EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 31 octobre 2007, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Charles Guené, rapporteur spécial, sur les lieux de mémoire.

M. Charles Guené, rapporteur spécial , a rappelé que ce contrôle budgétaire, portant sur l'entretien et la valorisation des nécropoles militaires, avait été effectué par leur regretté collègue M. Jacques Baudot, qui avait déjà présenté en 1997 un rapport sur l'utilisation des crédits affectés à la mémoire.

Il a expliqué que le terme « lieux de mémoire » concernait les sépultures de guerre des soldats « morts pour la France », situées dans les nécropoles nationales et les carrés militaires en France et à l'étranger, ainsi que les « hauts-lieux » de la mémoire nationale. Il a indiqué que les 197.00 soldats inhumés à l'étranger, dont 90.000 en ossuaires, reposaient dans 2.00 cimetières, dont 234 importants, répartis dans 64 pays.

M. Charles Guené, rapporteur spécial , a ajouté qu'il y avait en France 263 nécropoles nationales où reposaient 729.000 corps, dont 244.000 en ossuaires, et 2.800 carrés militaires, contenant 115.000 corps. Il a indiqué que le déplacement au Mont-Valérien avait permis de constater son bon entretien mais également la nécessité d'aménagements, d'ailleurs déjà engagés. Il a, ensuite, rendu compte de l'état des autres hauts-lieux en rappelant que le mémorial de la guerre d'Algérie du quai Branly avait été inauguré en 2002 et le Centre européen du résistant déporté, sur le site de Natzweiler Struthof, en 2005.

Il a précisé qu'aucune amélioration notable n'était intervenue sur trois autres hauts-lieux : le mémorial des guerres d'Indochine de Fréjus, le mémorial du débarquement en Provence du Mont Faron et le mémorial de l'internement au camp des Milles. Mais il s'est inquiété d'un défaut d'étanchéité constaté dans le mémorial des martyrs de la déportation de l'Ile de la Cité, auquel aucune des interventions pratiquées jusqu'à présent n'avaient pu remédier. Il a expliqué que les autres nécropoles nationales, malgré les regroupements après les deux conflits, restaient en nombre trop important et présentaient une grande hétérogénéité.

M. Charles Guené, rapporteur spécial, a ensuite présenté le contrôle en Algérie en constatant que si les cimetières de l'algérois étaient relativement bien tenus, il n'en était pas de même de ceux de l'oranais, pour plusieurs cimetières civils et surtout la nécropole de Mers el Kébir. En effet, ce carré militaire, dédié aux marins morts lors des deux attaques britanniques de juillet 1940, avait subi de multiples dégradations au point de devoir remplacer les croix des tombes de marins brisées par des plots et d'y rétablir le gardiennage. Lors de la visite qui avait été effectuée le 14 septembre 2006, ces travaux étaient entrepris depuis 3 jours mais, dans la partie civile du cimetière, d'importantes dégradations et profanations ont également pu être constatées.

Lors du déplacement dans les nécropoles du front d'Orient, il est apparu qu'en Macédoine les deux cimetières militaires français de Skopje et Bitola étaient bien entretenus, qu'ils disposaient de gardiens et qu'ils avaient surtout bénéficié d'interventions réalisées par des militaires de la KFOR, venus du Kosovo sur la base du volontariat . M. Charles Guené, rapporteur spécial, a salué le dévouement de ces militaires à la sauvegarde de la mémoire d'une génération de soldats du passé et considéré qu'il avait valeur d'exemple pour le personnel de la défense.

Il a ajouté qu'en Grèce, à Thessalonique, la nécropole de Zeitenlick nécessitait des interventions comme le remplacement de croix latines, en marbre blanc, dont le prix était très élevé et la réfection de la chapelle-oratoire ébranlée, il y dix ans, par un tremblement de terre. Il a précisé que la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) qui devait s'y déplacer depuis 2004 ne s'y était rendu qu'en 2007.

Il a présenté les crédits, destinés à l'ensemble de cette action pour 2007, soit 1,16 million d'euros pour l'investissement, relevant de la DMPA, et 2,81 millions d'euros pour le fonctionnement géré par la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS). Il a ajouté que l'association « Le Souvenir français » apportait parfois sa contribution à des travaux. M. Charles Guené, rapporteur spécial , a expliqué que le contrôle de gestion avait été effectué sur pièces, par des missions sur le terrain et par la remontée d'informations en provenance des visiteurs, notamment depuis l'ouverture du site internet « Mémoire des hommes ».

Expliquant qu'un premier programme de restauration des sépultures, couvrant la période de 1994 à 2000, n'avait été satisfait qu'à hauteur de 60 % et que le nouveau programme de 2001 à 2008 n'avait pas bénéficié d'un meilleur sort, en raison de la stagnation sur la période des crédits d'investissement, il a constaté que les interventions en attente concernaient, selon le type de lieu, 12 % à 20 % des sites en France.

M. Charles Guené, rapporteur spécial , après avoir salué le dévouement des services chargés de l'entretien de ces lieux de mémoire, a présenté quelques propositions pour « dynamiser » cette mission. Prenant acte que les moyens étaient toujours éclatés entre DMPA et DSPRS et dans deux programmes différents, il a souhaité que l'ensemble de la politique de gestion des lieux de mémoire relève d'un seul service et d'un seul programme en consacrant la compétence exclusive de la DMPA pour toutes les questions relatives à l'entretien et à la rénovation des sépultures de guerre.

Il a déclaré attendre, de la réflexion en cours sur l'évolution des services déconcentrés de la DSPRS, un nouveau calibrage en nombre et en choix des sites des directions interdépartementales. Il a estimé que la répartition des compétences, pour l'entretien des lieux étrangers, entre attachés de défense et corps consulaire pourrait utilement être revue. Il s'est, par ailleurs, montré favorable à une expérience d'externalisation de l'entretien des cimetières et à la revalorisation de l'indemnité forfaitaire annuelle versée par l'Etat aux communes, bloquée à 1,22 euro par tombe depuis 1981.

Insistant sur la préservation des sites, notamment en ce qui concerne leur environnement immédiat, M. Charles Guené, rapporteur spécial , a appelé de ses voeux une réflexion sur l'avenir de certains sites et carrés communaux en déshérence, ou de nécropoles très peu visitées, au regard de leur intérêt pour la Nation par rapport à la charge perpétuelle qu'ils représentent. Il a considéré que l'effort de communication ne devait pas être relâché, mais a surtout soulevé la question de l'existence d'une véritable politique de mémoire en France, en prenant comme exemple la création d'un grand mémorial de la Déportation perpétrée à partir de la France, à Compiègne, resté depuis une bonne dizaine d'années au stade de projet.

M. Charles Guené, rapporteur spécial , a conclu en plaidant pour l'affectation de moyens suffisants pour appliquer les programmes de travaux déterminés par le Haut conseil de la mémoire combattante et faire face aux imprévus dans des délais raisonnables, en utilisant si nécessaire la fongibilité asymétrique permise par la LOLF. Selon lui, une augmentation de ces moyens à titre provisoire, le temps de réaliser les opérations reportées d'année en année, permettrait à cette mission de l'Etat de répartir, une fois pour toutes, sur des bases plus saines.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que leur collègue M. Jacques Baudot était revenu d'Algérie très choqué de ce qu'il y avait vu. Il a demandé si les travaux à Mers el Kébir étaient achevés et a approuvé la position du rapporteur spécial quant à l'attribution de moyens suffisants pour cette mission, dans la mesure où la réputation de la France était en jeu.

Mme Nicole Bricq s'est inquiétée de la préservation des tombes civiles en Algérie et a affirmé avoir constaté que les cimetières militaires allemands étaient spécialement bien entretenus.

M. Charles Guené, rapporteur spécial , a précisé que la nécropole de Mers el Kébir avait été remise en état et était dorénavant gardée. Il a expliqué que les cimetières civils relevaient des ambassades et consulats, mais que les autorités algériennes les considéraient comme appartenant à leur histoire et donc, sous leur protection. Il a ajouté que, selon les lieux et les périodes, cette protection avait été très inégale et qu'elle ne présentait traditionnellement pas le même impératif pour la population algérienne.

Il a expliqué qu'en Allemagne cette mission relevait d'une association privée financée, pour la moitié, par des dons. Il a regretté, qu'en la matière, l'appel à la générosité comme au bénévolat ne donnait pas, en France, de résultats importants. Il a relevé que le coût d'entretien d'une tombe par la France était de l'ordre de 8 euros quand le Commonwealth y consacrait 31 euros, tout en reconnaissant que la comparaison des moyens avec ceux des pays étrangers ne pouvait être totalement pertinente, compte tenu des différences de culture, de politique de mémoire et de mode de financement.

M. Jean Arthuis, président , a suggéré au rapporteur spécial de proposer la création d'une fondation ou d'un établissement public chargé de cette mission. Il a, par ailleurs, déclaré qu'il serait plus aisé pour la France de se montrer exigeante avec les autorités des pays étrangers si l'entretien, qui lui incombait, était plus exemplaire.

M. Charles Guené, rapporteur spécial , a précisé que le projet de loi de finances pour 2008 proposait l'attribution de 3 millions d'euros de crédits de paiement, pour doter en capital, la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc, en application de la loi du 23 février 2005, et qu'il conviendra d'être attentif à leur destination.

A l'unanimité, la commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information .

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