(2) Les marges de renforcement et d'amélioration
Le regard que l'on peut porter sur la première application de cette politique dessine les voies de son amélioration.
Cette amélioration est d'autant plus nécessaire que la biodiversité des écosystèmes européens liés à l'agriculture se détériore.
Les mesures agro-environnementales révèlent à la fois une carence de conception et des défauts d'application :
* La carence de conception résulte de la déconnexion profonde qui existe entre le soutien aux prix agricoles et la politique d'encouragement à l'agriculture raisonnée.
Le soutien au prix des céréales ne prend que rarement en compte les possibilités de réinsertion d'espèces de céréales plus résistantes aux ravageurs, et sollicitant moins d'intrants et d'apports en irrigation.
Avec le résultat que la filière agroalimentaire n'est volontairement pas incitée à opérer des adaptations qui seraient possibles .
On en donnera deux illustrations :
- L'INRA a montré que planter du sorgho à la place du maïs aboutissait à des résultats comparables pour nourrir le bétail tout en économisant largement les ressources en eau. L'aval de la filière ne s'est pas intéressé à cette politique, alors même que la possibilité d'une réduction des précipitations de printemps, indispensables à la croissance des végétaux, dans le Sud de la France ne peut être écartée.
- L'INRA, de Rennes, a développé des recherches sur les blés rustiques à bas niveau d'intrants en créant des génotypes cumulant :
• productivité et teneur en protéines en conditions de fertilisation N contingentée,
• résistance diversifiée (gènes et mécanismes) aux maladies,
• résistance à la sécheresse de fin de cycle (évitement par précocité ou meilleur enracinement),
• compétitivité vis-à-vis des adventices (pouvoir couvrant),
• biomasse totale plus importante pour valorisation non alimentaire,
• farines de meilleure valeur nutritionnelle.
Les premiers résultats des expériences en plein champ menées avec ces blés rustiques montrent, à qualité nutritionnelle égale, des indices de fréquence de traitement (IFT) inférieurs à 50 % par rapport à une exploitation traditionnelle.
Or, la profession, qu'il s'agisse des semenciers, des coopératives ou des meuniers, demeure réticente à s'engager dans cette voie.
* Les défauts d'application
Ces défauts sont de plusieurs ordres :
- La biodiversité à protéger n'est pas définie avec suffisamment de précision .
Les prairies permanentes sont subventionnées de la même façon suivant qu'elles aient cinq ou cinquante ans d'âge, ce qui correspond à des états de biodiversité différents.
Les haies (dont le maintien fait l'objet d'importants concours financiers du deuxième pilier) ne sont définies ni en hauteur ni en épaisseur. De fait, certains conseils généraux ont accordé des subventions pour les plantations de haies qui, trop basses, n'ont pas été pérennes et ont été détruites en fin de contrat.
Or, des études de l'INRA montrent que, même sur de très grandes parcelles, la constitution de haies hautes et épaisses contribue fortement au maintien d'une biodiversité de l'écosystème agro-environnemental.
- La cohérence finale du système est menacée par les conditions de sa mise en oeuvre .
D'une part celui-ci repose sur le volontariat, ce qui renvoie à la difficulté de créer des effets de seuil car ils dépendent du degré de participation des exploitants dans une zone.
A titre d'illustration, si 30 % des haies sur une aire de 10 km² sont traitées aux pesticides, la fonction écosystémique des haies de cette zone diminue fortement.
D'autre part, l'émiettement de l'application territoriale est renforcé par l'émiettement des mesures. Par exemple en matière de protection de la qualité de l'eau, les agriculteurs peuvent choisir entre une douzaine de mesures dont la mise en oeuvre leur rapporte plus ou moins de subventions.
- La complexité du système entraîne des coûts de transaction trop élevés (de l'ordre de 30 % de l'aide à la charge de la collectivité et des agriculteurs).
Enfin, on ajoutera que l'encouragement au maintien de la biodiversité n'exclue pas, par ailleurs, que celle-ci soit détruite : on peut planter des haies dans certaines zones, mais rien n'interdit de les détruire dans d'autres .