2. Impulser une nouvelle dynamique au secteur

Si la dynamique dont le projet d'inscription de notre patrimoine culinaire est porteur pouvait insuffler un même élan en faveur de la promotion de nos arts culinaires et des différents métiers, pour assurer la transmission de ces savoir-faire, notre pays aurait déjà gagné un formidable pari.

Un besoin d'encourager l'innovation est également mis en avant, pour que la France reste un aiguillon en matière d'arts culinaires, et, au-delà, pour soutenir un secteur comme celui des « arts de la table » notamment, dans un contexte fortement concurrentiel.

a) Valoriser des métiers de passion, d'épanouissement et d'intégration

Ainsi que l'a souligné M. Guy Savoy, il est urgent de « redonner de la noblesse » aux « métiers de bouche », pour renforcer leur attractivité aux yeux des jeunes et des familles.

Ces inquiétudes sont quasi unanimement partagées : comme le montrent les comptes-rendus d'auditions, différents interlocuteurs ont relevé une certaine désaffection des métiers, et donc des difficultés à recruter , dans le domaine de la pâtisserie, de la boulangerie ou encore de la fromagerie...

Différents leviers ont été mis en avant ou constitueraient des pistes de réflexion à approfondir :

-  le défi s'adresse d'abord à notre système scolaire, dépassant d'ailleurs le champ du présent rapport : comme cela a été souligné de façon récurrente, notamment dans le cadre de plusieurs rapports de votre commission, l' « intelligence du geste et de la main » n'est pas reconnue à sa juste valeur ; ce sont les enfants dits en difficulté, que l'on « oriente » ainsi, souvent par défaut, vers des formations manuelles en général dévalorisées ;

- un autre enjeu consiste à donner une information plus concrète sur les métiers : comme l'a souligné M. Alexandre Cammas, cofondateur du Fooding, il faut « faire rêver » les jeunes dans les centres d'apprentissage ou les écoles hôtelières, pour leur donner un « moteur » ; il ne s'agit pas, en effet, de professions comme les autres : la passion est au coeur de ces métiers ; les professionnels, dont votre rapporteur a perçu combien ils sont mus par le désir de transmettre à leur tour ce qu'ils ont appris et de partager leur passion, sont prêts à s'engager pour montrer aux jeunes que les métiers auxquels ils se destinent sont des métiers de création, source d'épanouissement , et qui permettent de gagner sa vie très honorablement et de réaliser de belles carrières ; M. Jacques Le Divellec a également insisté sur la nécessité de contacts et partenariats plus fréquents entre établissements de formation et professionnels ; la « rencontre » avec un « parrain » a servi pour beaucoup de tremplin, ce qui est assez spécifique à ces métiers ;

- la nécessité de mieux communiquer sur les métiers, dans toute leur diversité et dans toutes les opportunités qu'ils peuvent ouvrir - vers les domaines du marketing, de la gestion, de la formation ou vers l'international - a été soulignée, notamment par M. Éric Kayser ; il s'agit également de montrer que les conditions de travail, souvent perçues comme pénibles et aux horaires astreignants, ont changé grâce aux évolutions technologiques ;

- enfin, un certain besoin de reconnaissance de ces professions , qui pourrait passer par une restauration de la valeur des diplômes et des titres ; s'il existe de nombreux concours prestigieux, comme celui des Meilleurs ouvriers de France, il pourrait également être envisagé d'accorder le titre de « Maître d'art » aux professionnels des « métiers de bouche » qui en sont jusqu'à présent écartés.

Ces métiers permettent en effet à des jeunes de trouver leur voie et de trouver des repères dans une certaine rigueur de travail. L'émission télévisée animée par M. Cyril Lignac a montré que les résultats pouvaient être très positifs sur le comportement de certains jeunes. De même, l'opération « Palacités », menée depuis quelques mois au Plaza Athénée et au Meurice à Paris, a permis à des jeunes sans emploi et sans formation, originaires de Seine-Saint-Denis, de rejoindre les équipes de ces établissements de luxe. Son premier bilan s'avère très positif en termes d'intégration.

b) Encourager l'innovation

Cette autre exigence propre à tout patrimoine vivant, « recréé en permanence » pour reprendre la définition qu'en donne l'UNESCO, a été mise en avant sous plusieurs angles et à travers des pistes intéressantes :

- l'innovation et la création sont une voie de salut pour un secteur tel que celui des arts de la table , confronté à la concurrence des pays à bas salaires ; lors de son audition, M. Jacques Mouclier, président de la Fédération des cristalleries, a souligné, à cet égard, l'intérêt de récents dispositifs comme le label « entreprises du patrimoine vivant » ou le « crédit d'impôt création » ; mais il reste encore beaucoup à faire pour soutenir ces entreprises de main d'oeuvre, sur lesquelles pèsent des charges sociales élevées ;

- l'idée d' encourager l'entreprenariat en accompagnant ceux qui souhaitent se lancer dans le métier a été mise en avant, notamment par le chef Thierry Marx ; il a suggéré, d'une part, de réduire la durée d'apprentissage pour permettre une entrée plus rapide dans la vie active ; d'autre part, son projet de soutien à la création de microentreprises de « cuisine de rue » , conduit avec la ville de Blanquefort en Gironde, est un exemple très intéressant, à la fois en termes d'emplois et de renouvellement de l'offre de restauration populaire et de qualité ;

- enfin, l'idée d'organiser, une fois par an , et comme cela peut exister dans d'autres pays, comme l'Espagne, un grand évènement culturel de rencontres autour de la cuisine , a été soulignée, à la fois par MM. Thierry Marx et Alexandre Cammas ; cela permettrait à la fois de montrer que notre pays reste un aiguillon en matière d'innovation et de mettre à l'honneur nos arts culinaires et ceux qui y excellent ; une plus forte implication du ministère de la culture dans le domaine des arts culinaires permettrait de coordonner de telles initiatives, en réaffirmant la dimension culturelle de ces arts et leur contribution au rayonnement culturel de notre pays.

Votre rapporteur rappelle, en outre, qu'en mars 2007, la mission présidée par M. Thierry Costes avait remis au Premier Ministre un rapport sur le secteur de l'hôtellerie-restauration 10 ( * ) comprenant de nombreuses propositions assez convergentes en vue de d' « encourager l'innovation » , de « rénover et enrichir le système de formation » , de « donner aux entrepreneurs qui ont un projet solide les moyens d'exercer leur métier et de réaliser leur rêve » et de « mettre en place une véritable communication » .

* 10 « Innover, créer, faire rêver : les défis de l'hôtellerie-restauration », Rapport de la mission présidée par M. Thierry Costes réalisé avec l'appui du Conseil d'analyse stratégique, remis au Premier ministre le 30 mars 2007.

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