B. UNE ÉVOLUTION LARGEMENT TRIBUTAIRE DES IMPULSIONS AMÉRICAINES

Face à l'ampleur des perspectives ouvertes par la transformation de l'OTAN - positionnement sur toute la gamme des capacités militaires, prise en compte de nouveaux enjeux de sécurité non exclusivement militaires, globalisation géographique et coopération avec de nouveaux partenaires - une ligne directrice peine à se dégager dans les objectifs poursuivis par les Etats-membres.

Les Etats-Unis demeurent l'acteur dominant au sein de l'Alliance. Le devenir de celle-ci dépend pour une large part des orientations qu'ils voudront ou pourront lui imprimer. Quant aux autres Etats-membres, ils demeurent partagés entre des préoccupations trop diverses pour pouvoir orienter significativement les évolutions de l'Alliance.

Ainsi, le déséquilibre interne entre Etats-Unis et autres membres de l'Alliance, se double d'une absence de projet véritablement commun , fondé sur des préoccupations et des intérêts partagés. Cette situation n'est assurément pas satisfaisante. Faute d'un recentrage sur des priorités suscitant une réelle adhésion sur les deux rives de l'Atlantique, l'OTAN risque de perdre en pertinence et en efficacité.

1. Un retour des Etats-Unis vers l'OTAN ?

Les Etats-Unis restent bien entendu l' acteur dominant au sein de l'OTAN pour des raisons historiques liées à la guerre froide et par la dimension de leurs capacités militaires, sans aucune mesure avec celles de l'ensemble des autres alliés réunis. A titre d'exemple, en 2006, le budget de défense américain représentait près de 69 % de la somme des budgets de défense des 26 Etats-membres de l'OTAN, et dix fois plus que le budget de défense britannique, pourtant deuxième par ordre d'importance au sein de l'Alliance. Les deux grands commandements militaires de l'OTAN sont exercés par des officiers généraux américains à « double casquette », puisqu'ils assument également la responsabilité d'un commandement national.

Au cours des dernières années, le constat a souvent été dressé d'une dévalorisation stratégique de l'OTAN aux yeux des autorités américaines .

Cette dévalorisation touche tout d'abord le continent européen lui-même, moins crucial pour les intérêts de sécurité américains désormais tournés vers de nouvelles menaces - prolifération des armes de destruction massive et des missiles balistiques, terrorisme islamiste - et d'autres régions du monde , comme le Moyen-Orient et bien sûr l'Asie. Cette réorientation des priorités trouve sa traduction concrète dans la réduction drastique des forces américaines stationnant en Europe, divisées par trois depuis la fin de la guerre froide (de 300 000 à 100 000 hommes) et qui devraient encore diminuer pour n'atteindre que 40 000 hommes en 2011. Quant aux armes nucléaires américaines présentes en Europe , leur nombre a été considérablement réduit 13 ( * ) . Elles se résument à des bombes nucléaires destinées à des avions à double capacité américains ou alliés et ne seraient plus stockées que sur huit bases, en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, au Royaume-Uni et en Turquie.

D'autre part, on l'a déjà évoqué, le recours à l'OTAN apparaît de moins en moins comme une option privilégiée dès lors que les forces américaines sont engagées , comme l'a brutalement résumé le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld en décembre 2001 en déclarant que « la mission détermine la coalition ». La très grande majorité des forces américaines (92 % selon les chiffres citées lors des opérations d'Afghanistan menées par le Centcom et non le commandement européen) ne seraient d'ailleurs pas interopérables avec celles des alliés.

L'enlisement en Irak et les difficultés rencontrées dans la lutte contre un terrorisme largement transnational ont quelque peu modifié la donne.

Confrontés aux défis de la gestion post-conflits, en Afghanistan et plus encore en Irak, les Etats-Unis manifestent un regain d'intérêt pour l'OTAN. Ils l'encouragent à s'adapter à des opérations de stabilisation longues, lointaines et exigeantes . Le souhait d'institutionnaliser les relations avec des partenaires extérieurs à l'Alliance participe d'une même volonté de « fidéliser » de nouveaux contributeurs en troupes.

Par ailleurs, ce sont également les Etats-Unis qui inspirent la transformation de l'OTAN en forum où seraient traitées les questions de sécurité intéressant le monde occidental et sa réorientation vers des enjeux plus globaux.

Ainsi, en l'espace de quelques années, les Etats-Unis ont repris un rôle d'impulsion qui se traduit par un certain foisonnement d'initiatives et la formulation d'objectifs ambitieux pour l'Alliance.

* 13 L'OTAN a décidé en 1991 de réduire de plus 85 % par rapport aux niveaux de la guerre froide le nombre des armes disponibles pour ses forces « substratégiques » constituées essentiellement d'armes mises en oeuvre par les forces aériennes.

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