AUDITION DE M. PHILIPPE JOSSE, DIRECTEUR DU BUDGET, ET DE M. XAVIER DRIENCOURT, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'ADMINISTRATION, SUR LES EFFECTIFS ET LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES

Présidence de M. Jean Arthuis, président

Séance du mercredi 26 septembre 2007

Audition de M. Philippe Josse, directeur du budget, et de M. Xavier Driencourt, directeur général de l'administration, sur les effectifs et les contributions internationales du ministère des affaires étrangères et européennes

La commission a procédé à l'audition de M. Philippe Josse, directeur du budget, et de M. Xavier Driencourt, directeur général de l'administration, sur les effectifs et les contributions internationales du ministère des affaires étrangères et européennes

M. Jean Arthuis, président , a indiqué que l'audition visait à analyser les conséquences tirées des rapports de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial pour la mission « Action extérieure de l'Etat », en ce qui concernait la sincérité des crédits et effectifs présentés au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances. Il a remarqué que le projet de loi de finances 2008 était le troisième budget exécuté en mode LOLF et qu'il était donc temps d'éliminer les dernières « mauvaises habitudes » héritées de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 et de « traquer » les poches de sous-budgétisation.

Il a précisé que la commission souhaitait s'intéresser particulièrement à deux sujets, qu'elle allait aborder tour à tour, le premier concernant la justification au premier euro des contributions obligatoires dont la France devait s'acquitter en tant que membre de 150 organisations internationales, à commencer par l'ONU, et en particulier au titre des opérations de maintien de la paix. Il a noté que des erreurs manifestes d'appréciation concernant cette justification au premier euro avaient systématiquement été relevées par M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, dans son rapport spécial sur les projets de loi de finances 2006 et 2007.

Il a fait valoir que selon les informations communiquées à la commission, en application de l'article 57 de la LOLF, et confirmées par un courrier conjoint récent de MM. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et des affaires européennes, et Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, la France devrait payer, en 2008, 836 millions d'euros au titre des contributions internationales, dont 118 millions d'euros de cotisation en tant que membre permanent de l'ONU. Il a souligné que 395 millions d'euros au titre des opérations de maintien de la paix de l'ONU étaient prévus, dont 110 millions d'euros pour le seul Darfour. Il a observé, dans le même temps, que seulement 622 millions d'euros étaient inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008, selon le courrier précité de MM. Kouchner et Woerth, ce qui signifiait notamment que le budget 2008 ne permettrait pas à la France de financer sa participation à l'opération de maintien de la paix au Darfour. Est-il concevable pour la France de prendre des décisions éminentes à l'ONU relatives à la politique internationale et au maintien de la paix, sans traduire les choix de sa diplomatie dans son budget ? Il s'est ainsi demandé si le gouvernement envisageait de proposer un amendement de correction, visant à rehausser le niveau des crédits du projet de loi de finances initiale en fonction des besoins. Il a rappelé enfin que le montant de « l'impasse budgétaire » sur les contributions internationales était passé de 27 millions d'euros en 2004 à 137 millions d'euros en 2006, et qu'il atteindrait 151 millions d'euros en 2007 et 214 millions d'euros en 2008.

M. Philippe Josse, directeur du budget , a tout d'abord fait un bref rappel des masses budgétaires en jeu, faisant valoir que les crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » s'établissaient à 1,5 milliard d'euros, dont 500 millions d'euros de masse salariale et 600 millions d'euros au titre des contributions internationales. Evoquant l'écart de 214 millions d'euros entre le montant inscrit au budget 2008 et l'évaluation des besoins réalisée le 7 septembre 2007 par l'administration du Quai d'Orsay, il a fait valoir que cet écart avait une cause principale, liée à la non-inscription des crédits résultant de l'opération de maintien de la paix au Darfour. Il a observé qu'il n'était pas possible à ce stade de connaître le coût de l'opération Darfour, notant par ailleurs que la préparation du budget conduisait à un moment donné à « arrêter les compteurs » et à ne pas budgéter les dépenses non chiffrables. Il a ajouté que le mécanisme de la réserve de précaution devait par ailleurs permettre de couvrir les dépassements de dépenses en cours d'année.

S'agissant de l'écart restant entre les besoins et les crédits inscrits dans le projet de loi de finances initiale, de 104 millions d'euros, il a considéré que ce montant constituait un majorant, faisant valoir que le Quai d'Orsay avait intégré dans ces besoins 9 millions d'euros de contributions qui seraient dues en janvier 2009, lesquels besoins avaient été évalués sur la base d'un taux de change d'1,35 dollar pour 1 euro, alors qu'en définitive l'hypothèse de change retenue pour la construction du projet de loi de finances s'établissait à 1,37 dollar pour 1 euro. Il a noté que les variations de change pouvaient avoir un fort impact sur le montant des contributions internationales, la baisse du dollar pouvant être « favorable » au budget de l'Etat. Par ailleurs, il a souligné que l'ONU construisait en général ses propres hypothèses budgétaires en surévaluant ces besoins, ce qui conduisait à des paiements moindres que prévu de la quote-part de la France, notant que cet effet avait été pris en compte par le Quai d'Orsay, mais seulement pour les six premiers mois de l'année 2008. Il a indiqué enfin qu'il comptait bénéficier de « boni de liquidation » liés à des opérations de maintien de la paix achevées, à hauteur de 7 millions d'euros.

M. Philippe Josse a ensuite fait valoir que la France était à jour de toutes ses contributions internationales, rappelant que, seuls, 24 pays étaient à jour de cotisations à l'ONU, et 17 s'agissant des opérations de maintien de la paix, dont la France.

S'il a reconnu que le budget ne recouvrait pas avec exhaustivité l'ensemble des besoins liés aux contributions internationales, il a souhaité rappeler les progrès du gouvernement en matière de budgétisation de ces contributions, indiquant qu'un effort de rebasage de 50 millions d'euros avait été réalisé en 2007 et de 40 millions d'euros en 2008. Il a justifié les difficultés de rebasage par un « choc de dépense », lié à une forte progression du nombre des opérations de maintien de la paix, et à des projets immobiliers importants menés au même moment par les grandes institutions internationales. Il a néanmoins insisté sur le fait que le rebasage devait s'accompagner d'une maîtrise de la dépense, citant à l'appui de son raisonnement le précédent des « frais de justice », longtemps apparus comme une dépense sacralisée, avant que l'on ne se rende compte qu'il était possible d'en maîtriser l'évolution, et donc de mieux la prévoir. Il a rappelé, pour s'en féliciter, le rôle que la commission avait joué dans la meilleure compréhension, et partant, dans la maîtrise de la progression desdits frais.

S'il a souligné que les opérations de maintien de la paix n'étaient pas d'abord une affaire budgétaire, mais un choix de diplomatie internationale, il a considéré qu'il pouvait néanmoins y avoir, même dans ce domaine, matière à un équililibre coûts/avantages. En ce qui concerne les autres contributions aux organisations internationales, il a souhaité que l'on réfléchisse au rythme d'évolution de la dépense, jugeant nécessaire de responsabiliser les ministères chargés du suivi des contributions internationales, et appelant à des actions pour que le principe de revue générale des politiques publiques mis en oeuvre par la France puisse inspirer les organisations internationales. Il a ainsi jugé qu'il pouvait être utile de s'intéresser au ratio frais de gestion/interventions pour des organismes internationaux comme le programme des Nations-unies pour le développement (PNUD) ou le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations-unies, appelant par ailleurs à une démarche de certification des organisations internationales. Il s'est interrogé sur l'intérêt d'introduire un nouvel indicateur de performance au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat », relatif aux efforts déployés par nos diplomates pour améliorer l'efficience des organisations internationales.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat » , remerciant le directeur du budget pour ses explications, a rappelé toutefois que l'écart entre la prévision et l'exécution s'était fortement accru depuis 2004. S'agissant du Darfour, qui avait fait l'objet d'une résolution très précise, en hommes et en matériels, du Conseil de sécurité le 31 juillet 2007, il a considéré que lorsque la France prenait un engagement politique aussi fort, la loi de finances initiale devait en tirer toutes les conséquences et traduire ce choix en faveur de la paix par un affichage correspondant en dépenses. Il a jugé qu'il ne paraissait pas souhaitable de financer une telle dépense par des économies en cours d'exécution, qui plus est par le biais de décrets d'avance, qui avaient pour effet de contourner le principe de l'autorisation parlementaire. Il a enfin fait valoir que la maîtrise de la dépense en matière de contributions internationales serait meilleure si les ministères techniques suivaient celles-ci plutôt que le ministère des affaires étrangères, notant avec intérêt que la voie avait été ouverte par le transfert budgétaire de certaines contributions vers la mission « Agriculture ». Il a enfin relevé qu'aux aléas budgétaires à la baisse relevés par le directeur du budget, il convenait d'ajouter les aléas à la hausse, comme le probable financement d'une opération de maintien de la paix au Tchad.

En ce qui concernait le Darfour, M. Philippe Josse , a indiqué que l'on commençait à y voir plus clair sur le niveau de la contribution, M. Xavier Driencourt, directeur général de l'administration du ministère des affaires étrangères , indiquant que l'estimation de la dépense était comprise dans une fourchette de 80 à 120 millions d'euros, pour une hypothèse médiane de 110 millions d'euros.

Interrogé par M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat » pour savoir si un amendement relatif au Darfour pouvait être envisagé au cours de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2008, M. Philippe Josse a fait valoir que ce choix incombait au pouvoir politique et qu'il convenait, en tout état de cause, pour ce faire, que le coût puisse être cerné avec plus de précision qu'actuellement.

M. Aymeri de Montesquiou s'est inquiété des montants en jeu au titre des contributions internationales. Il a souhaité avoir des précisions sur les comparaisons faites entre les contributions internationales et les frais de justice. Il s'est en outre demandé pour quelle raison la France devait s'acquitter d'une quote-part de 7,47 % à l'ONU, au-delà du poids de son économie dans le PIB mondial.

En réponse, M. Philippe Josse , a justifié sa comparaison avec les « frais de justice » par le fait que la réponse au problème posé, l'écart entre prévision et exécution, avait été apportée en liant le rebasage progressif des crédits avec la maîtrise progressive de la dépense. Il a indiqué que, comme pour les « frais de justice », il lui fallait du temps pour adapter le niveau des crédits de la loi de finances initiale aux besoins, compte-tenu de la rigidité des autres volets de la dépense publique.

M. Xavier Driencourt a indiqué que la quote-part de 7,47 % de la France à l'ONU était liée à son statut de membre permanent du Conseil de sécurité et ne correspondait donc pas à sa part dans la richesse mondiale.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président , M. Philippe Josse a indiqué que l'exercice de rebasage des contributions internationales était rendu difficile par le fait que les crédits en question évoluaient nettement plus vite que le budget de l'Etat.

M. Alain Lambert a jugé que l'on en était encore au début de l'ère de sincérité budgétaire, et que la « traque » par tous les moyens des poches de sous-budgétisation devait s'accomplir dans un esprit de maîtrise d'ensemble de la dépense publique.

Puis M. Jean Arthuis, président , a souhaité aborder la question des effectifs nécessaires au bon fonctionnement de nos services des visas, qui étaient évidemment au premier rang de la nouvelle politique de l'immigration voulue par le Président de la République. Il a observé que le passage à la biométrie pourrait occasionner, sans réorganisation des services, la création d'effectifs complémentaires et que, dans cette perspective, le récent rapport d'information de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat » , sur les services des visas avait noté des divergences d'appréciation entre Bercy et le Quai d'Orsay sur le niveau d'effectifs souhaitable pour le bon fonctionnement de notre administration consulaire. Il a noté que le Quai d'Orsay avait chiffré ses besoins à 100 emplois, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat » , évoquant plutôt, dans son rapport, un besoin de 50 emplois.

M. Xavier Driencourt a rappelé que les effectifs du programme 151 « Français à l'étranger et étrangers en France » de la mission « Action extérieure de l'Etat » étaient de 3.398 équivalents temps plein, soit 22 % des effectifs du ministère, et que 840 étaient dédiés à l'activité visa, certains effectifs polyvalents des consulats étant rattachés, eux, au programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ». Il a estimé que les besoins en effectifs étaient aujourd'hui, globalement satisfaits, la croissance de l'activité de certains consulats étant couverte par des redéploiements internes au réseau consulaire. Il a néanmoins indiqué que le développement des visas biométriques était à l'origine d'un besoin supplémentaire en effectifs, puisque cette technique exigeait la comparution personnelle des demandeurs. Il a précisé qu'un récent audit de modernisation avait chiffré les besoins à 54 équivalents temps plein, et que le ministère des affaires étrangères avait ainsi bénéficié de 23 équivalents temps plein en 2007. Il a jugé qu'il aurait été souhaitable de demander 31 autres postes dans le projet de loi de finances pour 2008, mais qu'il ne l'avait pas fait en raison des engagements de réduction des effectifs pris par le ministère des affaires étrangères dans son contrat de modernisation.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat » a souhaité savoir s'il n'était pas possible de recourir plus fortement et plus systématiquement à l'externalisation de certaines activités annexes des services des visas, certains pays comme le Royaume-Uni ayant fait preuve en la matière d'un volontarisme plus important.

M. Xavier Driencourt a fait valoir que le mouvement était en cours, à Moscou et à Istanbul notamment, notant que les centres des prestataires privés employaient à Moscou 95 personnes et à Istanbul 40 personnes. Il a indiqué que le mouvement d'externalisation devait prendre en compte les réticences de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) quant à la possibilité d'une comparution personnelle des demandeurs de visas en dehors d'une enceinte consulaire pour la prise d'empreinte biométrique, et la volonté de la Commission européenne que le passage par un partenaire privé n'entraîne pas de coûts supplémentaires pour le demandeur.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou , il a précisé que les services des visas s'autofinançaient assez largement.

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