III. LES NOUVEAUX MÉDIAS, UNE MENACE POUR LA JEUNESSE ?

A. UNE INTIMITÉ MENACÉE

1. La divulgation des informations personnelles

Si les débats sur le fichier Edvige ont permis de rappeler l'attachement des Français à la protection des données, force est de constater que cette réflexion n'est pas tout à fait menée à son terme lorsqu'il s'agit de la publicité des informations mises en ligne sur le réseau, notamment sur les chats, les blogs, et les réseaux sociaux.

Rappelons, à titre liminaire, que la menace de voir son intimité exposée sur la place publique du village global pèse sur tout le monde. Ainsi le site Note2be avait-il proposé que les élèves notent leurs professeurs en diffusant des informations nominatives accessibles à tous. Par ailleurs, de nombreux blogs de lycéens diffusent des photos de leurs professeurs ou de leurs camarades, sans que cela soit contrôlable par l'éducation nationale 39 ( * ) ou les parents d'élèves. Mme Isabelle Falque-Pierrotin parle à cet égard « d'amaigrissement de la sphère de l'intime », et remarque que les employeurs éventuels utilisent les moteurs de recherche et les sites communautaires pour évaluer les personnes qu'ils recrutent 40 ( * ) .

S'agissant des mineurs, dont la protection doit être renforcée, cette problématique est particulièrement d'actualité.

Votre rapporteur se félicite de la délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'intervention de mineurs dans le cadre d'émissions télévisées qui oblige les chaînes à informer les parents et les mineurs du thème, du titre et de l'objet de l'émission au moment de demander leur consentement, d'adapter les conditions de tournage à l'âge des enfants, et de protéger leur identité lorsqu'ils sont mis en cause. Cela permet notamment de faire respecter les dispositions de l'article 39 bis de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui répriment « le fait de diffuser, de quelque manière que ce soit, des informations relatives à l'identité ou permettant l'identification de mineurs ayant quitté leurs parents ou leur responsable légal, suicidés, victimes d'une infraction ou mis en cause » 41 ( * ) .

Sur Internet, en revanche les risques sont multiples du fait de la difficulté du contrôle. Ainsi est-il difficile de faire respecter le droit à l'image lorsque les éditeurs de contenus se comptent par millions (comme sur Dailymotion). En outre, dans certains cas, le droit peut également être obsolète : ainsi, s'agissant des sites communautaires, du type Facebook, le statut des données personnelles, notamment en cas de désabonnement n'est pas défini par la loi . Par ailleurs, alors que ces sites sont susceptibles d'être le lieu d'une atteinte grave au droit à l'image, les messages d'alerte et d'information à destination des mineurs sont au mieux présents à partir d'un lien isolé du site, rédigés en anglais, et au pire n'existent pas.

Le risque de manipulation des jeunes, en raison de leur grande exposition est également bien réel.

Selon une étude réalisée par la Commission européenne en Grande-Bretagne, 5 % des dialogues sur Windows Live Messenger auraient ainsi abouti à des problèmes graves 42 ( * ) . C'est la raison pour laquelle Microsoft a, dans un premier temps, fermé les « chats rooms » ouvertes où toute personne pouvait venir dialoguer et a créé un système de contrôle parental, qui permet, lorsqu'il est activé, de filtrer la création de tout nouveau contact. Votre rapporteur estime que cette initiative est très utile alors que trois millions de Français de 10 à 18 ans se connectent régulièrement, dont près des trois quarts seuls 43 ( * ) .

Afin qu'elle ne pousse pas les enfants à changer de messagerie instantanée, il serait toutefois utile que l'État, soit réglemente dans ce domaine, soit négocie l'instauration d'un contrôle de ce type avec l'ensemble des systèmes de messagerie francophones. L'interdiction pour les mineurs d'utiliser les webcams dans les messageries instantanées, sauf autorisation expresse des parents, serait également une initiative intéressante, permettant d'améliorer la garantie de l'anonymat.

CHIFFRES DU CENTRE ASSOCIATIF ENFANCE ET MÉDIAS - SEPTEMBRE 2007

96 % des 10-17 ans et 77 % des 6-17 ans surfent presque tous les jours sur le Internet

8 ans, c'est l'âge moyen à partir duquel l'enfant a le droit d'accéder à Internet seul

70 % des moins de 18 ans ont déjà chatté sur MSN

72 % des parents admettent laisser leurs enfants surfer seuls

46 % de ces parents pensent qu'il n'y a pas de risque

97 % des parents connaissent l'existence des logiciels de contrôle parental

51 % d'entre eux pensent qu'il est primordial de les améliorer

40 % des familles en ont un sur leur ordinateur

43 % y renoncent par principe

Mais les systèmes de messagerie ne sont pas les seuls concernés par les risques. Les sites communautaires précités et les blogs permettent aux adultes mal intentionnés de retrouver les identités, voire les adresses des jeunes qui naviguent sur la toile et de les contacter, via leur blog, leur courriel personnel, un site communautaire ou même en réalité. Une autre étude récente 44 ( * ) montre ainsi qu'un tiers des adolescents disent avoir été l'objet d'un harcèlement sur Internet. Les adolescentes de plus de 13/14 ans seraient à cet égard particulièrement concernées.

Si le risque de rencontrer des prédateurs sexuels reste faible, la problématique de la protection des mineurs sur les sites de communication doit être bien prise en compte.

A cette fin, votre rapporteur propose d'imposer qu'un message de prévention et d'alerte soit inscrit en première page des plateformes de blogs et de messageries instantanées, ainsi que des sites de réseaux sociaux.

* 39 Voir, à ce titre, L'impuissance de l'école face à l'explosion des blogs, Le Figaro, 10 mai 2005.

* 40 Audition du 10 avril 2008.

* 41 Cette délibération du 17 avril 2007 prévoit que « les services de télévision doivent s'abstenir de solliciter le témoignage d'un mineur placé dans une situation difficile dans sa vie privée lorsqu'il existe un risque de stigmatisation après la diffusion de l'émission, à moins d'assurer une protection totale de son identité (visage, voix, nom, adresse...) par un procédé technique approprié de nature à empêcher son identification. Lorsque des propos dépréciatifs, des témoignages ou des commentaires évoquant des comportements ou des pathologies dont la révélation publique est susceptible de nuire à un mineur sont tenus à l'antenne, l'identité du mineur doit être protégée par les mêmes procédés techniques ».

* 42 Le Figaro, Des adolescents de plus en en plus exposés sur Windows Live Messenger (ex-MSN), Facebook et MySpace, 15 mai 2008.

* 43 Le Parisien, 14 mai 2008.

* 44 Pew Internet & American Life project, Cyberbullying, Amanda Lenhart, 27 juin 2007.

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