N° 316

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 1er avril 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques (1) à la suite d'une mission effectuée au Japon du 10 au 17 septembre 2008 ,

Par MM. Jean-Paul EMORINE, Pierre HÉRISSON, Dominique BRAYE, Adrien GIRAUD, Daniel REINER et Jean DESESSARD,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, François Fortassin, Alain Fouché, Adrien Giraud, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, Robert Navarro, Louis Nègre, Mme Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Philippe Paul, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Dans le cadre des missions d'information à l'étranger organisées chaque année par votre commission, une délégation de six sénateurs, présidée par son président, M. Jean-Paul Emorine, s'est rendue au Japon du 9 au 17 septembre 2008 afin d'étudier la situation économique de l'archipel, ses secteurs de développement privilégiés et les conditions d'un partenariat renforcé avec notre pays.

L'année 2008 se prêtait particulièrement à ce déplacement, puisqu'elle correspondait au 150 ème anniversaire des relations diplomatiques franco-japonaises. Celui-ci, qui a donné lieu à « l'année du Japon en France », a été marqué par des visites officielles croisées, ainsi que par l'organisation de très nombreuses manifestations commémorant les liens unissant les deux Etats.

Pays insulaire à l'extrême est de l'Asie, le Japon continue de fasciner l'Occident par ses contrastes uniques. Demeurant officiellement le dernier empire au monde, le « pays du soleil levant », selon l'origine étymologique du mot « Japon », offre en effet le visage d'une nation qui, tout en connaissant un régime démocratique et en étant marquée par l'hyper technologie, a conservé une culture et des modes de vie issus d'un régime féodal dont la disparition officielle ne date que d'un siècle et demi, avec la restauration Meiji de 1868.

Peu doté en ressources naturelles, contraint par une géographie limitant son développement sur une partie réduite de son territoire, le Japon a su, au lendemain de la défaite de 1945, faire preuve d'une inventivité et d'un esprit d'innovation sans comparaison dans le monde occidental pour passer en une cinquantaine d'années au rang de deuxième puissance économique mondiale.

Ce développement extraordinaire, que le Japon a pris soin de mener en se protégeant du reste du monde, a été possible grâce à certains traits caractéristiques : un capital humain important, une coopération étroite entre l'État et les entreprises, une production tournée vers les marchés extérieurs, une éthique rigoureuse du travail ou encore une grande maîtrise des technologies de pointe.

Le « miracle japonais » n'a pas survécu, cependant, aux excès boursiers et immobiliers qui l'ont accompagné, le pays plongeant dans les années 90 dans un long cycle de déflation dont il n'a commencé de sortir que fin 2002, pour mieux y retomber avec la survenance de l'actuelle crise économique.

Si le modèle de croissance « à la japonaise », tant admiré dans l'après-guerre, est aujourd'hui fragilisé, le pays conserve de nombreux atouts pour se relever. « On apprend peu par la victoire, mais beaucoup par la défaite », dit un proverbe japonais. Nul doute que cette maxime puisse être transposée de l'art de la guerre à celui de la gestion économique.

Durant la semaine passée dans les deux principales villes de l'archipel, Tokyo et Kyoto, ainsi que dans leur grande périphérie, la délégation a ainsi pu constater l'avance conservée par le Japon en matière d'innovation technologique et de soutien aux productions à valeur ajoutée.

La rencontre de nombreux acteurs, politiques et économiques, japonais et français, et la visite de plusieurs sites industriels lui ont également permis de mesurer les potentialités de développement encore fort nombreuses pour nos entreprises dans ce pays qu'elles négligent trop souvent au profit de marchés sans doute plus dynamiques à court terme, mais également plus incertains sur le temps long.

A travers le bilan de son déplacement, votre délégation a souhaité dresser un panorama de l'économie japonaise, en mettant en balance ses faiblesses et ses atouts, puis s'intéresser aux relations croisées entre nos deux pays, en soulignant l'importance de leurs marges de progrès.

I. UN DÉVELOPPEMENT AUJOURD'HUI ENTRAVÉ PAR DE LOURDES CONTRAINTES

Le Japon, caractérisé par un régime féodal jusqu'au milieu du XIX e siècle, a connu depuis un développement d'une intensité et d'une rapidité rares, et fait aujourd'hui partie du « club » des grands pays industrialisés. Cependant, sa croissance, qui inquiétait les pays occidentaux jusque dans les années 80, a depuis « calé » et laissé place à une quasi atonie dont la crise actuelle risque d'exacerber les effets sur les plans économique et social.

A. DES FREINS STRUCTURELS DIFFICILEMENT SURMONTÉS

1. Des handicaps géographiques majeurs

Couvrant une superficie de 377.000 km² 1 ( * ) , le Japon est un archipel de l'océan Pacifique nord s'étirant sur 3.000 km de long. Il est composé d'un chapelet d'environ 4.000 îles, dont les quatre principales 2 ( * ) représentent toutefois 99 % du territoire national.

Outre cet étirement et cet éparpillement, le Japon doit composer avec un relief très accidenté ne laissant que peu de place à la plaine. Il est en effet essentiellement formé de chaînes montagneuses 3 ( * ) et volcaniques, qui représentent 85 % du territoire, et se trouve situé sur une zone de subduction de quatre plaques tectoniques. Cette physionomie très particulière influe directement sur plusieurs de ses traits caractéristiques.

Tout d'abord, la majeure partie de ses 127 millions d'habitants et de son activité est concentrée sur une partie mineure du territoire, entraînant des phénomènes d'urbanisation et de concentration sans équivalent sur la planète. Votre délégation a ainsi pu constater que l'axe Tokyo-Kyoto, long d'environ 500 km et parcouru par le train à grande vitesse Shinkansen , était urbanisé de façon ininterrompue 4 ( * ) . En résultent des effets indirects dommageables comme, par exemple, un encombrement des axes de transport, une pollution chronique ou un coût particulièrement élevé du foncier et de l'immobilier.

Ensuite, le développement économique ne peut guère être envisagé de façon extensive. Ceci explique la faiblesse du secteur primaire , la superficie cultivable étant inférieure à 78.000 km², soit moins du quart de la superficie totale. Le Japon a donc dû axer son développement sur des activités intensives, économes en espace.

Enfin, le Japon est marqué par une activité sismique intense . Des milliers de secousses telluriques sont ressenties chaque année, dont certaines ont fait plusieurs milliers de victimes 5 ( * ) . Par ailleurs, les forts tremblements du plancher sous-marin génèrent des raz-de-marée, ou tsunamis . De puissants typhons peuvent également survenir à certaines saisons. Ces données naturelles impliquent des contraintes importantes en termes de construction, d'urbanisme et de transport.

2. Le poids de l'histoire et des traditions

Tant l'histoire du Japon que la spécificité de son univers symbolique expliquent un relatif isolement à l'égard d'un monde occidental, avec lequel il partage cependant de nombreux traits communs.

Le Japon a longtemps été régi par un système féodal , et connaît encore un régime impérial 6 ( * ) . Si les empereurs étaient les dirigeants symboliques, le véritable pouvoir était le plus souvent tenu par les puissants nobles de la Cour, régents ou shoguns . Cette organisation politique s'est longtemps doublée d'un repli du pays sur son insularité , jusqu'à ce que les Etats-Unis le forcent à s'ouvrir à l'Occident au milieu du XIX e siècle et que la restauration Meiji 7 ( * ) de 1868 mette en oeuvre de nombreuses réformes.

Il résulte aujourd'hui de ce développement autocentré une propension du Japon à faire preuve d'un certain protectionnisme dans ses stratégies économique et commerciale. Le taux d'ouverture du Japon est ainsi d'environ 10 % 8 ( * ) , ses importations étant très largement inférieures à ses exportations. L'utilisation de la monnaie nationale 9 ( * ) par la banque centrale japonaise, ou encore l'usage de sa sur-épargne pour financer la dette publique des Etats-Unis tout en restant assez fermé aux fonds étrangers, témoignent également de ce repli. Celui-ci est inattendu pour un pays relativement « petit » qui, en tant que tel, devrait normalement être plus ouvert que la moyenne aux échanges pour compenser l'exiguïté de son marché intérieur.

L'univers symbolique du Japon et la sociologie des comportements renforcent l'aspect d'isolement que l'histoire du pays a façonné. La langue japonaise , radicalement différente des langues occidentales, peut constituer un obstacle aux échanges, surtout dans la mesure où, comme a pu le constater la délégation, l'anglais est très peu parlé au Japon, y compris parmi les catégories socioprofessionnelles élevées.

Par ailleurs, la mentalité japonaise est teintée d'un certain conservatisme, en dépit des convulsions profondes qui ont bouleversé, au cours de l'après-guerre, les institutions et les valeurs traditionnelles. Les rapports interindividuels, marqués par une extrême déférence à l'égard d'autrui et un respect exacerbé des convenances, se caractérisent également par une certaine difficulté à communiquer, de l'aveu des japonais eux-mêmes. Les relations hommes-femmes sont rendues problématiques par la crainte de l'autre, laquelle incite également de nombreux jeunes à se replier sur le monde virtuel du numérique. Enfin, si le sens absolu du devoir du salarié japonais vis-à-vis de son entreprise, ainsi que le respect de la hiérarchie élevé au rang de vertu, peuvent constituer un avantage, ils sont également sources de faiblesse dans une société moderne où, de plus en plus, l'esprit d'initiative et d'adaptation sont valorisés dans le champ économique.

En contrepoint, la société japonaise -en apparence du moins, si l'on songe à l'existence d'importants groupes de criminalité organisée, les fameux yakuza - semble étrangère à toute violence . Les relations interpersonnelles sont marquées par une extrême politesse et par un profond respect d'autrui. Et le taux de délits est un des plus bas au monde. Ainsi, malgré la récession économique et la montée du chômage, le nombre d'affaires traitées par la police japonaise a diminué de 4,7 % en 2008 par rapport à l'année précédente, soit la sixième année consécutive de baisse. Il en résulte un réel sentiment de sécurité, à toute heure et en tout lieu.

3. Une démographie marquée par le vieillissement

Le Japon connaît un vieillissement accéléré de sa population, dont les conséquences économiques et sociales sont extrêmement préoccupantes.

Le pays est le champion du monde de la longévité . Il compte plus de 35.000 centenaires, une population dont le taux augmente de 13 % tous les ans. L'espérance de vie est, en moyenne, de quatre ans plus élevée que celles des européens ou des américains avec 86 ans pour les femmes et 79 ans pour les hommes 10 ( * ) . Avec un taux de fécondité de 1,34 enfant par femme 11 ( * ) , le pays se situe largement sous le seuil de renouvellement des générations.

Ainsi, la population japonaise décroît . En 2050, si le taux de natalité reste le même, les personnes de plus de 60 ans en représenteront 30 %. En déclin pour la première fois en 2005, la population continuera de se contracter pour passer au milieu du siècle sous la barre des 100 millions d'habitants. Rapporté à la population active, en déclin depuis 1997, cela devrait représenter 30 millions de salariés en moins, alors que parallèlement le nombre de personnes âgées aura presque doublé.

LA CROISSANCE DE LA POPULATION AU JAPON ET DANS LE MONDE ENTRE 2004 ET 2009

Source : FMI.

Les pouvoirs publics ont tenté, ces dernières années, de mettre en place des politiques natalistes, mais sans guère de succès. Par ailleurs, et dans le droit fil des principes isolationnistes déjà évoqués, l'absence de politique d'immigration empêche toute compensation extérieure à cet égard.

Ce choc démographique représente un défi pour les finances publiques , le ratio de dette publique rapporté au PIB ayant doublé durant la dernière décennie. Ainsi, les dépenses liées à la demande de soins devraient très fortement augmenter 12 ( * ) , tandis que les recettes fiscales se réduiront du fait de la baisse de la population active. Le Gouvernement a commencé à prendre des mesures, comme la réduction d'un cinquième du niveau des pensions des retraités de la fonction publique prévue dans la réforme des retraites de 2000.

Ce choc devrait par ailleurs entraîner une réduction de la croissance dans une proportion de 20 %, d'après une modélisation du Fonds monétaire international (FMI) calculée par rapport à une population constante. Entre 2025 et 2075, cela devrait représenter un demi-point de croissance perdu chaque année du fait de la contraction de la main d'oeuvre et de la dégradation de sa compétitivité.

4. Un pouvoir politique faible

? Organisation institutionnelle

Mise en place en 1946 en accord avec les forces d'occupation américaines, l'organisation politique du Japon s'inscrit dans un système de monarchie constitutionnelle avec un parlement bicaméral, la Diète.

Celle-ci se compose d'une chambre des représentants de 480 sièges, élue au suffrage universel tous les quatre ans, et d'une chambre des conseillers de 242 sièges, dont les membres sont élus pour six ans.

La délégation de la commission s'est rendue à la Diète , où elle a été reçue par le président, ainsi qu'une demi-douzaine de membres de la commission pour les affaires économiques et industrielles de la chambre des conseillers. Elle a par ailleurs rencontré le groupe d'amitié franco-japonais de la chambre haute, lors d'un dîner où étaient présents, notamment, son président et sa vice-présidente, ainsi que la vice-présidente de la chambre haute.

L' Empereur n'a qu'un rôle purement symbolique, le pouvoir exécutif appartenant au gouvernement , responsable devant la Diète, composé du premier ministre et de ministres d'état.

? Pratiques politiques

Le Parti libéral démocrate (PLD), parti conservateur, est le principal parti du Japon, qu'il dirige quasiment sans interruption depuis l'après-guerre. L'actuel premier ministre Tarô Asô, en est issu. Le 22 septembre 2008, il a pris la succession de Yasuo Fukudo, qui avait démissionné de son poste le 1 er septembre. La délégation de la commission a donc réalisé sa mission durant une période de transition entre deux gouvernements successifs.

La vie politique japonaise est en effet marquée par les scandales politiques et la succession rapide de gouvernements , souvent en-dehors de scrutins nationaux. M. Asô est ainsi le troisième premier ministre nommé en moins de trois ans sans que le peuple ait pu s'exprimer par les urnes. Il est revenu sur la politique de réforme économique que M. Junichiro Koizumi 13 ( * ) et ses successeurs avaient initiée, pour lui préférer une série de plans de relance consistant à investir dans des projets d'infrastructures et obtenir une baisse par la banque centrale de ses taux d'intérêt.

En février 2009, un nouvel épisode politique singulier a accru la dépréciation de l'actuel gouvernement dans l'opinion publique, déjà affaibli par sa mauvaise gestion du dossier des « retraites perdues ». Le ministre des finances, M. Shoichi Nakagawa a dû démissionner après avoir été soupçonné d'excès de boisson lors d'une réunion du G7. Le taux de popularité du gouvernement a alors chuté pour la première fois sous la barre des 10 %, laissant présager une lourde défaite pour les conservateurs aux élections législatives qui se tiendront d'ici septembre. De plus, l'ex Premier ministre Junichiro Koizumi, resté très populaire au Japon, critique désormais ouvertement le gouvernement de M. Asô, tout comme les « jeunes » du parti.

L'opposition, menée par un nouveau parti, le Parti démocrate du Japon (PDJ), majoritaire à la chambre haute depuis juillet 2007, pourrait parvenir rapidement au pouvoir, et ce pour la première fois de son histoire. Encore faudra t-il qu'il soit lui-même épargné par les affaires politiques. Or, début mars 2009, le secrétaire particulier du chef de l'opposition, M. Ichiro Ozawa, personnage politique le plus en vue actuellement et donné comme futur Premier ministre en cas de victoire du PDJ aux prochaines élections législatives, a été arrêté, suspecté d'avoir reçu des dons illégaux pour le compte de sa propre structure de financement politique.

5. Un trend de croissance limité entre les crises

Depuis l'éclatement de la « bulle immobilière » de 1993, l'économie japonaise n'a jamais retrouvé son équilibre, ni surtout le dynamisme dont elle avait fait preuve dans les années 1970 et 1980. Le pays a connu deux récessions au début du XXI e siècle : l'une en 2001, qui était liée à l'éclatement de la « bulle internet », et l'autre depuis 2008, dans le contexte actuel de la crise financière mondiale.

Entre ces récessions, le Japon n'a connu qu'une croissance « molle » de son PIB, inférieure -à de rares exceptions près- à 1 %. Cette atonie de la croissance s'est accompagnée, entre 1997 et 2006, d'une déflation , c'est-à-dire d'une baisse du niveau général des prix.

CROISSANCE DU PIB JAPONAIS EN VOLUME ENTRE 2000 ET 2008

Source : Cabinet Office (données corrigées des variations saisonnières).

6. Une inertie inquiétante devant la dette publique

Le Japon est aujourd'hui le pays « riche » où l'Etat est le plus endetté . Ainsi, en mars 2008, la dette publique du Japon était estimée à 173 % du PIB , ce qui représentait un montant de dette de 59.000 euros par citoyen !

L'accroissement des dépenses budgétaires destinées à soutenir la croissance, après l'éclatement de la bulle spéculative au début des années 90, s'est en effet traduit par une progression forte et rapide de la dette publique, intenable à terme.

EVOLUTION RESPECTIVE DE LA DETTE PUBLIQUE BRUTE ET DE LA
CHARGE DE LA DETTE AU JAPON ENTRE 1990 ET 2008

Source : OCDE, novembre 2008.

Cette situation extrêmement délicate va inévitablement conduire le gouvernement japonais à augmenter les impôts de manière conséquente, ce qui peut s'avérer particulièrement difficile dans le contexte de récession actuel.

Toutefois, le service de la dette (paiement des intérêts et remboursement du capital) ne représente que 23 % du budget 2009 de l'Etat. Par ailleurs, l'actuel Premier ministre entend réaliser, d'ici l'année fiscale 2011, un « équilibre primaire » de la balance des paiements, ce qui pourrait passer par un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), actuellement fixée à 5,5 %.

7. Une ouverture faible vers l'extérieur

Si le Japon exporte massivement et a assis sa stratégie économique sur le commerce avec les pays industrialisés, il reste en revanche très fermé à ses partenaires extérieurs.

Deuxième puissance économique au monde, le pays n'est que le cinquième importateur mondial en 2007. Il compte pour 5,1 % des importations mondiales, contre 8,7 % pour l'Allemagne et 16 % pour les Etats-Unis.

Par ailleurs, s'agissant des flux financiers, le stock des investissements directs étrangers au Japon ne représentait que 3 % du PIB fin 2007, contre 15,1 % aux Etats-Unis et 40,1 % en France.

L'Union européenne exporte pour une quarantaine de milliards d'euros au Japon. Elle pourrait doubler ce montant si le Japon était aussi ouvert que les autres pays de l'OCDE.

8. La remise en cause d'un modèle social éprouvé

? Un syndicalisme en pleine mue

Le taux de syndicalisation demeure relativement élevé au Japon : 19,6 % des salariés adhéraient à un syndicat selon le dernier chiffre disponible, en 2003, soit presque trois fois plus que les salariés français. La principale confédération syndicale japonaise, Rengo, regroupe 6,5 millions de salariés. Mais la syndicalisation ne revêt pas de dimension militante comme en France : le syndicalisme a longtemps participé dans les grandes entreprises japonaises d'un modèle de relations sociales fortement intégré, sinon consensuel. Les syndicats « coopéraient » avec les directions d'entreprise, les adhésions étaient collectives, et donc quasi-obligatoires.

Or, la récession économique, l'augmentation -quoique mesurée- du chômage, la croissance du salariat « non régulier », la remise en cause de l'emploi à vie ... ont modifié le paysage syndical au Japon. Les syndicats y ont ainsi perdu de nombreux adhérents depuis trente ans, époque à laquelle un tiers des salariés adhéraient. Par ailleurs, les centrales syndicales ont adopté une attitude plus combative . Ainsi, la confédération Rengo s'est convertie en une sorte de nouveau « mouvement social », misant sur un rôle plus contestataire, tandis que naissaient sur sa gauche de nombreuses organisations plus radicales.

? Une remise en cause de l'« emploi régulier »

La population active salariée se divise en deux grandes catégories :

- l'emploi dit « régulier », qui comprend tous les contrats à durée indéterminée (CDI) à temps plein. Il s'agit de la norme sur le marché du travail au « pays de l'emploi à vie », représentant 66,5 % des salariés ;

- l'emploi dit « non régulier », qui englobe les signataires d'un contrat à durée déterminée (CDD - 5,8 % des salariés), les travailleurs à temps partiel (15,9 %), les « petits boulots », ou arubaitô (6,6 %), les intérimaires (2,6 %) et d'autres formes d'emploi minoritaires (2,6 %).

Or, les employés « non réguliers » voient leur part croître dans le salariat. Ils représentaient ainsi 33,5 % de la population active salariée en 2007, contre 17,6 % en 1987. Leur flexibilité et leur moindre coût pour l'employeur se manifestent dans de nombreux domaines par rapport à l'emploi « régulier » :

- le licenciement, non soumis au délai de préavis de trente jours ;

- la rémunération, en moyenne inférieure de 30 %, et pour les deux tiers d'entre eux payée sur une base horaire.

Ces salariés précaires travaillent surtout dans les petites et moyennes entreprises (PME), qui emploient 86 % des salariés du secteur privé. Ils sont majoritairement constitués de jeunes, de seniors et de femmes. Le programme Challenge again , proposé par le gouvernement de l'ancien Premier ministre M. Abe en 2006 et qui avait pour objectif de réinsérer durablement les jeunes, les seniors et les femmes dans le marché du travail, a laissé place à un nouveau plan d'action pour le « respect des travailleurs » ayant pour cible ces mêmes populations.

TAUX DE CHÔMAGE ET RATIO « OFFRES D'EMPLOI/DEMANDES D'EMPLOI »
AU JAPON ENTRE 1999 ET 2009

Source : mission économique française au Japon.

? Un système de protection sociale peu protecteur

Le système de protection sociale japonais est très différent du nôtre, et globalement moins favorable. Les soins médicaux coûtent chers et sont moins bien remboursés. L'assurance chômage est également moins avantageuse : les indemnisations représentent une partie plus faible du salaire (60 à 80 %) et sont versées moins longtemps (entre 90 et 300 jours). Enfin, les pensions de retraite sont plus faibles si l'on s'en tient au régime de base.

Il en résulte que si le PIB par habitant japonais est équivalent à celui de notre pays, le niveau de vie moyen y est moindre. Toutefois, la solidarité familiale joue pleinement : par exemple, les enfants restent ou retournent souvent vivre chez leurs parents, pour des raisons notamment économiques ; de la même façon, les familles hébergent souvent leurs ascendants lorsqu'ils parviennent à un âge avancé.

* 1 Contre 550.000 pour la France.

* 2 Hokkaido, au nord ; Honshu, l'île principale et centrale ; Shikoku, au sud-est ; et Kyushu, au sud.

* 3 Dominées par le Mont Fuji, à 3.776 m d'altitude.

* 4 Dans la capitale, Tokyo, la densité atteint plus de 5.000 habitants par km².

* 5 6.437 morts et 43.792 blessés pour le séisme de Kobe en 1995.

* 6 Il reste même le dernier pays au monde à vivre officiellement sous un régime impérial.

* 7 Dynastie sous laquelle continue de vivre le Japon.

* 8 Contre plus de 30 % pour la France.

* 9 Le yen.

* 10 Contre respectivement 84,5 et 77,6 ans en France.

* 11 Contre 2,02 en France.

* 12 Une hausse de 2,8 % est ainsi anticipée pour l'ensemble de la population entre 2006 et 2025, et de 4,5 % pour les personnes âgées.

* 13 Premier ministre de 2001 à 2006.

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