8. Éduquer aux médias : qui, quand et comment ?

a) Le rôle central de l'école

Votre rapporteur souhaite tout d'abord souligner qu'il est conscient des contraintes horaires qui s'imposent dans l'école française et qu'il est très difficile de charger davantage les emplois du temps des élèves.

Il estime cependant que des dispositifs ambitieux intégrant cette contrainte peuvent être imaginés. A cet égard, la proposition de M. Eric Besson, dans le cadre des Assises du numérique d'intégrer un module « usage de l'Internet » dans le programme d'éducation civique, lui paraît insuffisante.

En conclusion, tirant les conséquences de ses analyses précédentes, votre rapporteur préconise l'adoption des dispositions suivantes.

Plutôt, comme le propose le rapport de l'IGEN, que réaffirmer le caractère obligatoire de l'EM de l'école au lycée et consacrer l'heure d'éducation civique au premier trimestre, en classe de troisième, à l'éducation aux médias, votre rapporteur souhaite que l'ensemble des cours d'éducation civique au collège et d'éducation civique, juridique et social au lycée aient pour support prioritaire (et non forcément comme thème) les nouveaux médias. Cela aurait pour conséquence directe de forcer les élèves à réfléchir à leurs pratiques et permettrait aux professeurs d'avoir un discours sur l'information diffusée sur la toile 113 ( * ) ;

Comme le préconise le rapport de l'IGEN, votre rapporteur milite pour qu'un temps et un espace bien identifiés soient définis pour cet enseignement, au moins pour les années de collèges. Sur deux niveaux de classe choisis au collège, une dizaine d'heures annualisées d'éducation aux médias en demi-groupe seraient ainsi prévue . Cette initiative permettrait notamment de mettre en valeur la capacité des élèves à créer un discours médiatique, et pourrait s'intégrer dans un projet d'accompagnement à la semaine de la presse. Ce projet associerait obligatoirement des professeurs de plusieurs matières, le lieu serait le CDI et l'animateur principal en serait le professeur documentaliste.

Cela impose d' inscrire l'éducation aux médias en tant que telle dans les missions des documentalistes.

Il suggère aussi de :

- faire figurer les métiers des médias dans le champ des heures de découverte professionnelle en troisième ;

- introduire l'éducation aux médias dans le cadre des « ateliers d'expression artistique » ;

- établir un référentiel de compétences permettant d'établir une progressivité de l'école au lycée et de mettre en place une évaluation à l'intérieur des disciplines ;

- développer des partenariats, notamment avec des professionnels de la presse et des médias. On donnerait ainsi une visibilité et une légitimité institutionnelle, non pas à une discipline, mais à une action interdisciplinaire dans ce domaine.

- et enfin valoriser les bonnes pratiques pédagogiques. Il est notamment important de partir des pratiques culturelles des jeunes, afin qu'elles ne soient pas opposées à la culture classique. C'est donc en travaillant sur les points de contacts et les convergences entre cultures numériques et classiques que l'école aura l'influence la plus grande.

b) L'engagement de Europe

Media Smart est un programme européen d'éducation aux medias à but non lucratif, destiné aux élèves âgés de 6 à 11 ans et axé sur l'impact de la publicité. L'initiative a été prise au Royaume-Uni en novembre 2002 qui en a fait bénéficier une grande part de sa population, et le programme est aujourd'hui opérationnel en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Finlande et en Suède.

Votre rapporteur regrette que ce programme d'éducation aux médias n'ait pas encore été lancé en France, d'autant que les instances européennes l'y incitent fortement.

Media Smart développe et fournit gratuitement et à la demande du matériel pédagogique aux écoles primaires qui éduquent les enfants à la pensée critique sur la publicité dans leur vie quotidienne. Le matériel utilise des exemples concrets et réels de publicité. Le programme est financé par le secteur publicitaire et soutenu par le gouvernement britannique et l'Union européenne.

L'éducation aux médias est une préoccupation importance des autorités européennes. Dans une résolution du 6 septembre 2005 sur la directive « Télévision sans frontières » (89/552/CEE), le Parlement européen demande au Conseil et à la Commission de concevoir et de mettre en oeuvre des programmes d'éducation aux médias visant à promouvoir une citoyenneté active et responsable en Europe. Dans un rapport du 22 novembre 2006 (A6-0399/2006) sur le même sujet, l'éducation aux médias est mentionnée comme une compétence fondamentale . Le 27 avril 2006, le Parlement européen a, quant à lui, adopté une résolution afin de demander à la Commission de présenter une communication sur l'éducation aux médias.

Mme Viviane Reding, commissaire européen chargée de la société de l'information et des médias a à cet égard déclaré qu'il lui semble « bien plus indiqué de promouvoir l'éducation aux médias, en particulier dans le domaine de la publicité, que de soutenir l'interdiction publicitaire et (...) qu'à l'époque du numérique, l'éducation aux médias joue un rôle essentiel pour assurer l'émergence d'une citoyenneté pleine et active ».

Elle poursuit sur la même ligne dans sa communication et considère « qu'il faut sensibiliser davantage les gens aux moyens de s'exprimer efficacement et d'interpréter les informations qu'ils reçoivent notamment par l'intermédiaire des blogs, des moteurs de recherche ou de la publicité. Chacun, jeune ou moins jeune, doit se familiariser avec le nouvel environnement numérique qui nous entoure. Et pour y parvenir, il est plus important d'informer et d'éduquer sans relâche que de légiférer. »

On ne peut mieux résumer le sentiment de votre rapporteur sur cette question. Il considère donc que la présidence française de l'Union européenne doit constituer l'occasion d'attirer l'attention du public français sur les efforts menés à l'étranger sur l'éducation aux médias et sur les voies d'amélioration que la France pourrait emprunter.

L'ÉDUCATION AUX MÉDIAS SELON LA COMMISSION EUROPÉENNE

Une approche européenne de l'éducation aux médias doit les englober tous. Il y a différents niveaux d'éducation aux médias, par exemple :


• se sentir à l'aise face à tous les médias existants, depuis les journaux jusqu'aux communautés virtuelles;


• utiliser activement les médias, notamment à l'aide de fonctions interactives de la télévision, de moteurs de recherche internet ou en participant à des communautés virtuelles, et mieux exploiter le potentiel des médias en termes de divertissement, d'accès à la culture, de dialogue interculturel, d'apprentissage et d'applications de la vie quotidienne (bibliothèques, podcasts, par exemple);


• avoir une approche critique des médias en ce qui concerne la qualité comme l'exactitude du contenu (par exemple, être capable d'apprécier l'information, savoir réagir à la publicité dans différents médias, utiliser les moteurs de recherche intelligemment);


• utiliser les médias de façon créative dès lors que l'évolution des technologies et l'omniprésence d'internet comme canal de distribution permettent à un nombre croissant d'Européens de créer et de diffuser des images, de l'information et du contenu ;


• comprendre l'économie des médias et la différence entre pluralisme et contrôle des médias;


• être au fait des questions de droits d'auteur qui sont essentielles à une « culture de la légalité », surtout chez les jeunes en leur double qualité de consommateurs et de producteurs de contenu.

* 113 Cela impose de former rapidement les professeurs d'histoire-géographie (qui sont déjà les principaux professeurs concernés par l'éducation aux médias)

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page