B. RENFORCER L'AUTONOMIE DES FEMMES DANS UNE SOCIÉTÉ MODERNE ET MULTICULTURELLE

L'égalité entre les hommes et les femmes fait partie de cette conception modernisée des droits de l'Homme que promeut le Conseil de l'Europe depuis quelques années. La commission dévolue à ce sujet, créée en 1998, a relayé au niveau parlementaire la coopération européenne en la matière mise en place par le Comité des ministres dès 1979. 25 de ses rapports ont depuis été discutés lors des sessions de l'Assemblée.

Le texte présenté devant l'Assemblée lors de la présente partie de session peut, à cet égard, apparaître comme un rapport d'étape, invitant les États membres à préserver les acquis obtenus en matière de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe et de combat contre les violences faites aux femmes. La commission appelle également à franchir une nouvelle étape en faveur de l'accès des femmes aux postes décisionnels, tant politiques qu'économiques.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR), intervenant au nom du groupe GUE, a tenu à souligner les menaces pesant encore sur l'émancipation féminine :

« Notre groupe vous remercie, Madame la Rapporteure, pour le travail présenté sur cette question. Vous connaissez le mot de Jeanine Mossuz-Lavau : « Les femmes ne sont pas des hommes comme les autres !» Représentant 51,2 % de la population européenne, les femmes ne disposent toujours pas de la même autonomie que les hommes alors que l'on entend proclamer en Europe que le vingt-et-unième siècle sera celui de la modernité.

C'est vrai que depuis la seconde moitié du vingtième siècle, leur sort s'est considérablement amélioré et qu'elles ont réussi, au prix de combats acharnés, à acquérir des droits leur donnant une autonomie encore jamais connue à ce jour. Mais les faits montrent que l'autonomie des femmes, même consacrée par le droit, n'est souvent qu'illusion. Vous savez, par exemple, que les femmes ne représentent que 23,6 % des parlementaires des États membres de l'Union européenne. Qu'elles ne sont que 10,9 % à prendre part aux décisions des cinquante premières sociétés européennes. Les députés français de gauche ont d'ailleurs fait introduire, dans le projet de loi de modernisation de l'économie en cours de discussion, un amendement imposant la parité dans les conseils d'administration des grandes sociétés.

La « domination masculine » est encore très prégnante, non seulement symboliquement dans les représentations sociales, mais également factuellement dans l'absence d'effectivité de certains droits consacrés. La représentation viciée de la femme, que l'on retrouve dans tous les interstices de la société, s'accompagne aujourd'hui de réelles remises en cause - souvent de façon insidieuse - de ces droits acquis.

Dans le discours d'abord, où la rhétorique sur le rôle domestique naturel de la femme est de retour. Certains osent affirmer que la cause des dysfonctionnements sociaux et de la délinquance réside dans un soi-disant abandon du foyer par les femmes. Les enfants seraient alors privés de leurs repères !

Dans les faits ensuite : la régression de l'autonomie des femmes est due à l'inapplication des droits acquis. Les violations ne sont alors pas patentes.

Notre Conseil a montré, lors de sa dernière session, ce qu'il en était de la réalité de la mise en oeuvre du droit à l'avortement et du chemin qu'il reste à parcourir. Que penser aussi de la remise en cause de la médecine réservée aux femmes, c'est-à-dire la gynécologie ? Comment ne pas s'indigner de l'iniquité des régimes de retraite fondés sur la durée de cotisations alors que l'on sait que les femmes qui ont des enfants ont des périodes de cotisation réduites et souvent des emplois à temps partiel et qu'elles ne perçoivent de ce fait que des retraites à temps partiel ?

Ce phénomène de régression est d'autant plus inquiétant que les fondamentalismes religieux et moraux apparaissent en plein essor. Et je salue ici l'action du Conseil de l'Europe en faveur d'une participation croissante des femmes dans le dialogue interculturel et religieux. Je n'ai pas le temps d'aborder la question du lien entre laïcité et droits des femmes, mais nous devons toujours garder à l'esprit leur connexion.

L'Europe qui se dessine est une Europe marchande qui crée des conditions sociales de la subordination des femmes. C'est une Europe à l'image de sa constitution refusée par les peuples, c'est-à-dire une Europe a minima qui privilégie les rapports de domination économique, sociale et culturelle.

Quid des droits des femmes dans la charte des droits fondamentaux dont on nous avait loué les vertus ? Nous ne voyons pas dans cette Europe-là la modernité promise. C'est pourquoi nous devons être vigilants et intransigeants et refuser la régression de ces valeurs au nom d'un relativisme culturel. L'Assemblée parlementaire a d'ailleurs prescrit que « les État ne doivent accepter aucun relativisme religieux ou culturel en matière de droits des femmes » dans sa résolution n° 1464 de 2005.

La norme juridique - dont nous sommes les auteurs en tant que parlementaires - atteint donc ses limites comme instrument de promotion d'une société fondée sur des rapports respectueux et égalitaires, car les mentalités et les représentations sociales y sont trop fortement opposées. Le droit fait même apparaître des inégalités entre les femmes, car elles n'en bénéficient pas toutes de la même façon selon leur situation socio-économique et culturelle.

Nous devons donc agir sur les esprits. Je propose donc que le Conseil de l'Europe multiplie les campagnes en faveur du renforcement de l'autonomie des femmes parallèlement à la promotion de nouveaux droits des femmes. C'est ce que notre Assemblée parlementaire a commencé de faire avec la « Campagne contre la violence faite aux femmes » qui vient de s'achever. Cette campagne ne concernait pas moins de 80 millions de femmes en Europe et ne peut que contribuer au changement des mentalités.

Nous devons aujourd'hui utiliser la loi pour forcer les mentalités à ne pas accepter certains comportements et non pour multiplier les droits-créances. Il faut que les droits des femmes ne soient pas que des droits formels, mais aussi des droits réels. Là réside en fait notre tâche. Tel est le sens du rapport et de la résolution que notre groupe entend soutenir. »

Aux termes du texte, le contexte économique, culturel ou religieux ne peut justifier une quelconque régression en matière de droits de la femme. L'éducation et la formation des jeunes filles et jeunes femmes apparaît également comme une priorité, la résolution appelant même à la mise en oeuvre, par les États membres, d'une aide financière dans ce domaine. Elle invite, par ailleurs, le Conseil de l'Europe à organiser une conférence régionale européenne, destinée à préparer la cinquième conférence mondiale des Nations unies sur les femmes.

Ce dernier point n'est pas sans susciter certaines interrogations quant à la portée des initiatives de la commission en la matière. En effet, la recommandation n° 1716 (2005) , adoptée par la Commission permanente le 1 er septembre 2005, invitait déjà le Comité des ministres à organiser une conférence régionale européenne à l'horizon 2007.

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