B. UN SECTEUR PRIMAIRE INÉGALEMENT DÉVELOPPÉ
Archipel volcanique dont les surfaces agricoles ne représentent que 12,6 % du territoire, le Japon est dépourvu de ressources naturelles et énergétiques, en-dehors des ressources halieutiques et sylvicoles, ce qui explique la faiblesse de son taux d'autosuffisance alimentaire.
1. L'agriculture
La délégation a rencontré le professeur Masayoshi Honma, officiant au département à l'école d'agriculture et des sciences de la vie de l'université de Tokyo. Au cours d'un entretien particulièrement intéressant, qui a mis en lumière le contraste entre l'importance économique de l'agriculture au Japon et son poids politique, le professeur Honma a mis l'accent sur certains des traits caractérisant le modèle agricole japonais :
- l' atomisation des exploitations , que le gouvernement souhaite combattre en favorisant leur agrandissement -lequel se heurte au manque de terres disponibles et à l'utilisation croissante de terres pour des activités non agricoles- et en cherchant à se doter d'un modèle agricole proche de celui de l'Union européenne ;
- une grande fermeture du marché japonais vis-à-vis de l'extérieur, par le biais d'une politique de contrôle de la production -notamment sur le riz, depuis 1970- et d'imposition d'un tarif de douane, qui met le pays en difficulté auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Du fait de leurs coûts de production élevés, les produits japonais sont en effet bien plus chers que les cours mondiaux -quatre fois s'agissant du riz-.
La délégation a également rencontré MM. Shigeo Fuji, directeur exécutif, et Hirofumi Kobayashi, membre de l'Union centrale des coopératives agricoles (Zenchu). L' importance du système coopératif est grande au Japon, puisque la quasi-totalité des agriculteurs y sont affiliés et qu'il prend en charge des activités dépassant largement la simple production : services agricoles, fourniture d'intrants, activité bancaire, assurance, distribution... Rassemblant 7,7 millions d'adhérents, son caractère quasi monopolistique se traduit au niveau de l'élaboration de la politique agricole japonaise, à laquelle il est très étroitement associé par le gouvernement, dans un schéma proche de la cogestion.
a) Un secteur marginal dans l'économie nationale
L'agriculture japonaise se caractérise, hormis le Hokkaido 14 ( * ) , par un grand nombre de petites exploitations dont la plupart ont une taille inférieure à deux hectares. Seules 48.000 exploitations, soit 2 % du total, ont une superficie supérieure à cette taille. Dans le Hokkaido, en revanche, la moitié de ses 58.000 exploitations a une taille supérieure à dix hectares. L'importance de la déprise des terres agricoles tend à les raréfier : en vingt ans, la surface agricole est passée de 14,2 % du territoire à 12,6 %, soit une diminution de 665.000 hectares.
Le nombre total d'exploitations s'élève à 2,9 millions. En leur sein, seuls 441.000 exploitants, soit 20 %, sont à temps plein. La population agricole totale compte 9,4 millions de personnes (7,4 % de la population totale), dont 3,4 millions, soit 36 %, ont une activité uniquement agricole. Le déséquilibre de la pyramide des âges de la population agricole est important, puisque 70 % de cette population a plus de 55 ans, contre 25 % pour l'ensemble de la population active.
L'agriculture ne représente qu'une très faible part du PIB (1,4 %, mais 10 % si l'on inclut l'industrie agroalimentaire) et de l'emploi (5,3 %), ce qui traduit également la faible productivité de la main d'oeuvre dans le secteur agricole en comparaison de la moyenne nationale.
Le niveau global d'aide publique est élevé puisqu'en 2004, le total des transferts en faveur du secteur agricole a représenté 1,3 % du PIB, soit presque la part de l'agriculture dans le PIB. On constate cependant de fortes différences à l'intérieur du secteur agricole lui-même : le soutien accordé aux producteurs de céréales est ainsi proportionnellement le double de celui apporté la production de sucre. Enfin, les neuf dixièmes de ce soutien sont réalisés par des prix de marché résultant de droits de douanes élevés.
L' industrie agroalimentaire japonaise compte près de 40.000 entreprises employant un peu plus d'un million de salariés. Ce secteur représente près de 12 % de la production industrielle japonaise. La production agroalimentaire japonaise est caractérisée par un extrême morcellement de l'activité, à l'image de la diversité des produits alimentaires de ce pays.
b) Un recours massif à des produits d'importation
Si la production agricole du Japon n'est pas négligeable, notamment s'agissant des légumes et du riz -qui représente un quart de la production agricole totale-, de l'élevage laitier, des fruits et des volailles, elle reste insuffisante pour répondre à la demande intérieure. Exprimé sur une base calorique, le taux d'autosuffisance est passé de 70 % après guerre à environ 40 % aujourd'hui, principalement sous l'effet de l'évolution des habitudes alimentaires, faisant plus de place aux protéines animales.
En ce qui concerne les produits végétaux , le taux d'autosuffisance est plutôt élevé pour les légumes (83 %) et le riz (96 %). Les importations de céréales sont en revanche significatives pour le maïs et le blé, le pays dépendant entre 80 et 90 % des importations, principalement en provenance des Etats-Unis, du Canada et de l'Australie. Le taux d'autosuffisance pour les fruits est de 44 %. S'agissant des produits carnés , il varie de 44 % pour la viande bovine à 67 % pour la viande de volaille.
Gros importateur de produits de la mer , le Japon se classe en sixième position dans le volume de capture, derrière la Chine, le Pérou, le Chili, les Etats-Unis et l'Indonésie. Avec les préparations à base de poisson et de viande, les produits d'origine animale représentent plus de 50 % du total des importations.
c) Des structures et une politique agricoles en évolution
Le tarif douanier est le principal instrument de politique agricole employé par le Japon. Le secteur reste en effet protégé de la concurrence étrangère grâce à son niveau élevé, et ce en particulier pour certains sous-secteurs comme les graines oléagineuses, la production laitière, la production de sucre ou la minoterie. Par ailleurs, la moyenne simple des droits spécifiques (non proportionnels à la valeur des importations dans le secteur agricole) est d'environ 80 %.
Des contingents tarifaires sont également sont mis en place afin de protéger les produits les plus sensibles tels que le riz, le blé et l'orge, les produits laitiers et l'amidon. Par ce mécanisme, qui consiste à déterminer un volume de produits pour lequel un tarif plus faible voire nul est appliqué, l'Etat décide de la quantité, de la période, et du prix de revente sur le marché japonais.
Des aides directes sont versées sous forme de compensation des variations de revenus, de prix ou de coûts de productions, ainsi que sous forme de primes aux producteurs de riz dans le cadre du programme de limitation de la production de riz. Depuis 2005, le ministère en charge de l'agriculture met en oeuvre une politique agricole qui évolue vers une plus grande concentration des aides sur les agriculteurs principaux. Enfin, d'autres mesures sont mises en oeuvre dans le cadre de la politique commerciale du Japon tels que les clauses de sauvegarde, les assurances, les stockages...
En mars 2005 , le Japon a adopté un « plan fondamental pour l'alimentation, l'agriculture et les zones rurales » visant à rehausser le coefficient d'autosuffisance, assurer l'innocuité et la sécurité des produits alimentaires, susciter la confiance des consommateurs, canaliser le soutien apporté par l'État vers les agriculteurs principaux, ou encore promouvoir les exportations de produits agricoles japonais de qualité. En avril 2006, a été présenté un programme de réalisation de ce plan fondamental dont les deux thèmes principaux s'articulaient autour la stratégie du Japon à l'international et la réforme de l'agriculture.
* 14 La plus septentrionale des quatre îles principales de l'archipel du Japon.