2. La pêche et l'aquaculture
L'industrie japonaise du poisson est gravement touchée par la diminution des ressources halieutiques, le vieillissement de la population, les scandales alimentaires et l'intensification de la concurrence entre les acheteurs, notamment la Chine. De plus, la crise économique devrait rendre plus difficiles les projets de restructuration de la flotte de pêche du Japon et d'expansion ou de modernisation des usines de transformation du poisson.
La délégation a rencontré M. Isao Nakasu, président de la Japan fisheries association , qui représente à l'échelle nationale le secteur de la pêche dans toutes les composantes de la filière, à l'image d'une interprofession en France. Créée en 1882, elle regroupe 424 membres constitués d'associations professionnelles et d'entreprises de pêche, soit 90 % des professionnels du secteur. M. Nakasu a reconnu les nombreuses incertitudes menaçant l'industrie de la pêche dans son pays : baisse de la consommation, limitation des captures, faiblesse des stocks près de l'archipel, réduction de la flotte, manque de personnel, augmentation des charges...
a) Un secteur professionnel en déclin
Le secteur de la pêche n'attire plus autant la main d'oeuvre qu'auparavant au Japon. En effet, moins de 0,2 % de la population active japonaise y travaille. Les données démographiques sont encore moins encourageantes : le nombre de travailleurs est passé de 301.000 en 1995 à seulement 200.000 personnes aujourd'hui. Parmi elles, plus de 36 % ont plus de 64 ans, 50 % ont entre 40 et 64 ans, et seulement 14 % sont âgés de moins de 40 ans.
Le nombre d' entreprises spécialisées dans la pêche en mer et l'aquaculture s'établit à 120.000. Environ 95 % d'entre elles sont des établissements de pêche en eaux côtières employant essentiellement une main-d'oeuvre familiale, seuls 5 % pratiquant une pêche hauturière. Quelque 7.000 petites et moyennes entreprises de pêche ont une main-d'oeuvre salariée. On ne compte que 112 entreprises de pêche de grande échelle, pourvues de bateaux à moteur dont le déplacement total est d'au moins 1.000 tonnes. De même, les coopératives de pêche du Japon souffrent aussi du déclin récent de l'activité du secteur.
b) Une baisse de la production, des importations et de la consommation
Le secteur japonais de la pêche continue de se replier en raison de l'épuisement des ressources halieutiques nationales. La production intérieure des produits de la pêche en mer et de l'aquaculture fléchit d'une année sur l'autre, tombant à 5.669.000 tonnes métriques en 2006 et ne couvrant de ce fait que 57 % des besoins intérieurs.
Du fait de la crise, les importations de poisson et de fruits de mer auxquelles est contraint le pays ont chuté à leur plus bas niveau depuis 15 ans. Les principaux produits de la pêche importés par le Japon sont les crevettes, le thon et la bonite, le saumon et la truite, le crabe, la morue et les oeufs de goberge, les crevettes transformées et les anguilles transformées. Depuis 1998, la Chine est le plus gros fournisseur de produits de la pêche du Japon, tant en volume qu'en valeur, les États-Unis se classant au deuxième rang.
La consommation traditionnelle de poisson et de fruits de mer au Japon est en net recul, étant passée de 40 kilos par habitant en 2001 à 32 aujourd'hui. Les jeunes ménages japonais délaissent le poisson et ses produits en faveur de mets carnés occidentaux plus faciles à préparer. Les trois principales raisons invoquées par les différents professionnels rencontrés sont le peu d'appétence des enfants pour le poisson, la perception de celui-ci comme étant plus coûteux que la viande et le caractère fastidieux de la préparation du poisson à domicile.
c) Une politique de la pêche orientée vers l'environnement et la restructuration
En mars 2007 , le Japon a mis à jour son plan directeur du secteur de la pêche , qui consiste en une stratégie fondée sur la loi fondamentale sur la pêche de 2001. Ce plan a été mis en oeuvre en mars 2002 et révisé pour la première fois en 2007. Relativement comparable à la politique de la pêche d'un pays comme le nôtre, il vise les six principaux objectifs suivants :
- favoriser la récupération et la gestion durables des ressources de la mer qui sont en voie d'épuisement ;
- veiller à ce que les mesures prises par les organismes de gestion permettent de soutenir la concurrence mondiale et mettre en place une structure dynamique de l'emploi dans le secteur de la pêche pour assurer la stabilité des revenus ;
- appliquer des mesures de gestion de la transformation, de la distribution et de la consommation de façon à garantir un approvisionnement stable en produits de la pêche ;
- développer et appliquer de nouvelles technologies pour assurer l'avenir du secteur ;
- veiller à l'entretien général des ports, des lieux et des villages de pêche, et assurer la multifonctionnalité du secteur de la pêche et des villages de pêche ;
- restructurer et moderniser les coopératives de pêche.
Les deux premiers objectifs sont également les plus importants.
S'agissant de l' objectif environnemental , il s'est traduit par la fixation de quotas portant sur sept espèces de poissons, dont le fameux thon rouge, ainsi que le soutien au développement de l'aquaculture. Il s'est également concrétisé par l'apparition d'un écolabel portant sur les produits de la pêche, qui garantit aux consommateurs que les prises ont été réalisées selon des méthodes de pêche écologiques et durables. Étant donné les préoccupations des consommateurs japonais quant à l'épuisement des populations de poissons au large des côtes du pays et le déclin mondial des stocks de thon et d'autres espèces prisées des Japonais, l'utilisation de ce genre d'étiquette de certification devrait s'étendre rapidement.
L' objectif ayant trait à la concurrence est d'une importance plus capitale encore. En effet, une grande partie de la flotte de pêche japonaise est vétuste. Le plan directeur vise à la moderniser et à la rendre plus éco-énergétique. Des mesures de stabilisation du revenu devraient être prises pour aider les pêcheurs. Cette restructuration est accélérée par la crainte d'une crise bancaire, car la plupart des usines, des armateurs et des industries dans ce secteur génèrent des rentrées de fonds peu élevées et ont de lourdes dettes.
LE MARCHÉ DE GROS AU POISSON DE TOKYO Généralement dénommé « marché de Tsukiji », du nom du quartier de Tokyo où il se trouve, le marché de gros central métropolitain de Tokyo est l'un des cent marchés de poissons japonais et le plus grand marché de gros de poissons au monde. Couvrant une surface de 23 hectares, il traite environ 3.000 tonnes par jour de produits de la mer de 400 variétés différentes pour un montant de 13 millions d'euros. 60.000 personnes y travaillent, comprenant des grossistes, des commissaires priseurs, des représentants d'entreprises et des distributeurs. Le marché comporte deux sections : le marché « intérieur », où s'effectuent les enchères et le traitement des poissons et où 900 grossistes accrédités réalisent leurs opérations, et le marché « externe », comportant un grand nombre de magasins en gros et au détail. 40.000 visites d'affaires s'y effectuent chaque jour au sein de quelques 800 magasins. La délégation a visité le marché de Tsukiji et s'est entretenue avec son directeur général. Si l'étendue couverte et l'intensité d'activité l'ont impressionnée, la réalité économique du site ne lui a cependant pas paru favorable. Construit il y a 70 ans, le marché est aujourd'hui archaïque dans sa conception et ses équipements, requérant une vingtaine d'années de travaux selon les propos de son directeur. Du fait d'une pollution des sols sur lesquels il est situé et de la vétusté de ses locaux, le marché pourrait déménager dans un autre district de la ville de Tokyo en 2013. Mais c'est surtout la baisse de son activité et de son chiffre d'affaires, en régression de 10 % chaque année, qui inquiète. Outre le recul de la consommation de poisson au Japon, elle s'explique par le fait que le thon, l'une des espèces les plus prisées des japonais, parvient sur l'archipel quasi exclusivement par avion, seuls 5 % parvenant frais après passage par le marché au poisson de Tsukiji. |