C. QUEL BÉNÉFICE GLOBAL POUR L'ETAT, UNE FOIS PRISES EN COMPTE L'ENSEMBLE DE SES RELATIONS DE TRÉSORERIE AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ?

Le solde du compte d'avances, même complété par le programme 201 précité, ne constitue qu'une partie du solde, pour l'Etat, de ses relations de trésorerie avec les collectivités territoriales.

Il convient en effet de prendre également en compte :

- le coût constitué par le fait que l'Etat ne recouvre que vers la fin de l'année la quasi-totalité des recettes, qu'il attribue pourtant par douzièmes aux collectivités territoriales : c'est ce qu'on appelle l' « effet-profil » ;

- le coût de l'assiette et du recouvrement ;

- le coût des prestations de conseil.

Ces deux dernières charges sont financées par le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », dont le rapporteur spécial est notre collègue Bernard Angels. L'encadré ci-après reproduit la présentation très claire que fait notre collègue des deux actions concernées, dans son rapport spécial relatif au projet de loi de finances pour 2007.

La présentation, faite il y a un an par notre collègue Bernard Angels, des activités d'assiette, de recouvrement et de prestation de conseil financées par le programme 156

1. L'assiette et le recouvrement sont assurés dans le cadre de l'action n° 3 « fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale » (1.778.965.715 euros de CP en LFI 2007, 1.758.873.347 euros de CP en PLF 2008)

« Cette action vise à réaliser l'assiette, le recouvrement et le contrôle des impôts dus par les particuliers, tout en favorisant leurs démarches, et en optimisant les coûts de gestion des impôts. Ces impôts sont les suivants : impôt sur le revenu, droits d'enregistrement, ISF et droits de mutation, taxe d'habitation et taxes foncières ainsi que la redevance audiovisuelle.

« L'action comprend encore le recouvrement de la taxe professionnelle qui devrait être transféré à la direction générale des impôts pour la campagne d'imposition 2008. Les moyens qui lui sont consacrés devraient pouvoir être transférés à l'action n° 2 « fiscalité des petites et moyennes entreprises ».

« Des gains de productivité sont recherchés de manière progressive, par la création, à terme, sinon d'un interlocuteur fiscal unique, du moins d'un service d'accueil unique. Les expérimentations suivantes sont ainsi en cours :

« - expérimentation, depuis début 2006, d'un numéro de téléphone unique dans le département de l'Ain, et, à partir de la fin 2006, d'une adresse internet unique pour contacter les services des impôts et du Trésor public dans trois départements (Essonne, Loiret, Meurthe-et-Moselle) ;

« - élaboration d'un programme de rapprochement immobilier des services des deux réseaux en milieu urbain, avec mise en place d'un service d'accueil unique pour les usagers (230 projets d'hôtels des finances sur la période 2006-2008) ;

« - expérimentation, dès 2006, au sein de 200 sites « accueil Finances » répartis dans 12 départements, de délégations de compétences croisées entre les deux services, afin d'offrir aux contribuables un point d'entrée unique pour l'essentiel de leurs démarches, là où le rapprochement immobilier n'est pas envisageable.

« C'est au sein de cette action que les principaux progrès en termes de modernisation et de qualité de service peuvent encore être enregistrés. »

2. La prestation de conseil est assurée dans le cadre de l'action n° 7 « gestion financière du secteur public local hors fiscalité » (1.275.741.290 euros de CP en LFI 2007, 1.330.071.222 euros de CP en PLF 2008)

« Les comptables du Trésor public, du réseau de la direction générale de la comptabilité publique, tiennent les comptes de 110.000 collectivités territoriales et établissements publics locaux. Ils accomplissent leurs missions dans 2.973 trésoreries, dont 566 spécialisées sur le secteur public local. La modernisation de leur métier est liée à la mise en oeuvre du système d'information Hélios, déployé progressivement depuis 2005.

« Selon le projet annuel de performances, des marges de progrès existent sur cette action, identifiées par des « analyses de réingéniérie des processus » et des « audits partenariaux menés avec des collectivités territoriales volontaires ». Il s'agirait notamment :

« - de moderniser les processus d'encaissement, en s'attachant à promouvoir, en liaison avec les collectivités territoriales, des moyens modernes de règlement (prélèvement, carte bancaire, ou TIP) adaptés à la nature des créances. Un plan de développement des moyens de paiement alternatifs au chèque aurait ainsi été mis en place ;

« - et d'améliorer l'efficacité de la chaîne du recouvrement précontentieux et contentieux, en s'appuyant sur des moyens juridiques rénovés (opposition à tiers détenteur, renforcement du droit de communication), mis en oeuvre dans le cadre de procédures concertées avec les ordonnateurs. »

Source : Bernard Angels, rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », annexe numéro 14 au rapport général relatif au projet de loi de finances pour 2007 (n° 78, 2006-2007)

En sens inverse, il faut prendre en compte le fait :

- que les opérations de dégrèvement, de non-valeurs, d'assiette et de recouvrement, ainsi que les prestations de conseil, sont rémunérées par les collectivités territoriales 21 ( * ) ;

- que l'Etat ne rémunère pas la trésorerie que les collectivités territoriales ont obligation de déposer au Trésor.

L'article 1641 du code général des impôts

«  I. 1. En contrepartie des frais de dégrèvement et de non-valeurs qu'il prend à sa charge, l'Etat perçoit 3,60 % du montant des taxes suivantes :

«  a. taxe foncière sur les propriétés bâties ;

«  b. taxe foncière sur les propriétés non bâties ;

«  c. taxe d'habitation due pour les locaux meublés non affectés à l'habitation principale ;

«  d. taxe professionnelle ;

«  e. taxe d'enlèvement des ordures ménagères ;

«  f. taxe de balayage ;

«  g. taxe pour frais de chambres d'agriculture ;

«  h. taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie ;

«  i. taxe pour frais de chambres de métiers et de l'artisanat.

«  2. Sauf dispositions contraires, il en est de même pour les contributions et taxes qui sont établies et recouvrées comme en matière de contributions directes au profit de toutes collectivités, fonds ou organismes divers.

«  3. En contrepartie des dégrèvements prévus à l'article 1414 A, l'Etat perçoit un prélèvement assis sur les valeurs locatives servant de base à la taxe d'habitation diminuées des abattements votés par la commune en application de l'article 1411. Les redevables visés aux articles 1414 et 1414 A en sont toutefois exonérés pour leur habitation principale.

«  Le taux de ce prélèvement est fixé comme suit :

«  Locaux d'habitation non affectés à l'habitation principale dont la valeur locative est :

«  Supérieure à 7 622 euros : 1,7 %

«  Inférieure ou égale à 7 622 euros et supérieure à 4 573 euros : 1,2 %

«  Autres locaux dont la valeur locative est supérieure à 4 573 euros : 0,2 %.

«  II. Pour frais d'assiette et de recouvrement, l'Etat perçoit 5,4 % du montant des taxes visées au I, ainsi que de la taxe d'habitation due pour les locaux meublés affectés à l'habitation principale. Ce taux est réduit à 4,4 % pour les impositions perçues au profit des collectivités locales et de leurs groupements. »

On réalise alors que l'Etat tire un bénéfice net d'environ 1 milliard d'euros par an de ses relations de trésorerie avec les collectivités territoriales, comme le montre le tableau ci-après.

Le bénéfice net, pour l'Etat, de ses relations de trésorerie avec les collectivités territoriales

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

A

Solde du compte d'avances

1.082

300

345

664

483

924

535

B

Admissions en non valeur

-629

-565

-461

-727

-716

-625

-488

C

Dégrèvements ordinaires

-1.638

-1.519

-1.637

-2.395

-2.277

-3.072

ND

D=A+B+C

Solde consolidé du compte d'avances et du programme 201, hors dégrèvements législatifs

-1.185

-1.784

-1.753

-2.458

-2.510

-2.773

ND

E

Effet profil

-460

-394

-325

-218

-216

-227

-394

F=G+H+I

Assiette et recouvrement (impact net)

2.999

2.889

2.968

3.547

3.662

3.902

4.166

dont :

G

impact brut

-1.101

-1.191

-1.193

-1.141

-1.149

-1.214

-1.249

H

prélèvements de l'Etat pour frais d'assiette et de recouvrement

2.470

2.450

2.497

2.604

2.715

2.884

3.052

I

prélèvements de l'Etat pour dégrèvement et non valeur

1.630

1.630

1.664

2.084

2.096

2.232

2.363

J=K+L

Impact net des prestations de conseil

ND

-92

-98

-114

-121

-119

-119

dont :

K

coût brut

ND

-118

-125

-142

-150

-149

-150

L

indemnités pour prestation de conseil

25

26

27

28

29

30

31

M

Non rémunération par l'Etat de l'obligation de dépôt de la trésorerie des collectivités territoriales

511

488

402

303

286

319

502

D+F+J+M

BENEFICE NET POUR L'ETAT

ND

1.107

1.194

1.060

1.101

1.102

ND

Lecture : un nombre négatif indique un coût pour l'Etat.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par le gouvernement

Ce bénéfice net pour l'Etat, de l'ordre de 1 milliard d'euros, s'explique de la façon suivante :

- certes, l'excédent du compte d'avances, de l'ordre de 500 millions d'euros par an en moyenne, est plus que compensé par le montant des admissions en non valeur et des dégrèvements ordinaires, de sorte qu'une fois corrigé de ces montants, il est déficitaire de plus de 2 milliards d'euros en moyenne depuis 2000, ce à quoi s'ajoute le coût pour l'Etat de l'effet profil, de quelques centaines de millions d'euros par an ;

- cependant, en sens inverse, les prélèvements de l'Etat pour frais d'assiette et de recouvrement et pour dégrèvement et non valeur, de l'ordre de respectivement 2,5 milliards d'euros et 2 milliards d'euros en moyenne, permettent à l'Etat, alors que le coût réel de ces opérations est de seulement 1 milliard d'euros en moyenne, de faire à ce sujet un bénéfice net de l'ordre de 3,5 milliards d'euros.

Le gouvernement conteste, bien entendu, cette analyse. Selon lui, non seulement le coût des dégrèvements législatifs doit être prise en compte, comme on l'a indiqué ci-avant, mais en plus le fait que l'article 1641 du code général des impôts ne fasse pas de distinction entre dégrèvement législatif et dégrèvements ordinaires impliquerait qu'en quelque sorte « par nature », ce prélèvement aurait vocation à financer l'ensemble des dégrèvements. Votre rapporteur spécial ne peut partager cette analyse.

Le gouvernement considère que le prélèvement prévu par l'article 1641 du code général des impôts est toujours légitime

« [La présentation du rapport Loridant et des réponses fournies à votre rapporteur spécial dans le cadre des questionnaires budgétaires pour 2006 et 2007] est faussée du fait principalement d'une sous-évaluation des dégrèvements, qui constituent la charge principale assumée par l'Etat.

« En effet, les tableaux figurant dans ces documents font référence uniquement à des dégrèvements ordinaires, hors dégrèvements législatifs, et les comparent avec les sommes prélevées sur les impôts locaux pour frais de dégrèvement et non valeur au titre de l'article 1641 du CGI.

« Cette présentation est faussée pour deux raisons.

« Tout d'abord, les montants de dégrèvements ordinaires indiqués dans ces documents sont des évaluations qui comportent une erreur de périmètre. En effet, il n'est pas possible de distinguer précisément les montants financiers des dégrèvements législatifs par rapport à ceux des dégrèvements ordinaires ou techniques (cf. réponse à la question 15 du présent questionnaire). Les chiffres indiqués dans ces documents pour les seuls dégrèvements ordinaires incluaient en fait une part de dégrèvement législatif, notamment sous la forme de contentieux sur dégrèvement législatif.

« De plus, les frais de dégrèvement et non valeur prélevés sur les impôts locaux au titre de l'article 1641 du CGI concernent l'ensemble des dégrèvements, et non pas seulement les dégrèvements ordinaires. L'article 1641 du CGI, qui définit le prélèvement de l'Etat pour dégrèvement et non valeur, ne fait pas de distinction entre dégrèvement législatif et dégrèvements ordinaires. Il y est indiqué que ce prélèvement est perçu par l'Etat « en contrepartie des frais de dégrèvement et de non valeurs qu'il prend à sa charge ». Par conséquent, ce prélèvement a vocation à financer l'ensemble des dégrèvements. Il n'apparaît donc pas possible de comparer le montant de ce prélèvement avec celui des seuls dégrèvements ordinaires, dont le montant n'est d'ailleurs pas précisément connu.

« Enfin, ces dégrèvements législatifs doivent être pris en compte car, comme le souligne le sénateur Yves Fréville en introduction de son rapport d'information sur les dégrèvements d'impôts locaux (n°71, 2003-2004), « les dégrèvements législatifs même s'ils sont d'abord des aides individuelles apportées à certains contribuables, constituent également des « subventions implicites » aux collectivités territoriales où résident ces contribuables ».

« Au total, en prenant en compte ces diverses charges, il apparaît globalement non un « bénéfice net global » de 500 M€ mais une charge pour l'Etat, qui, selon la méthode calcul utilisée (cf. réponse à la question 5) est de +8 435M€ (méthode du solde) ou de +9 365M€ (méthode du culot).

« Il ne paraît donc pas souhaitable de remettre en cause le prélèvement par l'Etat de frais d'assiette et de dégrèvement sur les impôts locaux qui restent bien en deçà de la charge budgétaire réelle supportée par l'Etat.

« De plus, ces frais s'additionnent au produit voté par les collectivités territoriales (article 1644 du CGI) et ne sont pas déduits de ce produit. Ces sommes sont donc neutres pour les collectivités territoriales et directement à la charge des contribuables. »

Source : réponse du gouvernement au questionnaire adressé par votre rapporteur spécial dans le cadre du présent contrôle budgétaire

Il est à noter que les estimations de votre rapporteur spécial minorent le bénéfice net pour l'Etat de ses relations de trésorerie avec les collectivités territoriales :

- les estimations des dégrèvements ordinaires comprennent en réalité, en raison d'imperfections du système d'information comptable, des dégrèvements législatifs, qui ne devraient pas être pris en compte puisqu'ils correspondent à des mesures législatives imposées aux collectivités territoriales, le plus souvent contre leur volonté ;

- les estimations du coût de l'assiette et du recouvrement comprennent les coûts de gestion de ces mêmes dégrèvements législatifs.

Votre rapporteur spécial considère que ce phénomène devra être pris en considération, lors de la prochaine redéfinition des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.

* 21 L'article 1641 du code général des impôts prévoit que la part des impôts locaux prélevée par l'Etat est de 3,6 % pour les dégrèvements et admissions en non-valeur, et de 4,4 % pour les frais d'assiette et de recouvrement.

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