3. L'impossible « neutralité par rapport au statut »

A la date de la mission de votre délégation, à la mi-octobre 2008, les relations entre la MINUK et EULEX n'étaient pas encore clarifiées et semblaient évolutives. En particulier, dans le domaine sensible de la justice, le responsable de la MINUK, M. Lamberto Zannier, faisait état de "difficultés" à transmettre ses dossiers à EULEX.

Depuis notre mission, des éléments nouveaux sont apparus. Dans son rapport du 24 novembre 2008, le secrétaire général a réaffirmé que le processus de transformation de la MINUK était « à la fois opportun et nécessaire » tout en soulignant que la réorganisation de la MINUK « devait progresser dans le cadre de la résolution 1244 ». M. Ban Ki-moon affirme que le processus se déroule « de manière transparente à l'égard de toutes les parties prenantes, et dans le respect de la position de stricte neutralité adoptée par l'ONU sur la question du statut du Kosovo ».

La Serbie a souhaité que la reconfiguration de la présence internationale soit conditionnée à un « engagement clair et contraignant de la part de l'Union européenne, confirmé par le Conseil de sécurité », que celle-ci soit neutre par rapport à la question du statut et pleinement conforme à la résolution 1244.

En réalité, la Serbie, engagée dans des discussions avec l'Union européenne, ne pouvait plus bloquer le déploiement d'EULEX dans le nord du pays plus longtemps. Il lui fallait respecter ses engagements. Il n'en reste pas moins que le discours de Vuk Jeremic, Ministre des affaires étrangères de Serbie, à l'ONU, parlant de « la province du Sud de la Serbie » montre que le refus de l'indépendance du Kosovo reste un thème majeur.

Le Kosovo a accueilli positivement le déploiement d'EULEX sur tout le territoire kosovar mais a regretté qu'EULEX ne puisse fonctionner sur les principes de la déclaration d'indépendance du Kosovo du 17 février, de sa Constitution et du plan Ahtisaari.

De fait, malgré l'accueil favorable des autorités kosovares et leur pleine coopération avec l'Union européenne au sujet du déploiement de la mission civile, votre délégation avait déjà pu constater, à Pristina, des affiches et slogans défavorables au déploiement d'EULEX, perçue par certains comme la continuation de la « tutelle » internationale de la MINUK et de ce fait contraire aux aspirations d'indépendance du pays, mais également accusée d'être potentiellement favorable à la partie kosovare serbe.

Dans la déclaration présidentielle, le Conseil se félicite de la « coopération qui existe, dans le cadre de sa résolution 1244 (1999), entre l'ONU et les autres intervenants internationaux, ainsi que de l'action que continue de mener l'Union européenne (UE) pour faire prévaloir le point de vue européen sur l'ensemble de l'ouest des Balkans, action qui contribue, de manière décisive, à la stabilité et à la prospérité de la région ».

Même si les ambiguïtés juridiques ne sont pas levées avec cette nouvelle déclaration, la pire des solutions aurait cependant été celle d'un partage géographique des rôles, MINUK au nord et EULEX dans le reste du pays, qui n'aurait pas manqué d'apparaître comme le prélude à une partition du pays.

Le déploiement d'EULEX au nord de l'Ibar, qui délimite une zone de peuplement serbe à Mitrovica, concentre toutes les attentions. Il s'y joue d'une certaine manière, la cohérence de la communauté internationale.

Depuis cet accord à l'ONU, la mission européenne EULEX de justice et police au Kosovo a commencé à se déployer le vendredi 5 décembre 2008, y compris dans les zones majoritairement serbes du Kosovo.

La mission qui compte déjà environ 1.200 policiers, juristes et douaniers européens, mais uniquement dans les zones à population majoritairement albanaise du territoire devrait passer à quelque 1.600 personnes. D'ici « la fin de l'hiver » la mission devrait atteindre l'effectif total prévu de près de 1.900 expatriés.

Elle reste placée dans une position ambiguë entre les dispositions de la résolution 1244 des Nations unies et celles du plan Ahtisaari, entre poursuite du protectorat et soutien à la construction d'un État.

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