B. LA FUSION DES LOIS DE FINANCES ET DES LOIS DE FINANCEMENT ? UNE RÉPONSE INADAPTÉE

1. Les réflexions en cours et les propositions


• La question est posée explicitement, depuis quelques mois, d'une éventuelle fusion des deux lois financières. Cette hypothèse est présentée comme permettant de résoudre les problèmes d'articulation entre les deux textes qui portent préjudice à un pilotage efficace des finances publiques. Elle aurait aussi, aux yeux de ses défenseurs, l'avantage d'introduire une plus grande cohérence en ce domaine, en réorganisant les finances sociales selon les principes d'un jardin « à la française » : les branches offrant des prestations à caractère universel, dont le financement est d'ores et déjà peu ou prou fiscalisé (famille et prestations en nature de l'assurance maladie), seraient raccrochées au budget de l'Etat, cependant que le secteur resté contributif demeurerait au dehors (vieillesse, accidents du travail-maladies professionnelles, indemnités journalières).

De fait, deux variantes sont présentées : l'une tendant à la fusion pure et simple , l'autre reposant sur l'absorption des seules branches Famille et Maladie (prestations en nature) par la loi de finances , cependant que le reste de la protection sociale serait plus ou moins renvoyé vers des modes de gestion partenariale, comme cela est déjà le cas pour l'assurance chômage et les régimes de retraite complémentaires Agirc-Arrco. En tout état de cause, la disparition des lois de financement de la sécurité sociale apparaît comme une conséquence de ces évolutions .


• Dans le cadre de la réunion du conseil d'orientation des finances publiques (Cofipu) du 6 décembre 2006, Alain Lambert et Didier Migaud ont ainsi présenté les principales conclusions de leur rapport au gouvernement sur la mise en oeuvre effective de la Lolf 56 ( * ) , décrivant la Lolfss de 2005 comme une sorte de « petite soeur » de la loi organique de 2001 et faisant valoir son adoption comme une première étape vers une fusion à terme des lois de finances et des lois de financement.

A la même époque, la commission des finances du Sénat a également fait connaître des positions allant explicitement dans le même sens 57 ( * ) .

Sur la base de ces réflexions concordantes, le conseil d'orientation des finances publiques a souhaité disposer d'une analyse de la situation des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, confiée à la mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales 58 ( * ) . L'objectif était de proposer des règles de gouvernance et de comportement qui soient de nature à clarifier ces relations, mais aussi à assurer le rapprochement entre les deux secteurs et les deux catégories de lois, lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

Bien que n'ayant pas été expressément mandatée pour envisager la fusion des deux lois, la mission commune a évoqué, dans son rapport, plusieurs scénarios de budgétisation de la sécurité sociale , notamment de ses branches Famille et Maladie.

A titre liminaire, elle a écarté deux solutions :

- la substitution de prélèvements sur recettes aux recettes affectées aux branches universelles de la sécurité sociale , à un double titre : d'une part, l'article 6 de la Lolf limite désormais strictement le champ des prélèvements sur recettes aux prélèvements au profit exclusif des collectivités territoriales et des communautés européennes ; d'autre part, à recettes inchangées, une telle réforme impliquerait l'affectation à l'Etat des cotisations sociales qui continuent de financer pour partie les branches Famille et Maladie, ce qui serait source de confusion supplémentaire ;

- la création de budgets annexes , qui nécessiterait, là aussi, une modification de la Lolf 59 ( * ) , sans pour autant permettre de mettre un terme aux difficultés associées à la définition des frontières entre l'Etat et la sécurité sociale.

La mission conjointe Igf-Igas a ensuite envisagé l'insertion, dans le budget général de l'Etat, des branches Famille et Maladie (hors prestations en espèces) 60 ( * ) , mais n'a élaboré de scénario que pour la première de ces deux branches car la budgétisation des prestations en nature de la Cnam se traduirait, selon elle, soit par le transfert à l'Etat de prélèvements sociaux (CSG et cotisations), soit par une refonte totale du système de prélèvements qui n'a pas, à ce jour, fait l'objet d'une expertise complète.

La budgétisation de la branche Famille reposerait sur :

- l'inscription au budget de l'Etat, dans un ou plusieurs programmes dédiés, dotés de crédits limitatifs , de l'ensemble des prestations aujourd'hui financées par les recettes de la branche Famille : les prestations légales et extralégales ainsi que la contribution de la Cnaf au Fnal pour le financement de l'APL 61 ( * ) ;

- l'abondement du budget de la Cnaf par des subventions budgétaires et l'instauration d'une réelle limitativité des crédits nécessitant de mettre fin à la possibilité de recourir à la trésorerie de l'Acoss pour régler des prestations non financées ;

- le transfert à l'Etat d'un montant de recettes lui permettant de faire face à ses nouvelles dépenses sans dégradation du solde budgétaire, tout en préservant le principe de spécialisation des ressources entre sphère étatique et sphère sociale.

Les dépenses transférées sur le budget général représenteraient environ 40 milliards d'euros couverts par l'apport à l'Etat :

- du panier de recettes aujourd'hui affectées au financement des allégements généraux (environ 20 milliards en 2007) ;

- du produit de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S, soit près de 5 milliards) ;

- des 15 milliards d'euros restants, sous deux formes possibles : soit l'augmentation d'un ou plusieurs impôts d'Etat (TVA notamment 62 ( * ) ), éventuellement combinée avec la création d'une nouvelle taxe (par exemple à finalité environnementale) ; soit le transfert des droits tabacs actuellement affectés aux organismes de protection sociale (près de 9 milliards), concomitamment avec un relèvement d'un point du taux normal de la TVA (environ 6 milliards).

Dès lors que l'on exclut de ce schéma un partage de la CSG et des cotisations patronales entre l'Etat et la sécurité sociale, qui tendrait à compliquer les relations entre les deux secteurs plutôt qu'à les simplifier, l'équilibre du dispositif supposerait l'augmentation d'un impôt d'Etat, compensée par une baisse des prélèvements sociaux (CSG et/ou cotisations) 63 ( * ).

La CSG et les cotisations sociales auparavant affectées à la Cnaf seraient réparties entre les autres branches de la sécurité sociale, en compensation du « panier » de taxes et, le cas échéant, des droits de consommation sur les tabacs.


• Auditionné dès le début de ses travaux par la Mecss, le directeur du Budget 64 ( * ) , Philippe Josse, a été le seul de ses interlocuteurs évoquant expressément des scénarios possibles de rapprochement ou de fusion des deux lois financières, sans pour autant entrer dans le même degré de détails que la mission conjointe Igf-Igas.

Quatre solutions sont envisageables suivant le degré d'intégration souhaité :

- l'amélioration de l'existant , notamment grâce à une meilleure coordination dans l'élaboration des deux projets de loi entre le début de l'année et l'automne ;

- un schéma de « juxtaposition des textes », consistant à n'organiser qu' une seule discussion générale , suivie, en première partie, de l'examen du projet de budget de l'Etat puis, en deuxième partie, du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; en pratique, le débat sur les prélèvements obligatoires de l'automne serait étendu aux dépenses et se tiendrait aussi à l'Assemblée nationale (et non pas uniquement au Sénat, comme c'est le cas aujourd'hui) ;

- un schéma intitulé « pot commun de recettes », reposant sur le principe de la discussion d'un texte unique regroupant l'ensemble des recettes publiques , suivi d'un examen séparé des dépenses : pour l'Etat, selon les règles de la Lolf, en crédits limitatifs ; pour la sécurité sociale, en mode évaluatif, selon les principes de la Lolfss ;

- enfin, la fusion pure et simple ; les dépenses familiales et de maladie deviendraient des programmes du budget général, les caisses (Cnam et Cnaf) étant de simples opérateurs de l'Etat ; ce schéma renverrait ou laisserait dans la sphère partenariale toutes les autres branches : Vieillesse (régimes de base et, a fortiori , complémentaires), Accidents du travail-Maladies professionnelles, Chômage.

2. Un rejet unanime

La Mecss a procédé à un très grand nombre d'auditions 65 ( * ) ; représentants des principales institutions de la protection sociale et des corps de contrôle, hauts fonctionnaires, universitaires, praticiens du secteur social : tous ses interlocuteurs ont réfuté le principe d'une fusion des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale comme réponse au problème posé par le pilotage d'ensemble des finances publiques . Voire : au-delà des nuances parfois exprimées, la plupart ont même exposé des arguments, incontestablement convaincants, pour s'opposer à une solution qui serait source de confusion et de complexité supplémentaires dans un domaine qui requiert, au contraire, plus de rigueur et de clarté.

Il existe une première réponse, qui fait appel à des éléments de forme, aux tenants de la fusion des deux lois financières : celle-ci imposerait, en effet, de réviser la Constitution 66 ( * ) ainsi que les lois organiques qui en découlent, alors que leur adoption est relativement récente. L'argument n'est bien sûr pas dirimant et l'inconstitutionnalité actuelle de la mesure proposée ne fait pas obstacle à sa mise en oeuvre au terme d'un processus préalable de révision, mais il permet de souligner la lourdeur de la mécanique qui serait ainsi mise en branle. Cette lourdeur impose, à l'évidence, de bien mesurer à l'avance, l'intérêt, les avantages et les inconvénients du projet.

La recherche d'une meilleure articulation entre les finances de l'Etat et celles de la sécurité sociale vaut-elle la peine d'une révision constitutionnelle ? Telle qu'elle ressort des diverses auditions menées par la Mecss, la réponse est clairement non, quel que soit l'angle sous lequel la fusion a été examinée par ses interlocuteurs : celui de la clarification qu'apporterait un changement de périmètre des deux lois, celui de la gouvernance respective des deux sphères, celui du rôle des partenaires sociaux , enfin, celui de la faisabilité technique de l'opération , qui s'avère infiniment plus délicate que ne le laissent penser les défenseurs d'un amalgame des textes.

a) Une confusion accrue plutôt qu'une clarification

Les questions de périmètre ne seraient pas résolues et l'objectif de clarification des relations entre l'Etat et la sécurité sociale ne serait pas atteint par une fusion partielle ou totale des lois de finances et des lois de financement.


• D'une part, on doit relever que le regroupement des deux textes ne satisferait en aucune façon le souhait, par ailleurs légitime, d'une vision et d'un pilotage globalisés de l'ensemble des finances publiques et des prélèvements obligatoires. En effet, le champ des lois de financement ne recouvre qu'une partie de celui, plus vaste, des administrations de sécurité sociale (Asso) , et notamment pas la sphère « paritaire », c'est-à-dire les régimes complémentaires obligatoires de retraite (Agirc-Arrco) et l'assurance chômage.

D'autre part, l'ambition d'un regroupement des finances publiques au sein d'un grand « Tout » butte nécessairement sur la décentralisation et l'existence des budgets locaux regroupés dans l'agrégat des administrations publiques locales (Apul).


• En tout état de cause, la Mecss a pu constater le consensus qui se manifeste, y compris chez les inventeurs du concept de fusion entre les deux lois financières, pour admettre que certaines branches, par nature, ne pourront jamais trouver leur place au sein du budget de l'Etat et devront continuer à relever de la sphère sociale. Les branches concernées sont la vieillesse et les accidents du travail-maladies professionnelles ainsi que la partie indemnités journalières de l'assurance maladie, c'est-à-dire, d'une façon générale, celles pour lesquelles l'octroi des prestations reste conditionné par la qualité de salarié ou d'affilié, alors que les prestations famille et maladie (pour la partie prestations en nature) sont devenues universelles, leur versement étant soumis à une simple condition de résidence.

Certains des interlocuteurs de la Mecss 67 ( * ) ont légitimement fait observer que la logique défendue par les partisans d'un transfert partiel vers le budget de l'Etat, laissant à la sphère sociale les dépenses relevant d'un principe d'assurance professionnelle, imposerait, en toute rigueur, que l'on retire des lois de finances les prestations obéissant précisément à ce principe assurantiel. Il faudrait ainsi au moins envisager, à défaut de la réaliser, une externalisation des sommes destinées à financer la retraite des fonctionnaires de l'Etat, qui devrait être gérée par une caisse, comme l'est aujourd'hui la retraite de la fonction publique territoriale. Une telle mesure aurait l'avantage de rendre plus lisible l'effort de l'Etat envers ses fonctionnaires et de permettre des comparaisons avec les autres régimes.


• L'idée même selon laquelle certaines branches de la protection sociale pourraient basculer dans le champ du budget de l'Etat, au regard de la nature des recettes qui les alimentent et des caractéristiques des prestations qu'elles offrent , apparaît sujette à caution et porteuse de difficultés.

En ce qui concerne les recettes, le lien établi spontanément par les concepteurs de la fusion des deux lois financières entre « fiscalisation » et « budgétisation » n'a emporté la conviction d'aucun des interlocuteurs de la Mecss . La raison en a été donnée précédemment : le recours accru aux impôts pour financer la protection sociale à partir des années quatre-vingt-dix a correspondu, d'abord et avant tout, à la nécessité de faire reposer sur des assiettes les plus larges possibles le financement de prestations en forte augmentation et devenant de plus en plus nettement non contributives.

Pour autant, le schéma suivi par tous les gouvernements a privilégié le principe de spécialisation de la ressource : dans l'ensemble, les impôts venant alimenter le financement de la sécurité sociale, au premier chef la CSG, lui ont été affectés en exclusivité. S'il existe quelques exceptions, comme on l'a vu, celles-ci demeurent marginales et ne remettent pas en cause la clarté et la simplicité de la répartition des recettes entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale .

Le prolongement inéluctable du mouvement de fiscalisation des ressources de la protection sociale entamé depuis une vingtaine d'années n'est donc pas porteur, en lui-même, d'un impératif de budgétisation des branches concernées.

Sous l'angle des dépenses , on peine également à discerner les termes d'une summa divisio qui justifierait un basculement de certaines branches (Famille, prestations en nature de la branche Maladie) dans le champ du budget de l'Etat. Le schéma dessiné par les défenseurs de la fusion repose, en effet, grossièrement sur une distinction entre, d'un côté, des prestations à fonction de redistribution (dans un objectif de solidarité entre les individus, voire de réduction des inégalités) dont on peut penser qu'elles relèvent plutôt de la sphère étatique et doivent être financées par l'impôt, et, de l'autre côté, des prestations remplissant soit une fonction assurantielle (c'est-à-dire de couverture contre un risque pour en réduire l'incertitude), soit une fonction de report (conduisant à un transfert de revenus au cours du cycle de vie), ces deux dernières catégories de prestations relevant, elles, clairement de la sphère sociale et devant être gérées dans un cadre professionnel.

Or, comme le soulignait déjà, au milieu des années quatre-vingt-dix, le rapport Foucauld 68 ( * ) , ces différentes fonctions cohabitent au sein de chaque branche :

- le système de retraite assure certes essentiellement une fonction de report, mais il contribue aussi au système redistributif (les prestations servies ne sont pas toujours en relation étroite avec l'effort contributif ; ainsi en est-il du minimum vieillesse) et remplit une fonction assurantielle (risque viager, risque veuvage) ;

- les prestations familiales répondent à un objectif de redistribution, mais elles pourraient être aussi considérées comme opérant une fonction de report dans la mesure où elles contribuent entre autres choses à financer la formation des jeunes, qui seront eux-mêmes plus tard assujettis aux prélèvements sociaux finançant notamment la future retraite des actifs actuels ;

- enfin, l'assurance maladie conserve une fonction assurantielle qui n'a pas disparu (le mécanisme de la CMU se superpose en effet au principe d'affiliation effectuée dans un cadre professionnel qui subsiste pour la majorité des bénéficiaires et justifie un financement reposant encore pour moitié sur des cotisations) ; elle remplit bien sûr une fonction redistributrice en faveur des bas revenus, mais elle exerce également, indirectement, une fonction de report à travers la croissance des dépenses avec l'âge.

La plus grande prudence s'impose donc dans la manipulation de concepts tels que « logique bismarckienne », généralement opposée à « logique beveridgienne » 69 ( * ) dans une apparente limpidité justifiant des partages qui se veulent simples et facilement opérationnels .

La Mecss a d'ailleurs relevé à ce sujet que le directeur du Budget 70 ( * ) , évoquant un possible rapatriement de la branche Famille dans le budget de l'Etat, a bien souligné le fait que la justification de ce schéma d'absorption ne pourrait pas être fondée, en toute rigueur, sur une quelconque distinction entre logique d'assurance et logique de solidarité, entre système contributif et système non contributif ou sur une opposition entre prestations financées par l'impôt et prestations couvertes par des cotisations, mais uniquement sur la nécessité de mettre un terme à un mécanisme de cofinancement, facteur de complexité et source d'incohérences.

A ce sujet, plusieurs interlocuteurs de la mission ont insisté sur le risque qui serait attaché à la mise en place d'un schéma « parfait », sorte de « jardin à la française » dans lequel l'Etat assumerait sur son budget l'ensemble des dépenses relevant d'une logique redistributrice et, d'une façon générale, de solidarité, cependant que les organismes de protection sociale se positionneraient dans un espace strictement assurantiel. Pour le coup, au regard des règles du droit communautaire, la sécurité sociale entrerait de plain-pied dans le champ concurrentiel, ce qui menacerait sa spécificité et son existence même. Comme l'a rappelé l'un des interlocuteurs de la Mecss 71 ( * ) , ce n'est que parce que la sécurité sociale inclut des mécanismes de solidarité que la Commission et la Cour de Justice des communautés européennes ont, jusqu'à présent, validé les situations de monopole existant dans les Etats membres.


• Incontestablement, l'analyse détaillée des arguments traditionnellement avancés sur les questions de définition de périmètre plaide donc plutôt dans le sens d' une unité de la sécurité sociale dans son organisation actuelle, y compris avec la présence en son sein d'une branche Famille. On rappellera que, depuis 1945, cette unité s'est matérialisée très concrètement par une structuration identique des quatre branches, soumises au même droit et à une même organisation dans leur rapport avec l'Etat ainsi que par une convention collective unique et une école de formation commune pour les personnels des différentes caisses .

b) Une gouvernance dégradée

Le pilotage des finances sociales, à tout le moins des branches Maladie (prestations en nature) et Famille, dans le cadre budgétaire fixé par la Lolf serait-il un gage d'efficacité accrue ?

On ne sache pas que la gestion du budget de l'Etat selon les normes définies par la Lolf ait permis, à elle seule, de rétablir l'équilibre. Force est même de constater que les déficits s'accumulent d'année en année, tout en restant à un niveau très sensiblement supérieur à celui de la sécurité sociale, pour un total de dépenses et de recettes nettement inférieur 72 ( * ) . En première approche , il serait donc facile de « congédier » la budgétisation pour insuffisance patente de résultats !

Cette première réponse, en forme de boutade, semble cependant un peu rapide et doit être complétée par le constat, fait là encore par la quasi-totalité des interlocuteurs de la Mecss, selon lequel les modalités de pilotage du budget de l'Etat apparaissent, soit moins efficaces que celles des lois de financement, soit inadaptées pour garantir une bonne gestion des finances sociales .


• Première remarque : la budgétisation ferait perdre l'un des acquis les plus fondamentaux de la Lolfss de 2005 , à savoir le vote concomitant de prévisions de recettes et d'objectifs de dépenses établis par branche et regroupés au sein d'un tableau d'équilibre, ce qui revient à un vote sur les soldes , permettant, le cas échéant, de fixer un objectif de retour progressif à l'équilibre.

La justification de ce pilotage par les soldes tient, en premier lieu, à la nécessité de respecter la règle d'or , rappelée par Michel Pébereau dans son rapport sur la dette publique 73 ( * ) : l'endettement de l'Etat est acceptable s'il correspond à un effort d'investissement permettant de renforcer le potentiel de croissance de l'économie et ouvrant ainsi des perspectives de retour futur à l'équilibre, voire à l'excédent budgétaire. Il est, en revanche, impossible de financer les dépenses de sécurité sociale et d'assurance chômage par de la dette, car « financer par endettement ce type de dépenses, c'est décider de reporter le coût de nos dépenses de tous les jours sur les générations futures. Cela signifie que les générations futures devront faire face à deux problèmes : leurs propres dépenses sociales, et le report très contestable de nos propres dépenses sociales de ces quinze dernières années ».

Ce principe de base impose une gestion fine des soldes pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, pour l'ensemble du régime général et, à l'intérieur de ces ensembles, branche par branche.

Certes, il est possible de faire valoir qu'un pilotage par les soldes seuls comporte une part de risque : le caractère structurellement excédentaire de la branche Famille aurait ainsi été un puissant incitatif à accroître la dépense publique, comme l'a démontré la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), dont le coût, initialement mal évalué, a finalement entraîné un déficit de la Cnaf sur plusieurs exercices 74 ( * ) . Cette remarque inciterait non pas à remettre en cause le mode d'approche des comptes de cette branche, mais plutôt à s'interroger sur le niveau des recettes qui lui sont affectées et qui demeurent majoritairement des cotisations patronales. Par ailleurs, comme le fait observer la mission conjointe Igf-Igas dans son rapport 75 ( * ) , la budgétisation, en effaçant la référence au nécessaire équilibre de la branche Famille prise isolément des autres postes de dépenses, ne pourrait que faciliter les annonces coûteuses qui seront en tout état de cause financées par des redéploiements de crédits non explicités.

L'interdiction de reporter sur les générations futures le poids des dépenses de sécurité sociale justifie également que la dette sociale, contractée ces dernières années en violation de ce principe élémentaire de justice et de bonne gestion, ait été cantonnée au sein d'une structure ad hoc , la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) , à laquelle est affectée une ressource spécifique, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), et dont l'horizon de remboursement est dorénavant figé au début des années 2020, conformément à la règle fixée par la Lolfss de 2005 76 ( * ) .

Au-delà de la fonction de facilitation du repérage et de traitement du déficit remplie par la gestion en fonction des soldes, le principe même d'affectation d'une recette à une dépense, l'une et l'autre clairement identifiées, présente un double intérêt :

- une plus grande acceptabilité de l'effort à fournir par le cotisant ou le contribuable , mieux à même de saisir le sens et la portée des mesures de rééquilibrage dont il a, le cas échéant, à supporter les conséquences ; c'est ce principe d'affectation qui a sans doute permis, pourtant en pleine crise économique, l'accroissement significatif des prélèvements pour le compte de la sécurité sociale et singulièrement de l'assurance maladie ; il y a fort à parier que si la budgétisation emporte non-affectation des recettes, les pouvoirs publics perdront le bénéfice des équilibres par branche et l'effet psychologique d'acceptation du prélèvement ;

- la mise à disposition des gestionnaires, notamment de l'assurance maladie, d'un instrument essentiel de négociation à l'égard des professionnels de santé : le fait de pouvoir invoquer le caractère limité d'une ressource face à une dépense extrêmement dynamique est, en effet, un élément important de responsabilisation de ces derniers.


• La deuxième difficulté présentée par une éventuelle budgétisation des prestations de sécurité sociale tient au caractère évaluatif de la dépense dans les lois de financement , alors que les dépenses du budget de l'Etat sont en principe limitatives , en application des dispositions de l'article 9 de la Lolf. Ce qui signifie très concrètement que le Parlement vote un plafond de dépenses et que les crédits adoptés en loi de finances peuvent faire, le cas échéant, l'objet d'annulations en cours d'exercice « afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l'exercice concernée » (article 14 de la Lolf).

Le principe de limitativité et la possibilité pour le gouvernement d'opérer une régulation budgétaire infra-annuelle des crédits sont des instruments inopérants dans le cadre des dépenses de famille ou de santé .

La budgétisation des dépenses de la branche Famille reviendrait, en effet, à ajouter une quarantaine de milliards d'euros de dépenses de « guichet » à celles qui existent déjà au sein du budget de l'Etat (bourses, pensions, prestations sociales notamment). Le fait qu'elles entrent théoriquement dans le champ des dépenses limitatives ne changera rien au constat qu'elles conserveront, à droit inchangé, un caractère obligatoire et que l'Etat ne pourra pas se dérober aux contraintes découlant de leur versement aux ménages bénéficiaires. Les prévisions de dépenses devront ainsi être fixées de manière réaliste dès l'étape de la présentation du projet de loi de finances : à défaut, le passage par les décrets d'avances et une loi de finances rectificative s'imposeront. Certains esprits malicieux pourraient d'ailleurs faire observer que le rapatriement des dépenses de la branche Famille dans le budget de l'Etat priverait ce dernier de la commodité que lui offre aujourd'hui l'existence de la sécurité sociale comme structure « tampon » entre lui-même et les bénéficiaires des prestations qu'il est censé financer en les remboursant aux organismes de protection sociale : on a vu plus haut tout l'avantage qu'il retire de ce schéma de financement qui lui permet de sous-budgéter, voire de ne pas alimenter du tout, des lignes de dépenses dont la charge incombe en définitive, en trésorerie, à ces organismes ainsi qu'à l'Acoss.

On imagine mal enfin, pour les mêmes motifs, que les enveloppes transférées puissent faire l'objet d'une régulation budgétaire infra-annuelle.

Au total, la budgétisation de la branche Famille serait un facteur très fort de rigidification du budget de l'Etat , comme le souligne d'ailleurs le rapport de la mission conjointe Igf-Igas 77 ( * ) . Elle ne permettrait pas non plus, par elle-même, d'atteindre l'objectif de meilleure gouvernance de ce secteur : le principe de limitativité des dépenses n'a de sens que s'il est un élément de contrainte au service d'une meilleure gestion. Or, ce n'est que marginalement en termes de gestion que se posent les problèmes touchant la branche Famille : la maîtrise des dépenses dans ce domaine s'appuie prioritairement sur une bonne évaluation a priori de l'évolution du comportement des ménages et de la portée des décisions prises pour leur venir en aide.

S'agissant de la branche Maladie , on ne peut également que souligner le caractère là encore inopérant du recours à des crédits limitatifs dans le cadre actuel de l'organisation du financement de notre système de santé . La notion de crédits limitatifs apparaît, en effet, difficilement compatible avec la multiplicité des ordonnateurs publics et privés de la dépense de santé : hôpitaux, cliniques, médecins libéraux et pharmacies d'officine. Comme l'a fait observer l'un des interlocuteurs de la Mecss 78 ( * ) , la budgétisation ne changera rien au fait qu'aujourd'hui encore, en matière de santé, les déterminants de la dépense, et donc du solde, sont les fournisseurs et les bénéficiaires de soins .

Les lois de financement de la sécurité sociale comportent un instrument majeur de gestion de la branche, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), dont la portée a été sensiblement renforcée ces dernières années :

- grâce à la création du comité d'alerte dans la loi d'août 2004 relative à l'assurance maladie ; cette procédure a pour la première fois été appliquée en 2007 ;

- avec l'obligation, inscrite dans la Lolfss de 2005, de décliner cet objectif en plusieurs sous-objectifs afin de le rendre plus transparent.

Le renforcement des pouvoirs de négociation, inscrit dans la loi d'août 2004, au profit du directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), dans le domaine de la négociation conventionnelle avec les professionnels de santé, est un autre élément d'amélioration de la gouvernance de la branche Maladie.

Ces instruments de gouvernance et de pilotage sont certainement perfectibles, comme nous le verrons plus loin, mais ils apparaissent incontestablement plus crédibles, et par conséquent plus efficaces, que le « couperet » du crédit limitatif.


• Enfin, on doit relever que plusieurs outils visant à accroître la transparence des finances publiques sont dorénavant aussi bien présents dans la Lolf, pour le budget de l'Etat, que dans la Lolfss pour celui de la sécurité sociale : la budgétisation n'apporterait donc aucun bénéfice sur ce terrain.

On citera :

- le principe de sincérité des lois de finances 79 ( * ) et des lois de financement 80 ( * ) ;

- la mise en place de projections pluriannuelles , d'ailleurs coordonnées, annexées aux deux lois : l'article 50 de la Lolf précise que le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances « présente et explicite les perspectives d'évolution, pour au moins les quatre années suivant celle du dépôt du projet de loi de finances, des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des administrations publiques » ; l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale dispose que le projet de loi de financement de la sécurité sociale « est accompagné d'un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir » ; cette projection quadriennale doit elle-même être établie de manière cohérente avec la projection quadriennale du rapport économique, social et financier ;

- l'affirmation commune, de part et d'autre, de la démarche objectifs-résultats avec les projets et les rapports annuels de performance (Pap et Rap), côté budget de l'Etat, les programmes de qualité et d'efficience (PQE), dont les premiers sont disponibles cette année, côté loi de financement de la sécurité sociale 81 ( * ) ;

- les procédures parallèles de certification des comptes .

Sur deux points au moins, les finances sociales se sont révélées en nette avance sur le budget de l'Etat :

- la comptabilité en droits constatés , proche de la comptabilité d'entreprise, a été adoptée par les organismes de sécurité sociale dès 1999, alors que la Lolf, votée en 2001 et entrée progressivement en vigueur depuis, n'en fait encore qu'une utilisation partielle, dans le cadre de sa comptabilité générale ; la présentation du budget continue ainsi d'être faite en comptabilité de caisse, avec toutes les conséquences désastreuses pour les finances publiques, décrites plus haut : opacité des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, le premier laissant s'accumuler une dette, invisible dans ses comptes, au détriment de la seconde qui doit, elle, en subir seule les conséquences en termes de coût de trésorerie ;

- par ailleurs, la partie normative des lois de financement de la sécurité sociale a d'ores et déjà une portée pluriannuelle qui demeure interdite au budget de l'Etat 82 ( * ) ; en vue, notamment, de faciliter la mise en place de la tarification à l'activité à l'hôpital (T2A), la Lolfss de 2005 a, en effet, ouvert la possibilité d'inscrire en loi de financement des mesures ayant un effet différé sur les recettes et les dépenses des organismes de sécurité sociale, sous réserve que les dispositions proposées présentent un caractère permanent.

c) Des partenaires sociaux congédiés

La budgétisation de la sécurité sociale remettrait en cause la notion de paritarisme, qui a constitué jusqu'à présent l'un des piliers de l'organisation de notre protection sociale.

L'utilité et la signification de la présence des partenaires sociaux au sein des caisses est une question régulièrement posée. La démocratie sociale relève, en effet, très largement du mythe : la responsabilité de fixer l'équilibre financier des différents risques ainsi que les déterminants de cet équilibre n'a, en réalité, jamais appartenu qu'à l'Etat.

Seule la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) disposait, dans le cadre des ordonnances « Jeanneney » de 1967, du pouvoir parfaitement théorique, jamais mis en pratique, d'augmenter les taux de cotisations ou de diminuer le taux des prestations servies, sous réserve du droit d'opposition du ministre des affaires sociales. Cette faculté a disparu avec la loi d'août 2004 précitée, ainsi que l'habilitation à négocier les conventions passées avec les professionnels de santé, transférée, on l'a vu, au directeur général de l'Uncam.

La Cnam a ainsi confirmé formellement son appartenance au droit commun des autres caisses (Cnav et Cnaf) dont les conseils d'administration, où siègent les partenaires sociaux, disposent de la possibilité d'émettre un simple avis sur les projets de réforme du mode de financement élaborés par le gouvernement. On notera, au surplus, que ces conseils n'ont jamais paru eux-mêmes particulièrement demandeurs de plus de pouvoirs dans ce cadre et que le schéma actuel, dans lequel ils n'ont en fait pas la responsabilité de décisions éventuellement impopulaires, leur convient somme toute très bien.

En pratique, l'« étatisation » 83 ( * ) de la sécurité sociale n'est donc pas un phénomène récent et ne constitue pas, à proprement parler, une menace : peut-on encore évoquer un risque, lorsque les effets - bons ou mauvais - de sa concrétisation se sont déjà produits ?

Par ailleurs, un grand nombre d'interlocuteurs de la Mecss ont souligné le fait que l'association des partenaires sociaux passe plutôt aujourd'hui par leur participation à des enceintes de réflexion, dont le but est de favoriser l'émergence de diagnostics partagés facilitant l'action des pouvoirs publics dans leur recherche de solutions consensuelles destinées à garantir la pérennité de notre système de protection sociale : on citera pêle-mêle le conseil d'orientation des retraites (Cor), le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), le conseil d'orientation pour l'emploi (COE), la conférence nationale des finances publiques, la conférence nationale de la famille ou le futur conseil d'orientation des politiques familiales qui pourrait prochainement voir le jour.

Pour autant, plusieurs arguments continuent de plaider pour le maintien du paritarisme au sein des caisses de sécurité sociale :

- d'abord, l'attachement à ce système des partenaires sociaux eux-mêmes , dont l'assise dans la société est en partie tributaire de leur participation aux structures assurant des fonctions de solidarité entre les Français ; il ressort des entretiens que la Mecss a eus avec les syndicats présents au sein des différents conseils d'administration que l'exclusion des partenaires sociaux serait perçue comme une atteinte grave aux principes du dialogue social, tels qu'ils ont été posés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et constamment réaffirmés depuis ;

- ensuite, comme l'ont tout particulièrement souligné plusieurs interlocuteurs de la Mecss 84 ( * ) , il est indispensable de conserver un vivier de population ayant une bonne connaissance technique des mécanismes ainsi que des enjeux de la protection sociale et la composition des conseils d'administration des caisses permet, en outre, un brassage utile entre « technocrates » et « représentants de la société civile » ; la mise en place d'agences, exclusivement composées de techniciens gestionnaires, ferait reculer le nombre des personnes compétentes dans le domaine de la protection sociale ainsi que la compréhension et l'acceptabilité des mesures prises ;

- enfin, la caisse nationale des allocations familiales, la première visée par les projets de budgétisation, est précisément celle dont le conseil d'administration dispose d'une véritable compétence pour définir l'affectation d'une partie des ressources affectées à la branche, à travers la définition et le versement de prestations extra-légales s'ajoutant aux prestations légales.

Certes, les sommes gérées dans le cadre du fonds national d'action sociale (Fnas) ne représentent que 8,6 % de l'ensemble des prestations versées par la Cnaf en 2007. Il s'agit cependant d'une masse non négligeable, d'un montant de 3,6 milliards d'euros, parmi lesquels 840 millions déconcentrés au niveau des caisses locales, dont les partenaires sociaux et les associations familiales sont des gestionnaires actifs.

Un transfert vers le budget de l'Etat signifierait la disparition de cette enveloppe et une perte d'influence incontestable, de surcroît, pour les associations familiales . On pourrait bien sûr envisager de limiter le processus de budgétisation aux prestations légales et de conserver les prestations extra-légales dans une branche Famille de la sécurité sociale aux dimensions réduites. Comme le reconnaît cependant le rapport de la mission conjointe Igf-Igas, dans sa partie consacrée à l'examen de l'hypothèse de budgétisation de la Famille, la justification du maintien d'une branche de la sécurité sociale limitée à la gestion des prestations extra-légales serait « problématique », compte tenu de l'étroitesse du champ couvert.

d) Des difficultés techniques de mise en oeuvre sous-évaluées

Les difficultés techniques résultant de l'éventuelle budgétisation de tout ou partie de la sécurité sociale sont évoquées ici pour mémoire et sont plus précisément développées dans la première partie de ce rapport consacrée aux modalités de financement de la protection sociale 85 ( * ) . Il est cependant indispensable d'y faire référence, comme « pièces apportées au dossier ».

Si la fiscalisation des ressources de la sécurité sociale ne peut être considérée comme l'antichambre de sa budgétisation, la formule inverse est, en revanche avérée : la budgétisation implique la fiscalisation et la disparition des cotisations . Même si le transfert de cotisations vers le budget de l'Etat est techniquement possible, aucun schéma de budgétisation ne se conçoit sans un volet de modernisation des prélèvements à finalité sociale visant à alléger le coût du travail.

A ce sujet, il convient de rappeler quelques données chiffrées de base. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale 86 ( * ) , les cotisations sur revenus d'activité affectées au régime général représentent, en 2007, plus de 160 milliards d'euros, dont 128 milliards à la charge des employeurs. Sur ce total, les cotisations Famille, exclusivement acquittées par l'employeur, atteignent 31,4 milliards d'euros et les cotisations maladie, essentiellement financées par la même catégorie, s'élèvent à 65 milliards.

Parallèlement, un point de cotisation maladie représente 5,9 milliards d'euros, un point de cotisations famille 6,7 milliards, un point de CSG sur les revenus d'activité 7,5 milliards et un point de TVA au taux normal environ 6 milliards.

A titre d'exemple, la disparition complète des cotisations employeurs versées à la branche Famille et leur compensation représentent plus de cinq points de TVA (taux normal). Même dans le schéma ingénieux, reproduit dans son rapport par la mission Igf-Igas, reposant sur une redistribution des ressources entre l'Etat et la sécurité sociale 87 ( * ) , le taux normal de TVA doit tout de même être rehaussé de 1 à 2,25 points.

Les marges de manoeuvre sont encore réduites par deux phénomènes qui se cumulent :

- les transferts à opérer vont d'une assiette à la charge des entreprises à une assiette à la charge des ménages (soit leurs revenus : la CSG ; soit leur consommation : la TVA), ce qui pose la question de la compensation à leur verser pour la perte subie (sous forme de hausse de salaire ou de baisse des prix qui ne revêtent ni l'un, ni l'autre, un caractère automatique) ;

- les entreprises employant des salariés au Smic, ou proches du Smic, n'acquittent plus, ou quasiment plus de cotisations patronales, ce qui pose, cette fois, la question du versement à ces entreprises de cotisations négatives, particulièrement complexes voire impossibles à mettre en oeuvre et contestables dans leur principe.

* 56 « La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances - A l'épreuve de la pratique, insuffler une nouvelle dynamique à la réforme » - Octobre 2006.

* 57 Cf. rapport d'information n° 41 (2006-2007) fait au nom de la commission des finances par Philippe Marini : « Quels prélèvements obligatoires ? Pour quels besoins collectifs ? ». On retiendra notamment, page 34, l'affirmation selon laquelle une vision consolidée des finances publiques « implique de ne plus séparer artificiellement l'analyse des finances de l'Etat de celle des finances sociales mais, au contraire, de fusionner dans un même budget, celui de la Nation, voté par le Parlement, l'ensemble des ressources et charges de l'Etat et de la sécurité sociale ».

* 58 Qui a remis son rapport, mentionné plus haut, en mars 2007.

* 59 La Lolf limite, en effet, dans son article 18, l'usage des budgets annexes aux « opérations des services de l'Etat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestations de services donnant lieu au paiement de redevances ».

* 60 Rapport précité - pp. 58-61.

* 61 L'Etat reprendrait directement à son compte les financements de l'API et de l'AAH, puisqu'il n'y aurait plus de transit par la Cnaf. Quant aux transferts vers le FSV (prise en charge des majorations pour enfants) ou vers la Cnav (prise en charge des cotisations AVPF), ils seraient supprimés avec, en contrepartie, l'octroi à ces organismes d'une partie des ressources jusqu'à présent affectées à la Cnaf (cotisations patronales et CSG).

* 62 Une augmentation de 2,25 points du taux normal représente un montant de ressources de 15 milliards d'euros.

* 63 Le rapport de la mission Igf-Igas n'évoque que la baisse des cotisations sociales et pas celle de la CSG.

* 64 Lire le compte rendu de cette audition en annexe au présent rapport.

* 65 Une trentaine au total (dont des entretiens informels avec le président et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis et Philippe Marini, ainsi qu'avec Alain Lambert). Le compte rendu des auditions est annexé au présent rapport.

* 66 Les lois de financement de la sécurité sociale ont été instituées par l'article 47-1 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996.

* 67 Lire, en particulier, les comptes rendus des auditions de Rémi Pellet, avocat en droit social, et de Yannick Moreau, présidente de la section sociale du Conseil d'Etat, en annexe au présent rapport.

* 68 « Le financement de la protection sociale » - Rapport au Premier ministre, par Jean-Baptiste de Foucauld, commissaire général du Plan (1995) - p. 104. Même s'il a été rédigé avant la mise en place de la CMU, qui constitue une évolution majeure de l'assurance maladie, les observations de ce rapport conservent toute leur pertinence sur ce point.

* 69 Le modèle bismarckien serait fondé sur une conception assurantielle de la protection sociale dans un cadre professionnel, alors que dans le modèle beveridgien les prestations s'adressent à l'ensemble de la population, indépendamment du revenu.

* 70 Lire le compte rendu de l'audition de Philippe Josse en annexe au présent rapport.

* 71 Lire le compte rendu de l'audition de Rémi Pellet en annexe au présent rapport.

* 72 Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit environ 275 milliards d'euros de dépenses (les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale sont de l'ordre de 420 milliards) et le déficit de l'Etat s'établirait à 41,7 milliards d'euros (après 11,7 milliards en 2007, le déficit du régime général serait de 8,9 milliards en 2008).

* 73 « Rompre avec la facilité de la dette publique : pour des finances publiques au service de notre croissance économique et de notre cohésion sociale » - La Documentation française (2006) - pp. 68-69.

* 74 Un retour à l'équilibre devrait intervenir cependant dès 2008.

* 75 Rapport précité - p. 60.

* 76 L'article 4 bis introduit par la Lolfss dans l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 précise, en effet, que « tout nouveau transfert de dette à la caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ». Le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur organique de cette disposition (décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005).

* 77 Rapport précité - p. 60.

* 78 Lire le compte rendu de l'audition de Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des caisses d'épargne pour la solidarité, en annexe au présent rapport.

* 79 Article 32 de la Lolf.

* 80 Article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

* 81 Le Gouvernement a très largement tenu compte des demandes de la commission des affaires sociales du Sénat, exprimées notamment lors du débat d'orientation du 24 juillet dernier, et les PQE soumis au Parlement apparaissent d'ores et déjà comme des instruments très prometteurs pour le suivi de l'activité et le pilotage de la sécurité sociale.

* 82 Le chef de l'Etat a évoqué récemment la nécessité de pouvoir bâtir des lois de finances de portée pluriannuelle, exprimant le souhait qu'il en soit ainsi pour la loi de finances pour 2009.

* 83 Qui ne concerne cependant pas deux pans de la protection sociale restés sous le régime d'une gestion strictement paritaire : l'assurance chômage et les retraites complémentaires Agirc-Arrco.

* 84 Lire en particulier le compte rendu de l'audition de Bertrand Fragonard, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, en annexe au présent rapport.

* 85 Voir supra : pp. 32-36.

* 86 Rapport de septembre 2007.

* 87 Voir supra : pp. 61-62.

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