2. Les incertitudes posées par les procédures d'allongement des dates de validité des produits

Une autre question importante liée à la gestion du « stock national santé » concerne la péremption des produits de santé.

En effet, dès 2004, s'est posée la question de l'arrivée à péremption d'une partie du « stock national santé », notamment des produits stockés dans le cadre du plan « Biotox ». L'AFSSAPS a alors été sollicitée pour évaluer la possibilité d'une utilisation plus longue de certains produits sur la base de d'études de stabilité (antidotes chimiques, comprimés d'iode, vaccins antivarioliques). S'agissant des produits stockés dans le cadre du plan de préparation et de lutte « Pandémie grippale », la DGS a également demandé à l'AFSSAPS d'évaluer la possibilité d'un allongement de la péremption de certains produits, notamment du Tamiflu.

Depuis mars 2007, un programme « Qualité et renouvellement des stocks stratégiques nationaux » (QR2SN) a été mis en place afin de mieux encadrer ces procédés. Une méthodologie et une liste des produits susceptibles d'entrer dans ce programme ont ainsi été élaborées. De façon générale, cette méthodologie prévoit de réaliser un état des lieux des stocks sur environ un an. Trois lots proches de la péremption sont choisis pour chaque spécialité et sont testés au moment de l'étude de stabilité, puis chaque année. Si leurs résultats obtenus restent dans des limites acceptables, la durée d'utilisation de l'ensemble des lots de la spécialité est étendue pour un an. La durée maximale d'utilisation d'un produit ne peut cependant excéder 10 ans après la fabrication du produit.

S'agissant des masques , qui ne relèvent pas du champ de compétences de l'AFSSAPS, seuls les masques FFP2 sont concernés, les masques chirurgicaux n'ayant pas de date de péremption. Selon les données transmises à votre rapporteur spécial, plus de la moitié du stock actuel du ministère de la santé - soit 295 millions de masques FFP2 sur un total de 537 millions de masques - présentent aujourd'hui une date de validité dépassée. Les représentants de l'EPRUS ont indiqué à votre rapporteur spécial que des tests de validité avaient néanmoins été réalisés, par le laboratoire national d'essai et la société APAVE, montrant que 96 % des échantillons avaient conservé leurs capacités nominales.

S'il n'appartient pas à votre rapporteur spécial d'apprécier la qualité de ces contrôles ni les modalités d'extrapolation des tests réalisés, il note cependant que ce procédé soulève des incertitudes juridiques . En effet, si l'AFSSAPS a réalisé les expertises attendues, elle n'a pas, en revanche, notifié de nouveaux délais de validité, soulignant que cette notification, qui revient à une modification générale de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), relève des pouvoirs exceptionnels reconnus aux ministres concernés en cas de menace sanitaire grave, en vertu de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique 66 ( * ) . Ces pouvoirs exceptionnels ne pouvant être mis en oeuvre qu'en cas de crise sanitaire, les produits de santé, toujours valides selon les tests opérés par l'AFSSAPS, mais dont les dates de validité sont dépassées, sont donc conservées dans l'attente d'une évolution réglementaire 67 ( * ) .

En plus de ces questions juridiques, l'absence de décision claire sur l'utilisation de ces produits , qui demeurent efficaces en dépit du dépassement de leur date de péremption, a conduit à des décisions peu efficientes . Ainsi, s'agissant des masques, votre rapporteur spécial rappelle que votre commission des finances a émis de fortes réserves sur les achats supplémentaires de masques demandés dans le cadre du décret d'avance du 13 juillet dernier . Ce décret d'avance proposait, en effet, un renouvellement massif des masques périmés, sans pour autant que ces masques ne soient détruits au fur et à mesure de l'acquisition des nouveaux produits. Ces derniers sont conservés pour pallier d'éventuels besoins.

Outre que le caractère imprévisible de ces dépenses pouvait, tout d'abord, être contesté, dans la mesure où les achats supplémentaires de masques étaient destinés, pour partie, au renouvellement de masques périmés - l'arrivée à péremption de ces produits était donc prévisible au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2009 -, le caractère urgent de ces achats était également discutable. La commande de nouveaux masques résultait, en effet, moins de l'urgence que de l'absence de décision prise sur le sort réservé aux masques actuellement périmés . Le recours au décret d'avance ne se justifiait pas par l'absence de stocks, mais par le refus d'utiliser les masques aujourd'hui conservés. Or il y a là une contradiction entre, d'une part, la volonté de renouveler des stocks périmés, et, d'autre part, celle de conserver - tout en refusant de les utiliser au moins dans un premier temps - des produits utilisables en dépit de leur arrivée à péremption. De deux choses l'une : soit ces masques sont réellement efficaces et peuvent être distribués, soit ils ne le sont pas et doivent, en conséquence, être détruits.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial observe que ces produits n'ont pas fait l'objet d'un réétiquetage étant donné le coût et les délais nécessaires à ces opérations. En effet, d'après les données fournies par l'EPRUS, le réétiquetage de 7 millions de boîtes de médicament peut être évalué à 1,5 million d'euros et la durée de l'opération estimée entre 2 et 3 ans. Si votre rapporteur spécial a bien noté ces contraintes, il s'interroge néanmoins sur la conséquence de cette décision dans le suivi logistique des stocks, compte tenu, d'une part, des conditions très hétérogènes de stockage des produits et, d'autre part, des faiblesses de l'application informatique utilisée.

* 66 L'article L. 3131-1 du code de la santé publique dispose : « En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ».

* 67 Il faut noter cependant que pour le cas particulier de l'iodure de potassium, dont l'AMM est détenue par la Pharmacie centrale des armées, des prolongations de péremption ont été accordées par l'AFSSAPS au vu des données de stabilité fournies par le fabricant et ont conduit à une modification de l'AMM.

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