RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL PRÉSIDÉ PAR M. ALAIN LAMBERT (DÉCEMBRE 2007) - LES RELATIONS ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Conformément à sa lettre de mission, le rapport du groupe de travail présidé par Alain Lambert s'est exclusivement intéressé à trois thèmes : celui de la clarification des compétences , celui de l'allègement des contraintes normatives et celui des relations financières .
S'inscrivant dans le cadre de réflexion fixé par la révision générale des politiques publiques , il s'est attaché à réunir un consensus sur le diagnostic et les pistes de réforme possible, sans chercher à préparer un acte III de la décentralisation .
I - LA CLARIFICATION DES COMPÉTENCES
A. Le diagnostic
Reprenant les principales conclusions des différents rapports et études consacrées à la question, le groupe de travail constate que l'enchevêtrement des compétences confiées aux collectivités locales et à l'État a pour triple conséquence :
- une perte d'efficacité (comitologie foisonnante, perte de temps liée tant à la concertation préalable qu'aux difficultés de mise en oeuvre commune) ;
- un coût financier certain, lié tant aux doublons de structures qu'à la contractualisation qui n'apparaît pas au groupe de travail comme un régulateur efficace de la dépense publique ;
- une dilution des responsabilités entre les différents intervenants.
Pour le groupe de travail, plusieurs éléments ont contribué à créer la situation ainsi décrite :
- la clause générale de compétence dont bénéficient d'une part les collectivités locales pour les affaires d'intérêt local et d'autre part l'État pour toutes les compétences qui ne lui ont pas été explicitement retirées par la loi pour les confier à un autre niveau d'administration (ce qui aboutit notamment en pratique au maintien de services « doublons ») ;
- l'uniformité du transfert de compétences qui n'a pas été pensé en fonction de la réalité des territoires, certains nécessitant, moins que d'autre, le maintien de quatre ou cinq « niveaux » d'administration ;
- la difficulté pratique qu'il y a à tracer des contours stricts à certaines compétences (insertion et formation professionnelle par exemple).
Au plan de la méthode le groupe de travail retient la nécessité:
- de raisonner à partir des politiques publiques plutôt à qu'à partir des niveaux d'administration locale ;
- de raisonner, pour chaque politique publique, plutôt par fonction que par matière ;
- pour l'État, de mieux définir son rôle et de procéder en conséquence aux repositionnements nécessaires.
B. Les propositions et recommandations formulées
1) Deux pistes envisagées pour la clarification
Le groupe de travail retient deux options possibles de clarification, qui pourraient être combinées .
a) La voie de la clarification des compétences relatives à des politiques déjà bien identifiées par le législateur
Cette clarification porterait exclusivement sur des compétences qui font déjà l'objet d'une répartition suffisamment nette comme la solidarité et l'action sociale, la formation professionnelle, l'action économique et le développement des entreprises, l'éducation ou l'aménagement du territoire.
Le groupe de travail préconise notamment, selon les cas, de supprimer les dispositifs d'État redondants , de transférer les compétences résiduelles au profit du détenteur de la compétence principale ou d'appliquer le principe « décideur-payeur » .
b) Le remplacement, pour les départements et les régions, de la clause générale de compétences par des compétences spéciales
Le groupe de travail estime que cette option, plus ambitieuse mais garantissant une vraie clarification des compétences , suppose que :
- les départements et les régions interviennent sur un domaine limitatif de compétences ;
- leurs compétences soient exclusives, ou, par exception, clairement partagées avec une seule autre personne publique ;
- leurs compétences soient prescriptives et donc opposables aux autres niveaux d'administration, y compris l'État.
Pour les domaines qui resteraient ouverts à tous les niveaux , ou qui relèveraient de compétences partagées, le groupe de travail propose que :
- soient mises en place des procédures de délégation de compétence , sur le modèle de ce qui existe entre les communes et les intercommunalités. Pour les compétences facultatives, les délégations consenties devraient être effectuées, par délibération expresse, en début de mandat ;
- soit appliqué le principe de limitation à deux personnes publiques comme intervenant direct 3 ( * ) ;
- le maître d'ouvrage ait l'obligation de financer au moins 50 % du projet, selon le principe « qui décide, paie » 4 ( * ) .
2) La mutualisation des services communaux et intercommunaux
S'agissant des communes et des intercommunalités, le groupe de travail propose de les engager à procéder aux nécessaires économies d'échelle :
- en unifiant les services supports communs ;
- en partageant les services opérationnels et les interventions selon les lignes de partage tracées par l'intérêt communautaire.
Pour mener à bien cette mutualisation, le groupe de travail préconise :
- d'encourager ce mouvement par une modulation des dotations communales et intercommunales , au moyen d'un coefficient d'intégration budgétaire ;
- de doter les intercommunalités d'une légitimité démocratique en instituant une double désignation des conseillers municipaux et intercommunaux à l'horizon 2014 ;
- d'achever la rationalisation de la carte communale .
3) La clarification des missions et de l'organisation de l'État territorial
Parallèlement au mouvement engagé, le groupe de travail juge nécessaire que l'État procède à la clarification de ses missions comme de son organisation sur le territoire. Il retient trois principes :
- l'identification des services de l'État autour d'un seul responsable ;
- la déconcentration maximale des responsabilités ;
- une distinction nette et effective entre les fonctions étatiques d'arbitrage/contrôle et celles d'impulsion/intervention.
II - L'ALLÈGEMENT DES CONTRAINTES NORMATIVES
Cette partie est citée pour mémoire, sa principale recommandation ayant été satisfaite, puisque la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) , créée, à l'initiative de M. Alain Lambert, par la loi de finances rectificative pour 2007, a été mise en place le 25 septembre 2008 .
III - LA CLARIFICATION DES RELATIONS FINANCIÈRES
A. Le diagnostic
Soulignant, à la suite du rapport confié à Pierre Richard, le dynamisme de la dépense locale et son influence sur l'évolution globale des déficits et de la dette publique , le groupe de travail constate que :
- en neutralisant l'effet des transferts de compétences, les dépenses locales sont passées de 8% à 9,5% du PIB en 25 ans ;
- l'État se substitue de plus en plus au contribuable local sous forme de compensation d'exonération de fiscalité locale et de dégrèvements législatifs ;
- l'essentiel de la hausse des dépenses locales depuis 1980 est imputables aux dépenses de fonctionnement et qu'elle se concentre sur le secteur communal, qui emploie notamment 85% des agents territoriaux.
S'agissant de l'évolution ainsi constatée, le groupe de travail estime que les responsabilités sont partagées entre l'État et les collectivités territoriales , et qu'elle s'explique notamment par :
- la normalisation (mise aux normes en matière de sécurité, d'environnement, etc .) et les interventions législatives et réglementaires de l'État ;
- les appels à participation pour financer des projets, émanant de l'État comme des autres collectivités locales ;
- l'insuffisante mutualisation des moyens des intercommunalités ;
- la disparité des politiques locales de rémunération et de gestion des carrières ;
- la dynamique de la demande sociale , ce qui recouvre plusieurs réalités : l'amélioration du service rendu par les collectivités sur les compétences transférées, le caractère inflationniste ou non contrôlable des dépenses associées à certaines compétences transférées ou la mauvaise gestion locale des services pris en charge ;
- la structure actuelle des relations financières entre l'État et les collectivités locales qui ne favorise pas la maîtrise de la dépense locale (répartition trop forfaitaire et insuffisamment péréquatrice, prise en charge trop importante par l'État de la fiscalité locale par compensation et dégrèvement) ;
- les défauts de la fiscalité locale (faible marge de manoeuvre des collectivités, découplage entre les assiettes et les compétences exercées).
B. Les propositions et recommandations formulées
Sur la base de cette analyse, le rapport propose que l'association des collectivités locales à la maîtrise de la dépense publique passe par une moindre évolution des concours de l'État et qu'elle s'accompagne non seulement de la sécurisation pour les collectivités de ce mode de financement mais aussi d' une meilleure répartition des sommes versées, suivant un objectif de plus grande péréquation.
Pour favoriser cette maîtrise de la dépense locale par les collectivités elles-mêmes, le groupe de travail recommande aussi la mise en place ou le développement :
- de la mutualisation des services et des fonctions supports ;
- d'outils d'amélioration de la gestion ;
- de procédures permettant d'enrichir le débat budgétaire au sein des assemblées locales et d'améliorer la lisibilité des informations financières.
Appelant de ses voeux une réforme de la fiscalité locale, le groupe travail propose enfin qu'un des principes susceptible de la guider soit celui de la responsabilisation fiscale des collectivités locales. Pour le groupe de travail, cette responsabilisation passerait nécessairement par la transformation des dégrèvements en dotations figées, voire par leur suppression et par la transformation des exonérations législatives en exonérations facultatives.
* 3 Cette proposition est reprise du rapport de Michel Piron.
* 4 Cette proposition est reprise du rapport de Pierre Richard.