CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE

Le Groupe Socialiste se félicite de l'intérêt manifesté par le Sénat pour l'insertion des jeunes. Cette mission a été riche d'enseignement sur les éléments qui contribuent à la situation particulièrement grave de la jeunesse. Il est regrettable que la crise appelle l'attention sur cette situation, alors que les difficultés des jeunes ne sont pas nouvelles. En effet, elles n'ont fait que s'amplifier lentement sans que des solutions audacieuses et efficaces ne soient trouvées, ni mises en oeuvre pour remédier aux blocages structurels. La crise sert aujourd'hui de révélateur des carences de notre société dans l'accompagnement des jeunes vers l'âge adulte. Elle est l'occasion d'une réflexion et doit être celle d'avancées sociales et sociétales.

Les nombreuses auditions réalisées ainsi que les moments de débat ont permis d'opérer un constat globalement partagé sur les difficultés des jeunes et sur leurs causes : information et orientation défaillantes, cloisonnement entre les mondes éducatif et professionnel, dispositifs d'aides aux jeunes et aux familles confus et insuffisants, offre de logements faible, onéreuse et inadaptée, barème de l'aide à la couverture complémentaire santé trop basse, accès à la culture trop coûteux...

L'ensemble de ces éléments soulève un problème dominant : les difficultés que rencontrent les jeunes dans leur parcours professionnel contraignent l'accès à l'autonomie financière (déterminant les autres aspects de l'autonomie, comme le logement) et placent 20 % d'entre eux dans une situation de pauvreté avérée. À la précarisation qui concerne les jeunes sur l'ensemble du territoire, s'ajoute un facteur aggravant propre aux banlieues des moyennes et grandes agglomérations. La discrimination dont certains jeunes font l'objet ajoute au parcours d'emploi une difficulté qui doit être sérieusement prise en considération.

Parler de conflit intergénérationnel est une erreur : si les jeunes sont particulièrement exposés, toutes les générations sont touchées par les difficultés économiques et les restrictions sociales opérées au nom des choix politiques du libéralisme. Pour exemple la non revalorisation du SMIC qui constitue une amputation sérieuse de pouvoir d'achat pour nombre de nos concitoyens.

Dès lors, nous regrettons de devoir souligner deux points qui nous apparaissent inutiles et contestables dans le rapport de la Mission :

Tout d'abord, les nombreuses références approbatrices de la politique impulsée par le Président de la République et suivie par le gouvernement ne reflètent pas le contenu des travaux de la Mission. Celle-ci a su se détacher des contingences et des positions politiques de ses membres pour s'efforcer d'émettre des observations et des propositions qui ont suscité la discussion, souvent sans a priori.

D'autre part, le rapport établi au nom de la Mission ne nous semble pas témoigner de l'ensemble des freins qui pèse sur l'insertion des jeunes. Celle-ci ne peut être déconnectée d'une politique globale qui se caractérise par des choix budgétaires dont les jeunes sont largement victimes : suppression précipitée des emplois-jeunes, diminution drastique du nombre de contrats aidés avant leur soudaine augmentation, révision générale des politiques publiques qui diminue le nombre des enseignants mais aussi plus globalement le nombre de postes ouverts dans la fonction publique, défiscalisation et exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires qui nuit à l'embauche de jeunes dans les entreprises, etc.

La situation actuelle appelle des mesures d'urgence et des mesures structurelles.

Au nombre des mesures d'urgence possibles, on peut citer la création de 100 000 emplois-jeunes dans les collectivités territoriales et le secteur associatif, l'ouverture de 50 000 contrats insertion-formation dans le secteur marchand ou non, la création d'une allocation-rebond permettant aux jeunes sortant du système éducatif sans diplôme de reprendre une formation dans un cadre différent ; ou encore la prolongation automatique de 6 mois de l'indemnisation chômage pour les jeunes après la rupture d'un contrat d'intérim ou d'un CDD dont le coût serait pris en charge par l'État. Le total prévisionnel de ces mesures atteint 4 milliards d'euros, soit exactement le montant inutilement dépensé par le budget de l'Etat en application de la loi TEPA pour offrir un effet d'aubaine aux employeurs sur les heures supplémentaires et freiner la création d'emplois.

Cette énumération n'épuise pas les réponses indispensables à des problèmes structurels qui demeurent non résolus. Le rapport présenté au nom de la Mission comporte certaines pistes intéressantes, auxquelles souscrit le groupe socialiste.

A titre d'exemple, on peut citer, en matière d'éducation, le dédoublement des classes de CP pour faciliter l'apprentissage essentiel de la lecture , ce qui suppose, bien évidemment que les crédits budgétaires afférents soient prévus. On peut également citer la validation des acquis par modules semestriels à partir du collège afin que les jeunes ne sortent pas du système éducatif sans que ses acquis ne soient établis, l'interdiction explicite des stages hors cursus, le doublement des effectifs de l'Ecole de la Deuxième Chance , ainsi que le renforcement de la filière de formation en alternance. Le droit à la formation initiale différée doit être développé et les moyens de sa mise en oeuvre établis avec le concours de l'État, des Régions et des partenaires sociaux.

En matière d'orientation, la création d'un service public de l'orientation s'impose, réunissant tous les partenaires concernés et prenant en compte les spécificités économiques régionales . Il nous apparaît que la réalisation de ce service implique nécessairement le recrutement et la formation de personnels dédiés.

En revanche, le Groupe socialiste émet des réserves quant à l'incitation faite aux jeunes à se diriger, par tous les moyens, vers les métiers dits « en tension » . À maintes reprises, le rapport laisse entendre que ces métiers pourraient être la seule solution, particulièrement pour les jeunes en difficulté. De fait, ces filières d'emploi peinent à recruter en raison de salaires faibles, d'horaires excessifs et aléatoires, d'absence quasi-totale de perspectives pour les métiers faiblement qualifiés et de conditions de travail d'un autre âge. Les branches concernées ont pour devoir préalable de porter remède à cette situation si elles souhaitent, sans coercition à l'encontre des jeunes, les attirer vers ces métiers.

À cet égard, la diminution de TVA dont vient de bénéficier la branche de l'hôtellerie-restauration, après des aides annuelles élevées, doit impérativement s'accompagner d'un engagement formel de la branche, non seulement à embaucher des jeunes, mais aussi à mettre en place des dispositifs de formation et à ouvrir des perspectives de carrière.

En outre, nous refusons les discours promotionnels quant aux interventions des opérateurs privés. Ces opérateurs, rémunérés « au placement », sont non seulement plus coûteux que l'intervention du Pôle Emploi et des missions locales, mais leurs activités ne correspondent le plus souvent qu'à des réponses ponctuelles à des offres d'emplois précaires.

Le Groupe socialiste souhaite que soient mis en place des établissements regroupant les formations générale, professionnelle, et technologique, ainsi que l'apprentissage. De même, les internats doivent être réorganisés et développés, afin que les jeunes puissent suivre leur formation, même si elle ne se déroule pas à proximité du domicile parental, et afin de leur offrir les conditions matérielles nécessaires à leur réussite.

Le bac professionnel en trois ans doit aussi être réformé afin de revenir à une durée de quatre ans, nécessaire pour les jeunes qui ont besoin de plus de temps pour acquérir une formation et obtenir un diplôme. L'instauration d'un bac pro en 3 ans a eu pour conséquence la fermeture de nombreuses sections de CAP et BEP ; ces fermetures pour de strictes raisons financières constituent par ailleurs une faute qui aura pour conséquence l'augmentation du nombre des jeunes sortis sans qualification du système scolaire.

Favoriser l'autonomie des jeunes devrait faire consensus.

Plusieurs mesures proposées par le rapport sont considérées comme positives par le Groupe socialiste : la refonte des dispositifs d'aides qui nécessite une étude d'impact prenant en compte l'ensemble des paramètres, le développement des programmes d'échanges européens pour les jeunes non étudiants, ou encore l'accès facilité au permis de conduire.

Le Groupe socialiste partage la critique du rapporteur sur le financement du Fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) dont les crédits « se sont effondrés » de 2005 (75 millions) à 2009 (20 millions) en raison de mesures de régulation budgétaire. Il partage également son scepticisme sur les mesures qui génèrent surtout des effets d'aubaine tels le SEJE. Enfin, il soutient la remarque selon laquelle : « Plutôt que de réduire le coût à l'embauche d'un jeune par des subventions, la mission propose d'inverser cette logique et de chercher plutôt à augmenter l'employabilité et la productivité des jeunes. ». Même si les termes « d'employabilité » et de « productivité » nous semblent complètement inadéquats, nous souscrivons à cette inversion de paradigme. Le rapporteur cite pour ce faire « une meilleure orientation, le développement de l'alternance et des stages, le recours aux contrats aidés, une meilleure intermédiation et une aide à la mobilité », toutes mesures tendant à fonder l'insertion et le parcours professionnel sécurisé des jeunes.

Le Groupe socialiste est cependant clairement opposé à la mise en place de prêts à taux bonifié. En effet, depuis longtemps, les organismes prêteurs ne font pas de difficulté pour financer des jeunes en fin d'études ayant un débouché professionnel assuré, et dont les parents se portent caution. Ils ne prêtent pas à des jeunes dans une situation plus fragile. Le financement par la collectivité publique de prêts bonifiés conduirait ces jeunes à devoir les rembourser dès lors qu'ils auraient trouvé un emploi « stable », alors qu'ils auraient de nouveaux frais à assumer (logement, famille...). Un tel dispositif constituerait non seulement une double peine pour les plus démunis de nos jeunes qui se verraient ainsi pénalisés précisément au moment où ils s'autonomisent, mais s'apparenterait de surcroît à une nouvelle aide aux banques.

En revanche, le Groupe Socialiste se prononce pour une augmentation significative du montant des bourses et du nombre de leurs bénéficiaires , à la fois pour remédier aux inégalités sociales, et pour permettre aux étudiants de réaliser leurs études sans être contraints à un travail, qui nuit à la réussite aux examens. Sur ce point il convient également de procéder à une remise en question générale des critères d'attribution des bourses en vue d'une réévaluation des planchers et plafonds et de l'établissement d'une nouvelle grille d'évaluation plus adaptée à la situation économique actuelle, ainsi qu'aux conditions générales et environnementales des bénéficiaires.

Le principe de l'aide à l'acquisition de l'autonomie a un fondement différent, ce qui conditionne sa mise en oeuvre. Que des jeunes soient laissés sans ressources est contraire au principe constitutionnel du droit à des moyens convenables d'existence reconnu par le Préambule de la Constitution de 1946. Le droit à des ressources doit donc être un droit universel, et la responsabilité nationale sur ce point, reconnue.

Dès 2002, les socialistes se sont prononcés pour la mise en place d'une allocation universelle d'autonomie pour les jeunes. Cette allocation est contractualisée dans un parcours de resocialisation, de formation ou de recherche d'emploi. La responsabilité individuelle du bénéficiaire est ainsi favorisée.

Le Groupe Socialiste rappelle que la priorité en matière de logement reste la construction . Pour autant, il approuve le fait que ce rapport émette des propositions tendant à rendre réellement universel et mutualiste la garantie contre les risques locatifs mise en place par le gouvernement (qui fonctionne aujourd'hui sur la base du volontariat et qui repose sur les principes de l'assurance). Pour les jeunes, ceci permettrait de supprimer totalement le dépôt de garantie et surtout, de leur éviter de faire appel à des cautions solidaires qu'ils peinent parfois à trouver dans leur entourage. Concrètement, cela reviendrait à rendre universel et obligatoire le principe du Loca-Pass.

Enfin, le service civil volontaire ne doit pas être occupationnel , mais doit correspondre à un choix personnel, s'inscrivant dans un projet orienté vers la solidarité sous différents aspects. Si le groupe socialiste n'est pas opposé à la revitalisation de ce dispositif qui n'a pas bénéficié des moyens budgétaires suffisants depuis sa création en 2005, il insiste sur la nécessité de dégager les moyens financiers nécessaires pour ne pas en faire un dispositif parking. La proposition du rapporteur de « prélever les 335 millions d'euros jugés nécessaires sur la somme prévue pour financer les futurs emplois aidés supplémentaires annoncés par le président de la République le 24 avril dernier » est donc tout à fait inappropriée. Elle replace le service civil parmi les mesures d'urgence alors que le rapport semble en faire une mesure structurelle à finalité civique. De plus, elle met en évidence une nouvelle fois le fait que les mesures annoncées le 24 avril ne sont pas suffisamment financées.

CONCLUSION

En conclusion, le Groupe socialiste constate que les questions de culture, sport et citoyenneté n'ont pas été suffisamment approfondies et souhaite que l'engagement soit tenu de poursuivre le travail sur ces points, en particulier autour de l'autonomie financière des jeunes.

En outre, la crise économique est d'ores et déjà dévastatrice pour l'emploi des jeunes. 600 000 jeunes arriveront bientôt sur le marché du travail et leurs perspectives d'insertion sont très sombres.

Mais la situation ne revêt pas la même gravité pour tous les jeunes et dans tous les territoires.

Les Sénateurs socialistes manifestent en particulier leurs très vives inquiétudes sur la situation des jeunes vivant dans des quartiers sensibles, qui cumulent un grand nombre de handicaps.

Le Plan espoir banlieue ou les contrats autonomie ont crée des attentes mais ne sont pas à la hauteur des difficultés vécues ou à vivre. Ils ne sont pas à même de rompre le sentiment de désespoir social vécu par ces jeunes urbains.

Les sénateurs socialistes demandent que l'effort, y compris budgétaire, de la collectivité se concentre en particulier sur ces quartiers. Ils soulignent l'urgence des mesures qui doivent être proposées.

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