CONCLUSION

Les relations entre les dépenses publiques et la croissance échappent à la simplification.

Les dépenses publiques sont bien loin d'être une catégorie unitaire. Elles sont elles-mêmes complexes et il n'y a qu'un point très ténu de recoupement entre une dépense de retraite et une dépense d'infrastructure.

En outre, les dépenses publiques penchent, pour certaines, du côté de la demande et, pour d'autres, du côté de l'offre sans que les effets des unes ou des autres ne s'arrêtent d'ailleurs à leur point d'application le plus immédiat, l'offre et la demande étant évidemment en interrelation.

Au total, les dépenses publiques et les dépenses privées ont sans doute beaucoup plus en commun au regard de la question de la croissance que des clivages habituels , mais vraisemblablement excessifs, ne le prétendent, du moins considérées sous un grand angle . Elles sont d'ailleurs pour une partie substituable.

Ce n'est évidemment pas à dire que les dépenses publiques puissent, ou doivent, se substituer complètement à des dépenses privées sans nul effet sur l'activité économique, ni l'inverse.

Mais, le niveau atteint par les dépenses publiques dans les pays développés ne confère pas d'actualité à cette perspective :

- il n'y a pas d'exemple de pays sans dépenses publiques ;

- il n'y en a pas davantage de pays où celles-ci représentent une modalité vraiment déterminante de l'affectation du revenu national.

La production non-marchande ne dépasse nulle part dans les pays développés un quart du PIB et les dépenses publiques sociales peuvent être considérées, globalement, comme une modalité parmi d'autres de couverture de risques sociaux qui mobilisent dans tous ces pays des ressources assez comparables.

Les différences dans les niveaux agrégés de dépenses publiques qui existent entre les pays développés sont sans doute importantes mais ces niveaux ne paraissent pas déterminer, en eux-mêmes , d'écarts significatifs de performances économiques globales.

Faut-il s'étonner de ce constat ? Votre rapporteur ne le pense pas.

En premier lieu, malgré leur éventuelle importance, les dépenses publiques ne sont qu'un élément parmi d'autres de la circulation des richesses qui crée et détermine la croissance économique, phénomène qui est lui-même influencé par de nombreuses autres variables. Les trajectoires économiques sont tributaires d'un très grand nombre d'équilibres plus ou moins indépendants des dépenses publiques et que celles-ci sont appelées avec plus ou moins d'urgence selon les « histoires économiques » nationales à influencer.

En second lieu, la première partie du présent rapport a montré qu' au-delà des divergences apparentes , qui caractérisent l'ampleur des dépenses publiques, il fallait relever des convergences plus grandes dans les modalités selon lesquelles le revenu national est globalement utilisé. Des résultats complètement contraires aux présentations habituelles sont apparus : par exemple, la production non marchande est, dans les trois pays anglo-saxons , les plus importants (les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada), à peu près équivalente à ce qu'elle est en France et supérieure à ce qu'elle est dans des pays comme l'Italie ou la Belgique.

Mais, de la relative indifférence des écarts internationaux de niveaux de dépenses publiques observés (écarts qui accentuent facialement des différences que la prise en compte des dépenses privées de protection sociale vient atténuer) peut-on conclure que les dépenses publiques n'ont aucun effet sur la croissance économique ?

Votre rapporteur ne le croit pas.

Il tient, au contraire, à mettre en garde contre les formules, qu'il juge simplistes, selon lesquelles la baisse des dépenses publiques serait la panacée pour améliorer les performances de croissance.

Dans le même temps, l'immobilisme ou le « toujours plus » ne sont pas non plus des principes admissibles.

L'idée selon laquelle la baisse des dépenses publiques serait une panacée pour davantage de croissance n'est valable, ni à court terme, ni structurellement .

A court terme , les études disponibles montrent que les épisodes de réduction des dépenses publiques sont généralement coûteux en croissance , sauf contexte particulier (v. le début du premier chapitre de la présente partie).

Mais, les problèmes les plus importants sont , bien sûr, ceux qu'offre une perspective structurelle . On pourrait, en effet, accepter des pertes transitoires d'activité économique, si, structurellement, on devait gagner de l'activité à réduire le niveau des dépenses publique.

Certaines études relayant des points de vue théoriques ne manquent pas d'incliner à cette conclusion.

Un document de travail présenté par la Banque centrale européenne (BCE), en 2003, qui se présente comme proposant une évaluation des performances et de l'efficience du secteur public dans 23 pays de l'OCDE illustre ce constat quasi épistémologique.

On en présente un résumé, en annexe, non pas tant pour la qualité des résultats obtenus, que parce qu'à partir de bonnes questions ce travail présente des défauts de méthode symptomatiques qui nuisent à la portée de la démarche.

L'EFFICACITÉ ET L'EFFICIENCE DU SECTEUR PUBLIC
SELON UN DOCUMENT DE TRAVAIL DE LA BCE 83 ( * )

L'étude consiste d'abord à mesurer des indicateurs de performances de l'intervention publique .

Sept indicateurs sont sélectionnés. Les quatre premiers ont pour ambition de rendre compte de la contribution des dépenses publiques au niveau général des atouts des pays considérés dans quatre domaines : l'administration générale, l'éducation, la santé et les infrastructures publiques. Les trois autres reprennent les justifications de l'intervention publique mises en évidence par Richard Musgrave : la répartition du revenu, la stabilisation conjoncturelle et l'allocation des ressources, pour mesurer l'efficacité de l'intervention publique sous ces trois angles.

Ces différents indicateurs font l'objet d'évaluation à partir des indices socio-économiques énumérés ci-après.

INDICATEUR DE PERFORMANCE DU SECTEUR PUBLIC

Les indicateurs ne « capturent » pas seulement l'effet des dépenses publiques (certains sont influencés par la réglementation ou l'importance des dépenses privées) mais ils s'en veulent un reflet.

Chaque indicateur se voit a priori attribuer un poids égal mais des variantes sont présentées selon des pondérations différentes. La valeur moyenne des indicateurs est ramenée à 1 ce qui facilite les comparaisons.

Pour mesurer l'efficience du secteur public, les performances du secteur public sont ensuite mises en rapport avec les dépenses publiques engagées, soit globalement, soit par fonction (éducation, santé, transports...). Les dépenses publiques ainsi engagées sont considérées par les auteurs comme représentatives du coût d'opportunité que présente l'intervention publique.

Enfin, les auteurs proposent une mesure du « gaspillage d'efficience » des différents secteurs publics nationaux. Il s'agit de définir une production maximale potentielle associée à un niveau de dépenses publiques et d'identifier l'écart entre cette performance maximale et la performance observée par le pays considéré 84 ( * ) .

I. LA PERFORMANCE DU SECTEUR PUBLIC DÉCROÎTRAIT AVEC LE NIVEAU DE L'INTERVENTION PUBLIQUE

Les performances des secteurs publics nationaux sont inégales, sans que les écarts soient généralement considérables.

INDICATEURS DE PERFORMANCE DU SECTEUR PUBLIC - ANNÉE 2000

Pays

Indicateurs par domaine d'intervention

Indicateurs relatifs aux fonctions traditionnelles de l'État 1)

Total
(pondérations
égales)

Administration

Éducation

Santé

Équipement

Redistribution

Stabilité

Performance
économique

Australie

1,17

1,02

0,94

1,00

0,87

1,31

1,00

1,04

Autriche

1,21

1,00

0,98

1,10

1,22

1,28

1,01

1,12

Belgique

0,73

1,00

0,94

0,91

1,17

1,10

0,83

0,95

Canada

1,11

1,05

0,95

1,16

0,92

1,00

0,92

1,02

Danemark

1,16

1,00

1,03

1,03

1,19

1,10

0,91

1,06

Finlande

1,26

1,07

1,04

-

1,18

0,75

0,73

1,01

France

0,72

1,03

1,03

1,01

0,90

1,12

0,70

0,93

Allemagne

1,02

0,98

1,01

1,01

0,98

0,91

0,81

0,96

Grèce

0,60

0,94

0,93

0,81

0,97

0,55

0,69

0,78

Islande

1,02

0,98

1,25

-

-

0,59

1,29

1,03

Irlande

1,06

0,94

0,88

1,00

0,89

1,22

1,40

1,05

Italie

0,52

0,96

0,93

0,84

1,10

0,76

0,69

0,83

Japon

0,87

1,09

1,12

1,09

1,20

1,40

1,18

1,14

Luxembourg

1,05

0,81

0,95

-

-

1,22

2,04

1,21

Pays-Bas

1,16

1,04

0,97

1,09

1,00

1,42

1,06

1,11

Nouvelle Zélande

1,18

1,03

0,89

-

0,62

0,99

0,84

0,93

Norvège

0,97

1,04

1,09

0,94

1,17

1,45

1,26

1,13

Portugal

0,54

0,94

0,90

0,75

0,92

0,64

0,92

0,80

Espagne

0,77

1,00

1,10

0,86

1,02

0,82

0,67

0,89

Suède

1,16

1,07

1,19

1,10

1,17

0,69

0,91

1,04

Suisse

1,32

0,97

1,14

1,23

0,95

0,79

1,09

1,07

Royaume-Uni

1,00

1,05

0,91

0,99

0,79

0,78

0,84

0,91

États-Unis

1,15

1,00

0,82

1,08

0,76

1,14

1,20

1,02

Moyenne

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

Petits Gouv. 2)

1,11

1,01

0,98

1,08

0,94

1,17

1,17

1,07

Gouv. moyens 2)

0,93

0,98

1,00

0,93

0,92

0,89

1,03

0,97

Gouv.importants2)

0,99

1,02

1,01

1,01

1,12

1,03

0,85

1,01

UE 15

0,88

1,00

0,99

0,98

0,98

0,93

0,80

0,94

Zone Euro

0,84

0,99

1,00

0,97

1,00

0,96

0,78

0,93

Source : Banque centrale européenne. Document de travail n° 242. Juillet 2003. Afonso, Schuknecht et Tanzi.

1) Les fonctions traditionnelles de l'État sont la fonction de redistribution, de stabilisation et d'incitation. La première est mesurée par la part de revenu des 40 % des ménages les plus modestes ; la deuxième par la stabilité de la croissance économique et la faiblesse de l'inflation ; la troisième par la richesse par habitant, la dynamique de la croissance économique et le taux de chômage.
2) Petits gouvernements : dépenses publiques <40 % du PIB en 2000. Gouvernements moyens : dépenses publiques comprises entre 40 % et 50 % du PIB en 2000. Gouvernements importants : dépenses publiques >50 % du PIB en 2000.

S'agissant de la France , ses performances sont supérieures à la moyenne pour quatre des sept indicateurs : l'éducation, la santé, l'équipement et la stabilité conjoncturelle. Mais elle décroche nettement par le bas pour ce qui est de l' administration générale avec une efficacité inférieure de près de 30 % à la valeur moyenne, ainsi que pour les performances économiques (dans les mêmes proportions).

Au regard de l'indicateur de redistribution , la France se situe aussi plus bas que la moyenne des pays.

Les auteurs présentent des variantes avec des pondérations différentes et inégales des différents indicateurs. Le tableau ci-dessous en indique les résultats. Ils n'impliquent pas de modifications substantielles par rapport à l'exercice principal.

INDICATEURS DE PERFORMANCE DU SECTEUR PUBLIC - ANNÉE 2000
(pondérations variables)

Pays


1)

Pondération....


2)

Redistribution
3)

Stabilisation
4)

Performance
économique
5)

Australie

1,04

1,04

1,01

1,10

1,03

Autriche

1,12

1,11

1,14

1,15

1,09

Belgique

0,95

0,94

1,00

0,99

0,93

Canada

1,02

1,03

1,00

1,01

1,00

Danemark

1,06

1,06

1,09

1,07

1,03

Finlande

1,01

1,05

1,04

0,96

0,95

France

0,93

0,93

0,92

0,97

0,88

Allemagne

0,96

0,97

0,96

0,95

0,92

Grèce

0,78

0,79

0,82

0,73

0,76

Islande

1,03

1,04

1,03

0,95

1,07

Irlande

1,05

1,04

1,02

1,09

1,13

Italie

0,83

0,83

0,89

0,81

0,80

Japon

1,14

1,12

1,15

1,20

1,15

Luxembourg

1,21

1,17

1,21

1,22

1,35

Pays-Bas

1,11

1,10

1,08

1,18

1,09

Nouvelle Zélande

0,93

0,96

0,86

0,94

0,91

Norvège

1,13

1,11

1,14

1,20

1,16

Portugal

0,80

0,80

0,83

0,76

0,83

Espagne

0,89

0,90

0,92

0,87

0,84

Suède

1,04

1,06

1,07

0,96

1,01

Suisse

1,07

1,09

1,04

1,01

1,07

Royaume-Uni

0,91

0,93

0,88

0,88

0,89

États-Unis

1,02

1,02

0,96

1,05

1,06

Moyenne

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

Petits Gouv.

1,07

1,06

1,04

1,09

1,09

Gouv. moyens

0,97

0,97

0,97

0,95

0,97

Gouv. importants

1,01

1,01

1,03

1,01

0,97

UE 15

0,94

0,94

0,95

0,93

0,91

Zone Euro

0,93

0,94

0,95

0,94

0,90

1) Pondération égale assignée à chaque indicateur (1/7).
2) 2/3 assignés aux indicateurs par domaine d'intervention et 1/3 aux indicateurs traditionnels
3) 1/3 assigné à l'indicateur de redistribution
4) 1/3 assigné à l'indicateur de stabilisation
5) 1/3 assigné à l'indicateur de performance économique

Source : BCE. Document de travail n° 242. Juillet 2003. Afonso, Schuknecht et Tanzi.

La composition des préférences pour les différents aspects de l'intervention publique - qui peuvent varier selon la culture des pays - n'aurait donc pas d'effet significatif sur le niveau général des performances du secteur public.

- Enfin, l'étude met en relief un lien entre le niveau d'efficacité du secteur public et la taille de l'intervention publique : moins celle-ci (mesurée par le niveau relatif des dépenses publiques mobilisées) est élevée plus les performances le seraient (et vice-versa ).

Trois groupes de pays sont distingués selon l'ampleur des dépenses publiques :

- les « petits gouvernements » avec des dépenses publiques en dessous de 40 % du PIB en 2000 ;

- les « gouvernements moyens » entre 40 et 50 % du PIB ;

- et les « gouvernements importants » au-dessus de 50 % du PIB.

Les « petits gouvernements » sont les plus efficaces, et plus efficaces que la moyenne, sauf dans le domaine de la redistribution. Pour cet indicateur, ils sont devancés par les « gouvernements importants », qui atteignent un score général supérieur aux « gouvernements moyens ». Il n'y a que deux domaines dans lesquels les « gouvernements importants » se situent sous la moyenne : l'administration générale et les performances de l'allocation économique du revenu.

II. LES PAYS SONT NETTEMENT PLUS DIFFÉRENTS SOUS L'ANGLE DE L'EFFICIENCE DE L'INTERVENTION PUBLIQUE

Alors que, vus à travers les indicateurs de performance de l'intervention publique, il existe une relative homogénéité des pays de l'OCDE, l'étude conclut à des performances beaucoup plus contrastées sous l'angle de l'efficience .

En lien avec la remarque selon laquelle les « petits gouvernements » connaîtraient des performances de l'intervention publique supérieures à la moyenne, les auteurs font ressortir les performances de ces pays en termes d'efficience, en croisant les indicateurs d'efficacité avec le niveau des dépenses publiques mobilisées. Elles seraient encore bien supérieures à ce qu'elles sont sous les auspices de l'efficacité. L'avantage relatif des « gouvernements importants » sur les « gouvernements moyens » sous ce dernier angle serait effacé quand l'efficience est prise en compte.

INDICATEURS D'EFFICIENCE DU SECTEUR PUBLIC - ANNÉE 2000 1)

Pays

Indicateurs par domaine d'intervention

Indicateurs relatifs aux fonctions traditionnelles de l'État 2)

Total
(pondérations
égales)

Administration

Éducation

Santé

Équipement

Redistribution

Stabilité

Performance
économique

Australie

1,21

1,06

1,05

1,05

1,80

1,59

1,22

1,28

Autriche

1,22

0,93

1,07

0,98

0,93

1,17

0,92

1,03

Belgique

0,64

0,96

0,85

1,11

0,71

0,87

0,65

0,83

Canada

1,00

0,84

0,86

1,27

1,39

1,01

0,93

1,04

Danemark

0,86

0,74

0,76

1,62

1,05

0,89

0,74

0,95

Finlande

1,22

1,07

1,03

-

1,19

0,79

0,77

1,01

France

0,61

0,99

0,90

1,00

0,64

1,01

0,63

0,83

Allemagne

1,01

1,09

0,93

1,27

0,85

0,88

0,78

0,97

Grèce

0,79

2,25

1,05

0,87

1,04

0,61

0,78

1,06

Islande

1,06

1,12

-

-

-

0,65

1,42

0,85

Irlande

1,10

0,90

0,88

0,96

0,90

1,20

1,38

1,05

Italie

0,54

1,11

0,93

0,75

0,95

0,68

0,62

0,80

Japon

1,25

1,12

1,34

0,68

1,60

1,99

1,68

1,38

Luxembourg

1,10

0,88

0,98

-

-

1,19

1,99

1,23

Pays-Bas

0,90

0,85

0,95

1,52

0,56

1,15

0,85

0,97

Nouvelle Zélande

1,20

1,02

0,85

0,00

0,68

0,97

0,82

0,93

Norvège

0,95

0,86

0,96

0,88

1,32

1,40

1,22

1,09

Portugal

0,74

1,31

1,46

0,66

1,28

0,73

1,05

1,03

Espagne

0,97

1,49

1,33

0,81

1,12

0,95

0,78

1,06

Suède

0,81

0,75

0,83

1,19

0,94

0,51

0,68

0,82

Suisse

1,86

1,01

1,21

1,07

1,68

1,05

1,45

1,33

Royaume-Uni

0,94

1,10

1,01

1,68

0,98

0,84

0,91

1,06

États-Unis

1,30

0,92

1,05

1,40

1,15

1,46

1,55

1,26

Moyenne

1,01

1,06

1,01

1,09

1,08

1,03

1,04

1,04

Petits Gouv. 3)

1,34

1,00

1,11

1,03

1,43

1,46

1,45

1,26

Gouv.moyens 3)

0,98

1,19

1,05

1,06

1,08

0,92

1,07

1,03

Gouv.importants3)

0,85

0,93

0,92

1,17

0,87

0,88

0,73

0,90

UE 15

0,84

1,09

0,97

1,18

0,87

0,88

0,77

0,94

Zone Euro

0,82

1,11

0,97

1,06

0,84

0,90

0,74

0,92

Source : Banque centrale européenne. Document de travail n° 242. Juillet 2003. Afonso, Schuknecht et Tanzi.

1) Ces indicateurs rapportent les indicateurs de performance du Tableau n° 1 aux dépenses publiques affectées aux différents objectifs poursuivis.
2) Les fonctions traditionnelles de l'État sont la fonction de redistribution, de stabilisation et d'incitation. La première est mesurée par la part de revenu des 40 % des ménages les plus modestes ; la deuxième par la stabilité de la croissance économique et la faiblesse de l'inflation ; la troisième par la richesse par habitant, la dynamique de la croissance économique et le taux de chômage.
3) Petits gouvernements : dépenses publiques <40 % du PIB en 2000. Gouvernements moyens : dépenses publiques comprises entre 40 % et 50 % du PIB en 2000. Gouvernements importants : dépenses publiques >50 % du PIB en 2000.

Pour l'efficience aussi le point de vue ne change pas significativement en fonction de l'ordre des priorités accordé aux différents objectifs de l'intervention publique.

INDICATEURS D'EFFICIENCE DU SECTEUR PUBLIC - ANNÉE 2000
(pondérations variables)

Pays

1)

Pondération....

2)

Redistribution
3)

Stabilisation
4)

Performance
économique
5)

Australie

1,28

1,24

1,40

1,35

1,27

Autriche

1,03

1,04

1,01

1,06

1,01

Belgique

0,83

0,84

0,80

0,84

0,79

Canada

1,04

1,03

1,12

1,04

1,02

Danemark

0,95

0,96

0,97

0,94

0,90

Finlande

1,01

1,04

1,05

0,97

0,96

France

0,83

0,84

0,79

0,87

0,78

Allemagne

0,97

0,99

0,94

0,95

0,93

Grèce

1,06

1,10

1,05

0,96

0,99

Islande

0,85

0,83

0,85

0,82

0,95

Irlande

1,05

1,03

1,01

1,08

1,12

Italie

0,80

0,80

0,83

0,77

0,76

Japon

1,38

1,32

1,43

1,52

1,45

Luxembourg

1,23

1,19

1,23

1,22

1,35

Pays-Bas

0,97

0,99

0,88

1,01

0,94

Nouvelle Zélande

0,93

0,96

0,88

0,93

0,91

Norvège

1,09

1,05

1,14

1,16

1,12

Portugal

1,03

1,04

1,09

0,97

1,04

Espagne

1,06

1,08

1,08

1,04

1,00

Suède

0,82

0,84

0,84

0,75

0,79

Suisse

1,33

1,32

1,41

1,27

1,36

Royaume-Uni

1,06

1,09

1,05

1,01

1,03

États-Unis

1,26

1,24

1,24

1,31

1,33

Moyenne

1,04

1,04

1,05

1,04

1,03

Petits Gouv.

1,26

1,23

1,30

1,30

1,30

Gouv. moyens

1,03

1,04

1,04

1,01

1,03

Gouv. importants

0,90

0,92

0,90

0,90

0,87

UE 15

0,94

0,96

0,93

0,93

0,90

Zone Euro

0,92

0,93

0,90

0,91

0,88

1) Pondération égale assignée à chaque indicateur (1/7).
2) 2/3 assignés aux indicateurs par domaine d'intervention et 1/3 aux indicateurs traditionnels
3) 1/3 assigné à l'indicateur de redistribution
4) 1/3 assigné à l'indicateur de stabilisation
5) 1/3 assigné à l'indicateur de performance économique

Source : BCE. Document de travail n° 242. Juillet 2003. Afonso, Schuknecht et Tanzi.

Les pays les plus efficients sont généralement situés hors d'Europe (Australie, Japon, États-Unis) même si, en Europe, le Luxembourg et la Suisse sont des champions de l'efficience.

III. DES PAYS DEVRAIENT ENTREPRENDRE DES EFFORTS POUR SE RAPPROCHER DE LA FRONTIÈRE DE L'EFFICIENCE

A partir de la définition d'une « frontière de production », l'étude mesure l'écart séparant les pays des meilleurs résultats possibles.

La « frontière de production » est construite à partir de l'identification des meilleurs résultats obtenus pour un niveau donné de dépenses publiques. Par un raisonnement inverse, elle permet de définir le niveau maximal des moyens à allouer quand un objectif donné de performance a été sélectionné. Les scores d'efficience peuvent donc être présentés alternativement pour les résultats obtenus (compte tenu des moyens dépensés) et pour les moyens dépensés (compte tenu des résultats obtenus).

SCORE D'EFFICIENCE DES DÉPENSES PUBLIQUES - ANNÉE 2000
(voir tableau précédent)

Pays

Efficience des dépenses

Efficience des résultats

Score

Rang

Score

Rang

Australie

0,99

4

0,92

7

Autriche

0,67

17

0,92

8

Belgique

0,66

19

0,79

18

Canada

0,75

12

0,84

13

Danemark

0,62

21

0,87

11

Finlande

0,61

22

0,83

14

France

0,64

20

0,77

20

Allemagne

0,72

16

0,79

17

Grèce

0,73

14

0,65

23

Islande

0,87

7

0,90

10

Irlande

0,96

5

0,93

6

Italie

0,66

18

0,68

22

Japon

1,00

1

1,00

1

Luxembourg

1,00

1

1,00

1

Pays-Bas

0,72

15

0,91

9

Nouvelle Zélande

0,83

9

0,81

15

Norvège

0,73

13

0,93

5

Portugal

0,79

11

0,70

21

Espagne

0,80

10

0,78

19

Suède

0,57

23

0,86

12

Suisse

0,95

6

0,94

4

Royaume-Uni

0,84

8

0,80

16

États-Unis

1,00

1

1,00

1

Moyenne

0,79

0,85

UE 15 (moyenne)

0,73

0,82

Hors UE 15

0,89

0,92

Petits Gouv. 1)

0,98

0,96

Gouv. moyens 1)

0,81

0,82

Gouv.importants 1)

0,65

0,83

Les valeurs en gras correspondent aux pays situés sur la « frontière de production ».
1) Voir notes des tableaux 1 et 2
2) Moyenne des pondérations en fonction des parts de PIB de chaque pays dans le groupe correspondant.

Source : BCE. Document de travail n° 242. Juillet 2003. Afonso, Schuknecht et Tanzi.

Les pays de l'Union européenne pourraient obtenir les mêmes résultats en consacrant seulement 73 % des dépenses qu'ils réalisent s'ils étaient aussi efficients que les pays les plus efficients. Le tableau dit aussi dans les deux dernières colonnes qu'avec le niveau observé de dépenses, les performances de l'intervention publique sont à 82 % du niveau qui serait le leur s'ils étaient sur la « frontière de production ».

De même que pour les autres indicateurs, l'étude conclut à l'existence de performances d'autant plus satisfaisantes que le niveau des dépenses publiques est faible. Les « gouvernements les plus importants » sont ceux qui sont les plus éloignés des meilleurs résultats possibles.

La France occupe un rang très reculé dans le classement (20 ème sur 23 dans les deux cas).

Les approches synthétiques des liens entre dépenses publiques, croissance et bien-être conduisent à des résultats fragiles. Elles s'appuient nécessairement sur des données à la solidité incertaine , et la démarche est sans portée parce qu'elle est rigoureusement incontrôlable.

De ce dernier point de vue, on peut s'interroger, par exemple, sur la capacité d'un indicateur à mesurer la qualité de l'administration d'un pays, même quand on prétend résumer celle-ci aux quatre critères retenus dans l'étude de la BCE, ou se demander pourquoi le secteur de la santé aux États-Unis est jugé si efficace ou efficient...

Inévitablement, les études qui suivent cette approche viennent se contredire.

Ainsi, dans son rapport relatif aux finances publiques dans l'Union économique et monétaire, publié en mai 2002, la Commission européenne s'est également attachée à développer un indicateur synthétique permettant d'apprécier la qualité de la dépense publique et ses conclusions sont à l'opposé de celles du document de travail de la BCE. Les dépenses publiques « de qualité » sont celles qui, par leur nature, sont susceptibles de soutenir la croissance et l'emploi .

Au vu de la littérature empirique sur le sujet, la Commission a réparti les dépenses publiques en quatre catégories , définies par référence à leur contribution à la croissance et à l'emploi :

- le paiement des intérêts de la dette est jugé être une dépense sans intérêt économique ;

- les dépenses de retraite et les dépenses de fonctionnement des administrations publiques ont un impact positif sur l'activité tant qu'elles restent modérées ; leur impact devient négatif si elles atteignent un niveau trop élevé ;

- les dépenses d'indemnisation du chômage , les dépenses consenties au titre de la politique familiale et de la politique du logement, les dépenses de lutte contre l'exclusion ont un impact positif sur la croissance si elles ne sont ni trop élevées, ni trop faibles . En effet, des dépenses trop faibles pourraient conduire à une détérioration de la qualité de la force de travail ; et des dépenses trop élevées risqueraient d'altérer le fonctionnement du marché de l'emploi, en créant des désincitations au travail ;

- les dépenses d'éducation, de santé, de recherche, et d'investissement, et les dépenses réalisées dans le cadre de politiques actives du marché du travail, sont considérées comme ayant toujours un impact positif sur la croissance et l'emploi . En théorie, ces dépenses devraient devenir inefficientes au-delà d'un certain seuil, mais la Commission estime que ce seuil est supérieur aux niveaux de dépenses effectivement observés dans les États membres de l'Union européenne.

Une fois ces critères d'évaluation posés, la Commission compare la « qualité » de la dépense publique dans les divers États membres. Les comparaisons sont effectuées à deux dates : en 1990, avant l'adoption du traité de Maastricht, et à la fin de la décennie, en 1998-99. Le choix de ces deux dates fait apparaître que le processus de consolidation budgétaire, qui s'est amorcé après l'adoption du traité de Maastricht, ne se serait pas accompagné d'une perte d'efficacité économique de la dépense publique (sauf en Grande-Bretagne et en Italie). En effet, cette analyse historique révèlerait que la qualité de la dépense publique des États européens se serait plutôt améliorée au cours de la décennie.

Par ailleurs, il ressort du classement de la Commission que la France est, à la fin des années 90, l'État membre qui bénéficie de la meilleure qualité de dépense publique . Ce bon résultat s'explique notamment par un haut niveau de dépenses d'éducation, de santé, d'investissement, et de recherche , et par la relative modestie des sommes versées au titre du paiement des intérêts de la dette. Notre système de protection sociale ne semble pas, en outre, être à l'origine de pertes majeures en termes d'efficacité économique .

Cette étude de la Commission présente un caractère novateur intéressant. La Commission appelle cependant l'attention sur les limites de la méthodologie suivie . En premier lieu, les critères définis pour évaluer la qualité de la dépense demeurent assez vagues , et reposent sur l'analyse d'études empiriques dont les résultats complexes sont rarement univoques. En second lieu, l'évaluation à laquelle procède la Commission ne prend pas en compte la qualité des prestations fournies par les administrations nationales ; le seul critère retenu est celui, quantitatif, du niveau des dépenses engagées par grand type de fonctions. Enfin, la composition « optimale » de la dépense publique peut fort bien varier d'un pays à un autre, notamment en raison des écarts de développement qui subsistent entre États membres.

DÉPENSE PUBLIQUE TOTALE
CLASSEMENT DES ÉTATS EUROPÉENS À LA FIN DES ANNÉES 90 (EN POINTS DE PIB)

Classement

Niveau de dépense*

France

52,9

Allemagne

48,4

Finlande

49,4

Suède

58,1

Autriche

53,3

Pays-Bas

46,7

Espagne

40,0

Irlande

33,1

Portugal

45,3

Belgique

49,7

Danemark

54,5

Royaume-Uni

39,3

Grèce

48,3

Italie

48,1

* Corrigé de l'écart de croissance en pourcentage du PIB tendanciel.
Note : meilleur est le classement d'un pays, meilleure est la composition de ses dépenses publiques par rapport aux autres États membres.
Source : services de la Commission

DÉPENSES PRIMAIRES
CLASSEMENT DES ÉTATS EUROPÉENS À LA FIN DES ANNÉES 90 (EN POINTS DE PIB)

Classement

Niveau de dépense*

France

49,6

Allemagne

45,0

Finlande

46,6

Suède

56,9

Autriche

49,6

Belgique

42,9

Pays-Bas

42,8

Espagne

36,7

Danemark

50,3

Portugal

42,1

Irlande

31,0

Grèce

41,3

Royaume-Uni

36,5

Italie

41,6

* Corrigé de l'écart de croissance en pourcentage du PIB tendanciel.
Note : meilleur est le classement d'un pays, meilleure est la composition de ses dépenses publiques par rapport aux autres États membres.
Source : services de la Commission

Votre rapporteur ne peut que partager les réserves formulées par la Commission sur ses propres travaux .

Elles invitent à préférer des approches plus réalistes , c'est-à-dire à recommander de résoudre les problèmes de connaissance plutôt que de les ignorer, et, une fois de plus, que l' évaluation des politiques publiques , dont les dépenses publiques sont un des instruments importants, fasse l'objet d'une relance dans notre pays, proposition faite de longue date par votre délégation mais qui n'a pas reçu le moindre début de concrétisation 85 ( * ) .

Longtemps considérée sous un angle purement quantitatif , selon lequel le niveau de la dépense publique était, pour les uns le gage d'une efficacité politique de l'État, ou du ministre concerné, pour les autres, un critère sûr d'insupportable étatisme, la dépense publique est, depuis peu, l'objet d'approches plus qualitatives , qui sans se substituer aux appréciations portant sur la quantité des moyens publics, essayent de les compléter.

La LOLF témoigne dans l'ordre juridique interne d'un renouvellement au terme duquel seul le résultat compte « la dépense publique devant être justifiée au premier euro », par le moyen du « contrôle et de l'évaluation », guidés tous deux par la confrontation entre les objectifs et les résultats de chacun des programmes budgétaires 86 ( * ) . L'ambition portée par la LOLF a été l'objet de travaux remarquables, particulièrement de la part de notre Commission des finances.

Cependant, le niveau d'examen qualitatif organisé par la LOLF n'est pas entièrement déterminé . Quelques ambiguïtés seront dissipées dans la pratique. Elles peuvent être résumées à partir du choix , qui n'est pas tranché , entre contrôle et évaluation . Étant entendu que ces deux modalités d'examen qualitatif de la dépense publique peuvent être cumulées, il semble que, de la capacité du système d'appréciation de la dépense publique porté par la LOLF à déboucher sur des pratiques d'évaluation dépendra étroitement son efficacité et sa portée .

Mais, pour que le potentiel de la LOLF en termes d'évaluation soit pleinement exploité, il est indispensable d'y associer des modalités d'évaluation de la qualité de la dépense publique autres que celles qui semblent découler de son seul texte et beaucoup plus ambitieuses
- démocratiques et participatives - que les exercices d'autoévaluation auxquels se résume, trop souvent, selon votre rapporteur les travaux en cours de révision générale des politiques publiques (RGPP).

* 83 Public sector efficiency : an international comparison. Working paper n° 242. Juillet 2003. Afonso, Schuknecht, Tanzi.

* 84 Cette méthode est censée permettre aussi de déterminer, compte tenu d'un objectif donné de performances, le niveau maximum de dépenses publiques qu'un pays efficace ne devrait pas dépasser.

* 85 « Placer l'évaluation des politiques publiques au coeur de la réforme de l'Etat ». Rapport n° 392 du 30 juin 2004, de MM. Joël Bourdin, Pierre André et Jean-Pierre Plancade.

* 86 Ceux-ci correspondent à des segments de l'action publique mobilisant des crédits budgétaires étatiques. Cette dernière condition montre assez que l'ensemble de l'action publique, et de ses moyens, n'est pas couverte par la LOLF.

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