B. FAVORISER LA RECHERCHE INTERDISCIPLINAIRE
La France a besoin d'une recherche dynamique en matière de santé mentale susceptible d'améliorer les traitements, voire d'offrir un espoir de guérison. Or, comme le montre le rapport du CNEH, une impulsion forte en ce domaine est nécessaire car elle se trouve mal classée au niveau international en matière de psychiatrie puisqu'elle ne figure pas parmi les cinq premiers pays en nombre d'articles cités. Elle reste cependant pionnière et une des premières au monde pour un certain nombre de pathologies, elle est ainsi troisième en matière de recherche sur l'autisme. Une politique de recherche ambitieuse passe par un soutien aux projets les plus innovants en matière de recherche psychiatrique et par le développement de la recherche interdisciplinaire.
1. Soutenir les acteurs de la recherche en psychiatrie
On a pu penser que l'avenir des soins en matière de troubles psychiatriques viendrait des autres disciplines médicales telles la neurologie et la génétique. Ces théories sont aujourd'hui dépassées. Malgré les avancées importantes permises par la génétique et les neurosciences, celles-ci ne peuvent remplacer totalement la psychiatrie et la recherche en ce domaine. Il est donc nécessaire de développer un réseau national d'équipes de recherche et d'accélérer les études en matière de diagnostic et de médicaments.
a) La création d'un réseau national d'équipes de recherche
Les premiers éléments d'un réseau national en matière de recherche psychiatrique existent au travers de la fondation FondaMental. Celle-ci, créée par le ministère de la recherche en 2007, est une fondation de coopération scientifique qui a comme objectif d'être une fondation de recherche et de soins en santé mentale. Cette structure, porteuse de projets de recherche particulièrement importants pour l'avenir de la psychiatrie, devrait voir son statut conforté et ses possibilités de financement accrues à l'instar de la fondation Alzheimer. Il est également nécessaire d'accélérer la recherche avec des moyens dédiés, spécifiques à la psychiatrie et non pas consacrés aux neurosciences en général.
b) Améliorer les outils du diagnostic et du soin
La recherche en psychiatrie est active en France malgré un classement international décevant et un certain nombre de chercheurs dont les efforts doivent être encouragés se sont saisi des sujets essentiels. Ainsi les recherches que mène le professeur Marie-Odile Krebs, directrice d'unité à l'Inserm, sur les déterminants des maladies mentales et sur l'amélioration des médicaments, dans le but de limiter les effets indésirables, voire de découvrir des médicaments étiologiques. Un autre exemple est le contrat d'objectifs et de moyens entre le ministère de la recherche et FondaMental comporte trois axes :
- identifier les mécanismes qui sous-tendent les maladies psychiatriques, identifier les biomarqueurs, identifier les facteurs de vulnérabilité, étudier les paramètres anatomiques et fonctionnels grâce aux plates-formes d'imagerie, connaître les modifications cognitives et émotionnelles, construire des modèles animaux ;
- améliorer la recherche clinique et épidémiologique à l'aide d'un outil informatisé permettant d'avoir des données épidémiologiques et des suivis de cohortes ;
- renforcer la recherche thérapeutique, avec l'évaluation des pratiques de soins et surtout le développement de stratégies thérapeutiques innovantes, dispositifs médicaux, psychothérapies, psycho-éducation, remédiation cognitive.
Ces chercheurs offrent la possibilité de rénover la psychiatrie pour la placer à la pointe de la médecine.
2. Favoriser la recherche interdisciplinaire
Il convient également de favoriser les interactions entre la recherche psychiatrique et la recherche dans les autres domaines des sciences, tant médicales que sociales.
a) Avec les autres sciences médicales
Sans devoir être remplacée par la recherche en génétique ou en neurosciences, la recherche en psychiatrie doit intégrer les apports fondamentaux de ces disciplines. Au travers de fondations de coopérations scientifiques, mais aussi des organismes nationaux de recherche que sont l'Inserm et le CNRS, les croisements et enrichissements réciproques doivent être encouragés.
b) Avec les sciences sociales
Les troubles psychiatriques ont généralement une origine à la fois génétique, psychique et sociale. Les recherches dans le domaine des sciences humaines, que ce soit l'économie de la santé ou la sociologie, peuvent donc constituer un apport pour une compréhension globale des maladies et de leur traitement. Ici encore, le rôle des organismes nationaux de recherche comme le CNRS est essentiel.
La recherche en psychiatrie est mal connue et pourtant particulièrement importante. Elle exige de l'Etat des investissements qui seront à terme largement compensés par la possibilité d'améliorer le traitement des troubles dont souffre une part grandissante de la population.
La psychiatrie en France est à un tournant de son histoire. Elle peut sortir définitivement de l'obscurité où elle a été placée pour devenir une des disciplines de pointe de la médecine et nous permettre de faire face au défi majeur de santé publique que représente la santé mentale.