D. DÉVELOPPER L'INTERCOMMUNALITE ET MUTUALISER LES MOYENS

1. L'intercommunalité, recours indispensable des communes polynésiennes

Au sein du statut de 1996, seul l'article 96 abordait le problème de l'intercommunalité de façon indirecte puisque cet article traite des concours de l'État. Désormais 7 articles du statut abordent la question de l'intercommunalité au sein de la loi organique et de la loi simple.

A cet égard, l'ordonnance du 5 octobre 2007 crée un titre IV au sein de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales pour étendre à la Polynésie française les dispositions communes aux différents établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle étend surtout les dispositions concernant les syndicats de communes, les communautés de communes et les communautés d'agglomération , alors que ces deux dernières catégories n'existaient pas encore en Polynésie française.

Le rapport de présentation de l'ordonnance au Président de la République explique ainsi que « la création de communautés de communes et de communautés d'agglomération devra permettre à terme l'émergence d'une culture de l'intercommunalité qui dépasse le cadre existant des syndicats intercommunaux. La création d'établissements publics de coopération intercommunale doit, en particulier, permettre aux communes qui le souhaiteront d'optimiser la gestion en commun de certaines compétences dont le coût est élevé, comme le traitement des déchets, l'assainissement ou les transports ».

L'Etat devrait contribuer à cette évolution au moyen d'une dotation d'intercommunalité prélevée sur la dotation d'aménagement de la dotation globale de fonctionnement, comme en métropole. L'institution d'une quote-part pour les établissements de coopération intercommunale de la Polynésie française leur permettra de bénéficier d'un niveau de dotation équivalent à celui des EPCI de métropole.

L'intercommunalité représente souvent le seul moyen pour des communes dont la population et les moyens sont restreints d'assumer l'intégralité de leurs compétences. Elle est en particulier la seule réponse aux exigences de plus en plus fortes des citoyens, ainsi que le seul moyen de respecter les normes de sécurité en évolution constante (en matière d'environnement notamment). Elle donne également la possibilité d'assurer des économies permettant de dégager des marges d'investissement. Elle constitue un outil indispensable dans le cadre de la politique de la ville.

Lors d'une réunion avec les représentants du Syndicat pour la promotion des communes et des établissements publics de coopérations intercommunale, vos rapporteurs ont observé que le recours à l'intercommunalité tendait à se développer.

La Polynésie française compte aujourd'hui 11 syndicats de communes, dont le SIVOM des Tuamotu-Gambier, le SIVOM des îles Australes, le Syndicat pour la promotion des Communes de Polynésie française (SPCPF), le Syndicat central de l'hydraulique, le Syndicat pour l'électrification des Communes du Sud de Tahiti (SECOSUD) et le Syndicat mixte du contrat urbain de cohésion sociale de l'agglomération de Papeete.

Le syndicat pour la promotion des communes

Créé en 1980, le syndicat pour la promotion des communes de la Polynésie française (SPCPF), est un syndicat intercommunal qui regroupe 45 des 48 communes de la collectivité.

Doté d'un budget annuel de 2,8 millions d'euros, il a pour compétences obligatoires :

- la promotion de l'institution communale en Polynésie française et hors de la Polynésie française;

- la formation et l'information des personnels communaux et des élus municipaux ;

- l'information et la documentation sur tous les sujets relatifs au champ communal.

Il exerce en outre des compétences optionnelles de soutien pour :

- l'adduction d'eau potable : études préalables, conseil et assistance pour la gestion, conduite de la maîtrise d'oeuvre des travaux ;

- l'informatique communale : conseil en matière d'élaboration, de maintenance et d'assistance à l'utilisation de banques de données et de logiciels informatiques ;

- la restauration scolaire du premier degré : études et conseil pour une gestion réglementée.

Présidé par M. Teriitepaiatua Maihi, maire délégué de Teavaro (Moorea), le SPCPF comporte un comité syndical constitué de 90 délégués élus par leur conseil municipal (2 délégués par commune adhérente), un bureau syndical composé de 14 élus émanent du comité syndical et représentant les 5 subdivisions et une équipe technique de 27 personnes.

M. Gaston Tong Sang, président de la Polynésie française, maire de Bora Bora et alors président du SPCPF, a indiqué que ce syndicat envisageait la mutualisation de nouveaux moyens, en particulier en matière juridique , afin de renforcer son activité de conseil aux communes qui n'ont pas les moyens de recruter des juristes.

* Le syndicat mixte du contrat urbain de cohésion sociale de l'agglomération de Papeete

M. Roméo Le Gayic, conseiller municipal de Papeete, président du syndicat mixte pour la gestion du contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) de l'agglomération de Papeete, a expliqué à vos rapporteurs que ce syndicat mixte regroupait neuf communes, sur des projets visant en priorité le soutien scolaire, la santé, l'insertion et le logement.

Le contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) de l'agglomération de Papeete pour les années 2007 à 2009 a été signé avec l'Etat le 30 janvier 2007. Il comporte cinq priorités :

- l'accès à l'emploi et l'insertion par l'activité économique ;

- l'amélioration de l'habitat et du cadre de vie ;

- la réussite éducative ;

- la prévention de la délinquance ;

- l'amélioration de la santé.

L'Etat s'engage à verser chaque année un montant minimal de 1,8 million d'euros en provenance du secrétariat d'Etat à l'outre-mer et de 1,06 million d'euros en provenance du ministère en charge de la politique de la ville, auxquels se sont ajoutés, pour 2007, 407 676 euros de crédits pour la réussite éducative. En outre, la Polynésie française s'engage à participer à ce contrat à hauteur de 1,26 million d'euros.

Cette enveloppe annuelle de 3,27 millions d'euros, en augmentation par rapport au précédent contrat qui portait sur la période 2005-2006, a permis d'inclure deux nouvelles communes dans le périmètre de ce contrat de ville : Papara et Moorea.

Au 30 juin 2008, le taux d'exécution de ce CUCS était de 36 %, et le taux des mandatements par rapport aux engagements pris atteignait 45 %.

* Le syndicat intercommunal à vocation multiple des Tuamotu-Gambier (SIVMTG)

M. Raymond Voirin, maire de Fangatau, a indiqué à vos rapporteurs que le SIVMTG, créé en 1974 sous la forme d'un secrétariat de mairie intercommunal, regroupait aujourd'hui 17 communes des Tuamotu-Gambier, soit 46 communes associées. Ce syndicat apporte aux maires un soutien technique et administratif, en assurant notamment le lien entre les communes membres et Papeete.

2. Les perspectives de développement de l'intercommunalité pour la gestion des services de proximité

L'ordonnance du 5 octobre 2007 étend à la Polynésie française les dispositions relatives à la création, aux organes et au fonctionnement des communautés de communes et des communautés d'agglomération .

Les dispositions financières sont également rendues applicables, ce qui permettra à ces EPCI de bénéficier de la dotation globale de fonctionnement (DGF) bonifiée, au même titre que celle perçue par les EPCI à fiscalité propre de métropole.

En outre, pour tenir compte des contraintes géographiques, la DGF bonifiée des communautés de communes dont les communes sont dispersées sur plusieurs îles est doublée .

Par ailleurs, des dispositions spécifiques aux compétences des communautés de communes de la Polynésie sont créées, afin de prendre en compte leurs particularités géographiques. Ainsi, ces communautés pourront exercer , à titre de compétences optionnelles, des attributions en matière de traitement des déchets, d'assainissement et d'eau, de transports inter-îles ou encore d'assistance à maîtrise d'ouvrage .

M. Gaston Tong Sang, président de la Polynésie française, maire de Bora Bora et alors président du Syndicat pour la promotion des communes, a souligné que pour l'exercice de certaines compétences telles que l'adduction d'eau potable, le recours à un établissement public intercommunal regroupant toutes les communes devait être envisagé .

Rappelant que le coût de l'accès à l'eau potable en Polynésie était en général inversement proportionnel aux moyens des communes, les communes peuplées des Iles du Vent disposant de ressources abondantes alors que les Tuamotu, peu peuplées, doivent recueillir l'eau de pluie, il a estimé qu'une telle structure pourrait assurer une système de péréquation.

L'intercommunalité globale pour la gestion de l'eau permettrait de réduire les coûts d'investissement et se fixerait pour objectif de distribuer l'eau au même prix pour tous les habitants de la Polynésie française . Il a souligné que les carburants étaient déjà vendus au même prix sur l'ensemble du territoire.

M. Gaston Tong Sang a relevé que ce type d'établissement intercommunal regroupant les 48 communes constituerait en outre un contre-pouvoir face à la collectivité d'outre-mer et renforcerait la position des communes. Un équilibre devrait donc être trouvé entre le pays et l'intercommunalité afin de réduire les coûts d'investissement et d'apporter au plus grand nombre de meilleures conditions d'accès aux services de base.

Le recours à l'intercommunalité apparaît également indispensable pour la gestion des déchets.

M. Gaston Tong Sang a jugé que la Polynésie française devait mettre en oeuvre une décentralisation articulant les compétences respectives de la collectivité et des communes.

Vos rapporteurs considèrent que le développement de l'intercommunalité doit être conduit en concertation avec la collectivité, afin d'assurer le financement partagé des compétences exercées.

3. L'intercommunalité et les archipels : pour une communauté de communes des Marquises

Les maires des Iles Marquises ont indiqué à vos rapporteurs qu'ils souhaitaient s'organiser afin de contrebalancer la tutelle financière de la collectivité. Jugeant excessif le délai d'obtention des autorisations d'urbanisme auprès des services de Papeete, situés à 1.400 km, ils ont exprimé la volonté d'exercer cette compétence en commun, en mutualisant les services nécessaires.

Ils envisagent également d'exercer en commun les compétences relatives au transport inter-îles, les communes assurant déjà avec leurs faibles moyens les transports scolaires qui devraient être assumés par la collectivité.

Au cours d'échanges très fructueux, vos rapporteurs ont expliqué aux élus des Marquises que le recours à une communauté de communes regroupant toutes les communes de l'archipel leur permettrait d'assumer ensemble une série de compétences, de façon beaucoup plus pertinente qu'un conseil d'archipel.

* La tentative inaboutie de créer des conseils d'archipel

L'affirmation du mouvement des Iliens au sein de l'assemblée de la Polynésie française conduit à s'interroger sur les modalités de représentation des archipels au sein des institutions de la Polynésie française.

En effet, l'article 10 de la loi n° 90-612 du 12 juillet 1990 modifiant la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française prévoyait la création de conseils d'archipel, dotés d'un rôle consultatif. Ces dispositions constituaient l'article 89 bis du statut de 1984 :

« Art. 89 bis. - Il est institué dans les îles du Vent, les îles Sous-le-Vent, les îles Australes, les îles Tuamotu et Gambier et les îles Marquises, un conseil d'archipel composé des membres de l'assemblée territoriale et des maires élus de ces îles . Le président de chaque conseil est élu en son sein chaque année .

« Ces conseils sont obligatoirement consultés par le président du gouvernement du territoire sur les plans de développement et sur les contrats de plan, les mesures générales prises pour leur application ainsi que sur les dessertes maritimes et aériennes les concernant .

« Dans les matières économiques, sociales ou culturelles intéressant l'archipel, notamment la carte scolaire, l'emploi et la formation professionnelle, le développement des langues et des cultures locales, les conseils d'archipel émettent des avis, soit de leur propre initiative, soit sur demande du président du gouvernement du territoire, du président de l'assemblée territoriale ou du haut commissaire .

« Le président du gouvernement du territoire peut les consulter sur l'attribution individuelle d'aides aux entreprises locales .

« Le président du gouvernement du territoire ou son représentant, le haut commissaire ou son représentant assistent de droit aux séances des conseils d'archipel. Ils y sont chacun entendus à leur demande .

« L'assemblée territoriale précise par délibération l'organisation et le fonctionnement de ces conseils. »

Les conseils d'archipel n'ont finalement pas été créés, l'assemblée territoriale n'ayant pas adopté de délibération relative à leur organisation et à leur fonctionnement.

Le projet de loi organique portant statut d'autonomie de 1996, tirant les leçons de cet échec, prévoyait, d'une part, l'abrogation de l'article 89 bis du statut de 1984 et, d'autre part, l'intégration au sein du Conseil économique, social et culturel, de représentants des activités exercées dans les archipels autres que celui des Iles du Vent (cinquième collège).

Le CESC, « considérant que cette nouvelle formation composée d'élus communaux risquait de dénaturer l'institution en introduisant un élément de politisation » 59 ( * ) à donné un avis défavorable à cette proposition, qui fut supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

Le Sénat ayant maintenu cette suppression, l'article 89 bis créé en 1990 fut abrogé par la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, sans être remplacé par un autre dispositif destiné à assurer une représentation spécifique aux archipels dans le système institutionnel polynésien.

* La communauté de communes : une structure adaptée à la situation des Iles Marquises

La création d'une communauté de communes permettrait aux communes des Marquises d'élaborer un schéma de cohérence territoriale et un schéma directeur de développement des activités économiques. Cet EPCI pourrait également mieux assurer la protection de l'environnement, organiser le traitement des déchets ou élaborer un schéma de transport inter-îles.

Les maires de Nuku Hiva, Ua huka et Ua Pou, et Mme Deborah Kimitete, conseillère municipale de Nuku Hiva ont en outre évoqué la constitution d'un dossier visant à obtenir l'inscription de l'archipel au Patrimoine mondial de l'Unesco . Ils ont souligné que leur demande devrait prendre en considération le patrimoine naturel et la richesse culturelle des Marquises.

Vos rapporteurs estiment que cette initiative doit être encouragée et que la création d'une communauté des Marquises permettrait sans doute de rassembler les énergies nécessaires au succès d'un tel projet.

Aussi vos rapporteurs encouragent-ils les maires des six îles concernées à utiliser la nouvelle possibilité offerte par l'ordonnance du 5 octobre 2007, qui a étendu à la Polynésie française la création des communautés de communes. Ils soulignent que la création d'un conseil d'archipel nécessiterait en revanche l'adoption d'un nouveau texte législatif et ne comporterait pour les communes aucune assurance de pouvoir exercer en commun les compétences choisies.

Toutefois, les dispositions du code général des collectivités territoriales portant extension et adaptation à la Polynésie française du droit applicable aux communautés de communes, en application de l'ordonnance du 5 octobre 2007, requièrent une analyse approfondie.

En effet, aux termes de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales applicable à la Polynésie française, la communauté de communes exerce de plein droit, au lieu et place des communes membres, pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire, des compétences relevant de l'aménagement de l'espace et des actions de développement économique intéressant l'ensemble de la communauté.

Elle doit par ailleurs exercer dans les mêmes conditions des compétences relevant d'au moins un des groupes suivants :

- protection et mise en valeur de l'environnement , soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie et traitement des déchets ;

- politique du logement et du cadre de vie ;

- création, aménagement et entretien de la voirie ;

- construction, entretien et fonctionnement d' équipements culturels et sportifs et d' équipements de l'enseignement préélémentaire et élémentaire ;

- action sociale d'intérêt communautaire ; lorsque la communauté de communes exerce cette compétence, elle peut en confier la responsabilité pour tout ou partie à un centre intercommunal d'action sociale;

- tout ou partie de l'assainissement .

- tout ou partie du service d' eau potable ;

- le transport entre les îles et l'assistance à maîtrise d'ouvrage, si les communes membres sont dispersées sur plusieurs îles.

Cependant, les communautés de communes de Polynésie française doivent exercer leurs attributions :

- sous réserve des compétences de la collectivité ;

- dans le respect des dispositions du II de l'article 43 de la loi organique du 27 février 2004, qui dispose que les communes peuvent, certes, intervenir en matière d'aides et interventions économiques, d'aide sociale, d'urbanisme, de culture et de patrimoine local, mais dans les conditions définies par les actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays » et la réglementation édictée par la Polynésie française , et sous réserve du transfert des moyens nécessaires à l'exercice de ces compétences.

Par conséquent, une « loi du pays » semble nécessaire pour permettre aux communautés de communes créées en Polynésie française d'exercer leurs compétences obligatoires en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique.

Ce constat illustre à quel point l'action des communes est aujourd'hui enserrée par le statut organique de 2004 qui, tout en accordant aux communes une place inédite, subordonne leur émancipation à l'accord de la Polynésie française.

Vos rapporteurs estiment cependant que le présent rapport démontre la nécessité, pour la collectivité, de permettre aux communes d'assumer pleinement leurs compétences et de les accompagner dans le développement de l'intercommunalité.

Ils considèrent que lors de la discussion du projet de loi organique visant à renforcer la place et les moyens des communes polynésiennes, les dispositions du statut de 2004 devront être modifiées, afin de permettre aux communes d'accéder aisément à l'exercice de compétences plus étendues et de créer des EPCI autonomes .

4. Les perspectives de désenclavement des Marquises

Les Iles Marquises connaissent des difficultés de transport inter-îles qui se sont accentuées avec la suppression de l'hélicoptère qui permettait jusqu'en 2007 des déplacements rapides au sein de l'archipel. Leur éloignement par rapport à Tahiti pose en outre la question de l'aménagement de nouvelles infrastructures qui leur permettrait d'échanger directement avec la zone occidentale du Pacifique (Hawaii).

Ainsi, M. Oscar Temaru, président de la l'assemblée de la Polynésie française, maire de Faa'a, a indiqué à vos rapporteurs que la construction aux Marquises d'un aéroport international et d'un port de pêche permettrait de développer cet archipel. Il a expliqué que des bateaux de pêche financés grâce à des mesures de défiscalisation étaient à l'arrêt dans le port de Papeete, les ressources halieutiques étant plus faibles dans les eaux environnantes, alors qu'elles sont plus importantes aux Marquises.

Il a jugé que la création d'un aéroport international aux Marquises donnerait à la Polynésie française une meilleure ouverture vers les Etats-Unis, l'archipel étant situé à 4.000 km de Hawaii.

Les maires de Hiva Oa, Tahuata et Fatu Hiva (Marquises sud) ont indiqué à vos rapporteurs que l'aménagement d'un port permettant d'accueillir les cargos et les paquebots assurerait un meilleur approvisionnement de l'archipel et garantirait la possibilité aux touristes de débarquer, alors qu'aujourd'hui une faible houle de 50 centimètres à 1 mètre les en empêche.

Ils ont expliqué que les cargos circulaient de Panama à Papeete sans pouvoir s'arrêter aux Marquises en l'absence de port adapté, si bien que les marchandises destinées aux Marquises devaient ensuite revenir de Papeete. Ils ont souligné qu'un port de plus grande taille permettrait aux habitants de faire l'économie du fret entre Papeete et les Marquises.

Ils ont en revanche considéré que si la construction d'un aéroport régional pouvait être envisagée, l'aéroport international, qui ne pourrait être construit qu'à Nuku Hiva, constituait surtout, à leurs yeux, un outil politique.

Les maires ont souligné que l'éloignement des Marquises et le manque d'infrastructures portuaires les rendaient dépendants à l'égard de Papeete et des entreprises gérant en monopole ou en oligopole l'approvisionnement en hydrocarbures et le fret.

*

* *

Après un périple de douze jours en Polynésie française, vos rapporteurs, dont ce n'était pas la première visite, ont pleinement mesuré l'étendue géographique et la richesse culturelle d'une collectivité dont la connaissance approfondie demanderait des années.

Chaque visite, chaque rencontre a apporté la confirmation de l'attachement des Polynésiens à la France. Vos rapporteurs ont par ailleurs ressenti l'engagement des élus locaux à développer les archipels et à assumer les lourdes compétences confiées par la réforme communale.

La Polynésie française vit depuis quelques années une transition où se conjuguent l'apprentissage d'une autonomie étendue, la jeunesse de la population, une recomposition politique mouvementée et la construction de nouveaux rapports avec l'État.

Vos rapporteurs considèrent que l'État doit justement jouer tout son rôle afin d'accompagner la Polynésie française dans cette transition.

Le succès de cette mutation suppose également une plus grande transparence dans la vie politique polynésienne , dont la loi organique du 7 décembre 2007 tend à favoriser les conditions. Vos rapporteurs accorderont en outre la plus grande attention aux textes et aux mesures qui pourraient renforcer véritablement, à l'avenir, la place des communes polynésiennes.

La collectivité et les maires doivent conjuguer leurs efforts pour réussir la réforme communale. Le statut de 2004 donne au pays des instruments pour conduire une réforme communale qu'il n'a malheureusement pas mis en oeuvre. Les communes sont trop longtemps restées les vassales de la collectivité , maintenues en minorité et gratifiées, en fonction des accointances politiques, de subventions aussi arbitraires qu'incertaines.

La Polynésie française, qui détient la compétence en matière fiscale, doit rénover sa fiscalité en concertation avec les communes et déléguer à celles-ci, lorsqu'elles le souhaitent, des compétences de proximité, notamment en matière d'urbanisme ou de gestion du patrimoine local.

Il apparaît en outre indispensable de constituer le domaine public des communes, en retirant à la collectivité une part non utilisée de son domaine. Les communes doivent également avoir les moyens de créer des CCAS et de conduire une politique sociale de proximité.

Si les communes polynésiennes figurent parmi les plus belles de France, ce sont aussi celles qui rencontrent les plus grands obstacles pour assurer à leur population des services de base tels que la distribution d'eau potable, l'assainissement ou le traitement de déchets. Aussi la Polynésie française doit-elle les aider à organiser des établissements publics de coopération intercommunale pour assumer, le plus rapidement possible, ces compétences.

Enfin, l'aspiration de la Polynésie française au développement doit la conduire à valoriser son patrimoine culturel et environnemental. La transition que vivent en ce moment les Polynésiens est en effet marquée par la confrontation entre un mode de vie issu de traditions aussi anciennes que précieuses, en harmonie avec l'environnement océanien, et les attraits de la société de consommation, prompte à négliger ce à quoi elle ne sait pas donner un prix.

En préservant, par des politiques innovantes, l'équilibre entre l'homme et son milieu, la Polynésie française se donnera les moyens d'un développement pérenne, s'appuyant sur le tourisme et sur l'exploitation raisonnée des ressources naturelles. Elle peut et doit, à l'égal d'autres collectivités ou départements d'outre-mer, être un modèle en la matière.

La mise en oeuvre de la réforme communale et la nécessité de relancer les économies des archipels sont propices à une telle entreprise. Les communes polynésiennes doivent en effet, au cours des prochaines années, réaliser d'importants investissements pour assurer des services à leur population. Elles constituent l'échelon pertinent pour conduire une politique d'équipement respectueuse de l'environnement, recourant aux énergies renouvelables.

L'émancipation des communes est indispensable à l'avenir de la Polynésie française.

* 59 Voir le rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, par M. Lucien Lanier, n° 214, 1995-1996, p. 75.

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