2. La réorientation des politiques publiques
La réintégration progressive des économies externes produites par la biodiversité des écosystèmes, concerne les pays émergents dont certains sont le domaine d'élection d'une agriculture industrielle étroitement corrélée à la destruction des écosystèmes et à l'appauvrissement de leur fonctionnement du fait des forts taux d'engrais et de pesticides employés dans ce type de cultures.
Mais cette réintégration est tout aussi nécessaire et urgente dans les pays développés.
Parce que l'intensification des techniques de forçage des milieux naturels y a atteint un plafond.
Et aussi parce que la sensibilisation des populations à ces questions y est plus avancée et que la richesse de ces économies leur confère une marge d'évolution.
Ceci est particulièrement valable pour l'Union européenne et pour la France qui devront peu à peu s'inspirer du constat que l'on ne pourra plus produire, d'ici 2030-2050, des biens agricoles sur le même mode qu'aujourd'hui.
Les contraintes qui pèseront à terme sur nos économies impliquent une réorientation de nos politiques dans ces domaines.
a) Le renforcement des inflexions de la politique agricole commune (PAC) en faveur de la protection des écosystèmes
(1) La politique agro-environnementale de l'Union.
Le mouvement actuel de hausse des prix des céréales produit par une poussée de la demande mondiale dans le long terme pourrait avoir des effets contradictoires sur la politique agricole commune et sur la biodiversité.
D'une part, il peut inciter l'Union européenne à réduire les jachères et à augmenter les quotas de production.
Mais, d'autre part, s'il se maintient, ce mouvement diminuera de facto de coût des soutiens aux prix agricoles et pourra offrir une marge financière pour le développement des mesures agro-environnementales (MAE) dites du « second pilier ».
La politique menée par l'Union dans ce domaine depuis 1992, et surtout après le sommet de Berlin de 1999 et l'accord agricole du Luxembourg de 2003, repose sur plusieurs principes :
- le découplage des aides qui compense la baisse des dépenses de soutien aux marchés par l'allocation d'aides aux exploitants. Cette formule est d'ailleurs socialement souhaitable, car le soutien aux marchés aide surtout les très grandes exploitations sans tenir compte des multiples petites exploitations plus adaptées au maintien de la biodiversité et de la gestion environnementale du territoire.
- l'attribution d'aides directes sous condition de respect de l'environnement. Les exploitants bénéficiaires sont tenus de :
* respecter des obligations environnementales fondamentales telles la directive nitrate ou les directives Natura 2000, ou la directive sur l'utilisation des produits phyosanitaires ;
* maintenir la proportion de pâturages permanents au sein de la surface agricole utilisée en 2003 ce qui permet de conserver, au niveau national, la part des surfaces en pâturages permanents qui sont des écosystèmes aux effets positifs multiples (eau, sol, biodiversité) ;
* et d'entretenir les terres selon les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE).
- la compétence des États membres pour la définition des mesures agro-environnementales et le système d'allocation des crédits (dont l'enveloppe a évoluée de 1 milliard d'euros en 1999 à 2 milliards d'euros en 2006)
En France, la mise en oeuvre de cette politique repose sur deux types d'actions :
- une mesure nationale - la prime à l'herbe pour le maintien des élevages extensifs.
- des contrats régionaux dont le dispositif a évolué dans le temps. 1999 : contrats territoriaux d'exploitation ; 2002 : contrats d'agriculture durable ; 2007 : mise à disposition d'une boîte à outils nationale de 48 mesures (au lieu de 170 antérieurement) parmi lesquelles les exploitants peuvent choisir.
- l'aide par les organismes publics tels l'INRA ou la FAO à la culture des plantes traditionnelles et d'espèces autres que celles du répertoire en France pour sauvegarder les semences de variétés anciennes, et éventuellement expérimenter des plantations ayant un intérêt nutritif certain tels les amarantes qui constituaient l'essentiel de la nourriture amérindienne et dont la richesse en protéines est reconnue 59 ( * ) .
* 59 L'interdiction de mettre en vente des semences ne figurant pas au catalogue officiel est une atteinte à la liberté ainsi qu'une mesure contraire à la protection de la biodiversité et au souci de qualité gustative. Les actions judiciaires engagées contre l'Association Kokopelli paraissent anormales aux rapporteurs qui estiment qu'il faut changer la loi.