CONTRIBUTION DE L'ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE

L'Association des Maires de France a adressé un questionnaire aux villes sièges d'un conservatoire à rayonnement départemental ou régional. 20 d'entre elles y ont répondu. Les principaux enseignements de cette enquête sont retracés dans le compte rendu suivant.

I. Généralités - financements

Les communes ou EPCI compétents considèrent dans leur très grande majorité que le réseau local des établissements d'enseignement artistique est adapté au regard des besoins des publics et en terme d'aménagement du territoire, même si des améliorations doivent être faites.

En particulier, ces améliorations peuvent consister :

- en un élargissement des publics (art dramatique notamment) ;

- à une meilleure collaboration entre établissements ;

- à une mutualisation d'enseignants et intervenants au niveau régional ;

- à un souci de complémentarité des niveaux de formations proposées ;

- à un renforcement des moyens nécessaires à ses missions notamment au travers de financements du département et de la région ;

- en une mise en réseau d'écoles publiques et privées qui peut représenter une opportunité pour améliorer la cohérence de l'offre au plan territorial et en renforcer la diversité, notamment en Ile de France.

De nombreuses actions de sensibilisation ou d'initiation à l'éducation artistique sont déjà conduites en direction des publics scolaires , notamment par le biais :

- d'interventions d'artistes dans les classes primaires au moyen d'actions de sensibilisation et d'accompagnement de projets ;

- de concerts dans les conservatoires, avec une présentation préalable de l'oeuvre et une découverte instrumentale à l'école primaire ;

- de visites guidées du conservatoire voire un accueil des enfants pour une phase de découverte et d'initiation.

Ces actions interviennent fréquemment dans le cadre de partenariats avec les conservatoires ou autres structures culturelles (par exemple une scène de musique agréée), ou de conventions artistiques ville/Drac/Education Nationale (par exemple le contrat local d'éducation artistique) en partenariat avec plusieurs structures culturelles, voire dans le cadre du projet éducatif local. Les classes à horaires aménagés culturelles peuvent constituer un levier important.

Des établissements spécialisés sont également souvent associés à ces politiques notamment au travers de contrats d'objectifs et parfois en partenariat avec l'Education nationale. Par exemple, des professeurs peuvent intervenir auprès d'enfants autistes.

Les réponses des questionnaires ne permettent toutefois pas de déterminer précisément la part du budget d'une collectivité consacrée à ces dépenses, les sommes étant difficilement identifiables.

La part du budget d'une commune ou EPCI à destination des établissements d'enseignement artistique varie selon leur politique propre et les circonstances locales. Parmi les réponses obtenues, la part oscille généralement entre 1 et 5 % du budget, la dépense étant en constante progression.

Les concours financiers de l'Etat pour le fonctionnement de ces établissements sont, compte tenu du contexte budgétaire contraint, en stagnation voire même en diminution, ce qui inquiète fortement les collectivités.

LES CEPI

La majorité des communes ayant répondu considère que le rôle de la région en matière d'organisation et de fonctionnement des cycles d'enseignement professionnel initial (CEPI) est cohérent au vu des enjeux d'orientation et de formation professionnelle et d'emploi sur le territoire régional, et compte tenu de l'âge des élèves concernés.

Certaines collectivités mettent toutefois en avant la complexité de mise en oeuvre de cette réforme, tant au niveau technique et financier qu'au niveau pédagogique et politique, tandis que d'autres soulignent la nécessité de mener une réflexion conjointe Education Nationale / ministère de la Culture pour arriver à un vrai aménagement du temps des lycées par rapport au CEPI.

La mise en oeuvre de la nouvelle compétence des régions étant bloquée aujourd'hui, leur intervention financière est quasiment nulle, laissant les villes très majoritaires dans le financement des fins de cycles existants . Les EPCI non compétents pour le fonctionnement des conservatoires n'interviennent que rarement.

Considérant qu'il s'agit d'une offre nouvelle, un certain nombre de communes estiment que l'implication de l'Etat et des régions doit être prévue et/ou renforcée.

Les avis sur la question du transfert des CEPI aux communes ou EPCI sont très divisés, alors même que le rôle de la région en la matière est très attendu.

D'un côté, des communes refusent qu'une telle compétence leur soit transférée considérant que la région est plus à même d'organiser ce cycle en vue d'une meilleure répartition de l'offre sur le territoire régional, et que les besoins de financement du CEPI sont déjà supérieurs aux crédits que souhaite transférer l'Etat aux régions.

D'un autre côté, des communes ne seraient pas défavorables à un tel transfert à condition toutefois :

- qu'il s'agisse d'un transfert de crédits et non de charges ;

- que l'Etat, les régions et les départements, voire l'intercommunalité, abondent ;

- qu'il y ait un dispositif d'intervention financière régional qui concrétise, comme les schémas départementaux, un partenariat entre les différentes strates de collectivités pour l'aménagement du territoire afin de maintenir des services de proximité.

Il a été indiqué que ce transfert peut s'avérer efficace mais qu'il comporte le risque de déconnection du CEPI du plan régional de formation, sans compter les inévitables accroissements des dépenses liées à la montée en puissance du cycle qui relèveraient de la communauté d'agglomération.

De plus, la grande réticence de la région à s'engager dans ce processus provient du fait que les responsables du plan régional de formation ne considèrent pas que ce cycle préprofessionnel constitue une véritable formation professionnelle.

II. Bilan de la mise en oeuvre de la loi du 13 août 2004 - Schémas départementaux

D'après une nette majorité de communes, la loi du 13 août 2004 a encouragé une réflexion et des actions relatives au développement des missions des établissements d'enseignements artistique dans les domaines de la sensibilisation et d'éducation et artistique ainsi que de l'accompagnement des pratiques des amateurs, dans un souci de démocratisation et d'ouverture.

En revanche, il semble que ce ne soit pas moins le cas en ce qui concerne la diffusion et la création, où des actions préexistaient.

Dans le département du Jura, un conseil départemental de l'enseignement artistique et des pratiques amateurs a été créé en 2007.

Par ailleurs, la loi de 2004 a suscité une plus forte concertation que ce soit entre les collectivités territoriales et davantage encore entre les établissements eux-mêmes et entre ces deux types d'acteurs.

Du fait de la configuration politique des territoires, la mise en place d'une concertation entre collectivités locales paraît moins évidente et naturelle qu'entre établissements. Une telle concertation s'avère quasi impossible à l'instar des villes de Perpignan ou de Saint Brieuc.

Il est indiqué toutefois que les établissements sont parfois trop différents dans le département pour favoriser une concertation sur les mêmes bases.

Dans certains cas, l'absorption de deux écoles municipales lors de la création du conservatoire à rayonnement départemental a permis une couverture homogène du territoire avec le gage d'un enseignement de qualité.

La DRAC n'a visiblement pas, quant à elle, joué tout son rôle moteur et d'aide à la mise en place de la réforme de la décentralisation des enseignements artistiques dans un certain nombre de département , d'après les commentaires qui ressortent de l'enquête. La DRAC est même jugée dans certains totalement absente du processus.

Ce constat varie bien entendu selon les départements et le degré de dialogue qui a pu se nouer entre l'Etat et les collectivités locales, certaines d'entre elles reconnaissant a contrario le rôle important de l'Etat.

De manière générale, les maires font part de leur désarroi face à un retrait actuel des Drac et du manque de dialogue, compte tenu du contexte actuel de contrainte budgétaire.

En terme de répartition des moyens, une nette majorité de communes ou EPCI estime que l'objectif de la loi de répartir à terme plus équitablement les charges pesant sur les villes ne peut être atteint, ou du moins difficilement.

En effet, les communes ou EPCI restent dans l'expectative face à l'incertitude actuelle des moyens financiers de l'Etat et des risques de désengagement. Elles constatent par ailleurs l'absence de crédits des conseils généraux ainsi que des conseils régionaux, ceux-ci refusant d'intervenir à ce niveau.

La prise en charge du fonctionnement des conservatoires relève généralement des communes ou EPCI à plus de 80 %, voire 100 %, alors même que la restructuration des établissements d'enseignements artistique en conservatoire va engendrer, selon elles, une augmentation sensible des coûts. La question de la répartition des charges est soulevée en particulier pour les élèves provenant d'autres communes, parfois en nombre conséquent.

D'après les résultats de l'enquête, l'élaboration des schémas départementaux d'enseignements artistiques s'est effectuée, dans une proportion relativement importante, dans un cadre concerté avec les communes ou EPCI sièges d'un conservatoire.

Cependant, eu égard à des divergences politiques ou au manque de dialogue préexistant dans le département, certaines communes ou EPCI ont fait savoir que leurs observations n'avaient pas été prises en compte, ou ont même découvert le contenu du schéma lors de sa diffusion, sans concertation.

Leur satisfaction est en revanche plus nuancée en ce qui concerne le contenu du schéma. Pour autant, plusieurs mesures sont prévues pour favoriser l'accès aux enseignements artistiques :

- plan de formation des enseignants ;

- mutualisation des enseignants ;

- des antennes ont été ouvertes pour irriguer le territoire ;

- développement des transports ;

- le Conseil Général incite parfois les établissements à engager une politique tarifaire concertée avec les conservatoires voisins ou fondée sur la base du quotient familial ;

- meilleure articulation des initiatives pédagogiques ou artistiques, et toucher le plus grand nombre d'usagers.

Des réflexions sont en cours en ce qui concerne les tarifs des enseignements artistiques, voire une péréquation au niveau intercommunal, même si, selon les départements, des blocages politiques ne favorisent pas toujours ces initiatives.

Les résultats montrent par ailleurs que la réforme de 2004 tend plutôt à renforcer la place de l'intercommunalité , essentielle pour certains acteurs en termes de développement de l'enseignement artistique, de démocratisation et de mutualisation des moyens.

III. Difficultés - perspectives

Un nombre non négligeable de communes ou EPCI ont entamé une réflexion sur les modes de financement des actions en matière d'enseignement et de sensibilisation artistiques , que ce soit par la recherche d'un partenariat privé pour diversifier les sources de financement ou le mécénat, des financements croisés et transfrontaliers assorti d'un regroupement des services éducatifs.

Par ailleurs, des financements en direction des projets sur le temps extra scolaire sont parfois dégagés par la Drac dans le cadre d'une préfiguration de plan territorial d'éducation artistique.

Toutefois, il est rapporté que cette réflexion n'est pas aisée à mettre en place compte tenu des nombreuses difficultés que représente pour les collectivités l'application de cette réforme.

Les principales remarques citées sont :

- loi complexe à mettre en oeuvre pour tous les partenaires, notamment au niveau financier ;

- devant l'incertitude de la participation financière des régions et avec le retrait financier de l'Etat, les villes vont devoir assurer seules ces réformes, ce qui n'est pas envisageable pour les finances communales ;

- manque de clarté de l'Etat sur le calendrier de mise en oeuvre de la loi au vu des retards pris par l'absence de convention avec les départements et les régions sur son application ;

- les décrets sur le classement des établissements créent de nouvelles contraintes en termes d'emploi ;

- le nouveau cahier des charges prévoit une augmentation du nombre d'esthétiques et de disciplines à mettre en oeuvre au sein de l'établissement classé, le tout accompagné par une modification de la qualification de personnel enseignant ;

- charges de travail trop lourdes pour les élèves vis à vis de leur scolarité (bac).

Les communes ou EPCI interrogés sont très partagés quant à la nécessité de retoucher les textes existants.

D'un côté, les élus estiment que la réforme doit avant tout être appliquée complètement, plutôt que d'être modifiée, le principal problème étant le niveau de financement que l'Etat apporte aux régions au titre du CEPI, a priori insuffisant.

D'un autre côté, une réforme des textes est demandée afin de prévoir expressément :

- une meilleure adaptation aux réalités des territoires et des situations très diversifiées, techniquement et financièrement ;

- une meilleure répartition des charges entre collectivités, avec une implication plus forte de l'Etat. La mise en oeuvre de la réforme s'effectue aujourd'hui à budget constant, ce qui paraît insuffisant pour accompagner la montée en puissance des dispositifs notamment le CEPI, ce qui doit être prévu par convention avec les autres collectivités territoriales. Le transfert de compétence doit s'accompagner d'aides financières adéquates ;

- une clarification des objectifs à atteindre en matière d'enseignement supérieur et d'éducation artistique ;

- une clarification des objectifs des CEPI et des conditions d'implantation des centres d'enseignement supérieurs vers lesquels seront orientés les futurs titulaires DNOP ;

- un développement du mécénat ;

- une révision du contenu des programmes du CEPI jugé trop lourd pour les élèves et mal adapté à leur âge.

Enfin, parmi les autres observations ou propositions :

- L'Etat doit contribuer financièrement au démarrage de cette nouvelle phase de la décentralisation en l'accompagnant de la mise en place de pôles d'enseignement supérieur qui permettront de donner une cohérence au CEPI.

- Il est constaté que les sommes transférées aux départements et aux régions correspondent dans le meilleur des cas à la moitié du seul coût du cycle d'enseignement professionnel initial avec un montant supérieur pour des régions comme l'Ile de France ou Rhône-Alpes.

- La nouvelle gouvernance qui va se mettre en place entre les différentes collectivités doit impérativement prendre en compte la collectivité locale qui porte le projet territorial, pédagogique, artistique et qui assure 80% du financement aujourd'hui ; il s'agit d'éviter tout lien de subordination et de travailler sur la complémentarité. Les modalités de conventionnement à mettre en place doivent intégrer ces données et reconnaître la place des villes et/ou intercommunalités qui ont créé ces établissements.

- La réforme ne peut être un succès que si une réelle volonté politique commune émerge.

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