b) La « recommandation politique » de la Commission européenne (28 mai 2008)

Cette situation budgétaire dégradée a valu à la France d'être, le 28 mai 2008, le premier Etat à faire l'objet d'une « recommandation politique ». A ce jour, le seul autre Etat membre à avoir fait l'objet d'une telle recommandation est un Etat n'ayant pas adopté l'euro : la Roumanie (le 12 juin 2008).

Cette procédure, introduite par la réforme du pacte de stabilité réalisée en 2005, permet à la Commission européenne de s'adresser directement à un Etat membre, au sujet de sa politique budgétaire.

La Commission européenne y rappelle à la France son engagement de ramener ses finances publiques à l'équilibre en 2012, voire dès 2010 si les conditions économiques le permettent.

c) Le risque de repasser au dessus du seuil de 3 points de PIB

Votre rapporteur général ne dispose pas, bien entendu, d'une « boule de cristal ». Par ailleurs, comme on l'a indiqué ci-avant, le déficit public 2008 dépendra des éventuelles mesures correctrices qui pourraient être adoptées par le gouvernement. Il est cependant possible de souligner quelques points.

Tout d'abord, le fait que le déficit 2007 ait été supérieur de 0,3 point de PIB à la prévision associée au projet de loi de finances pour 2008 (2,7 points de PIB au lieu de 2,4 points de PIB) conduit naturellement à revoir à la hausse le déficit de 2008.

Certes, une partie de ce supplément de déficit n'est peut-être pas durable (le déficit des collectivités territoriales, supérieur de 0,2 point à la prévision du gouvernement, pourrait se réduire en 2008, du fait du « cycle électoral »), mais on peut considérer, à titre indicatif, que la « base » 2007 conduit à accroître la prévision de déficit 2008 de 0,2 point de PIB, toutes choses égales par ailleurs, ce qui porte déjà le déficit de 2008 à 2,5 points de PIB (au lieu des 2,3 points de PIB prévus par le projet de loi de finances pour 2008).

A cela s'ajoute le ralentissement de la croissance. Si la croissance de 2008 était de 1,7 % (comme le prévoit le consensus) au lieu de 2,25 %, le déficit public s'en trouverait accru, toutes choses égales par ailleurs, d'environ 0,3 point de PIB, ce qui porterait le déficit à 2,8 points de PIB.

Compte tenu du caractère fluctuant de la relation entre croissance du PIB et recettes publiques 14 ( * ) , il n'est pas exclu que, même en supposant que la norme de croissance des dépenses des administrations publiques est respectée, le déficit public atteigne, voire dépasse ainsi spontanément le seuil des 3 points de PIB 15 ( * ) .

La situation est d'autant plus périlleuse que ces dernières années, le gouvernement n'a pu respecter son objectif de solde public que grâce à des recettes plus fortes que prévu, résultant elles-mêmes d'une forte élasticité des recettes publiques au PIB, qui permettaient de compenser le dérapage des dépenses.

On rappelle que le gouvernement prévoit une croissance des dépenses publiques de seulement 1,4 % en volume en 2008, ce qui n'a été atteint que sur la période 1994-1998, comme l'indique le graphique ci-après.

La croissance des dépenses publiques en volume

(en %)

Source : d'après l'Insee

Toutes choses égales par ailleurs, une croissance en volume des dépenses publiques de 2,2 %, égale à la tendance de long terme, au lieu de 1,4 %, augmenterait le déficit public de 0,4 point de PIB.

Si l'on combine l'ensemble de ces possibles impacts défavorables, tout en supposant que les recettes publiques augmentent à la même vitesse que le PIB, on arrive à un déficit public potentiel pouvant dépasser 3 points de PIB en 2008 pour atteindre 3,2 points de PIB.

Le gouvernement risque donc de devoir prendre des mesures correctrices, mais au risque de déprimer davantage la croissance.

Le supplément d'inflation découlant de l'augmentation du prix du pétrole
et des matières premières : un impact néfaste sur le solde public ?

La prévision d'inflation élevée pour 2008 (2,9 % selon le consensus des conjoncturistes, 2,2 % selon le gouvernement 16 ( * ) ) est parfois présentée comme une « chance » pour les finances publiques. Ce point de vue paraît contestable.

Certes, en règle générale l'inflation réduit le déficit public, mais c'est parce qu'elle concerne les prix du PIB, et se traduit donc par une baisse de la part du déficit dans le PIB, d'autant plus qu'elle suscite des recettes supplémentaires, non seulement pour la TVA, mais aussi pour les autres impôts.

Dans le cas présent, l'inflation hors tabac devrait à peu près doubler par rapport à 2007 (passant de 1,5 % à environ 3 %), mais la moitié de cette hausse proviendrait de celle de l'énergie, qui est importée. Par ailleurs, on n'observe pas, à ce stade, d'« effet de second tour », c'est-à-dire d'augmentations salariales, qui augmenteraient en particulier les cotisations sociales.

Le principal effet sur les recettes du supplément d'inflation serait donc une augmentation de la TVA, qui, toutes choses égales par ailleurs, pourrait s'en trouver accrue d'environ 1,5 %, soit 2 milliards d'euros, c'est-à-dire seulement 0,1 point de PIB. En sens inverse, l'inflation devrait réduire la consommation des ménages, et l'augmentation du prix du pétrole diminuer la consommation des carburants, et donc les recettes de TIPP. Le supplément d'inflation pourrait donc légèrement améliorer le solde public en 2008.

Le solde public pourrait en revanche s'en trouver dégradé les années suivantes. Il faut en effet rappeler que certaines prestations sociales (retraites, RMI...) sont indexées sur l'inflation, avec une année de décalage. Les revenus sociaux étant de l'ordre de 500 milliards d'euros, un supplément d'inflation de 1,5 point pourrait coûter de 5 à 10 milliards d'euros, soit environ 0,4 point de PIB.

Le graphique ci-après simule divers scénarios. Le scénario précité correspond au dernier.

Quel scénario de solde public d'ici à 2012 ?

(sauf indication contraire, on suppose que les dépenses évoluent conformément aux prévisions du gouvernement)

(solde public, en points de PIB)

Sources : Insee, programme de stabilité 2009-2012, calculs de votre commission des finances

On peut faire les observations suivantes :

- si l'on s'appuie sur le programme de stabilité 2009-2012, la seule réévaluation du déficit de 2007 conduit à porter le déficit à 2,5 points de PIB en 2008 17 ( * ) (au lieu de 2,3 %) et à 0,3 point de PIB en 2012 18 ( * ) ;

- si l'on adopte en plus l'hypothèse d'une croissance du PIB de 1,7 % en 2008, 1,5 % en 2009 (ce qui, dans chaque cas, correspond à la prévision du consensus 19 ( * ) ) et 2,2 % ensuite, le déficit atteint 2,8 points de PIB en 2008, et est de 1,2 point de PIB en 2012 ;

- une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB qui serait non de 1, mais de 0,9, chaque année jusqu'en 2012, conduirait, selon les mêmes hypothèses, à un déficit de 3 points de PIB en 2008 et 2,1 points de PIB en 2012 ;

- un scénario pessimiste, mais non invraisemblable, correspondant au scénario précédent, mais avec une croissance du PIB de 1,2 % en 2008, remontant progressivement jusqu'à 2,2 % en 2011, conduirait à un déficit de 3,2 points de PIB en 2008 et 2,7 points de PIB en 2012.

Enfin, le dernier scénario, le plus défavorable, est le moins « volontariste », mais aussi a priori le plus réaliste sur le plan économique, puisqu'il correspond à ce qui se passerait avec la poursuite des tendances habituelles en matière de dépenses publiques, et les prévisions de croissance du consensus. Le déficit serait alors de 3,2 points de PIB en 2008 (- comme on l'a indiqué ci-avant -), 3,6 points de PIB en 2009, et se maintiendrait ensuite à peu près à ce niveau.

A court terme, le risque d'un dépassement du seuil de 3 points de PIB en 2008 ou en 2009 ne peut pas être écarté à ce stade :

- ce sont les deux années pour lesquelles les mesures prises depuis juin 2007 devraient avoir le coût le plus élevé (de l'ordre de 10 milliards d'euros, soit 0,5 point de PIB 20 ( * ) ) ;

- selon le consensus des conjoncturistes, la croissance du PIB devrait être encore plus faible en 2009 qu'en 2008.

Dans cette perspective, on peut s'interroger sur l'écart que propose le programme de stabilité français 2008-2011, en termes d'hypothèses de croissance, par rapport à ceux de ses partenaires européens. Les hypothèses retenues sont nettement supérieures à celles des pays européens comparables, à l'exception de l'Espagne.

Programmes de stabilité de différents Etat membres (décembre 2007-janvier 2008)

Hypothèse de croissance moyenne 2009-2010

Dépenses publiques en % du PIB en 2007 et 2010

Solde public en % du PIB 2007-2010

Dette publique en % du PIB 2007-2010

France

2,5 %

53,2/51,2

-2,4/-1,2

64,2/61,9

Allemagne

1,5 %

44/42

0/0,5

65/59,5

Italie

1,6 %

48,6/47,3

-2,4/-0,7

105/98,5

Espagne

3,1 %

39,0/39,1

1,8/1,2

36,2/30

Belgique

2 %

48,9/48,3

-0,2/0,7

84,9/74,7

Pays-Bas

1,75 %

46,3/46,5

-0,4/0,7

46,8/41,2

Royaume-Uni

2,5 %

40,6/40,4

-2,9/-2,1

43,9/45,2

Suède

2,3

51,2/48,9

2,9/3,6

39,7/24,5

Source : Cour des comptes

* 14 Postérieurement à la réunion de votre commission des finances, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a déclaré qu'il s'attendait à entre 3 et 5 milliards d'euros de moins values fiscales : -1 / -3 milliards sur l'impôt sur les sociétés et
- 1,5 / - 2 milliards d'euros sur l'impôt sur le revenu.

* 15 Si l'élasticité des recettes publiques au PIB était de 0,9 en 2008, le déficit public pourrait atteindre 3,2 points de PIB, avec une croissance du PIB de 1,6 %.

* 16 En moyennes annuelles.

* 17 On suppose ici que sur le 0,3 point de déficit supplémentaire par rapport aux prévisions du gouvernement, seulement 0,2 point est pérenne.

* 18 On suppose en effet que l'impact bénéfique de la modification des règles de comptabilisation des investissements militaires jouent en sens inverse en 2012.

* 19 Consensus Forecasts, juin 2008.

* 20 La loi TEPA doit en effet coûter, par rapport à une situation sans loi TEPA, 7,5 milliards d'euros en 2008, et 9,5 milliards d'euros en 2009.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page