitive sur la base d'études complémentaires.

Sur le plan opérationnel en revanche, ce raisonnement ne résout pas les effets de l'absence de prix définitivement arrêtés dès le départ. Pour les opérations classiques, le maître d'ouvrage dispose de moyens pour contraindre le maître d'oeuvre à respecter l'enveloppe initiale (en l'obligeant à reprendre gratuitement ses études ou en plafonnant la variation de coût par exemple). Dans le cas du Grand Palais, « le mécanisme de régulation dont la présence est habituelle dans les marchés de maîtrise d'oeuvre constituait en l'espèce une garantie illusoire (...). La notion même d'enveloppe financière initiale, sur laquelle repose en définitive la régulation du marché, n'y a pas grand sens. Techniquement d'abord, le problème était trop complexe pour que l'on puisse, à la signature du marché, déterminer la nature même des travaux nécessaires (...). Financièrement ensuite, était-il pensable que, à l'issue d'études déterminant la nécessité d'effectuer les travaux, on en revienne à l'enveloppe financière initiale avec l'assurance que les travaux qu'elle permettrait de financer étaient (...) insuffisants à assurer sa consolidation définitive ? » 44 ( * ) .

Si l'évolution du coût des travaux au vu d'études complémentaires se comprend aisément dans le cas d'espèce, elle n'en a pas moins privé le maître d'ouvrage d'outil pour contenir le budget du projet dans des limites fixées au départ. En outre, le maître d'ouvrage n'a eu aucun moyen d'évaluer la performance de la maîtrise d'oeuvre sur le plan financier, l'enveloppe étant fixée ex post par le maître d'oeuvre lui-même.

Par la suite, en février 2002, l'enveloppe a été abondée de 58,54 M€ pour financer la seconde phase des travaux, comprenant la poursuite des travaux de confortation sur la partie nord et la restauration des autres éléments de l'édifice : façades, balustrades, statues, sculptures.

Enfin, l'arrivée du nouveau ministre de la culture le 31 mars 2004 s'est accompagnée d'un changement de contenu et d'organisation du projet, autour du nouvel objectif d'ouverture de la nef pour les journées du patrimoine en septembre 2005. Pour l'atteindre, une étude sur les conditions d'une réouverture partielle au public a été menée par l'EMOC au dernier trimestre 2004 et un programme de travaux défini début 2005 sous la maîtrise d'oeuvre de l'ACMH pour un montant de 4,7 M€. Le programme de la seconde phase a quant à lui été diminué de 23,6 M€, portant le coût global du projet à 106 M€. Ces modifications de programme et de calendrier ont été entérinées par trois avenants à la convention de mandat initiale.

2- La gestion des deux principaux marchés

Malgré la longueur de la phase d'études préalables, qui s'est étendue sous des formes diverses de 1993 jusqu'au mois de mai 2000, la sélection des principales entreprises prestataires a encore occasionné délais et ajustements qui témoignent de la complexité du chantier.

Deux lots représentaient, dans l'appel d'offres restreint lancé le 26 mai 2000, l'essentiel du coût du projet : le lot n° 1 - Fondations, gros oeuvre (conclu pour 25,37 M€) et le lot n° 2 - Charpente métallique, verrière (conclu pour 23,88 M€).

Pour le lot n° 1, trois procédures successives ont dû être reprises. Après un premier appel d'offres restreint lancé le 26 mai 2000, auquel n'a répondu qu'un seul groupement pour un montant supérieur de 30 % à l'estimation du maître d'oeuvre, la procédure a été relancée le 10 novembre 2000 sous la forme d'un appel d'offres ouvert fondé sur une solution technique différente. Face à deux offres encore supérieures à l'estimation du maître d'oeuvre de respectivement 18 et 42 %, la consultation a été à nouveau déclarée infructueuse et une troisième procédure a été relancée le 13 mars 2001, cette fois négociée dans le cadre de l'article 104 du code des marchés publics. Celle-ci a abouti à la conclusion d'un marché le 22 octobre 2001 - soit avec un retard d'un an sur le calendrier initialement prévu - pour un montant de 25,37 M€ (y compris les tranches conditionnelles non affermies). In fine, il semble que la raison d'être de ce retard ait tenu à l'insuffisance des études préalables, qui se sont trouvées « démodées » par les propositions des entreprises 45 ( * ) . Il convient toutefois de reconnaître qu'une fois connus les résultats de la première consultation, l'EMOC et son maître d'oeuvre ont su réagir pour rétablir une procédure qui paraissait compromise et obtenir une diminution importante (9,2 M€) du prix du marché.

Le lot n° 2, quant à lui, a d'abord fait l'objet du même appel d'offres restreint lancé le 16 mai 2000, mais comme pour le lot n° 1, les offres reçues en juillet 2000 excédaient de plus de 33 % pour la plus basse l'estimation du maître d'oeuvre. Là aussi, la procédure a donc été déclarée infructueuse et reprise sous la forme d'un appel d'offres ouvert lancé en novembre 2000, après que le maître d'oeuvre eut « tout en restant dans le coût d'objectif qui lui était imparti et compte tenu de son taux de tolérance, (...) réévalué son projet ayant sous-estimé, dans le 1 er appel d'offres, le niveau général des prix suite à la conjoncture économique, et en tenant compte également de certaines difficultés spécifiques exposées par les entreprises lors du 1 er appel d'offres. » 46 ( * ) . De fait, le maître d'oeuvre a réévalué son estimation de 23 % entre les deux consultations, ce qui revenait presque à se mettre au niveau des premières offres.

Ce second appel d'offres n'a débouché que sur deux candidatures et deux offres reçues le 1 er février suivant. La première étant jugée techniquement supérieure et étant par ailleurs inférieure de 1,6 M€ à la seconde, c'est elle qui a été choisie le 6 juillet 2001. Mais en réalité, celle-ci n'avait quasiment pas changé entre les deux consultations, et n'était inférieure, lors de l'appel d'offres ouvert, que de 1 % à son montant lors de l'appel d'offres restreint. La succession des deux consultations a donc clairement eu pour objet de « recaler » l'estimation du maître d'oeuvre, et non les offres.

Par la suite, l'évolution de ces deux marchés a épousé celle du chantier du Grand Palais. Le lot n° 1 Gros oeuvre, d'un montant initial de 25,37 M€ (comprenant deux tranches conditionnelles affermies par la suite) a finalement été porté à 27,1 M€ (soit + 6,8 %) au terme de deux avenants. Le lot n° 2 Charpente et verrière, d'un montant initial de 23,89 M€ (comprenant une tranche conditionnelle affermie ensuite) a été porté à 28,07 M€, soit +17,5 %.

*

En acceptant de prendre en charge l'opération de rénovation du Grand Palais, l'EMOC a dû faire face à un programme et à une situation auxquels il n'avait pas pris part. Dans le cas du Grand Palais, ce programme, sous-évalué et techniquement mal connu, résultait pour l'essentiel des études des architectes détenteurs de droits exclusifs vis-à-vis du bâtiment, c'est-à-dire en dernier lieu de l'architecte en chef des monuments historiques.

Si cette considération tend à relativiser la responsabilité de l'EMOC dans les difficultés constatées lors des phases préparatoires, elle pose néanmoins, de nouveau, la question de l'expertise préalable des opérations assignées au mandataire.

II. UNE PERFORMANCE CONTRASTÉE

Sur la base des cinq exemples d'opérations développés ci-dessus, et en leur ajoutant certaines observations afférentes à d'autres chantiers achevés ou en cours, il est possible de dresser un bilan synthétique de la performance de l'EMOC.

Il convient à cet égard de reprendre les quatre questions posées en introduction à la présente partie :

1) l'exécution technique des opérations est-elle satisfaisante et correspond-elle aux attentes des utilisateurs ?

2) l'enveloppe financière allouée à chacune des opérations a-t-elle été respectée ?

3) les délais impartis à l'EMOC pour mener à bien les travaux ont-ils été tenus ?

4) les actes, marchés et décisions afférents aux opérations ont-ils été pris dans le respect de la réglementation ?

Les réponses que l'on peut apporter à ces questions témoignent d'une performance contrastée : si l'exécution technique des projets apparaît de qualité, en revanche, le respect des budgets et des calendriers impartis est loin d'être acquis. Mais dès lors que l'on analyse les causes de cette situation, il apparaît qu'à plusieurs égards, l'EMOC ne peut en être tenu pour le seul responsable. Souvent, et notamment dans le cas des modifications de programme, c'est le mode de fonctionnement du mandat qui en cause en ce qu'il ne permet pas à l'établissement d'être pleinement responsabilisé sur un programme et des objectifs, ceux-ci étant remis en cause par ses mandants administratifs ou politiques.

A. LES CONDITIONS D'EXERCICE PAR L'EMOC DE LA MAÎTRISE D'OUVRAGE DÉLÉGUÉE

1- L'exécution technique des opérations

Au terme des travaux, il semble que l'exécution technique des projets confiés à l'EMOC soit jugée par ses mandants et les utilisateurs de qualité. Cela signifie que sur la période récente, et pour s'en tenir aux ouvrages récemment achevés, il n'apparaît pas que des défauts substantiels de réalisation se soient manifestés. Ce constat s'explique par le fait qu'eu égard à la nature des ouvrages en cause, célèbres et prestigieux, l'EMOC et ses prestataires - maîtres d'oeuvre en tête - se voient assigner une obligation de résultat technique, quels qu'en soient le coût et les délais nécessaires. Les dépassements des enveloppes budgétaires et des délais de réalisation évoqués ci-dessous en témoignent.

Quatre nuances ou précisions doivent cependant être apportées à ce constat général.

1°) Dans plusieurs cas, le programme finalement mis en oeuvre ne correspond plus au programme initial jusqu'à abandonner certains de ses principes directeurs. Dans le cas de modifications importantes arbitrées à un niveau politique, il est clair que l'EMOC ne peut être tenu pour responsable. Ainsi le projet de Maison du Cinéma, qui justifiait l'investissement de l'Etat, correspond en fait au siège d'une Cinémathèque étendue sans que le rapprochement esquissé avec les centres de ressources du CNC soit mené à bien. L'immeuble des Bons Enfants, quant à lui, n'a pas donné lieu à tous les regroupements de services qui avaient été envisagés lors de sa conception. De façon plus générale, cela signifie qu'au-delà de l'achèvement des travaux eux-mêmes, il convient de s'interroger sur la réalisation des programmes , celle-ci pouvant appeler un jugement différent de celui-là.

2°) Les vicissitudes techniques relevant d'une insuffisance des projets ou d'une mauvaise réalisation sont couramment corrigées en cours de chantier. Tel est le cas du dispositif de chauffage et de climatisation de la marquise du musée d'Orsay : malgré le soin apporté à sa conception, il s'est avéré insuffisant pour offrir des conditions de travail satisfaisantes aux agents de la billetterie, si bien qu'il a fallu étudier et mettre en place des dispositifs additionnels dans les guérites. C'est dire qu'il est difficile de dissocier l'exécution technique globale des projets des modifications de programme, lesquelles sont fréquentes et coûteuses comme il est indiqué ci-dessous.

3°) Certaines caractéristiques des projets se révèlent à l'usage inutiles, inadéquates ou délaissées. Les bureaux de l'immeuble des Bons Enfants en offrent un exemple. En effet, leur répartition a été conçue autour de cloisons de verre, chacune des parois étant constituée en son centre d'un verre dépoli opaque et sur les côtés d'un verre poli transparent afin d'offrir à chaque agent l'intimité de bureaux particuliers tout en préservant, grâce à la transparence des marges, une impression d'ouverture. Or, un an après l'emménagement des services, il apparaît que de nombreux agents ont délibérément occulté les marges transparentes des cloisons (par le positionnement d'une armoire, par le collage de posters ou de cartes postales..). En apparence anecdotique, c'est en fait un élément notable du projet architectural de l'aménagement intérieur qui se trouve aujourd'hui oblitéré par plusieurs des utilisateurs du bâtiment.

4°) Enfin, les jugements relatifs à la réalisation technique des projets ne se forment qu'avec le temps, car les véritables défaillances n'apparaissent qu'à l'usage après plusieurs mois, voire plusieurs années. L'exemple du musée d'Orsay développé précédemment est éloquent à cet égard : le bâtiment n'avait qu'une dizaine d'années lorsqu'il a été constaté que les espaces publics ne convenaient pas. Surtout, ce sont les travaux récents qui ont révélé que les prestataires de l'époque, au début des années 1980, n'avaient pas conforté les structures métalliques que les travaux - notamment l'aménagement de l'auditorium et de la station de RER - avaient fragilisées.

2- Le dépassement des enveloppes initiales

Toutes les opérations prises en charge par l'EMOC depuis 1998 et dont le coût final peut être connu aujourd'hui témoignent d'un dépassement de l'enveloppe financière qui leur était initialement allouée.

Le dépassement des enveloppes financières : la méthodologie employée

Afin d'établir en toute rigueur le constat d'un dépassement systématique des enveloppes allouées aux projets, il convient au préalable de préciser suivant quelle méthode la comparaison des enveloppes initiales et des montants finaux doit être établie 47 ( * ) . Celle qui est proposée ici compare, pour les opérations réputées achevées :

- au numérateur, le montant total des engagements passés en juillet 2006 :

Ce montant diffère quelque peu - mais très peu - du montant total des mandatements, mais il est plus proche que ce dernier du coût final dans la mesure où même sur ces projets achevés, quelques marchés doivent encore être soldés ; il diffère aussi en moindre valeur du montant fixé par le dernier avenant à la convention de mandat, qui comprend parfois une légère marge avant l'achèvement des projets.

- au dénominateur, le montant de la convention de mandat initiale actualisé à la valeur de l'indice BT01 jusqu'à la date de livraison prévue par cette même convention :

En effet, il n'est pas possible de prendre tel quel le montant inscrit dans les conventions de mandat, puisque ceux-ci sont établis à une date de valeur souvent antérieure à la convention elle-même, et en tous cas antérieure à la date d'achèvement des travaux. Il est donc implicitement admis, dès la convention de mandat, que le chiffre avancé sera augmenté d'un facteur représentatif des révisions de prix. En revanche, il ne serait pas pertinent de réviser cette valeur jusqu'à la date prévisionnelle de l'inauguration : les révisions de prix intervenues au-delà de la date d'achèvement font partie intégrante du dépassement. Quant au choix de l'indice BT01, il s'impose puisque c'est lui qui régit la révision des prix de la majorité des marchés, et notamment des plus importants (gros oeuvre, plâtrerie, peinture...).

Sur ces bases, les projets achevés par l'EMOC se présentent ainsi :

Tableau n° 6 :  Le dépassement des enveloppes prévisionnelles

En M€

Montant de la convention de mandat initiale (pour mémoire)

Montant révisé à la date d'achèvement prévisionnel

Coût final

Dépassement (en valeur)

Dépassement (en %)

Centre national de la danse

6,83

7,21

15,69

8,48

118 %

Musée d'Orsay

8,84

9,32

16,48

7,16

77 %

Louvre - Gallerie d'Appolon

2,90

3,14

5,33

2,19

70 %

Musée de l'Orangerie

15,24

16,95

27,69

10,74

63 %

Pavillon Gabriel (Versailles)

3,13

3,22

5,22

2,00

62 %

Amphithéâtre Verniquet

5,34

5,75

8,27

2,52

44 %

Théâtre de l'Odéon

24,24

26,95

37,89

10,94

41 %

Louvre - Salle des Etats

4,06

4,40

6,08

1,68

38 %

Cinémathèque

24,24

25,76

33,89

8,13

32 %

INHA - bâtiment Vivienne

15,65

16,45

21,53

5,08

31 %

Extension de la Cité de la musique

5,19

5,53

6,86

1,33

24 %

Immeuble des Bons Enfants

54,12

60,18

70,67

10,49

17,4 %

Ecole d'architecture de Versailles

9,49

10,48

12,06

1,58

15 %

Union centrale des arts décoratifs

18,54

20,62

22,24

1,62

8,7 % 48 ( * )

Palais de Tokyo - jeune création

4,76

4,79

4,70

- 0,09

- 2 %

Source : Cour des comptes, à partir des conventions de mandat, de la table INSEE de l'indice BT01 et des bilans des opérations au mois de juillet 2006.

Comme il apparaît, exception faite de l'UCAD et du Palais de Tokyo (du fait d'une réduction drastique du périmètre d'intervention), les dépassements sont systématiques et varient de 1 à 11 M€ en valeur et de 15 à 118% en pourcentage.

Ces dépassements s'expliquent par différents facteurs, tantôt « objectifs » comme la découverte d'éléments devant nécessairement être pris en compte dans le projet, tantôt « subjectifs » à travers les modifications de programmes demandées par les dirigeants des futurs utilisateurs, tantôt imprévisibles comme dans le cas des aléas de chantier.

3- Le dépassement des délais de réalisation

Les dépassements des délais de réalisation des opérations sont eux aussi substantiels et systématiques. Si l'on considère les quinze opérations achevées par l'EMOC depuis sa création, le retard minimum s'est élevé à 9 mois (pour l'extension de la Cité de la musique), le retard maximum étant quant à lui de 45 mois (pour la Cinémathèque).

Tableau n° 7 :  Le dépassement des délais prévisionnels

Date d'achèvement prévue

Date d'achèvement effective

Retard

Cinémathèque

Décembre 2001

Septembre 2005

45 mois

Musée de l'Orangerie

Février 2003

Mai 2006

39 mois

Salle des Etats (Louvre)

Janvier 2002

Mars 2005

38 mois

Musée d'Orsay

Mars 2001

Mars 2004

36 mois

Théâtre de l'Odéon

Février 2003

Février 2006

36 mois

Centre national de la danse

Juillet 2001

Avril 2004

33 mois

Galerie d'Apollon (Louvre)

Mars 2002

Novembre 2004

31 mois

Pavillon Gabriel (Versailles)

Décembre 2000

Juillet 2003

31 mois

INHA - bâtiment Vivienne

Octobre 2001

Mars 2004

29 mois

Ecole d'architecture de Versailles

Février 2003

Juillet 2005

28 mois

Grand Palais (1 ère phase)

Juillet 2002

Septembre 2004

26 mois

Immeuble des Bons Enfants

Février 2003

Novembre 2004

20 mois

Amphithéâtre Verniquet

Septembre 2002

Octobre 2003

14 mois

Palais de Tokyo (jeune création)

Septembre 1999

Décembre 2001

13 mois

Extension Cité de la musique

Octobre 2004

Juillet 2005

9 mois

Ces retards s'expliquent souvent par les mêmes raisons que pour les dépassements des enveloppes budgétaires, dont ils sont eux-mêmes une cause 49 ( * ) : reprises d'études liées à des changements de programme, suspensions politiques des chantiers... D'une façon plus générale, il semble que leur origine soit à rechercher dans la conjonction de deux phénomènes :

- la sous-évaluation du temps nécessaire à la réalisation des opérations, et notamment pour mener à bien les phases préparatoires (du choix du maître d'oeuvre au lancement de la consultation pour les travaux) : en effet, même si les chantiers connaissent aléas et retards, par exemple dans le cas de défaillances d'entreprises, ce ne sont pas eux qui comptent le plus dans le dépassement des délais, mais plutôt les phases administratives préalables. En particulier, le temps nécessaire à l'obtention des permis de construire, ou même au dépôt de simples déclarations de travaux, apparaît sous-évalué, ce phénomène étant accentué par le choix consistant, en cas de recours contentieux, à attendre que ceux-ci soient purgés pour engager les travaux : c'est notamment ce qui a été demandé à l'EMOC dans le cadre de l'opération de l'immeuble des Bons Enfants ;

- la fragilité intrinsèque, en termes de délais, d'opérations reposant sur un enchevêtrement de réglementations dont les exigences procédurales sont fréquemment bloquantes. C'est le cas du code des marchés publics en cas d'infructuosité de la première consultation, configuration qui s'est répétée à de nombreuses reprises au cours des années 2000-2002, à la suite de sous-estimations très fréquentes des études de projet. Mais c'est aussi le cas de la réglementation sur les monuments historiques, notamment lorsque des validations de prototypes ou de procédés (marquise du musée d'Orsay, quadriges du Grand Palais, colonnes du foyer de l'Odéon) sont requises de l'inspection des monuments historiques.

4- L'application de la réglementation

Les projets menés à bien ces dernières années n'ont pas été marqués par des blocages réglementaires ou des contentieux liés à l'application des règles de la commande publique (exception faite du marché de maîtrise d'oeuvre du Grand Palais, bloqué de 1997 à 1999 et que seule l'intervention du rapport de M. Chabanol a permis de reprendre). Certes, il est arrivé fréquemment que les commissions d'appels d'offres, en amont, et les commissions spécialisées des marchés de l'Etat, en aval, formulent des remarques et exigent des précisions vis-à-vis de tel ou tel marché. Ainsi notamment pour le recours répété à la procédure négociée suite à l'infructuosité des appels d'offres 50 ( * ) due le plus souvent à la sous-estimation du coût des travaux par la maîtrise d'oeuvre. Mais en regard de la masse des marchés passés chaque année (240 dossiers de marchés ouverts en 2005), ces cas apparaissent relativement peu nombreux. Ce constat s'explique par l'expérience acquise par les équipes de l'EMOC, héritières de celles du Grand Louvre, dans la passation des marchés. La présence de la contrôleuse d'Etat et de l'agent comptable au sein des commissions d'appels d'offres contribue également à un contrôle préalable en la matière.

Cela ne signifie pas que la gestion des marchés, une fois ceux-ci conclus, soit exempte de reproche. Il a été observé que de nombreux avenants viennent s'ajouter aux marchés initiaux et modifient fréquemment leurs montants dans des proportions incompatibles avec l'application rigoureuse du code des marchés publics. Ceci est particulièrement vrai des marchés de maîtrise d'oeuvre. Mais dans la majorité des cas, ces aléas de gestion procèdent directement des accidents des chantiers et des modifications de programme exigées par les maîtres d'ouvrages ou les futurs utilisateurs. Cette situation n'est pas satisfaisante, mais ses causes apparaissent donc extérieures à l'application de la réglementation elle-même et tiennent plutôt aux conditions de pilotage des projets.

B. LES CAUSES DE CETTE PERFORMANCE CONTRASTÉE

1- La sous-évaluation du coût des projets

Tant l'EMOC que ses tutelles s'accordent à reconnaître que les opérations programmées ces dernières années ont été sous-évaluées, que ce soit en termes strictement budgétaires ou de façon plus générale en termes de volume et d'ampleur des travaux. Cette sous-évaluation s'explique par des études incomplètes ou par la validation de programmes conçus sur une base minimale, qu'il faudra amplifier par la suite. Elle traduit la volonté d'obtenir un feu vert politique et budgétaire en vue de lancer les projets, dont on sait qu'il faudra bien, une fois lancés, couvrir le coût réel.

Cette attitude est générale et s'observe à tous les niveaux (établissements publics utilisateurs vis-à-vis de leurs directions de tutelle ; directions vis-à-vis du cabinet du ministre ; ministère de la culture dans son ensemble vis-à-vis du Premier ministre et du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie).

La sous-évaluation des projets se manifeste sous plusieurs formes.

Tout d'abord, la valeur de l'enveloppe initiale est toujours exprimée, dans les conventions de mandat, à une date antérieure au lancement des travaux. Parfois, cette date de valeur est même significativement antérieure à la date de signature de la convention de mandat elle-même : valeur juin 1998 pour une convention signée en mars 1999 dans le cas du musée d'Orsay, valeur novembre 1998 pour une convention signée en août 1999 dans le cas de l'immeuble des Bons Enfants...

Et cette habitude perdure, si l'on en juge par des exemples plus récents : valeur août 2002 pour une convention signée en juillet 2005 dans le cas du centre des archives de Pierrefitte, valeur décembre 2002 pour une convention signée en juillet 2006 dans le cas de la rénovation du quadrilatère Richelieu. Cela signifie que l'enveloppe a été déterminée sur la base d'estimations de prix qui, à les supposer exactes, auront nécessairement connu une augmentation lorsque la consultation publique des entreprises sera effectivement lancée deux ans plus tard.

Cet effet a été particulièrement dommageable au cours des années écoulées puisqu'entre 2000 et 2005, l'indice des prix à la construction sur lequel sont indexés les prix de la plupart des prestataires de l'EMOC a connu tous les ans une augmentation supérieure de 1 à 2 points à celle de l'indice des prix à la consommation. Dans le cas extrême de la rénovation du quadrilatère Richelieu, cela signifie qu'avant même le premier coup de pioche, l'enveloppe mentionnée par la convention, soit 120,8 M€, en étant exprimée en valeur décembre 2002, est déjà sous-estimée d'au moins 15,2 M€, soit 12,6%. Le même raisonnement peut être appliqué au centre des archives de Pierrefitte, pour lequel le montant de l'opération (117,8 M€) porté dans la convention de mandat est ab initio sous-estimé d'au moins 14,8 M€ soit 12,6% également 51 ( * ) .

Cette pratique de sous-évaluation se maintient tout au long de la vie des conventions de mandat, quand bien même il devrait être possible de réduire au maximum l'écart à combler lors du dernier avenant à l'achèvement des travaux.

En réponse aux observations de la Cour, la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et la direction de l'administration générale du ministère de la culture se sont déclarés prêtes à afficher, dès la convention de mandat initial, le coût des révisions de prix nécessaires jusqu'à la date d'achèvement des travaux. Si cette intention est suivie d'effet, les conventions de mandat et de leurs bilans d'exécution gagneraient en transparence et en lisibilité.

Par ailleurs, l'enveloppe financière arrêtée sur la base des études préalables est fréquemment remise en cause par les maîtres d'oeuvre dans leurs avant-projets sommaires ou définitifs. De nombreux exemples pourraient être cités. L'un des plus significatifs concerne le Centre national de la danse : alors que la convention de mandat signée en mars 1999 prévoyait un volume de 7,17 M€ de travaux pour la partie immobilière du projet, les maîtres d'oeuvre ont estimé, dans leurs études d'avant projet, que cette somme était insuffisante et ont obtenu, après un examen contradictoire de leurs propositions, un abondement de 1,72 M€, soit + 24 %, entériné par un avenant à la convention de mandat signé en février 2001 (d'autres augmentations suivront, de façon plus ponctuelle : + 0,46 M€ un an plus tard, + 0,99 M€ deux ans plus tard...). De tels ajustements obligent à s'interroger sur la qualité des études préalables qui ont conduit à la première évaluation du coût des aménagements immobiliers. Dans le même ordre d'idée, le coût du chantier de rénovation du musée de l'Orangerie, estimé à 11,89 M€ au stade de la sélection du maître d'oeuvre, a été porté à 14,36 M€, soit + 21 %, dès que celui-ci eut rendu ses études d'avant-projet.

Au cours de la phase contradictoire, l'un des interlocuteurs de la Cour, architecte en chef des monuments historiques, a expliqué ce mécanisme :

« Lors de l'élaboration d'un tel programme, il est conçu, prévu et estimé ce que l'on pourrait appeler le projet idéal, qui répond à toutes les demandes et tous les besoins (...).

A un certain moment, le maître d'ouvrage détermine le financement qui peut être prévu. Et, malheureusement, ce financement ne correspond pas au montant de l'estimation du projet idéal. Il faut alors abandonner des postes, couper dans le projet initial pour qu'il soit moins coûteux, le rendre réalisable (...).

Puis, au fil delà réalisation et lorsque cela est autorisé, devant les besoins qui continuent à s'exprimer, un certain nombre de prestations qui avaient été mises de côté sont réintégrées dans le programme grâce à une extension budgétaire (...).

Ces avenants et travaux supplémentaires sont donc liés aux cadres budgétaires limités initialement et dans lesquels il a fallu se glisser pour réaliser l'opération et aux besoins auxquels il a été possible de répondre grâce aux compléments de financement qui ont pu être dégagés ultérieurement pour mieux finaliser la réalisation ».

Enfin, cette sous-évaluation chronique se manifeste fréquemment au moment du lancement de la consultation principale pour les marchés de travaux. Les appels d'offres qui en découlent sont souvent déclarés infructueux du fait d'écarts importants entre les estimations du maître d'oeuvre et le montant des offres des entreprises, ce qui ouvre la voie à une phase de négociation directe. Presque tous les chantiers conduits entre 2000 et 2004 ont souffert de ce problème, qui a eu de surcroît un impact important en termes de délais. Dans certains cas, le résultat de l'appel d'offre conduit le maître d'oeuvre dont l'estimation a été prise en défaut à estimer que ce sont les entreprises qui n'ont pas bien compris les exigences du cahier des charges, tout en se rangeant finalement aux propositions de ces dernières. C'est ce qui s'est produit, par exemple, avec le marché de gros oeuvre passé pour la rénovation du théâtre de l'Odéon : estimé d'abord à 4,56 M€, celui-ci a finalement été conclu pour un montant de 6,42 M€ et clos sur un total de 7,026 M€. Il en a été de même pour le marché de gros oeuvre passé dans le cadre de la construction de la Cinémathèque, qui a été conclu pour un montant de 5,47 M€ au terme d'une procédure négociée qui faisait suite à une déclaration d'infructuosité liée au fait que l'estimation était encore inférieure de 1 M€ à l'offre moins-disante.

Ainsi, à tous les stades du projet, depuis les études préalables qui servent de fondement à la première enveloppe jusqu'aux estimations préalables aux appels d'offres en passant par la gestion des dates de valeur et des mécanismes de révision souvent improprement qualifiés d'actualisation, tout semble contribuer à ce que les projets paraissent coûter moins cher que ce qui est prévisible au moment où sont formées ces évaluations.

C'est la raison pour laquelle il apparaît indispensable que l'EMOC, avant d'accepter de prendre en charge telle ou telle opération, se livre à une analyse approfondie des éléments financiers préparés en vue de la convention de mandat et puisse les valider afin d'être, par la suite, pleinement responsable du respect de l'enveloppe allouée.

2- La complexité juridique des opérations

La plupart des projets conduits par l'EMOC ces dernières années sont des opérations lourdes de réhabilitation à forte dominante technique qui ne sont pas sans incidences sur leur complexité juridique.

Ainsi le premier élément à prendre en compte concerne les permis de construire qui ne sont jamais « standard » : la plupart des opérations a nécessité une instruction approfondie au stade du permis de construire du fait de partis pris architecturaux présentant des incompatibilités avec le plan d'occupation des sols (extension des surfaces comme dans le cas des Bons Enfants, élévation d'un élément en hauteur comme dans le cas de l'Odéon...). Systématiquement, la longueur de cette phase a été sous-évaluée.

En réponse à une interrogation de la Cour au cours de la phase contradictoire, l'EMOC a assuré que les commissions techniques chargées d'examiner les projets avant leur passage devant les jurys portaient systématiquement leur attention sur les règles d'urbanisme. Il convient de prendre acte de ce fait, qui toutefois n'engage pas les jurys. Pour autant, il est avéré que dans les cas où les projets sélectionnés exigeaient des dérogations auxdites règles d'urbanisme, le temps nécessaire à l'obtention des autorisations a été largement sous-estimé, d'autant que s'y est ajouté, par exemple dans le cas de l'immeuble des Bons Enfants, le délai nécessaire pour purger les recours contentieux engagés sur ce fondement.

Ensuite, l'EMOC a souvent appliqué, en matière de maîtrise d'oeuvre, un régime mixte loi MOP / monuments historiques, aboutissant, tantôt à une double maîtrise d'oeuvre comme dans le cas du musée d'Orsay, tantôt à un groupement mixte multidisciplinaire comme dans le cas du théâtre de l'Odéon. Dans d'autres cas, le même projet a fait l'objet d'un partage entre deux maîtrises d'oeuvre, chacune responsable d'une partie des travaux : immobilier / muséographie dans le cas de la Cinémathèque et de la Cité de l'architecture et du patrimoine, structure / aménagements intérieurs dans le cas des Bons Enfants...

A chaque fois, il existe des raisons objectives (le classement du bâtiment, la dimension technique des travaux...) ou liées aux demandes des futurs utilisateurs (la muséographie de la Cinémathèque) pour scinder la maîtrise d'oeuvre et en répartir les attributions sur plusieurs acteurs, entre lesquels la constitution d'un groupement est soit juridiquement impossible, soit ne fonctionne qu'en titre mais n'a pas d'implication opérationnelle. Ainsi, l'un des maîtres d'oeuvres interrogé au cours de la phase contradictoire a-t-il indiqué qu'il n'était pas responsable du pilotage des prestations de ses co-titulaires (en l'occurrence des bureaux d'études), alors que la convention le désignait clairement comme mandataire et responsable du groupement.

Enfin, la consultation principale organisée pour chaque projet par l'EMOC, avec l'appui du ou des maîtres d'oeuvre, a souvent procédé à un allotissement très large, fondé sur l'idée d'une spécialisation de chaque prestation : 26 lots dès l'origine pour l'Odéon, 32 pour la Cinémathèque et le Centre national de la danse, 38 pour la Cité de l'architecture et du patrimoine... Encore ces lots n'épuisent-ils pas la totalité des prestataires puisque s'y ajoutent tous les titulaires de commandes ou de marchés conclus séparément : in fine, la construction de la Cinémathèque aura ainsi nécessité 83 marchés modifiés par 73 avenants.

Cette spécialisation apparaît inspirée par la pratique des chantiers de taille modeste auxquels s'applique la réglementation sur les monuments historiques, qui met aux prises le maître d'oeuvre ACMH avec une multitude d'artisans hautement qualifiés. Peu d'exceptions à cette pratique ont été notées ces dernières années, la principale étant le chantier de l'université Paris 7 qui correspond cependant à une construction neuve et pour laquelle il a été procédé à la sélection d'une entreprise générale de travaux, qui a constitué l'interlocuteur unique du maître d'oeuvre et opère sa propre conduite de chantier.

L'allotissement constitue dans la plupart des cas une obligation au regard du code des marchés publics. Il n'en a pas moins pour conséquence de conduire à un renforcement des équipes du côté de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre : il est l'une des raisons pour lesquels l'EMOC recourt systématiquement à un marché d'OPC (marché public d'ordonnancement, de pilotage et de coordination du chantier), dont le coût est substantiel : 604 180 € pour les Bons Enfants, 256 713 € pour la Cinémathèque... Au cours de la phase contradictoire, le président de la Cité de l'architecture et du patrimoine (CAPA) a par exemple, et sans que l'on puisse en tirer un enseignement général, fait observer à la Cour que la fraction de chantier conduite par le biais de l'entreprise générale de travaux avait été menée à bien avec davantage d'allant que le reste de l'opération, caractérisée par un allotissement très large.

Au total la complexité des montages, liée à celle des opérations menées sur des bâtiments classés, célèbres et signés, a eu dans presque tous les cas des effets en termes de calendrier et de coût.

3- L'insuffisante implication opérationnelle du maître d'ouvrage et les relations avec les maîtres d'oeuvre

Même si la direction de l'exécution des travaux constitue toujours l'une des missions contractuelles du maître d'oeuvre, qui représente entre 30 et 50 % de sa rémunération, et que la coordination au quotidien des prestataires relève d'un pilote employé à cet effet, plusieurs des interlocuteurs de la Cour ont fait valoir que le maître d'ouvrage devait être impliqué dans les opérations de chantier, ne serait-ce que pour en garantir la « mise sous tension ». De ce point de vue, il doit être observé qu'à la différence d'autres maîtres d'ouvrage, l'EMOC ne dispose pas d'équipes présentes en permanence sur ses chantiers. Dans le cas des opérations conduites en province, sa présence y est même occasionnelle.

Le système de gestion des opérations adopté par l'EMOC, qui repose sur un chef de projet assisté d'une ou deux personnes, se traduit par le fait qu'aucun des cadres de l'établissement ne se consacre à temps plein à un projet, quel qu'en soit le stade d'avancement, alors qu'on pourrait s'attendre à ce qu'au moins en phase de travaux et pour les plus importantes des opérations, les chefs de projets soient pleinement mobilisés. Par exemple, dans le cas du théâtre de l'Odéon, les données communiquées par l'EMOC tendent à montrer que le chef de projet y a consacré 40 % de son temps de 1999 à 2005, sans évolution à la baisse ou à la hausse. Dans le cas de la Cinémathèque, la part de temps consacrée à l'opération par le chef de projet a certes progressé pour passer de 30 % de 1999 à 2003 à 60 % en 2005, c'est-à-dire en phase d'achèvement, mais elle n'a jamais représenté un temps plein en dépit des difficultés du chantier.

Cette organisation mériterait d'être réexaminée par l'établissement, afin que celui-ci réfléchisse aux moyens de s'impliquer davantage dans la surveillance opérationnelle des chantiers, gage de leur bon avancement. La phase contradictoire menée par la Cour des comptes a suffisamment montré, notamment du côté des utilisateurs des services de l'EMOC, que des progrès étaient attendus sur ce front.

De surcroît, une implication plus constante de l'EMOC sur les chantiers lui permettrait de veiller à la bonne exécution, par les maîtres d'oeuvre, de leurs missions contractuelles. En effet, les bouleversements qui ont affecté quasiment toutes les opérations prises en charge par l'EMOC ces dernières années, qu'ils résultent d'aléas techniques ou de modifications de programme, ont conduit à ce que ne puissent plus être appliqués les dispositifs initiaux visant à ce que les maîtres d'oeuvres soient responsabilisés vis-à-vis des coûts d'objectif associés à leurs projets. Ce faisant, le caractère forfaitaire, et donc responsabilisant de leur rémunération a évolué dans le sens d'une rémunération au temps passé.

La professionnalisation attendue de la création de l'EMOC pour une meilleure conduite des chantiers culturels n'a pas eu tous les effets escomptés, qu'il s'agisse de la capacité à organiser des opérations complexes ou à en assurer le pilotage.

4- L'instabilité des programmes

La première cause du dépassement systématique des délais et des budgets prévus par les conventions de mandat tient aux modifications de programme qui rythment la vie des projets jusqu'au jour de l'inauguration. Ces modifications, qui relèvent d'après la lettre de la loi MOP du maître d'ouvrage en titre, suscitent de nombreuses interrogations, qui vont de la qualité des programmes initiaux aux relations entre l'EMOC et ses mandants. Mais au préalable, il est utile de caractériser ce phénomène.

En amont de ces modifications de programme, d'abord, figurent parfois les suspensions prononcées à un niveau politique afin de « faire le point » sur des projets en cours de réalisation, et qui ont un effet mécanique sur les coûts du seul fait de l'allongement des délais qu'elles induisent  : c'est notamment ce qui s'est passé dans le cas de la Cinémathèque, dont le chantier a été suspendu juste après les travaux de démolition à l'arrivée d'un nouveau ministre de la culture en mai 2002, pour n'être relancé qu'un an plus tard, en juin 2003. C'est aussi, avec des résultats différents, ce qui s'est passé sur le chantier du Grand Palais en 2004, lorsque le ministre de la culture nouvellement nommé décida de suspendre la consultation en cours en vue d'une concession de travaux publics et d'une délégation de service public pour lui préférer un objectif de court terme visant à rouvrir la nef en septembre 2005 et à réduire de 23,5 M€ le volume des travaux prévus au titre de la deuxième phase.

Dans d'autres cas, la programmation se trouve rapidement bouleversée par la survenance ou la découverte d'événements imprévus. Le musée d'Orsay et l'état de corrosion de sa marquise et de ses structures métalliques illustrent ce cas de figure. De façon plus ambiguë compte tenu de la façon dont le problème a été traité, peut être mentionnée la découverte dans le cadre du chantier du musée de l'Orangerie, en août 2003, de vestiges du mur d'enceinte des Fossés Jaunes, édifié entre le milieu du XVIème et la fin du XVIIème siècle : après que les fouilles archéologiques de dégagement eurent été menées à bien entre les mois de septembre et de décembre 2003 ; le ministre décida, en janvier 2004, que les blocs de pierre ainsi dégagés seraient présentés au public dans le cadre d'un projet muséographique remanié. Cette décision, qui nécessitait la reprise de tout le schéma de présentation des salles du sous-sol, a été entériné par avenant à la convention de mandat en juin 2004, pour un coût de 3 M€ 52 ( * ) . Sans discuter l'intérêt archéologique de ces vestiges, il peut toutefois être remarqué que l'option de la présentation sur place laisse quelque peu dubitatif dans le cadre d'un musée dédié à l'art du début du XXème siècle, à quelques centaines de mètres d'un ensemble de vestiges de la même enceinte mieux conservés et plus complet au sein du musée du Louvre. Cette impression accrédite l'idée que ce schéma reposait moins sur un choix scientifique ou sur un aménagement réfléchi du musée de l'Orangerie lui-même que sur le souci de ne pas heurter la communauté archéologique au moment où l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) perdait certains de ses droits exclusifs, suscitant un mouvement de protestation relayé par les médias.

Par ailleurs, il est arrivé fréquemment au cours des dernières années que ce soit le périmètre d'une opération confiée à l'EMOC qui ait été étendu, sans que ces ajouts traduisent une évolution fondamentale du programme considéré dans sa globalité. C'est notamment ce qui s'est passé dans le cas des opérations dont une partie était assurée par le SNT et qui a été postérieurement transférée à l'EMOC pour éviter les chantiers conjoints.

De façon un peu différente, le mandat de l'établissement a été complété, dans le cas de l'immeuble des Bons Enfants, par la construction du restaurant et des équipements de cuisine. Dans le cas du Centre national de la danse, il est vite apparu que l'aménagement des équipements mobiliers scéniques ne pouvait pas être dissocié de l'aménagement immobilier, qui seul avait été confié à l'EMOC dans son mandat initial.

Troisième cas de figure, il arrive que les modifications de programme viennent combler des oublis peu justifiables du programme initial. Par exemple, une partie des ajustements opérés à la Cité de l'architecture et du patrimoine visaient à aménager un espace de restauration pour les visiteurs et à compléter l'éclairage d'une salle, qui avait été « oublié ».

Ces trois catégories ne correspondent donc pas toutes à des modifications de programme stricto sensu , mais elles témoignent a minima de l'instabilité du montage initial (dans le cas d'une répartition changeante entre mandataires ou prestataires), d'un mauvais calibrage du mandat ou d'une insuffisance des programmes initiaux.

Souvent, cependant, les modifications de programme ne relèvent ni de la force majeure, ni d'extensions ou de corrections bienvenues, mais seulement de préférences changeantes avec le temps. C'est particulièrement le cas lors des changements de dirigeants du côté des futurs utilisateurs. Quelques exemples ponctuels en ont déjà été donnés, à travers le changement d'essence du bois des mobiliers au musée d'Orsay à l'arrivée du nouveau président ou la transformation des bureaux simples des directeurs du ministère de la culture en bureaux doubles dans l'immeuble des Bons Enfants à l'occasion d'un changement à la tête de la direction de l'administration générale.

Plus significatifs et de plus grande conséquence - y compris en termes de future exploitation - apparaissent les modifications demandées à leur arrivée par les présidents de la Cinémathèque et de la Cité de l'architecture et du patrimoine.

Dans le premier cas, le déplacement du niveau consacré aux expositions temporaires demandé par M. Claude Berri peu après son arrivée en septembre 2003 (lié à son souhait de réserver à celles-ci l'étage noble du bâtiment de Franck Gehry, le 5 ème , disposant d'un éclairage zénithal) s'est traduit par la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre et par la dissociation des expositions permanentes sur des niveaux discontinus (2 ème , 3 ème et 7 ème étages). Il a été indiqué plus haut que le coût de l'ensemble des modifications de programme intervenue sur cette opération était estimé à 6,81 M€.

Dans le second cas, les modifications de programme demandées par M. François de Mazière, nommé en juillet 2004 président de la Cité de l'architecture et du patrimoine, a été pris en compte par l'avenant n° 5 à la convention de mandat signé en juin 2005. Ces modifications ont apporté des inflexions sensibles au projet initial puisqu'elles visaient à étendre les surfaces dédiées aux expositions temporaires, à créer une entrée spécifique rue Albert de Mun, à aménager des espaces de réception destinés à être loués ou mis à disposition de mécènes, à supprimer la mezzanine de la galerie d'architecture contemporaine et à revoir les circulations verticales. Le total des ces modifications était alors estimé à 4,23 M€ indépendamment de leur impact sur les délais, sur un projet que le précédent avenant évaluait à 62,03 M€.

Ces modifications de programme sont toujours argumentées, et leur pertinence en tant que telle n'est pas discutable. Parfois, elles se substituent à des options qui n'étaient ni erronées, ni caduques, mais simplement différentes. D'autres fois, comme dans le cas de la Cité de l'architecture et du patrimoine, elles procèdent à la fois d'une réorientation éditoriale du projet et d'une remise en cause de la qualité des études et des projets qui justifiaient les choix antérieurs.

Ce phénomène est bien illustré par la question de l'emplacement de la Joconde au musée du Louvre. En effet, le programme initial de rénovation de la salle des Etats, fixé par la convention de mandat signée le 26 juillet 1999, prévoyait que celle-ci serait consacrée à la peinture vénitienne du XVIème siècle, avec pour point d'orgue la présentation des Noces de Cana sur une cimaise centrale et de la Joconde sur le petit côté de la salle, mitoyen de la grande galerie. Dès le programme initial, il était donc prévu une exception à l'accrochage par écoles, la salle des Etats étant la mieux à même d'accueillir les visiteurs très nombreux qui se pressent devant l'oeuvre de Léonard de Vinci (qui ne relève pas de l'école vénitienne). Mais à son arrivée à la présidence du musée en mars 2001, M. Henri Loyrette sollicita de nouvelles études de flux qui aboutirent à une interversion des deux oeuvres. Cette modification de programme (la Joconde sur la cimaise centrale, les Noces de Cana sur le mur mitoyen de la grande galerie) a été entériné par l'avenant n° 1 à la convention de mandat, signé le 12 février 2002. Le coût en était estimé alors à 771 000 €, auxquels il conviendrait d'ajouter le coût induit par les quelques dix mois de délais supplémentaires provoqués par ce changement 53 ( * ) .

Au demeurant, il n'apparaît pas que l'EMOC se soit montré particulièrement ferme pour modérer (voire refuser) les modifications demandées en cours d'exécution. Outre le risque de dissuader ses maîtres d'ouvrage habituels de lui confier de nouveaux chantiers s'il adoptait une vision trop rigide de sa mission, il estime que son rôle de mandataire le place au service des futurs utilisateurs, même lorsque c'est au prix d'amendements coûteux aux programmes validés.

La seule solution pour pallier les inconvénients majeurs de l'instabilité des programmes réside donc de façon générale dans une autodiscipline des maîtres d'ouvrages eux-mêmes, et dans l'obligation qui devrait être imposée à l'EMOC de chiffrer très précisément le coût des changements demandés ainsi que leur impact en termes de délais et d'exploitation future avant d'accepter, au besoin, qu'un avenant vienne entériner ces modifications ou qu'elles fassent l'objet, lorsqu'elle s'y prêtent, d'une convention de mandat séparée.

*

La question de la performance de l'EMOC conduit donc à s'interroger, certes sur les pratiques de l'établissement, mais aussi sur la nature et les contours des mandats qui lui sont confiés.

La logique du mandat, en effet, ne peut fonctionner de manière satisfaisante que si le mandataire témoigne d'une valeur ajoutée dans la conduite des projets. Les équipes de l'EMOC, si elles sont composées de professionnels réunis à cet effet, devraient être davantage responsabilisées dans la conduite des opérations, que ce soit en matière budgétaire, de calendrier, d'implication opérationnelle ou de stabilité de la programmation. En contrepartie, l'EMOC devrait rendre compte régulièrement à ses mandants de l'exécution de ses missions à travers des instruments de pilotage au service tant du bon déroulement des opérations que du contrôle indispensable des maîtres d'ouvrage sur les obligations du mandataire.

C. LES PERSPECTIVES D'AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE DE L'ÉTABLISSEMENT

L'analyse des facteurs qui expliquent, à titre principal, la performance contrastée de l'EMOC en matière de maîtrise d'ouvrage montre que l'essentiel se joue dans la capacité à offrir aux projets stabilité et continuité, d'une part, et à permettre à l'établissement de jouer son rôle d'opérateur spécialisé en situation de pleine responsabilité.

C'est dire que l'amélioration des pratiques professionnelles de l'établissement, même si elle est de nature à contribuer de manière substantielle à sa performance, ne peut prétendre à elle seule résoudre toutes les difficultés évoquées par le présent rapport.

1- La question de l'expertise des programmes en amont de l'intervention de l'EMOC

Une partie des difficultés constatées dans le cours des projets résulte de lacunes ou d'erreurs dans les programmes confiés à l'EMOC, qu'il s'agisse des programmes architecturaux (surfaces, liste des activités, définition des besoins, contraintes techniques, contraintes d'assiette, exigences fonctionnelles...) ou de l'équilibre général des projets (enveloppe financière, délais, articulations entre bâtiment et muséographie...).

Une association plus systématique de l'établissement aux études préalables pourrait être un premier moyen d'améliorer les choses. Mais l'essentiel se joue ailleurs : dans la capacité de l'établissement à expertiser et au besoin à contredire les programmes avant qu'il en prenne la responsabilité et qu'il en assume les différents paramètres.

En réponse aux observations provisoires de la Cour, l'EMOC lui-même s'est déclaré prêt à déployer une expertise plus ambitieuse en amont des conventions de mandat, notamment « en demandant aux économistes de la construction en charge de l'évaluation une analyse des risques de dérapage des coûts » et « en améliorant sa capacité de résistance aux demandes du maître d'ouvrage de recherche d'économies non raisonnables ou non compensées par des réductions de programme. » 54 ( * )

Cette expertise vaut aussi pour la programmation des délais nécessaires à la réalisation des projets, l'établissement s'étant déclaré prêt à améliorer ses évaluations en la matière « en refusant les calendriers irréalistes, en évaluant de façon plus objective les temps d'approbation du maître d'ouvrage et de l'utilisateur, et en prenant plus de précaution dans l'évaluation des temps de réalisation. » 55 ( * )

L'établissement est donc prêt à déployer une analyse beaucoup plus approfondie qu'actuellement des projets au stade préparatoire. Ainsi, l'EMOC serait mieux armé pour résister ensuite aux évaluations à la hausse des maîtres d'oeuvre qui, selon lui, considèrent aujourd'hui le budget prévisionnel initial comme un coût plancher.

L'EMOC ne doit ainsi pas accepter, dans le cadre des conventions de mandats, les programmes tels qu'ils lui sont soumis avant d'avoir déployé une véritable contre-expertise préalable à leur prise en charge, afin d'être en mesure de s'engager pleinement sur leurs grands équilibres et notamment sur leurs coûts et leurs délais.

A cet égard, le coût prévisionnel des projets devrait être évalué sur la base d'une analyse des prix fondée sur les données les plus récentes, être exprimé en valeur à la date de conclusion de la convention de mandat et intégrer des provisions de révision fondées sur des prévisions d'évolution des prix réalistes. La provision pour aléas devrait être augmentée mais « gelée » pour ne couvrir que les éléments réellement imprévisibles.

Cette capacité d'expertise financière et opérationnelle doit se poursuivre ensuite, en cours de gestion du mandat, vis-à-vis des propositions du maître d'oeuvre, dont il appartient à l'EMOC de vérifier continûment le bien fondé et la pertinence en sa qualité de garant de la bonne exécution du programme approuvé par lui.

2- La stabilisation des programmes et l'encadrement des éventuelles modifications

Les modifications de programme sont à titre principal responsables de surcoûts et de délais supplémentaires (ceux-ci induisant ceux-là quelles que soient les modifications en cause). Si le renforcement de l'expertise sur les programmes en phase préparatoire, évoqué ci-dessus, est de nature à limiter le risque de modifications, il convient surtout d'encadrer celles-ci lorsqu'elles interviennent une fois le projet du maître d'oeuvre approuvé et a fortiori en phase de travaux, c'est-à-dire au moment où elles sont les plus coûteuses.

Si l'on ne peut exclure la prise en compte de changements de programme induits par des sujétions imprévues, l'EMOC doit être mieux armé pour résister à des modifications provenant de nouvelles expressions des besoins des utilisateurs ou des préférences versatiles des dirigeants concernés. Ainsi dans le cas normalement exceptionnel où l'EMOC serait en mesure d'établir que de telles modifications seraient de nature à bouleverser l'économie des marchés publics en cours d'exécution, devrait-il se voir reconnaître le droit de refuser de les exécuter. A tout le moins et dans les cas les plus courants où les incidences des modifications sur le déroulement du chantier sont lourdes tout en ne bouleversant pas son économie, il est indispensable que l'EMOC se livre à une analyse exhaustive de leurs implications en termes de coût et de délais et en informe clairement et dans les meilleurs délais le maître d'ouvrage avant toute décision.

Ce « devoir d'alerte » du maître d'ouvrage délégué, qu'il n'exerce pas de façon suffisamment affirmée aujourd'hui, relève de sa responsabilité de pilote des opérations, qu'il est censé mener avec efficacité, dans le respect des principes de la commande publique et le souci du bon emploi des fonds publics.

Conformément aux principes posés par la loi MOP, les programmes, au stade des avant-projets définitifs, devraient donc être considérés comme stabilisés et ne plus faire l'objet de modifications ultérieures, y compris en cas de changements de responsables du côté des futurs utilisateurs ou des maîtres d'ouvrage.

Dans les cas où de telles modifications s'avèreraient réellement indispensables, elles devraient n'être décidées par le maître d'ouvrage qu'au vu d'évaluations précises fournies par l'EMOC quant à leurs implications en termes de coût et de délais. Ce dispositif autoriserait une forme de traçabilité des décisions relatives à ces changements dans le cadre d'un échange formel de fiches de modifications de programmes. Enfin ces modifications devraient ensuite faire l'objet d'avenants aux conventions de mandat ou lorsqu'elles s'y prêtent (dans le cas par exemple d'extensions de programme susceptibles d'être « isolées » du programme de base), de conventions connexes assorties d'un suivi budgétaire et opérationnel spécifique destiné à en isoler l'impact au sein du bilan global des projets.

3- L'amélioration de la conduite opérationnelle des projets et des chantiers

La conduite opérationnelle des projets recouvre de nombreux aspects, mais deux apparaissent particulièrement sensibles en ce qu'ils touchent à l'exécution des travaux : la présence sur le terrain et la mise sous tension du chantier, qui ne constituent pas des compétences du maître d'ouvrage délégué stricto sensu mais contribuent à sa performance ; et le suivi exercé sur les prestations du maître d'oeuvre en phase d'exécution des travaux.

S'agissant du premier point, la phase contradictoire a montré combien la présence des équipes de l'EMOC sur les chantiers était susceptible d'aider à leur bon déroulement, mais aussi de faciliter les relations entre le maître d'ouvrage délégué et le futur utilisateur des équipements.

S'agissant des relations avec les maîtres d'oeuvres, la Cour a constaté que les difficultés rencontrées au cours des travaux expliquaient et le plus souvent justifiaient les nombreux avenants aux marchés initiaux qui ont fait évoluer, dans toutes les opérations récentes, le dispositif de la rémunération forfaitaire dans le sens d'une facturation au temps passé. L'EMOC doit donc avant tout créer les conditions normales de déroulement des chantiers afin d'en éviter les perturbations et s'efforcer ainsi de préserver le caractère incitatif et responsabilisant de la rémunération globale et forfaitaire des prestataires, maître d'oeuvre en tête.

La responsabilité du maître d'ouvrage délégué doit en effet s'étendre à la surveillance constante, sur place, des conditions d'avancement des chantiers. De ce point de vue, la présence des chefs de projet de l'EMOC sur le terrain qu'il conviendrait de responsabiliser sur les délais fixés et la réactivité de l'établissement aux incidents qui ponctuent au quotidien les chantiers doivent être améliorées.

S'agissant des relations avec les maîtres d'oeuvre en phase de travaux, il appartient à l'EMOC de faire en sorte que le caractère forfaitaire de leur rémunération puisse être respecté et conserve sa portée incitative, de même qu'il lui appartient de mobiliser effectivement, lorsque les conditions en sont réunies, les dispositifs de pénalisation prévus dans les marchés.

4- Les outils de suivi et de bilan des conventions de mandat

Bien que l'EMOC produise de nombreux chiffres, dans son rapport d'activité ou à travers ses comptes, les conventions de mandats ne donnent pas lieu à un véritable suivi, fondé sur un bilan continu des différents postes de dépenses initialement prévus et permettant, à l'issue des opérations, de dresser un bilan d'exécution économique.

En effet, les seuls états disponibles actuellement sont les états de suivi des marchés, d'une part, et les états budgétaires d'autre part (autorisations d'engagements / crédits de paiement) : le fait que ces documents tiennent lieu de suivi et de bilan des opérations accrédite l'idée que l'EMOC ne rend pas compte de son activité comme devrait le faire un mandataire, c'est-à-dire en rapportant les résultats des opérations aux programmes initiaux et modifiés de ses mandants et en décomposant systématiquement les éléments de coût et de délais afin d'en expliquer l'origine.

En réponse aux observations provisoires, l'établissement a reconnu la nécessité de développer ses instruments de suivi, mais a souhaité distinguer les indicateurs administratifs , des indicateurs de performance , en sous-entendant que seuls les premiers rendraient compte de son activité en propre, tandis que les seconds relèveraient davantage d'une responsabilité diffuse :

« Bien entendu, l'ÉMOC est conscient de la nécessité de mettre au point des indicateurs de performance et a engagé un travail dans ce sens, mais ce ne peut être des indicateurs simples comme l'évolution des mandatements ou du niveau des engagements, ni même d'un ratio (mandatements) rapporté aux effectifs. Nous pensons que ces indicateurs pourrait essayer de mesurer la performance dans le domaine administratif : durée de mandatement, temps de procédure. Dans le domaine opérationnel, la performance nous parait difficile à évaluer en ce qui concerne les études préalables ou les missions d'assistance. En ce qui concerne les conventions de mandat de maîtrise d'ouvrage, des premiers essais de calcul d'indicateur ont été réalisés et critiqués par la cour. Le travail à ce sujet doit être poursuivi la difficulté principale étant, pour l'évaluation de la performance de l'établissement de corriger contradictoirement les données brutes des conséquences des décisions prises par maître d'ouvrage en cours d'opération. Les outils sont donc à étudier et liaison avec notre tutelle ; ce sera la tâche de l'année 2007. » 56 ( * )

Cette distinction n'est pas infondée, mais il serait contre-productif d'en faire la summa divisio de tout le dispositif du contrat de performance conclu entre l'Etat et l'établissement puisque cela reviendrait implicitement à ne pleinement responsabiliser ce dernier que sur des métiers supports (passation des marchés, mandatements...) en continuant à diluer les responsabilités sur les missions principales (application du programme, suivi de la maîtrise d'oeuvre...).

Aussi les outils de suivi et de bilan devraient-ils retracer l'ensemble des caractéristiques des opérations.

Les états actuellement produits par l'EMOC relevant davantage du suivi des marchés que du suivi et du bilan des mandats, il convient que l'établissement soit doté, dans le cadre de son contrat de performance, de nouveaux outils plus transparents et plus complets afin de rendre compte de son activité et de sa performance.

Ces outils devront couvrir toutes les tâches et responsabilités qui incombent à l'EMOC, tant en matière administrative qu'opérationnelle. C'est à travers la décomposition des différentes données que l'imputation éventuelle des responsabilités propres à chacun des acteurs des opérations pourra être établie.

5- L'intégration de l'EMOC dans la démarche de performance du ministère de la culture

La création d'outils de suivi et de bilans plus complets, opération par opération, devrait être prolongée par une intégration plus affirmée de l'EMOC dans la démarche de performance du ministère de la culture. Alors que l'établissement reçoit entre le quart et le tiers, selon les années, des crédits d'investissement du ministère (cette proportion étant beaucoup plus importante si l'on s'en tient aux grands chantiers), il n'a pas fait l'objet jusqu'à présent d'une intégration au projet annuel de performance.

La désignation de l'EMOC comme opérateur principal de l'Etat et la mise au point du contrat de performance qui doit le lier à ses directions de tutelle, toutes deux annoncées à la Cour pendant la phase contradictoire, dessinent le cadre d'un pilotage plus ambitieux, à la fois plus responsabilisant pour l'EMOC mais aussi plus exigeant en termes de qualité.

En premier lieu, le contrat de performance peut être le lieu d'un dialogue contradictoire mais fructueux entre mandant, mandataire et utilisateurs sur les rôles et responsabilités respectifs de chacun et sur les outils nécessaires au suivi et à l'évaluation des opérations. Il devrait aussi être le cadre des limites et des conditions dans lesquelles la diversification des activités de l'EMOC peut se développer et contribuer à sa performance d'ensemble, sans risque de dispersion par rapport à son coeur de métier; Il devrait ainsi permettre d'alimenter un projet et un rapport annuel de performance plus substantiels sur les conditions d'exercice de la maîtrise d'ouvrage dans ce cadre, et partant, une évaluation par le Parlement plus incisive qu'elle ne peut l'être actuellement.

L'attribution du statut d'opérateur principal de l'Etat à l'EMOC et la mise en place du contrat de performance doivent ansi être l'occasion de renforcer le pilotage de l'établissement, qui doit être pleinement intégré à la démarche de performance du ministère de la culture.

***

CONCLUSION

Depuis sa création en 1998, l'EMOC a achevé un certain nombre de chantiers importants qui traduisent tous une réussite technique globale mise en avant par les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'oeuvre, mais au prix d'un dépassement des enveloppes budgétaires et des délais impartis.

Ces dépassements ont de multiples causes, mais quatre d'entre elles sont communes à la plupart des opérations : une sous-évaluation du volume des travaux dans le but d'obtenir à court terme un nihil obstat budgétaire, une complexité juridique qui occasionne blocages et coûts additionnels, une implication opérationnelle du maître d'ouvrage délégué insuffisante en phase de travaux, et surtout une instabilité de la programmation en cours de chantier.

Ces éléments justifient un constat critique sur le pilotage d'ensemble des opérations prises en charge par l'EMOC depuis sa création alors que celui-ci avait été créé précisément dans le but de renforcer et de professionnaliser la maîtrise d'ouvrage du ministère de la culture.

Au terme de la phase contradictoire menée avec de nombreux interlocuteurs, la Cour observe cependant que l'établissement ne peut pas être tenu pour le seul responsable de ces difficultés puisque les moyens de jouer pleinement son rôle de mandataire ne lui ont jamais été donnés. La performance contrastée évoquée par la Cour est davantage celle des ensembles indissociables que constituent les cabinets ministériels, les directions d'administration centrales, l'EMOC et les utilisateurs finaux des grands équipements culturels.

Aussi la juridiction attire-t-elle l'attention sur le bilan qui doit être tiré des huit ans d'existence de l'EMOC et sur les objectifs assignés à ce dernier.

Le régime du mandat de maîtrise d'ouvrage (tel qu'il est pratiqué par exemple par des collectivités territoriales vis-à-vis de sociétés d'économie mixtes) opère en principe un véritable transfert de responsabilité qui n'existe pas pour les chantiers du secteur culturel. Il convient donc de poser clairement la question du rôle de l'EMOC : s'agit-il, pour lui, de n'être qu'un prestataire du maître d'ouvrage en matière de marchés publics, ou doit-il jouer le rôle d'un opérateur global responsabilisé sur sa performance ?

Si cette deuxième conception, conforme à l'esprit qui a présidé à la création de l'EMOC en 1998, doit prévaloir, la Cour considère qu'il devrait être de la capacité de l'établissement d'expertiser les programmes et leurs conditions de réalisation avant d'accepter les mandats correspondants. Elle observe aussi qu'une fois nouée la relation mandant / mandataire, ce dernier devrait avoir l'autorité suffisante pour garantir la stabilité et la pertinence du programme, gage de l'efficacité de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise de la dépense publique. C'est à ce prix que la complexité et le prestige des opérations confiées à l'EMOC cesseront de reléguer les enjeux de performance et d'efficience au second plan.

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AYANT PRIS PART À LA PHASE CONTRADICTOIRE

Destinataires

Document

Réponses parvenues (au 12 février 2007)

Président de l'EMOC

(M. Jean-Claude DUMONT)

ROP complet

Lettre du 13 février 2007

Directrice de l'administration générale

(Mme Martine MARIGEAUD)

ROP complet

Lettre du 1 er mars 2007

Directeur de l'architecture et du patrimoine

(M. Michel CLEMENT)

ROP complet

Réponse commune DAG

Contrôleuse d'Etat auprès de l'EMOC

(Mme Josette CHABRIER)

ROP complet

Lettre du 12 février 2007

Directeur du budget

(M. Philippe JOSSE)

ROP complet

Lettre du 8 février 2007

Directrice des musées de France

(Mme Francine MARIANI-DUCRAY)

Extraits « Musée d'Orsay »

+ synthèse sur la performance

Réponse commune DAG

Président du musée d'Orsay

(M. Serge LEMOINE)

Extraits « Musée d'Orsay »

+ synthèse sur la performance

Lettre du 1 er février 2007

Directrice du Centre national de la cinématographie (Mme Véronique CAYLA)

Extraits « Cinémathèque »

+ synthèse sur la performance

Réponse commune DAG

Président de la Cinémathèque

(M. Claude BERRI)

Extraits « Cinémathèque »

+ synthèse sur la performance

Lettre du 8 février 2007

Directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (M. Jean DELPECH DE SAINT-GUILHEM)

Extraits « Théâtre de l'Odéon »

+ synthèse sur la performance

Réponse commune DAG

Directeur du Théâtre de l'Odéon

(M. Georges LAVAUDANT)

Extraits « Théâtre de l'Odéon »

+ synthèse sur la performance

Lettre du 6 février 2007

Président du musée du Louvre

(M. Henri LOYRETTE)

Synthèse sur la performance

Pas de réponse

Président de la Cité de l'architecture et du patrimoine (M. François de MAZIERE)

Synthèse sur la performance

Lettre du 6 février 2007

Mme Adeline RISPAL, agence Repérages

Extraits « Musée d'Orsay »

Lettre du 9 février 2007

M. Benjamin MOUTON, architecte en chef des monuments historiques

Extraits « Musée d'Orsay »

Lettre du 12 février 2007

M. Francis SOLER, agence Architecture Francis Soler

Extraits « Bons Enfants »

Pas de réponse

M. Frédéric DRUOT, agence

Extraits « Bons Enfants »

Pas de réponse

M. Alain-Charles PERROT, agence AC Perrot.

Extraits « Théâtre de l'Odéon »

Extraits « Grand Palais »

Lettre du 17 janvier 2007

ANNEXE 2 : LES COMPTES DE RÉSULTATS DE L'EMOC

1 - La gestion de l'établissement

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Frais de personnel

3 969 586

4 760 063

4 861 829

4 931 320

4 912 529

4 939 636

Charges fonctionnement

2 578 272

2 774 429

2 766 571

2 582 897

2 529 526

2 512 973

dont Achats matières et fournitures

137 822

130 299

105 286

117 970

91 343

92 170

dont Achats sous-traitance-services

1 575 149

1 628 826

1 816 179

1 753 110

1 813 020

1 837 483

dont Autres services extérieurs

447 676

519 400

417 729

397 762

366 211

347 029

dont Autres charges

283 077

332 935

297 226

182 667

125 067

125 067

dont Charges except. en capital

44 932

32 785

0

0

0

0

dont DAP

89 617

130 185

130 149

131 387

133 885

105 398

Total Charges

6 547 858

7 534 492

7 628 400

7 514 217

7 442 055

7 452 609

Subvention d'exploitation

3 819 130

6 514 131

0

6 990 737

6 465 994

2 187 497

Produits financiers

2 872 337

2 769 963

1 602 332

1 182 957

1 287 385

2 631 694

Autres produits

566 823

181 929

133 571

55 840

88 395

19 903

Total Produits

7 258 291

9 466 023

1 735 903

8 229 535

7 841 774

4 839 095

Résultat de l'exercice

710 433

1 931 531

-5 892 497

715 318

399 719

- 2 613 514

2 - La gestion du Grand Palais

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Frais de personnel

0

0

82 185

78 208

78 870

261 777

Charges de fonctionnement

958 939

1 170 837

1 200 102

1 224 284

1 938 335

2 775 499

dont Achats matières et fournitures

759 786

708 238

631 861

575 329

664 899

785 926

dont Achats sous-traitance-services

195 526

363 468

457 048

470 472

523 460

610 028

dont Autres services extérieurs

3 627

98 458

99 779

168 166

739 531

1 341 574

dont Autres charges

0

0

5 304

2 731

2 628

27 237

dont DAP

0

672

6 110

7 584

7 818

7 818

Total Charges

958 939

1 170 837

1 282 287

1 302 492

2 017 205

3 037 276

Subvention d'exploitation

506 669

425 393

207 358

1 081 694

1 048 837

86 704

Prestations de service

0

6 417

26 000

19 895

417 491

3 006 024

Autres produits courants

0

2 883

674 171

336 096

494 135

790 816

Produits exceptionnels

0

36 542

16 447

3 233

11 387

28 847

Total Produits

506 669

471 234

923 977

1 440 918

1 971 850

3 912 390

Résultat de l'exercice

-452 270

-699 603

-358 311

138 426

-45 355

+ 875 114

3 - La liquidation de l'EPPV

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Total Charges

1 064 598

4 226

48 782

32 411

4 000

12 240

Total Produits

194 245

67 235

0

0

0

138 235

Résultat de l'exercice

-870 353

63 009

-48 782

-32 411

-4 000

125 995

4 - La comptabilisation des conventions de mandats (compte 4432)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Compte de tiers dépenses

26 590 608

50 654 749

112 787 439

215 560 259

363 488 757

528 772 816

668 097 899

Comptes de tiers recettes

71 090 441

102 378 959

178 812 328

247 486 994

410 339 999

647 953 574

733 201 295

5 - Le fonds de roulement

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Capitaux propres

6 219 598

19 752 484

21 047 420

14 747 830

15 569 163

13 044 027

11 568 871

Sub. d'investissement

108 650 325

122 839 518

123 229 787

127 029 023

137 472 414

161 957 242

161 819 992

Total ressources propres

114 869 924

142 592 002

144 277 207

141 776 853

153 041 577

175 001 268

173 388 864

Immo. incorporelles

70 925

97 245

110 899

92 367

84 022

71 571

53 316

Immo. corporelles

94 376 706

104 842 241

112 033 776

119 696 008

131 081 593

144 190 527

155 669 596

Immo. financières

16 204

0

0

2 000

0

9 000

8 000

Total actif immobilisé net

94 463 835

104 939 486

112 144 674

119 790 376

131 165 615

144 271 098

155 901 072

Fonds de roulement

20 406 088

37 652 516

32 132 533

21 986 477

21 875 963

30 730 170

17 487 792

6 - Le besoin en fonds de roulement et la trésorerie

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Créances

26 829 241

51 620 520

112 997 687

216 134 863

363 728 515

528 934 574

668 277 330

dont compte tiers dépenses

26 590 608

50 654 749

112 787 439

215 560 259

363 488 757

528 772 816

668 097 899

Valeurs de placement

56 810 519

66 898 300

77 821 380

49 844 891

61 883 775

148 338 559

75 185 202

Disponibilités

9 294 463

22 067 167

21 198 894

4 373 228

7 145 275

7 647 632

7 306 555

Total actif circulant

92 934 223

140 585 988

212 017 961

270 352 982

432 757 564

684 920 765

750 769 087

Dettes d'exploitation

72 528 135

102 933 471

179 885 428

248 366 505

410 881 602

654 190 595

733 201 295

dont comptes tiers recettes

71 090 441

102 378 959

178 812 328

247 486 994

410 339 999

647 953 574

732 102 598

Total passif exigible

72 528 135

102 933 471

179 885 428

248 366 505

410 881 602

654 190 595

733 201 295

BfR

-45 698 894

-51 312 951

-66 887 741

-32 231 642

-47 153 087

-125 256 020

- 64 923 965

dont BfR opérations

-44 499 833

-51 724 210

-66 024 889

-31 926 736

-46 851 241

-119 180 758

- 64 004 699

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Trésorerie (FR - BfR)

66 104 982

88 965 467

99 020 274

54 218 119

69 029 050

155 986 191

82 411 757

Produits financiers

1 422 478

2 978 188

2 769 963

1 602 332

1 182 957

1 287 385

2 631 694

ANNEXE 3 : ÉVOLUTION DES CONVENTIONS DE MANDAT AFFÉRENTES AUX CINQ OPÉRATIONS ÉVOQUÉES PAR LE RAPPORT

Tableau n° 8 :  Evolution du mandat de l'opération Musée d'Orsay

Convention

Date de signature

Objet

Montant de l'enveloppe TTC

Date d'achèvement

Convention
initiale

24 mars 1999

Programme initial

8,84 M€
(valeur juin 1998)

24 mars 2001

Avenant n° 1

21 décembre 1999

+ restauration de la marquise et des verrières latérales sur le quai Anatole France

9,91 M€
(valeur juin 1998)

24 novembre 2001

Avenant n° 2

15 juin 2000

+ restauration des structures porteuses du parvis Bellechasse

12,84 M€

(8,84 M€ valeur juin 1998 + 3,99 M€ valeur décembre 1999)

24 novembre 2001

Avenant n° 3

3 mai 2002

+ provisionnement du coût lié aux révisions de prix

+ extension des études sur les structures métalliques du parvis au tympan Est

13,92 M€
(sans date de valeur)

Sans précision

Avenant n° 4

17 octobre 2002

+ réalisation des dispositifs de sécurité incendie dans les zones adjacentes au chantier

14,30 M€

Sans précision

Avenant n° 5

12 décembre 2002

+ prise en compte des surcoûts liés à l'allongement des délais

+ modifications mineures demandées par le musée

16,204 M€

Avril 2003

Avenant n° 6

16 janvier 2004

+ impact du report lié aux défaillances d'entreprises

17,204 M€

Fin janvier 2004

Tableau n° 9 :   Evolution du mandat de l'opération Théâtre de l'Odéon

Convention

Date de signature

Objet

Montant

Dont Programme

Dont Révision

Dont Aléas

Convention initiale

10 juin 1999

Programme initial (valeur 03/99)

24 239 394

0

0

Avenant n°1

16 janvier 2001

Extension programme

1 524 490

1 524 490

0

0

Avenant n°2

31 mai 2001

Extension programme

152 449

152 449

0

0

Avenant n°3

16 décembre 2002

Actualisation sur BT01 théorique

Hausse coût construction 10 %

Modification calendrier (m0 +51)

4 588 715

2 591 633

0

1 997 082

0

0

0

Avenant n°4

23 avril 2004

Reconstitution réserves aléas suite à des dépassements de marchés

3 800 000

0

3 800 000

Avenant n°5

31 décembre 2004

Extension programme

483 000

483 000

0

0

Avenant n°6

16 juillet 2005

Actualisation sur BT01 constaté

Extension programme

3 103 000

200 000

2 903 000

0

0

0

Total

37 891 048

2 359 939

7 491 715

3 800 000

Dépassement par rapport au montant initial

56,3 %

9,7%

30,9 %

15,7 %

Tableau n° 10 :  Evolution du mandat sur l'opération Bons Enfants

Convention

Date de signature

Objet

Montant de l'enveloppe

Date d'achèvement

Convention initiale

31 août 1999

Programme initial

54,12 M€ (valeur novembre 1998)

28 février 2003

Avenant n° 1

24 janvier 2001

+ équipement de la cuisine et de la cafétéria

+ placards intégrés dans les bureaux

+ vitrages anti-intrusion

56,10 M€ (valeur novembre 1998)

inchangée

Avenant n° 2

22 mai 2002

+ 5,73 M€ de révision liée à l'indice BT01

+ 4,65 M€ de révision conjoncturelle

66,43 M€ (francs courants)

inchangée

Avenant n° 3

17 février 2004

+ protection des sous-sols contre la crue centennale (0,70 M€)

+ 1,85 M€ liés à l'évolution constatée de l'indice BT01

69,033 M€

Non précisée, alors qu'au moins 12 mois de retard

Avenant n° 4

19 juillet 2004

+ études et travaux divers demandés par la DAG : 0,402 M€

69,435 M€

Non précisée, alors qu'au moins 18 mois de retard

Avenant n° 5

26 janvier 2005

+ 0,278 M€ de surcoût des travaux demandés par l'avenant n° 4

+ 1,013 M€ liés à l'évolution constatée de l'indice BT01

+ 0,543 M€de provision pour aléas

71,269 M€

Non précisée : bâtiment déjà livré à cette date

Tableau n° 11 :  Evolution du mandat sur l'opération Cinémathèque

Convention

Date de signature

Objet

Montant total

Dont Programme

Dont Révisions

Dont Délais

Convention d'études

15 mai 1999

Etudes préalables

152 449

0

0

Convention initiale

1 er octobre 1999

Programme initial (valeur 01/99)

24 239 394

0

0

Avenant n°1

4 juin 2002

Actualisation sur BT01 théorique

3 994 164

2 210 511

0

Hausse coût construction 10 %

1 783 654

0

Avenant n°2

8 mars 2004

Complément d'actualisation

5 658 000

0

1 950 000

Incidence arrêt de l'opération

0

750 000

Extension programme (double)

2 958 000

0

0

Total

33 891 558

2 958 000

3 944 164

2 700 000

Variation par rapport au montant initial

39,8 %

12,2%

16,5 %

11,1 %

Tableau n° 12 :  Evolution du mandat relatif à l'opération Grand Palais

Convention

Date de signature

Objet

Total

Convention d'études n° 1

14 juin 1999

5 030 818 €

Convention de mandat n° 1

28 juin 1999

60 979 607 €

dont études SNT

5 030 818 €

dont études EMOC

76 225 €

dont programme initial

Phase 1 : fondations, charpentes et couverture de la nef et des galeries sud

55 872 565 €

Avenant n° 1

2 février 2001

Phase 2 : fondations, charpentes et couverture des galeries nord + façades et statuaire

58 540 423 €

Avenant n° 2

1 er octobre 2002

Actualisation des coûts

10 510 000 €

Avenant n° 3

26 avril 2005

Réduction programme 2 e phase

-23 565 000 €

Travaux pour réouverture au public

4 700 000 €

Total opération hors études SNT et EMOC

106 057 987 €

Convention de gestion

23 août 2001

Convention de mandat n° 2

3 juillet 2002

Installations électriques

2 500 000 €

Convention d'études n° 2

17 octobre 2002

Scénarios de réaménagement, préparation consultation pour DSP

300 000 €

Total général (études SNT & EMOC 1&2 + opération restauration + gestion)

113 965 030

* 32 L'avenant n° 3 à la convention de mandat évoquait une extension des études engagées sur les structures métalliques du parvis à l'ensemble du tympan Est « en vue de préparer une intervention globale sur le clos et le couvert du musée ». Cette mention préparait l'hypothèse, non réalisée, selon laquelle les travaux sur ledit tympan seraient ajoutés à l'opération en cours. Tel n'ayant finalement pas été le cas, le mandat de l'opération de réaménagement intérieur du musée a couvert les études préalables de l'opération de réfection du tympan. C'est donc en fait le bilan financier de ce dernier qui ne sera pas exhaustif.

* 33 Compte-rendu du comité de pilotage, première réunion, 7 avril 1999.

* 34 Lettre du 9 février 2007 en réponse aux observations provisoires

* 35 Conformément à la circulaire n° 63150 du 5 août 1985 relative à l'organisation des études et travaux sur les monuments historiques classés, le programme détaillé de l'opération doit être défini à l'issu d'une étude préalable confiée à l'ACMH.

* 36 Avis du 6 janvier 2000 de la CSM.

* 37 Le dépassement de 16 % s'obtient en rapportant le budget alloué par la convention de mandat actualisé à la date d'achèvement prévisionnelle par la valeur de l'indice BT01, d'une part, et le montant total des engagements à ce jour d'autre part. Il est revenu sur cette méthode au point II.

* 38 Document de présentation du projet par le maître d'oeuvre

* 39 Le fait que ce montant (159 MF) soit exactement le même que celui de l'enveloppe initiale allouée au théâtre de l'Odéon est un hasard.

* 40 Article 5 de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre n° 00-01572.

* 41 Voir compte rendu de réunion de la mission de réalisation du 20 juin 2001.

* 42 Lettre du 8 février 2007 en réponse aux observations provisoires.

* 43 Après un avis défavorable de la CSM-BGC le 24 juin 1997 sur laquelle le directeur du SNT passe outre en décembre 1997, l'avenant au marché de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un refus de visa du contrôleur financier.

* 44 Cf. rapport de M. Chabanol au secrétaire général du Gouvernement, 19 mars 1999, p. 5.

* 45 Il est significatif que le rapport de présentation du marché, reprenant les termes du rapport d'analyse des offres, indique avec honnêteté à propos d'une des offres : « L'offre du groupement est très complète, très fouillée techniquement. Les seules objections que nous puissions émettre procèdent, justement, de ces entendus techniques fouillés qui ont mis en relief certaines imprécisions du projet. »

* 46 Rapport de présentation du marché n° 01-01729, page 10.

* 47 Un exemple illustre cette nécessité. Dans le cadre de la préparation du projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2006, l'EMOC avait rempli, à la demande de la DAG, deux fiches relatives à deux indicateurs représentant respectivement le respect des coûts prévisionnels des travaux et le respect des délais prévus. Pour le premier, l'établissement affichait une performance satisfaisante, avec des dépassements limités à 4 % en 2004, 9 % en 2005 et 9 % de prévu en 2006. Or, le dénominateur pris en compte était le montant de la convention de mandat initiale corrigé des modifications de programme et des révisions de prix jusqu'à la date d'achèvement du projet. La première correction pouvait se comprendre du strict point de vue de l'EMOC, mais elle était inadaptée pour apprécier le coût des projets en tant que tels pour la collectivité publique. La seconde correction ne se justifiait dans aucun cas puisqu'elle revenait à neutraliser, via les révisions de prix, les coûts liés au dépassement des délais de réalisation. Conscient du caractère problématique de ces indicateurs, le ministère ne les a finalement pas inclus dans le projet annuel de performance.

* 48 Le montant de la convention pris en compte ici est en fait celui arrêté en 2001 après une redistribution des opérations. C'est la raison pour laquelle le dépassement apparaît relativement modéré : si l'on rapportait le coût final au coût estimé en 1995, soit 14,28 M€, il serait évidemment beaucoup plus important.

* 49 Il est intéressant de constater que l'EMOC lui-même ne parvient pas à neutraliser ces retards par la prise en compte des modifications de programme. L'indicateur de respect des délais de réalisation renseigné à titre expérimental dans le cadre du projet annuel de performance neutralisait ces modifications, comme le faisait l'indicateur de respect des enveloppes mentionné ci-dessus. Mais alors que cette correction aboutissait dans ce dernier cas à une performance en apparence satisfaisante, ce n'était toujours pas le cas de l'indicateur de délais, qui reflétait encore des retards de 40 à 60 % sur le calendrier imparti.

* 50 Dans le cas de la Cinémathèque, ce sont pas moins de 15 lots qui ont été déclarés infructueux pour laisser la place à une procédure négociée.

* 51 Six révisions successives de 2 %.

* 52 Au conseil d'administration, c'est la représentante de la DAG qui a indiqué elle-même que « l'arrêt du chantier et la reprise du projet ont entraîné un surcoût de 3 M€ », cf. compte-rendu de la séance du 10 juin 2004, page 12.

* 53 A titre incident, on peut se demander au vu de cette remise en cause s'il étai justifié d'attribuer à l'opération un coefficient de complexité maximal, synonyme de rémunération du maître d'oeuvre majorée, alors que celle-ci était précisément justifiée du fait de l'enjeu que constituaient les places respectives de la Joconde et des Noces de Cana.

* 54 Lettre du président de l'EMOC en réponse au relevé d'observations provisoires de la Cour des comptes, 13 février 2007.

* 55 Idem.

* 56 Lettre du 13 février 2007 en réponse aux observations provisoires.

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