b) L'école offre un milieu peu adapté aux enfants de deux ans

Au regard de la spécificité de l'enfant de deux ans, il convient de s'interroger sur la réponse apportée par l'école maternelle en termes d'accueil et d'adaptation.

Or l'ensemble des personnes auditionnées par le groupe de travail ont formulé de nombreuses critiques à l'égard des conditions de scolarisation actuelles. Sensibles à ces critiques, votre groupe de travail s'interroge sur la pertinence de poursuivre une politique de scolarisation précoce compte tenu des spécificités inhérentes à l'institution scolaire .

(1) Une classe de très petite section structurellement peu différenciée

Les classes de très petite section ou de petite section qui accueillent les enfants de moins de trois ans fonctionnent le plus souvent sur le modèle classique de la classe avec les contraintes qui lui sont inhérentes - locaux, effectifs, programmes.

Les écoles maternelles ne disposent pas toujours de locaux adaptés aux aptitudes physiques des jeunes enfants . Il est en effet nécessaire de doter ces classes de locaux en rez-de-chaussée avec des sanitaires et des salles périscolaires destinés aux tout-petits. Les lieux de repos sont rarement organisés pour faciliter la prise en compte des rythmes individuels. Le temps de la sieste se situe dans un cadre horaire relativement fixe. Les enfants sont regroupés dans une salle qui sert parfois de dortoir et de salle de motricité.

Ces classes rassemblent un effectif de 25 à 30 élèves, sous la responsabilité d'un adulte, le professeur des écoles. Généralement, l'enseignant est assisté pour les tâches liées aux soins et à l'hygiène des enfants d'un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM), soit à temps partiel, soit à temps complet. Dans la pratique, compte tenu des absences et du caractère facultatif de l'école maternelle, l'effectif présent de ces classes est souvent inférieur au nombre d'enfants inscrits. Toutefois, il faut considérer que ce niveau d'encadrement, qui ne fait pas l'objet d'une réglementation particulière, est pratiqué dans l'ensemble de l'école primaire , alors que les sollicitations des jeunes enfants demandent une attention individualisée.

L'école maternelle a une fonction de première socialisation qui se fonde sur des savoirs. Sa vocation est d'ordre pédagogique et éducatif. Elle se positionne sur des ambitions fortes qui relèvent d'objectifs précis, en premier lieu la maîtrise du langage et d'une culture scolaire. La classe de très petite section est également organisée selon les objectifs communs à l'ensemble de l'école primaire.

Les activités de la classe de très petite section s'organisent comme les autres niveaux de l'école maternelle autour de cinq domaines :

- vivre ensemble ;

- apprendre à parler et construire son langage ;

- agir dans le monde ;

- découvrir le monde ;

- imaginer, sentir, créer.

Le cadre relativement rigide et contraignant de la journée scolaire alternant activités individuelles ou collectives, temps d'apprentissage et phase d'attente, n'est pas sans poser des difficultés d'adaptation à nombre de jeunes enfants qui ne disposent pas encore de la maturité nécessaire pour faire face à toutes ses exigences. Une certaine souplesse devrait nécessairement prévaloir à l'organisation de la journée scolaire des plus jeunes.

L'école maternelle impose souvent à l'enfant la participation à des activités définies par l'enseignant et une succession de tâches à accomplir. Or le jeune enfant a besoin de s'isoler du groupe de ses pairs ou des adultes et de s'adonner librement à des jeux. Les jeux libres sont généralement peu présents en maternelle. Les enseignants sont, logiquement, orientés vers l'apprentissage et l'acquisition de connaissances, même si le temps susceptible d'y être consacré par un enfant de deux ans est extrêmement court et que le taux d'apprentissage scolaire est relativement réduit.

Par ailleurs, l'organisation de l'après-midi est parfois réduite à la sieste et à un temps de récréation, en attendant « l'heure des mamans ». « La sieste doit commencer dès la fin du repas, afin de respecter les besoins physiologiques des tout-petits, ce qui permet de proposer ensuite d'autres activités avant la récréation et le temps de regroupement pour revenir sur des événements de la journée et aider les enfants à trouver du sens à leur vie à l'école » . 16 ( * )

(2) Les apprentissages langagiers et le destin linguistique

La période deux-trois ans est l'âge fondamental de l'acquisition du langage . Les travaux de différents linguistes montrent que la parole de l'adulte est fondamentale pour l'acquisition du langage chez le jeune enfant.

Les programmes d'enseignement de l'école primaire, élaborés en 2002, précisent ainsi qu' « en accueillant des enfants de plus en plus jeunes, l'école maternelle a fait du langage oral l'axe majeur de ses activités » . Au sein de l'école maternelle, le langage est au centre des pratiques et des sollicitations. Sa maîtrise est essentielle pour la poursuite d'une scolarité réussie.

Or, la présence d'un nombre réduit d'adultes pour un grand nombre d'enfants ne favorise pas l'acquisition du langage, au risque d'entraver la constitution du stock linguistique, surtout si la langue maternelle est différente de celle de l'école. M. Alain Bentolila, linguiste, affirme ainsi que « scolariser trop tôt, c'est renforcer le ghetto » . Condamnés alors à communiquer avec leurs pairs, ces jeunes enfants sont ainsi privés de la parole bienveillante d'un adulte, disponible et exigeant.

La question de la maîtrise du vocabulaire est essentielle pour apprendre à parler, à écrire et pour prévenir l'échec au collège. La rupture scolaire se situe le plus souvent sur le plan du langage. Le cadre actuel de l'école maternelle qui ne favorise pas une interaction forte avec un adulte référent ne fournit pas, pour les plus jeunes enfants, les marges de manoeuvre nécessaires à la prise en compte et à la progression des enfants en difficulté.

(3) Le temps périscolaire : une nécessaire vigilance

Le respect des rythmes de l'enfant n'est pas circonscrit à la seule entité de l'école maternelle. Lors de l'inscription en école maternelle, il est proposé aux parents un accueil périscolaire, qui précède ou prolonge les horaires habituels de class e.

Certes, les éléments d'enquête dont nous disposons relèvent qu'une scolarisation à plein temps ne constitue pas le mode majoritairement choisi par les familles. Le plus souvent, les enfants scolarisés à deux ans sont pris en charge après l'école par leurs parents qui s'organisent pour être présents dès la fin de la classe.

Cependant, pour certains enfants, le fait d'être scolarisé nécessite des modalités d'accueil plus étendues, de type garderie périscolaire, prolongeant d'autant le temps passé hors de la sphère familiale. Le recours à la garderie périscolaire est davantage un phénomène urbain et même parisien .

D'après l'enquête Modes d'accueil et de garde des jeunes enfants réalisée par la DRESS en juin 2002, 66 % des enfants de deux à six scolarisés à temps plein sont gardés uniquement par leurs parents à la sortie de l'école, 15 % fréquentent la garderie périscolaire, 2 % combinent la garderie périscolaire avec un autre mode de garde et 17 % sont confiés à une tierce personne. Les enfants de deux ans sont davantage que la moyenne accueillis par leurs parents et donc fréquentent moins la garderie périscolaire.

Lorsque les deux parents sont actifs, ils sont encore 52 % à aller chercher leur enfant scolarisé en école maternelle et 22 % ont recours à la garderie périscolaire.

* 16 Agnès Florin L'école primaire en France Rapport au Haut Conseil de l'éducation janvier 2007.

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