B. UNE FAUSSE BONNE IDÉE POUR LA RÉUSSITE SCOLAIRE
La question de la scolarisation précoce a souvent été posée sous l'angle de la prévention des inégalités sociales et de la réussite scolaire ultérieure, tout particulièrement envers les enfants de milieu social défavorisé . Auparavant, se dessinait la conviction que plus l'entrée dans l'institution scolaire s'effectuait tôt, plus on augmentait les chances de réussite scolaire. Face à l'échec scolaire, la réponse choisie par notre pays a été celle de plus d'école tout au moins dans sa durée de fréquentation, sous couvert de l'idée sous-jacente que les premières années de scolarité sont déterminantes.
Cette orientation de la politique scolaire fait aujourd'hui l'objet d'un constat plus nuancé . En effet, les études et enquêtes menées sous l'égide du ministère de l'éducation nationale montrent assez nettement que la scolarisation à deux ans ne suffit pas à compenser les différences liées à l'appartenance sociale, ni les écarts de réussite liés au trimestre de naissance. Une scolarité maternelle en quatre ans ne constitue que très marginalement un facteur de réduction des inégalités sociales ou de l'échec scolaire.
1. Un bénéfice scolaire très relatif et peu durable pour les enfants scolarisés à deux ans
Les travaux de recherche les plus récents sur les retombées scolaires de la scolarisation à deux ans en école maternelle se fondent sur le panel d'élèves entrés en classes préparatoires en 1997.
La mesure des effets d'une scolarisation précoce sur la scolarité ultérieure de ces enfants porte d'une part, sur le niveau de compétences acquis à un moment donné, et d'autre part, sur la probabilité d'accès à la classe supérieure sans redoublement.
a) Des acquis qui s'estompent au cours de la scolarité élémentaire
Alors que les études réalisées au début des années 1990 tendaient à valoriser en termes d'acquisitions le bénéfice d'une scolarisation à deux ans par rapport à une entrée à trois ans à l'école maternelle au cours de la scolarité élémentaire, tout en considérant le rôle déterminant joué par le milieu social d'origine, l'étude du panel de 1997 nuance fortement ces conclusions.
Le suivi de cette cohorte 18 ( * ) a ainsi montré que même si les enfants entrés à deux ans à l'école maternelle parviennent en CP avec un niveau de compétences supérieur en moyenne à celui des autres élèves, celui-ci ne perdure pas, tout particulièrement à l'entrée en sixième : moins de 4 points en mathématiques et moins de 2 points en français les séparent. Les résultats aux épreuves nationales d'évaluation de sixième ne font pas apparaître aucune différence significative, si on tient compte des paramètres démographiques et sociaux.
NIVEAU DE COMPÉTENCES EN FRANÇAIS ET EN MATHÉMATIQUES SELON LE PASSÉ SCOLAIRE DE L'ÉLÈVE (EN %)
Age d'entrée
|
Proportion d'élèves |
|
ayant atteint la médiane en français à l'évaluation de 6 e |
ayant atteint la médiane en maths à l'évaluation de 6 e |
|
2 ans |
51,1 |
53,8 |
3 ans |
49,5 |
49,9 |
4 ans et plus |
40,8 |
39,7 |
Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche DEPP, panel d'élèves du premier degré recruté en 1997.
Le bénéfice lié à une scolarisation précoce n'apparaît donc guère durable. C'est au cours du cycle III qu'il s'estompe . L'écart de réussite entre les élèves scolarisés à deux ans et ceux entrés à l'école maternelle à trois ans atteint 5 points à l'entrée au CE2, mais plus que 3 points en début de scolarité secondaire. Force est de reconnaitre que le gain entre trois et quatre années passées à l'école maternelle peut être qualifié de minime .
Par ailleurs, l'ensemble des études relève que les quelques effets positifs d'une entrée à l'école maternelle dès deux ans semblent relativement limités par rapport aux autres variables déjà mentionnées que sont le milieu social ou le trimestre de naissance.
* 18 Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald Les inégalités de réussite à l'école élémentaire : construction et évolution Portrait social 2006