B. LA NOUVELLE USINE DU VIVANT
Une très grande partie du débat public sur les biotechnologies se concentre sur les domaines de cette activité liés à des problèmes éthiques (transgénèse agricoles, clonage, utilisation des cellules souches à des fins thérapeutiques).
Cela occulte un fait majeur pour le demi-siècle à venir : les biotechnologies vont sortir des laboratoires et entrer à l'usine ; elles deviendront peu à peu un secteur de la production industrielle, avec des applications aussi variées que le sont celles de l'industrie actuelle.
Ce mouvement, on doit le noter, s'est amorcé en dépit d'une connaissance très insuffisante des espèces et des fonctions de la biodiversité qui sont les matériaux de ces biotechnologies. Cela est vrai des bactéries, cela l'est tout autant des champignons. Cette méconnaissance est encore plus marquée pour les organismes marins que pour les organismes terrestres.
Cela signifie qu'il existe un thesaurus potentiel très important pour le développement de la biotechnologie industrielle.
1. Les avantages des biotechnologies industrielles
Les propriétés des bactéries sont utilisées depuis l'aube de la civilisation - notamment celles qui portent sur les fermentations alimentaires.
Mais leur utilisation massive comme substitut ou comme appui à la chimie ouvre des horizons nouveaux.
Par rapport à la chimie traditionnelle, les biotechnologies offrent plusieurs avantages :
- elles sont beaucoup plus économes en énergie puisqu'elles ne nécessitent pas de thermisation et utilisent des matériaux renouvelables,
- elles sont beaucoup plus précises :
régio-sélectivité (les enzymes peuvent n'intervenir que sur un seul alcool d'un sucre à transformer),
stéréo-sélectivité
(l'implantation des produits biologiques peut être senestro ou dextro
orientée, à la demande - ce qui présente des avantages
dans les productions de composants asymétriques),
directivité (les enzymes ne vont faire qu'un seul produit alors que les produits chimiques vont générer des déchets collatéraux plus ou moins importants selon le cas).
2. Les premières utilisations
a) Les bioproductions et les bioconversions
L'utilisation des biotechnologies dans l'industrie repose sur un détournement du fonctionnement du vivant qui consiste à utiliser l'énergie que produisent les micro-organismes à des fins industrielles.
Cette utilisation peut s'effectuer, soit sous la forme bioproduction directe, soit par le truchement d'une bioconversion qui permettra d'accomplir une partie d'un processus chimique.
La plus connue des bioproductions directes est la fabrication de pénicilline. Mais ces bioconversions deviennent de plus en plus sophistiquées : par exemple, on essaiera de faire produire à des bactéries des analogues du terpène des plantes, qui est un alcaloïde aux vertus thérapeutiques. Dans le cas très connu de la pervenche de Madagascar dont on extrait un produit anticancéreux, la vinblastine, des expériences visent à accélérer le développement de cette production en insérant dans des plants de pervenche de Madagascar des précurseurs de la vinblastine.
Les bioconversions constituent déjà un élément de la chimie industrielle puisqu'environ 15 % des processus de cette industrie emploient des bioconversions enzymatiques.
Mais seulement 1 300 de ces bioconversions sont utilisées sur 5 000 identifiées, alors que l'on utilise 10 000 réactions chimiques.