B. UNE VALORISATION DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE PERFECTIBLE ET MAL ÉVALUÉE

De 1994 à 2004, le nombre de brevets issus de la recherche publique a crû plus vite que celui des brevets déposés par les entreprises, mais la marge de progression demeurerait encore importante : en 2004, les brevets européens demandés par le secteur public ont représenté seulement 7,1 % des demandes, 92,9 % émanant du secteur privé, lorsque le secteur public exécute environ 36 % de la recherche 244 ( * ) ...

En outre, cet effort de protection ne s'est pas accompagné d'une amélioration comparable de la valorisation au travers de licences d'exploitation : les revenus de propriété intellectuelle gravitent autour de 1 % de la dépense publique de recherche (contre une fourchette comprise entre 3 % et 5 % aux Etats-Unis). Les frais liés aux dépôts de brevets et aux procédures n'en connaissent pas moins une franche accélération .

Par ailleurs, les revenus des brevets étant versés pendant 20 ans, les indicateurs de performance s'attachant à leur mesure s'avèrent peu réactifs aux flux nouveaux (eux-mêmes aléatoires à court terme) et donc relativement inopérants pour le « bouclage évaluatif ».

Aujourd'hui, le dispositif français de valorisation de la recherche publique apparaît individuellement incitatif mais collectivement inefficient. Ainsi, dans la plupart des cas, l'intéressement dépasse largement les 40 % alors qu'à l'étranger, les taux d'intéressement oscillent le plus souvent entre 30 % et 40 % y compris dans les universités américaines. Mais la valorisation intellectuelle n'est pas une chose aisée : la gestion d'un portefeuille de brevet suppose d'atteindre une certaine taille critique , aussi bien pour disposer d'une visibilité suffisante auprès des entreprises que pour veiller activement au respect de la propriété, qui ne semble généralement pas atteinte. En outre, le système des unités mixtes de recherche favorise, depuis une quinzaine d'années, la prise de brevets en copropriété, dont la gestion, très lourde 245 ( * ) , s'avère pénalisante.

C. UNE RECHERCHE PARTENARIALE QUI S'ESSOUFFLERAIT ET DES CRÉATIONS D'ENTREPRISES D'UNE VIABILITÉ INCERTAINE

Après une importante augmentation au milieu des années 1990, les contrats de R&D de la recherche publique financés par les entreprises ont fortement diminué pour se stabiliser à un niveau comparable à celui observé il y a une quinzaine d'années : 4,8 % de la recherche exécutée par les administrations en 2007 contre 6,5 % en 1997.

Ce reflux , qui confirme le retrait de la France par rapport à ses principaux partenaires, est difficile à interpréter en raison de multiples formes de recherche collaborative, l'essor des programmes de l'ANR et du PCRD étant même susceptible d'offrir aux entreprises, dans certains cas, l'opportunité d'un relatif désengagement.

Les outils de la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche ont favorisé la valorisation de la recherche publique au travers de la création d'entreprise (« incubation », services d'activités industrielles et commerciales ( SAIC ), « jeunes pousses ») au point de tripler le nombre d'entreprises issues directement de la recherche entre 1999 et 2002 . Désormais, la France se situerait au-dessus de la moyenne européenne en termes de nombre d'entreprises créées rapporté à la dépense de recherche.

Cependant, l'objectif consiste non pas à créer le plus grand nombre d'entreprises, mais des entreprises viables, à fort potentiel de développement. Les réussites seraient loin d'être la règle : on observe que seule une entreprise créée sur 13 dépasse, au bout de 4 ans, le million d'euros de chiffre d'affaires ou un effectif de 20 salariés... Parallèlement, les indicateurs de performance rattachés à la mission « Recherche et enseignement supérieur » aboutissent à une évaluation encore très parcellaire des dispositifs de soutien aux « start-up ».

*

D'une façon générale, la complexité et l'émiettement du dispositif français d' aide à la création d'entreprises et des services de valorisation , pour ce qui concerne aussi bien les contrats de recherche que la propriété intellectuelle, font conclure à la nécessité de rationaliser et de professionnaliser ces fonctions.

* 244 Il est cependant normal de ne pas constater de proportion, sachant qu'il y a davantage de recherche fondamentale -qui est, par nature, la plus aléatoire- dans la sphère publique ; par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer la propension des établissements publics à faire déposer les brevets par les industriels (ex : semi-conducteurs).

* 245 A défaut d'une attribution exclusive de la propriété à l'un des protagonistes, un mandat de gestion y remédierait (observation réitérée par le récent rapport de la commission d'Aubert).

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