B. LA MISE EN oeUVRE DU PLAN ATHISAARI ET LE RÔLE DU REPRÉSENTANT CIVIL INTERNATIONAL

1. La constitution Kosovare reprend les dispositions du plan Ahtisaari

Les autorités kosovares ont proclamé l'indépendance en s'engageant à mettre en oeuvre les dispositions du plan Ahtisaari dans leur Constitution. La Constitution du Kosovo adoptée en avril 2008 et entrée en vigueur le 15 juin 2008 renvoie donc aux dispositions de ce plan.

Celui-ci comprend des dispositions notamment en matière de protection des minorités et d'Etat de droit. Il prévoit des garanties pour la minorité serbe et une décentralisation très poussée. Il comprend également des dispositions relatives au système judiciaire, au patrimoine religieux et culturel, à la dette extérieure, aux biens et archives, au secteur de sécurité, à la mission PESD, à la présence militaire internationale et au programme législatif.

Le plan prévoit également la supervision du pays par un représentant civil international, auquel il est fait référence dans les articles 146 et 147 de la Constitution kosovare et qui est l'autorité finale au Kosovo en matière d'interprétation de la loi civile.

Il lui appartient, en particulier, d'interpréter tous les aspects civils du règlement, c'est-à-dire du plan Ahtisaari, de prendre les mesures qui s'imposent le cas échéant pour remédier aux décisions des autorités kosovares qu'il jugerait contraires au règlement, « ces mesures peuvent aller, sans s'y limiter, jusqu'à l'abrogation de lois ou de décisions adoptées par les autorités kosovares ». Il dispose également de pouvoirs de nomination, de sanction et de révocation.

C'est donc une forme très poussée de limitation de sa propre souveraineté que le Kosovo a inscrit dans sa propre Constitution. Ces dispositions, qui rappellent les pouvoirs du Haut représentant en Bosnie-Herzégovine 6 ( * ) , ne vont pas sans poser question, d'autant que la représentation de la communauté internationale au Kosovo est complexe.

2. La « double casquette » du Représentant de l'Union européenne

Selon les directives du Conseil de l'UE, une seule et même personne est investie des pouvoirs et attributions du RSUE et des pouvoirs et attributions du représentant civil international. M. Peter Feith a ainsi été nommé Représentant spécial de l'Union européenne le 4 février 2008, pour un mandat courant jusqu'au 28 février 2009.

En tant que RSUE, son mandat consiste à proposer les conseils et le soutien de l'UE dans le processus politique et à favoriser la coordination politique générale de l'UE au Kosovo. Il fournit également au chef de la mission EULEX des orientations politiques.

Mais le RSUE en Kosovo est dans une position particulière, car il est dans le même temps, représentant du bureau civil international (ICO).

Ce bureau a été nommé le 28 février 2008 par un groupe d'Etats composant le « International Steering Group » (ISG). Les pays membres sont 20 pays membres de l'Union européenne (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque, Royaume-Uni, Slovénie, Suède), deux pays candidats (Croatie, Turquie), la Norvège, la Suisse et les Etats-Unis. De fait, la composition du bureau civil international montre une très forte présence américaine. Ce groupe a un objectif très clair : mettre en oeuvre le plan Ahtisaari et rendre l'indépendance du Kosovo « irréversible » 7 ( * ) .

Lorsque sa mise en place sera achevée, la mission civile internationale disposera d'un bureau de 75 agents internationaux et de 200 agents locaux à Pristina avec une antenne permanente à Mitrovica.

Cette "double casquette" du RSUE ne va pas sans contestations, et les cinq pays membres de l'UE n'ayant pas encore reconnu le Kosovo viennent précisément de mettre en doute la reconduction de ce représentant spécial au-delà de son mandat actuel, qui expire en février prochain. Un rapport devrait prochainement faire le bilan des avantages et inconvénients du système actuel.

En définitive, le Kosovo se trouve donc dans une situation paradoxale : l'ONU comme l'Union européenne doivent superviser une indépendance à l'égard de laquelle elles n'ont pas de position claire et unique.

Les différentes organisations ont recherché des accommodements qu'il revient à leurs représentants sur place de mettre en oeuvre au prix d'une certaine schizophrénie ; c'est ce que l'un de nos interlocuteurs a appelé « l'ambigüité constructive ».

S'ajoute à ce panorama des organisations internationales, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), première des organisations internationales à avoir déployé des observateurs sur le territoire du Kosovo. Elle est présente avec plus de 700 personnes et joue un rôle dans le domaine des droits de l'homme et des élections. Cette organisation entretient également le dialogue avec les Serbes. Elle est « neutre par rapport au statut ».

* 6 En vertu des pouvoirs dits « de Dayton » le haut représentant de la communauté internationale en Bosnie-herzégovine dispose de pouvoirs de nomination, révocation et de promulgation des lois. Cf. « La Bosnie-Herzégovine : dix ans après Dayton, un nouveau chantier de l'Union européenne » - Rapport d'information du Sénat n°367 (2004-2005).

* 7 Communiqué du 12 septembre 2008.

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