C. LA COORDINATION OPÉRATIONNELLE ENTRE DISPOSITIFS DE DROIT COMMUN ET DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES

1. Les nouveaux contrats urbains de cohésion sociale ont vocation à constituer un vecteur de mobilisation des politiques de droit commun

La circulaire du 24 mai 2006, relative à l'élaboration des contrats urbains de cohésion sociale prévoit la définition « avec l'ensemble des services de l'État concernés (...) des modalités d'intervention de l'État ainsi que les priorités et les moyens à arrêter dans le cadre des politiques de droit commun qu'ils mettent en oeuvre pour répondre au mieux aux enjeux du territoire » . Elle précise que « la mobilisation des crédits de droit commun doit constituer le socle des engagements des partenaires. Elle doit permettre de mieux cibler les crédits spécifiques sur des actions prolongeant ou renforçant les politiques de droit commun vers les quartiers en difficulté » .

Le nouveau classement des quartiers prioritaires des CUCS en trois catégories donne une perspective nouvelle et intéressante en visant à une meilleure articulation entre crédits spécifiques et crédits de droit commun. Le classement des quartiers cible des contrats en catégories 1, 2, 3, doit, en effet, s'accompagner d'une affectation dégressive des crédits spécifiques de la politique de la ville et d'une mobilisation croissante des crédits de droit commun 120 ( * ) . Cependant, pour que cette évolution puisse avoir un réel impact, elle nécessite, au préalable, une refonte d'ensemble de la géographie prioritaire de la politique de la ville (voir supra).

2. Les constats faits sur place par la Cour conduisent à mettre en exergue deux « bonnes pratiques » pour la coordination entre dispositifs de droit commun et dispositifs spécifiques

a- Le recensement des dispositifs de droit commun mobilisables

Dans une circulaire du 1 er février 2007 adressée aux préfets, le délégué interministériel à la Ville précise que le DPT « Ville » doit servir de cadre au recensement local des crédits de droit commun. Dans les trois départements visités, ce recensement n'a pourtant pas pris appui sur la grille du DPT.

La circulaire précise également qu' « un CIV technique sera prochainement réuni avec pour objectif, notamment, de faire le point sur la mise en oeuvre du droit commun dans le cadre de ces contrats et d'assurer la meilleure mobilisation des ministères ». Au 1 er juin 2007, ce CIV technique n'avait pas été réuni.

b- La mise en oeuvre d'une coordination des procédures d'instruction

La coordination des procédures d'instruction entre les subventions accordées au titre de la politique de la ville et les subventions de droit commun accordées par les services déconcentrés et concernant les quartiers sensibles apparaît essentielle pour plusieurs raisons :

- Elle permet de définir, pour une action donnée, le support le mieux adapté : crédits de droit commun ou crédits spécifiques ;

- Elle autorise une diversité des regards pour un même dossier en croisant l'approche transversale de la politique de la ville et l'approche technique du service déconcentré concerné ;

- Surtout, cette coordination s'inscrit dans une logique de guichet unique pour orienter le plus rapidement les demandeurs vers le support de financement le mieux adapté. Les associations rencontrées ont fréquemment indiqué à la Cour qu'elles étaient contraintes de monter des dossiers multiples. Il serait contre-productif pour la politique de la ville que les associations, dont la vocation première est la mise en oeuvre d'actions dans les quartiers, consacrent une partie substantielle de leurs moyens à une épuisante course aux subventions.

La Cour a constaté sur place que des initiatives originales pouvaient exister pour faire vivre cette coordination au quotidien :

- En Seine-Saint-Denis, une coordination formalisée des procédures d'instruction est mise en oeuvre entre la préfecture et les services déconcentrés ;

- Dans la Somme, le sous-préfet ville anime toutes les deux semaines un comité opérationnel réunissant les services de l'État concernés par la politique de la ville 121 ( * ) .

Ces bonnes pratiques locales relevées par la Cour traduisent, par leur absence d'harmonisation, le besoin d'un cadrage national qui fait défaut sur une question pourtant essentielle.

De telles démarches se heurtent également, en l'état, à la difficulté de prévoir les crédits qui seront effectivement délégués pour les quartiers en difficulté :

- Cette difficulté a été relevée plus haut pour les crédits spécifiques ;

- Elle existe également pour les crédits de droit commun, ainsi que le montre le tableau ci-dessous concernant la Somme.

Tableau n° 24 :  Le moment de la délégation des crédits des services déconcentrés de la Somme susceptibles d'être mobilisés dans le cadre de la politique de la ville

Service déconcentré et imputation budgétaire

Moment de la délégation des crédits

Total des crédits délégués en 2006 (en €)

Direction régionale des services pénitentiaires

Délégation de l'enveloppe en avril / mai

25 285

Direction départementale des affaires sanitaires et sociale (DDASS)

Familles vulnérables - BOP 106

Inclusion sociale - BOP 177

Délégations très échelonnées (7 délégations pour le BOP 177 en 2006). En moyenne, 3,6 délégations par an sur le chapitre 46.34/20 + BOP 106 et une moyenne de 5,5 délégations sur le chapitre 46.81/20 et 60 + BOP 177

462 135

Direction départementale de la jeunesse et des sports (DDJS)

Programme 162.23

Délégation de crédits en février / mars

51 570

Délégation régionale aux droits des femmes (DRDF)

Programme 137

Les crédits du programme 137 sont délégués entièrement en début d'année. Sur le chapitre 43.02, les crédits étaient délégués en 2 ou 3 fois.

74 648

Direction départementale de l'équipement (DDE)

Chapitre 65.48-10 MOUS

Délégation de 80 % de l'enveloppe en mars et délégation en septembre pour les 20 % restants.

19 980

Source : Cour des comptes, d'après données préfecture de la Somme

La mobilisation interministérielle des politiques de droit commun de l'État représente un enjeu majeur pour parvenir à un impact réellement structurant des interventions de l'État en direction des quartiers en difficulté. Cependant, plusieurs conditions apparaissent nécessaires pour rendre cette mobilisation effective :

- La diffusion d'un recensement national des dispositifs de droit commun susceptibles d'être mobilisés ;

- La mise en oeuvre d'un accompagnement méthodologique des acteurs de terrain ;

- L'articulation concrète entre les processus de programmation et de décision des interventions spécifiques et des dispositifs de droit commun.

Par ailleurs, une méthodologie d'analyse des effets de substitution entre crédits spécifiques et crédits de droit commun pourrait être construite. Un panel de départements pourrait, par exemple, être sélectionné et suivi d'année en année. Un bilan annuel de ces travaux et, plus généralement, de la mobilisation des crédits de droit commun pourrait être présenté au CIV.

* 120 Les quartiers classés en catégorie 3 à titre d'action « préventive » doivent, ainsi, faire l'objet, à titre principal, d'une réorientation vers les crédits de droit commun.

* 121 Préfecture, DDE, DDJS, DDTEFP (direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle), DDASS, DDSP (direction départementale de la sécurité publique), direction régionale des services pénitentiaires, DRAC (direction régionale des affaires culturelles), inspection académique et le directeur régional de l'ACSÉ.

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