2. Une norme de croissance des dépenses de l'Etat qui doit aussi prendre en compte la dépense fiscale

Dans un souci de lisibilité, il semble aussi nécessaire, malgré les difficultés techniques que cela pose, d'élargir la norme de croissance des dépenses de l'Etat à la dépense fiscale.

Elargir la règle du « zéro volume » aux seules dotations de l'Etat aux collectivités territoriales serait insuffisant face aux enjeux, alors que la dépense de l'Etat prend, de plus en plus, la forme de la dépense fiscale. Ainsi, sur la période 2004-2008, les allégements de fiscalité auront été de l'ordre de 22 milliards d'euros, soit plus de 1 point de PIB, comme l'indique le tableau ci-après.

Impact des mesures nouvelles décidées par la précédente législature depuis 2004 (1)

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2004-2008

Impact des mesures antérieures à mai 2002

(2.056)

Etat

-3.032

-5.885

-4.730

-6.640

-2.110

-22.397

Administrations de sécurité sociale

550

6.495

3.210

-1.760

-750

7.745

Autres

-550

40

320

200

10

Total

-2482

60

-1.480

-8.080

-2.660

-14.642

(1) Période couverte par les rapports du gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

Source : rapports du gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution

Certes, il serait peut-être irréaliste de vouloir étendre la règle du « zéro volume » à la dépense fiscale dès 2008, alors que le projet de loi relatif au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat prévoit pour l'année prochaine des allégements fiscaux de l'ordre de 10 milliards d'euros. Cependant, on pourrait envisager d'inclure progressivement , dès 2009 , certaines dépenses fiscales telle celle permettant de faire supporter aux banques le coût du prêt à taux zéro , dans la norme du « zéro volume », ou, ce qui serait plus « vertueux », considérer que cette norme devrait être respectée au niveau de l'ensemble de la législature (les 15 milliards d'euros de dépense fiscale prévisible d'ici à 2012 étant compensés à due concurrence d'ici 2012 par des suppressions de dépenses ou de « niches » fiscales).

L'avantage d'un tel élargissement serait triple.

Tout d'abord, il obligerait le gouvernement à davantage de transparence : dès lors que la norme de croissance des dépenses de l'Etat constitue l'un des éléments essentiels de la communication des gouvernements successifs au sujet de la politique budgétaire, il convient que cette norme puisse le moins possible être contournée.

Ensuite, cet élargissement obligerait à compenser toute nouvelle dépense fiscale par une réduction de dépenses ou une augmentation de recettes à due concurrence, ce qui constituait l'un des « sept piliers de la sagesse budgétaire » proposés par votre commission des finances dans son rapport d'information préparatoire au débat d'orientation budgétaire pour 2006 56 ( * ) .

Enfin, il obligerait à évaluer la dépense fiscale non seulement en prévision, comme c'est le cas actuellement, mais aussi en exécution, ce qui serait un élément de transparence appréciable.

Il faut cependant être conscient des difficultés techniques d'un tel élargissement. En pratique, seules les « mesures nouvelles » pourraient être prises en considération. Il ne semble en effet pas envisageable d'évaluer le coût de l'ensemble des « niches » fiscales existantes, et d'en suivre l'évolution chaque année.

Cependant, même dans le cas des seules « mesures nouvelles », les difficultés techniques seraient considérables. Les estimations a priori de ces « mesures nouvelles » figurant dans le projet de loi de finances sont, par nature, très imprécises.

Enfin, l'évaluation a posteriori du coût effectif ne sera pas aussi incontestable que celle de l'évolution des dépenses non fiscales. Dans le cas des dégrèvements, il sera possible de savoir quelles auront été les sommes exactes dépensées par l'Etat (présentées, par convention, comme des atténuations de recettes), mais cela ne correspondra pas à leur coût effectif (en particulier parce qu'un impôt peut avoir des conséquences, y compris par un mécanisme purement juridique, sur les recettes d'un autre impôt), et dans le cas des autres allégements, comme les exonérations, un raisonnement de nature économique sera le seul possible. Par ailleurs, la norme élargie de croissance des dépenses ne pourra pas être « pilotée » de manière infra-annuelle, comme c'est actuellement le cas, puisque le coût de certains allégements fiscaux ne sera connu que postérieurement. La norme de croissance des dépenses pourrait donc devoir être appliquée avec un décalage temporel d'une année dans le cas des dépenses fiscales, les dépenses fiscales prises en compte dans la norme de croissance des dépenses au titre d'un exercice donné étant celles de l'exercice antérieur, telles qu'évaluées a posteriori .

Votre rapporteur général n'en considère pas moins que la situation actuelle n'est pas acceptable, et qu'il convient de se doter rapidement d'outils de suivi efficaces de la dépense fiscale.

* 56 Rapport d'information n° 444 (2004-2005).

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