b) Revoir un système « byzantin » de conventionnement et de tarification en Ehpad

Les modalités de calcul de la tarification des Ehpad apparaissent elles aussi complexes et inéquitables.


• Un processus de conventionnement déjà ancien

En application d'un processus enclenché par la loi du 24 janvier 1997 157 ( * ) , le législateur a prévu que les établissements souhaitant accueillir des personnes âgées dépendantes (structures dont le Gir moyen pondéré, GMP, est supérieur à l'indice 300) concluent avec le président du conseil général et l'autorité compétente de l'Etat une convention pluriannuelle les y autorisant.

L'objet de cette convention consiste à préciser les objectifs de qualité à atteindre, ainsi que les moyens alloués à cet effet. Les pouvoirs publics cherchaient alors par cet instrument à promouvoir une meilleure allocation des ressources, tout en encourageant la médicalisation de ces structures grâce à des moyens supplémentaires substantiels provenant de l'assurance maladie.

Parallèlement, l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles a instauré trois sections tarifaires distinctes et étanches à l'intérieur du budget des établissements : l'hébergement, à la charge du résident ou du conseil général via l'aide sociale, la dépendance relevant du conseil général et du résident, et les soins, financés par l'assurance maladie. Ce système ternaire devait permettre d'assurer un meilleur suivi des dépenses, les soins étant désormais calculés sur la base de coûts de revient réels et non plus sur des forfaits comme précédemment.

L'article 69 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 est, en quelque sorte, venu mettre un point final à ce processus, en encourageant les établissements non encore conventionnés au 31 décembre 2007 à entrer dans le mécanisme de conventionnement, sous la menace d'un gel des dotations pour ceux qui persisteraient dans une position de refus.


• Un mécanisme de tarification des soins constamment perfectionné depuis la fin des années quatre-vingt dix

Pour les établissements conventionnés, la répartition des crédits d'assurance maladie a d'abord eu lieu sur la base d'une dotation minimale de convergence baptisée Dominic. Le mode de calcul tient compte à la fois du niveau de dépendance des personnes accueillies et de la prise en charge par l'établissement des soins techniques apportés aux résidents. Il vise à augmenter prioritairement les moyens des structures les moins bien dotées.

Deux circulaires budgétaires récentes 158 ( * ) ont amélioré ce dispositif. L'allocation des crédits d'assurance maladie peut être réalisée dorénavant en prenant en compte les soins médicotechniques réellement pris en charge par l'établissement, tels qu'appréciés par l'outil Pathos (la charge en soins est estimée précisément grâce à un calcul de points attribués aux patients et additionnés par établissement et non plus déterminée sous une forme forfaitaire comme dans le cadre de Dominic).

L'outil Pathos

L'outil Pathos est un système d'information sur les niveaux de soins nécessaires pour assurer le traitement des pathologies dont souffrent les personnes âgées. Il a été élaboré par des experts, en partenariat avec le service médical de la Cnam, afin de disposer en quelque sorte de la « photographie » de l'état de santé d'une population à un moment donné.

Le système Pathos permet :

- d'identifier sur une liste pré-établie de cinquante « états pathologiques », celui ou ceux résumant le mieux la situation du patient le jour de l'enquête ;

- de compléter la description de cet état clinique par un « profil de soins nécessaires », choisi parmi douze profils possibles. Ces douze profils (allant de soins très lourds à la simple surveillance médicale) ont été déterminés par un groupe de cliniciens, de gériatres, de psychiatres et de rééducateurs.

Chaque état pathologique identifié est associé avec le profil de soins correspondant. Les cas de sujet âgés souffrant de multiples affections sont pris en compte grâce à un algorithme très complexe.

Le rapprochement de cinquante états pathologiques avec douze profils de soins aurait conduit à un nombre de combinaisons trop important (six cents), dont beaucoup n'auraient pas correspondu à une réalité sur le plan clinique. Le choix a donc été fait d'individualiser pour chaque état pathologique les seuls profils de soins pertinents. Cette démarche a réduit à 236 le nombre des combinaisons possibles entre un état pathologique et un profil de soins.

En définitive, le modèle Pathos permet de procéder à une analyse comparative détaillée des soins dispensés dans les structures accueillant les personnes âgées.

La médicalisation des établissements doit se poursuivre pendant toute la durée du plan Solidarité-Grand Age, sur la base de nouvelles conventions dites de seconde génération. L'objectif recherché consiste à mettre en oeuvre une unité de référence de la dotation « soins » des établissements, le Gir moyen pondéré soins (GMPS), qui agrège le GMP (mesure de la charge de travail liée à la dépendance) et le PMP (Pathos moyen pondéré, mesure de la charge de travail liée aux soins médicaux apportés à la personne dépendante). Ce nouveau processus d'évaluation des ressources d'assurance maladie est mis en oeuvre progressivement. Il concerne en priorité les établissements dont le GMP est supérieur à 800 et ceux renouvelant leur convention en utilisant l'outil Pathos comme support. A l'horizon 2012, tous les Ehpad bénéficieront de cette nouvelle tarification.


• Des difficultés persistantes de mise en oeuvre

- La tarification ternaire : un mécanisme source de blocages et perfectible

Avec le recul, on doit constater que la mise en place, à partir de la fin des années quatre-vingt-dix, du conventionnement tripartite n'a pas atteint son ambition de permettre une clarification des coûts et du champ de compétences de chacun des financeurs. Les pouvoirs publics ont d'abord été confrontés à trois problèmes principaux ainsi qu'à la structure ternaire elle-même :

- à l'usage, il n'est guère aisé d'attribuer tel ou tel poste de dépenses à l'une ou l'autre des sections. La répartition des coûts entre les trois tarifs fait donc l'objet de critiques récurrentes ;

- la réforme a été d'emblée dévoyée par un mécanisme baptisé « cliquet anti-retour », consistant à maintenir le niveau de financement que l'assurance maladie consacrait à chacun des établissements à la date du conventionnement ;

- le partage de la prise en charge des salaires des aides soignants, à raison de 70 % sur le tarif « soins » et de 30 % sur le tarif « dépendance » représente un facteur de complexité et de blocage , dans le contexte de médicalisation des Ehpad. Faute de moyens suffisants, certains départements peuvent être réticents à accroître leurs charges en participant au financement du coût du relèvement des taux d'encadrement en établissement.

Au total, le schéma de tarification ternaire apparaît peu satisfaisant parce qu'il induit presque inévitablement un risque de « jeu du mistigri » entre l'Etat, l'assurance maladie et les collectivités territoriales. Peut-être est-il même illusoire de vouloir bâtir un partage des coûts en l'absence de véritable comptabilité analytique dans les établissements et de volonté de parvenir à une connaissance précise de la part revenant à chacun ?

Une nouvelle réflexion d'ensemble sur la répartition des charges mériterait d'autant plus d'être ouverte que l'analyse des comptes administratifs et des budgets des Ehpad montre que, dans la très grande majorité des cas, les sections « dépendance » et « hébergement » sont déficitaires, tandis que la section « soins » est excédentaire.

- Un processus de conventionnement ralenti par les établissements bénéficiant d'une rente de situation au titre du forfait soins

Jusqu'à une date très récente, certains Ehpad disposant d'une allocation très favorable en ressources d'assurance maladie ont pu rester à l'écart du processus de conventionnement tripartite.

En effet, si le secteur des personnes âgées apparaît globalement sous-doté en moyens, entre 20 % et 25 % des établissements bénéficient de rentes de situation « historiques » puisqu'ils ont, à service rendu comparable (évalué sur la base de l'indicateur Gir moyen pondéré soins qui s'appuie sur l'outil Pathos), une dotation supérieure à ce que donnerait la stricte application des mêmes équations tarifaires pour toutes les structures. Telle est la situation de la majorité des USLD et des maisons de retraite hospitalières rattachées à des CHU ou à des hôpitaux de grande taille.

Ces établissements n'avaient naturellement aucun intérêt à mettre fin à cette situation avantageuse pour eux. Il a donc fallu enclencher un processus destiné à les y contraindre. Mais la démarche sera nécessairement longue et complexe.

L'article 69 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, on l'a vu, vise à réduire ces distorsions, en renforçant le principe de convergence tarifaire par un gel des dotations des établissements non conventionnés.

Par ailleurs, il pose le principe d'une convergence progressive en imposant à la CNSA, parmi les clés de répartition des enveloppes régionales de dépenses de soins (OGD), « l'objectif de réduction des inégalités dans l'allocation des ressources entre établissements et services relevant des mêmes catégories ». Pour réaliser cet objectif, les dotations peuvent « prendre en compte l'activité et le coût moyen des établissements et services » déterminés grâce à l'outil Pathos. Le décret d'application de ce dispositif n'a toutefois pas encore été publié.

Face à l'ampleur des écarts constatés (dans une proportion de 1 à 3), la réalisation de la convergence pourrait prendre encore de nombreuses années. Lors de son audition par la mission 159 ( * ) , Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a ainsi évoqué l'éventualité d'un délai de huit années. Ce délai, qui a au moins le mérite d'avoir été envisagé, paraît relativement long à la mission, qui rappelle qu'il s'agit de mettre un terme à des rentes de situation injustifiées.

Le gain global à attendre de la mise en place d'un processus de convergence a été chiffré à 350 millions d'euros par la mission « Solidarité » dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

* 157 Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance. Se reporter à la première partie du présent rapport, pages 50 et suivantes.

* 158 En date des 17 octobre 2006 et 6 avril 2007.

* 159 Audition conjointe avec Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité - 28 mai 2008

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