III. UNE GOUVERNANCE COMPLEXE

Comme l'a déjà mis indirectement en évidence le manque de lisibilité des circuits de financement de la dépendance, l'architecture institutionnelle de la prise en charge des personnes âgées est, de l'avis de l'ensemble des personnes auditionnées par la mission, complexe.

Lors de sa première audition 87 ( * ) , le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, indiquait que la gouvernance en matière de prise en charge de la dépendance repose sur « un modèle original de gestion décentralisée et d'une agence nationale chargée de la péréquation, de l'animation et de l'information ».

Pour d'autres, cette architecture institutionnelle résulte d'un « demi-choix » 88 ( * ) , voire d'« une absence de choix » 89 ( * ) des pouvoirs publics entre, d'une part, une gestion décentralisée par les conseils généraux, d'autre part, la constitution d'une nouvelle branche de la sécurité sociale.

A. UN « DEMI-CHOIX » OU UNE « ABSENCE DE CHOIX » ?

L'architecture du système français de protection sociale a été conçue, en 1945, autour de quatre risques : la maladie, les accidents du travail, la vieillesse et la famille. La nécessité de prendre en charge la spécificité des personnes âgées dépendantes n'est apparue que dans un second temps, à partir des années 1960 - 1970, notamment à la suite du rapport de la commission d'étude sur les problèmes de la vieillesse - dit « Rapport Laroque » - de 1962.

La prise de conscience du défi qu'allait représenter la perte d'autonomie aurait donc pu conduire à étendre les compétences de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et/ou de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) à la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Cette option n'a pas été retenue par les pouvoirs publics qui ont préféré, notamment avec la mise en place de la prestation spécifique dépendance (PSD) en 1997 et de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) en 2001, confier aux conseils généraux un rôle central dans ce domaine, s'inscrivant ainsi dans le mouvement plus ancien et plus large de transferts de compétences d'aide sociale aux conseils généraux, qu'il s'agisse de l'aide sociale à l'enfance, de l'insertion sociale et professionnelle, de l'aide au logement, de l'aide aux personnes handicapées ou encore de la protection judiciaire de la jeunesse.

Auditionné par la mission 90 ( * ) , Raoul Briet, conseiller-maître à la Cour des comptes, - qui avait été chargé avec Pierre Jamet de mener une mission de préfiguration de la CNSA 91 ( * ) - a rappelé, à cet égard, la forte controverse qui a eu lieu en 2004 sur la question de l'architecture institutionnelle de la prise en charge de la dépendance.

Deux options étaient alors avancées, comme l'a rappelé aussi, de son côté, Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, à l'occasion de la présentation du rapport particulier de la Cour des comptes sur les personnes âgées dépendantes :

- soit créer une cinquième branche de la sécurité sociale, dont le mode d'organisation aurait été calqué sur celui prévalant aujourd'hui pour les autres branches de la sécurité sociale, à savoir une gestion centralisée assurée par l'Etat et les partenaires sociaux ;

- soit « ériger les départements en pivots de cette politique publique [en faisant de ces derniers] le point d'accès unique aux prestations de dépendance. Le pilotage et la coordination de l'ensemble auraient été assurés par une agence nationale, également chargée d'organiser la péréquation entre les départements ».

Finalement les pouvoirs publics n'ont pas fait le choix de créer une nouvelle branche de la protection sociale, ni de pousser à son terme la décentralisation en matière de prise en charge de la dépendance. Raoul Briet a indiqué, aux membres de la mission, regretter en cela que les solutions finalement retenues aient cherché à ménager les places de l'Etat et de l'assurance maladie et se soient ainsi inscrites en retrait des préconisations de la mission de préfiguration de la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui plaidait, au contraire, en faveur d'une clarification des responsabilités entre les différents acteurs publics de la politique de prise en charge des personnes âgées. Le présent rapport reviendra, plus en détail, sur ces éléments.

* 87 Audition de Xavier Bertrand le 16 janvier 2008.

* 88 Raoul Briet, audition du 6 février 2008.

* 89 Marie-Thérèse Cornette, audition du 16 janvier 2008, reprenant ainsi les propos de Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, lors de la présentation du rapport public particulier de la Cour des comptes « Les personnes âgées dépendantes », 9 novembre 2005.

* 90 Audition du 6 février 2008.

* 91 Raoul Briet et Pierre Jamet, mission de préfiguration de la CNSA, « Pour une prise en charge solidaire et responsable de la perte d'autonomie », mai 2004.

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