III. LIBÉRER LES INITIATIVES ÉDUCATIVES

L'objectif du ministère de l'éducation nationale est que 100 % des jeunes sortent du système scolaire avec un diplôme du cycle secondaire, que 85 % d'entre eux soient titulaires du baccalauréat et que 50 % accèdent à l'enseignement supérieur. Si ces chiffres étaient atteints, on pourrait considérer que les enfants de pauvres, même victimes d'inégalités, seraient susceptibles de se sortir de leur condition sociale. Toutefois, la mission les complèterait par un objectif de garantie de l'acquisition des connaissances du socle obligatoire par tous les élèves et de mise en place de filières d'enseignement aboutissant à des débouchés réels.

Elle ne peut qu'adhérer au changement de philosophie du ministère de l'éducation nationale, qui est passé d'une logique de garantie de moyens à une exigence de résultats. Elle a en effet la conviction que c'est dans un changement de méthode et de système de valeur que les solutions seront trouvées .

A cet égard, M. Miles Corak a montré au niveau international que, « suivant les pays, l'impact de la dépense pour l'éducation sur la mobilité intergénérationnelle diffère significativement, et que davantage de dépense peut amplifier plutôt que diminuer les différences entre enfants favorisés et défavorisés » 153 ( * ) . Il souligne que ces différences ont leurs racines dans les avantages plus subtils que des parents hautement qualifiés sont capables de transmettre à leurs enfants : compétences, opinions et motivations issus de la culture et du style de parentalité d'une famille favorisée. Les sociétés qui compensent ces influences au sein de la population affichent une mobilité intergénérationnelle plus élevée.

Il en conclut que l'État-Providence doit être pensé en matière d'éducation comme une institution qui « rend capable » , en d'autres termes qui investit dans les enfants afin de faire bouger la relation intergénérationnelle entre revenus des parents et des enfants, davantage qu'en tant que système de redistribution et d'assurance sociale .

La mission considère que les conditions de réussite d'une politique visant à rendre les enfants capables, passe par la définition d'une véritable politique sociale des établissements scolaires , la mise en place d'une orientation active , l'encouragement de dispositifs innovants regroupant différents acteurs, et la concrétisation de partenariats entre l'école et l'extérieur permettant d'agir sur les facteurs extrascolaires de réussite de l'élève.

A. CONFIER UNE MISSION DE PROMOTION SOCIALE À L'ÉDUCATION NATIONALE

1. Prévenir plutôt que guérir

Mme Marie-Véronique Samama-Patte a rappelé que le ministère de l'éducation nationale avait créé une mission générale d'insertion pour les jeunes en difficulté qui s'est traduite par la mise en place d'un dispositif spécifique d'insertion pour les jeunes de plus de 16 ans en situation de décrochage scolaire. Il s'agit d'une politique d'insertion professionnelle, plutôt que d'une mesure d'insertion sociale pour les jeunes défavorisés.

Or c'est précisément d'une conscience sociale plus aiguisée dont le système scolaire a besoin, afin que l'ensemble des acteurs, du professeur au chef d'établissement soit naturellement impliqué dans l'effort de lutte contre les inégalités scolaires et sociales.

Une politique préventive passe tout d'abord par une meilleure détection des difficultés susceptibles d'apparaître et une information du professeur principal de la situation sociale de l'élève grâce à la mise en réseau des professeurs des écoles, des psychologues scolaires et des services de la protection maternelle et infantile.

Elle impose ensuite d'individualiser davantage les parcours scolaire pour les élèves les plus en difficulté, dans l'ensemble des établissements scolaires (le tutorat et les études du soir sont à ce titre des aides indispensables à la prévention de l'échec scolaire), mais aussi pour les élèves les plus brillants de quelques établissements situés en ZEP (dispositif Sciences-Po...) qui servent de modèle à suivre et de symbole d'ascension sociale.

Elle nécessite enfin l'évaluation de l'efficacité des politiques mises en place et leur remise en cause lorsqu'elles ne fonctionnent pas. Ainsi, les cours de soutien existant depuis plusieurs décennies dans les collèges sont-ils poursuivis sous la même forme alors que leur impact sur la réussite des élèves est très contesté 154 ( * ) . De même les classes de troisième d'insertion et les dispositifs relais, loin de modifier les destinées scolaires, remplissent de facto une fonction d'accompagnement vers des voies de faible ou de non-qualification 155 ( * ) .

L'élitisme républicain ne doit ainsi pas conduire à laisser trop d'élèves au bord du chemin sous peine de voir se créer une société duale. Les formes de discrimination positive dans l'enseignement sont essentielles car elles permettent de relever le niveau des plus faibles sans remettre en cause l'efficacité générale du système.

* 153 Miles Corak, Les enfants pauvres deviennent-ils des adultes pauvres ?, op.cit.

* 154 La question de la pédagogie adaptée qui s'adresse autant aux élèves en difficulté qu'à ceux qui réussissent mieux est un débat récurrent complexe. En effet, si le cours magistral est davantage adapté aux élèves qui ont des facilités à conceptualiser, à savoir -en général- ceux issus des milieux aisés, s'adresser aux élèves pauvres ne doit pas signifier privilégier les tâches plus simples ou stéréotypées.

* 155 Jean-Michel Floch, Isabelle Hatrice, Les dispositifs d'aide, de soutien et d'insertion , Note d'information de la direction de la programmation et du développement (Dpd), janvier 2002 et Michèle Thaurel-Richard, Le suivi et le devenir des élèves accueillis en classe-relais : année scolaire 1999-2000 , Note d'information de la Dpd, février 2003.

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