II. PERMETTRE AU PATIENT DE MIEUX COMPRENDRE SA MALADIE

Une détermination la plus claire possible des maladies qui doivent être prises en charge par les psychiatres permettra d'approfondir les connaissances. Ce travail de définition ne pourra être entrepris sans une politique de recherche ambitieuse.

A. DÉTERMINER LES MALADIES DEVANT ÊTRE PRISES EN CHARGE PAR LA PSYCHIATRIE

Le champ des pathologies couvertes par la psychiatrie est particulièrement vaste. Tout trouble du comportement ou perte des facultés est susceptible d'entrer dans son domaine de compétence. Or, si la psychiatrie s'est investie dans le traitement de la majorité des troubles, certains ont été délaissés pour être traités par d'autres spécialistes : ainsi, la maladie d'Alzheimer est prise en charge par les gérontologues et neurologues. Mieux définir les maladies peut permettre de clarifier les compétences des différentes spécialités en matière de prise en charge et constituer une base pour les coopérations en vue de traitements plus efficaces. Mieux connaître peut également permettre de mieux former et de mieux informer.

1. Mieux connaître

Il paraît difficile, comme le montre l'étude du CNEH, de parvenir à une définition consensuelle des troubles psychiatriques 22 ( * ) même si des progrès sont perceptibles dans ce domaine. Dans l'attente de définitions acceptables par tous, une approche en termes d'âge semble la plus efficace en matière de santé publique.

a) Définir les troubles psychiatriques ?

La classification des maladies mentales est conduite au niveau international par l'Organisation mondiale de la santé mais plusieurs classifications concurrentes existent, privilégiées par les praticiens en fonction du caractère plus ou moins opérant qu'ils attribuent à l'une ou à l'autre. Cette absence d'unité des classifications a un impact sur la définition des différentes maladies dont le nombre croît en psychiatrie. Il existe un doute concernant cette croissance : elle peut n'être pas seulement liée à une meilleure capacité de diagnostic ou à l'apparition de nouveaux troubles résultant des conditions de vie actuelles. En effet, l'accusation portée contre la psychiatrie d'avoir inventé la maladie mentale est certes sans fondement, mais les phénomènes de mode en matière de thérapeutique ainsi que les choix de recherche de l'industrie pharmaceutique ne sont pas sans effet sur les définitions.

L'industrie pharmaceutique joue en effet un rôle moteur en matière de possibilité de traitement des troubles. Le caractère encore pragmatique de la thérapeutique fait que ce sont les propositions successives de traitement élaborées par les laboratoires qui permettent le progrès dans les soins. La conception des médicaments est dite « from bed to bench », « du lit du patient à la paillasse du chercheur ». En cela la psychiatrie diffère d'autres spécialités médicales, telle la neurologie, où la recherche fondamentale tient une bien plus grande place en matière d'impulsion des traitements et où les médicaments sont généralement élaborés selon le modèle « from bench to bed ». On peut donc craindre que certaines pathologies décrites le soient en fonction des traitements que l'industrie propose, et non l'inverse.

Ainsi, le trouble bipolaire est décrit depuis la fin du XIX ème siècle et couramment diagnostiqué depuis les années quarante. Un débat existe néanmoins entre scientifiques sur la nature de ce trouble et donc sur son diagnostic et son traitement, surtout chez les enfants. Certains chercheurs accusent l'industrie pharmaceutique d'avoir défini un trouble qui n'a pas de réalité chez l'enfant, provoquant ainsi une médication inutile. De telles considérations ont des conséquences en termes de prise en charge financière par la sécurité sociale et doivent être surveillées par la HAS avec la plus grande prudence. Le référentiel des actes de psychiatrie actuellement en cours d'élaboration par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé est de nature à permettre une clarification en matière de thérapeutique et à mettre définitivement un terme aux querelles d'écoles que la plupart des praticiens considèrent déjà comme dépassées. On peut ainsi espérer un jour obtenir des protocoles de soins en matière de prise en charge psychiatrique.

b) Identifier les populations à risque

En l'absence de possibilité de définir précisément l'étendue des troubles psychiatriques sans un long travail fondé sur les pratiques, il apparaît essentiel en matière de santé publique, de pouvoir disposer rapidement des éléments permettant d'identifier de manière plus adéquate les besoins de la population, spécialement en fonction de l'âge. Ainsi, les troubles des enfants et des adolescents sont mal connus et sujets à des approximations et inquiétudes. La lutte contre le suicide des jeunes constitue un point essentiel, mais suppose que soient éclaircies les causes de la dépression chez les adolescents. De même, les personnes âgées sont les premiers consommateurs de médicaments psychotropes en France. Une connaissance plus fine des pathologies dont souffre cette catégorie de la population doit être encouragée. Dans ces deux cas, ce sont des études de cohorte longues qui doivent être financées en France afin que les politiques publiques ne dépendent plus d'études faites à l'étranger qui ne peuvent être intégralement transposables.

L'approche en termes de population doit s'effectuer en fonction de l'âge mais aussi avec la plus grande proximité territoriale. Différents bassins de population peuvent souffrir de troubles spécifiques ou de fortes disparités de prévalence comme c'est le cas pour l'autisme. Il conviendra que des études sur les différents bassins de population de leur région soient suscitées et accompagnées par les autorités chargées de la santé au niveau régional.

2. Mieux former et mieux informer

a) Le rôle de médecin généraliste

La meilleure connaissance doit entraîner une meilleure formation des soignants et une meilleure information du public. Le retard dans le diagnostic et la surconsommation de médicaments psychotropes sont en partie imputables à l'information insuffisante des médecins généralistes en matière de psychiatrie. Ce sont les médecins généralistes qui sont le plus souvent appelés à traiter les troubles du sommeil or la HAS estime 23 ( * ) ainsi que 85 % des cas d'insomnie chez les personnes âgées pour lesquels des psychotropes ont été prescrits ne relèvent pas de troubles de type psychiatrique. On peut, sur ce point, rappeler les recommandations de l'Opeps en matière de bon usage des médicaments psychotropes 24 ( * ) singulièrement concernant le respect des bonnes pratiques et le besoin d'une meilleure coordination des médecins généralistes et des médecins psychiatres dans la prise en charge des troubles et insister pour que la formation à l'identification des troubles psychiatriques et au bon usage des traitements soit inscrite dans la formation initiale et continue des médecins généralistes ainsi que des spécialistes non psychiatres.

b) Informer la population

Un chantier particulièrement important est la meilleure information du public pour prévenir, identifier, promouvoir le bon usage des traitements et déstigmatiser. La prise de conscience des maladies et de leurs symptômes ainsi que des démarches à suivre pour permettre l'entrée dans une thérapie sont de nature à aider les personnes malades, mais surtout leurs familles, à avoir recours au soin.

Le rôle de l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) est de ce point de vue central et la campagne menée d'octobre 2007 à mars 2008 sur la prévention de la dépression chez l'adulte est une première étape en ce sens.

* 22 Annexe au rapport, p. 15.

* 23 Table ronde organisée par l'Opeps et la commission des affaires sociales du Sénat le 17 février 2009 sur l'usage du médicament en psychiatrie, cf. p. 36.

* 24 Rapport n os 3187 (AN) et 422 (Sénat) de Maryvonne Briot au nom de l'Opeps sur le bon usage des médicaments psychotrope, juin 2006.

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