N° 1778

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

N° 487

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Annexe au procès-verbal de la séance

le 24 juin 2009

du 24 juin 2009

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

RAPPORT

sur

les impacts de l' utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles : bilan et perspectives d' évolution ,

Par

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député,


Mme Catherine PROCACCIA, sénateur.

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Claude BIRRAUX

Président de l'Office.

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Jean-Claude ETIENNE

Premier Vice-Président de l'Office .

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation

des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Claude BIRRAUX

Premier Vice-Président

M. Jean-Claude ETIENNE

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député

Mme Brigitte BOUT, sénateur

M. Pierre LASBORDES, député

M. Christian GAUDIN, sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député

M. Daniel RAOUL, sénateur

Députés

Sénateurs

M. Christian BATAILLE

M. Gilbert BARBIER

M. Jean-Pierre BRARD

M. Paul BLANC

M. Alain CLAEYS

Mme Marie-Christine BLANDIN

M. Pierre COHEN

M. Marcel-Pierre CLÉACH

M. Jean-Pierre DOOR

M. Roland COURTEAU

Mme Geneviève FIORASO

M. Marc DAUNIS

M. Alain GEST

M. Marcel DENEUX

M. François GOULARD

M. Serge LAGAUCHE

M. Christian KERT

M. Jean-Marc PASTOR

M. Michel LEJEUNE

M. Xavier PINTAT

M. Claude LETEURTRE

Mme Catherine PROCACCIA

Mme Bérengère POLETTI

M. Ivan RENAR

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Bruno SIDO

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Alain VASSELLE

INTRODUCTION

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a été saisi, en octobre 2007, de deux demandes d'études portant sur l'utilisation des pesticides dans certains départements ultramarins.

D'une part, la commission des Affaires économiques, de l'environnement, et du territoire de l'Assemblée nationale lui a demandé de se prononcer sur « l'effet des pesticides aux Antilles sur la santé humaine ».

D'autre part, la commission des Affaires économiques du Sénat lui a demandé d'étudier « l'utilisation de la chlordécone, du paraquat et des autres pesticides dans l'agriculture martiniquaise, guadeloupéenne, et guyanaise ». En outre, la commission a souhaité que l'Office conduise une mission de veille sur les mesures annoncées par les ministres qu'elle a entendus, conjointement avec la Commission des Affaires sociales du Sénat, le 9 octobre 2007 (lancement d'études, projets d'investissement scientifique, actions de contrôle). La commission souhaitait, qu'à cette occasion, l'Office puisse s'assurer que toutes les mesures annoncées soient bien conduites à terme et que « tous les aspects scientifiques du problème aient été bien éclairés ».

Les problèmes soulevés par l'utilisation de certains pesticides aux Antilles, dont la chlordécone, et les interrogations que cette utilisation a soulevées ne sont pas nouveaux puisqu'ils ont été mentionnés dès 1977 par des chercheurs de l'INRA. C'est en effet M. Eric Godard, aujourd'hui coordinateur du « plan chlordécone » aux Antilles qui a révélé l'importance de cette pollution et l'a traitée comme une priorité sanitaire dès 1999.

Depuis cette date, et jusqu'en 2008 1 ( * ) , les pouvoirs publics ont pris des mesures et lancé des études épidémiologiques dont certaines sont encore en cours.

Par ailleurs, la mission d'information parlementaire dont le président était M. Philippe Edmond-Mariette et le rapporteur, M. Joël Beaugendre, constituée auprès de la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2004, avait, dans son rapport remis le 30 juin 2005, très complètement analysé la situation, fait le bilan de ces actions et proposé la mise en oeuvre de dix grandes catégories de recommandations. Un comité de suivi des mesures proposées par ce rapport, présidé par le député Jacques Le Guen, a été chargé de vérifier l'application des mesures préconisées.

En 2007, les conséquences sanitaires de l'utilisation de la chlordécone aux Antilles ont été, à nouveau évoquées.

En mars, deux auteurs martiniquais, MM. Raphaël Confiant et Louis Boutrin ont publié un ouvrage, « Chronique d'un empoisonnement annoncé » , mettant fortement en cause les planteurs locaux et les pouvoirs publics. Ce livre qui a eu un fort retentissement local mais un faible écho national, a donné lieu à une mise au point publique des praticiens et des chercheurs impliqués dans les études épidémiologiques menées sur place.

En juin, un rapport du Pr. Belpomme, « rapport d'expertise et d'audit externe concernant la pollution par les pesticides en Martinique - conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires et proposition d'un plan de sauvegarde en cinq points » a été remis aux ministères concernés ; ce rapport a été rendu public le 18 septembre 2007.

Dans ce rapport, l'auteur 2 ( * ) , sans nuances, assimilait l'emploi de la chlordécone aux Antilles à un désastre sanitaire comparable « à celui du sang contaminé ».

Notons que le Pr. Belpomme, confronté, le 7 novembre 2007, à l'occasion de son audition par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, à des scientifiques spécialisés dans les conséquences de l'utilisation de la chlordécone, était revenu sur certaines de ses conclusions 3 ( * ) , reconnaissant les inexactitudes dans les détails, tout en réaffirmant que le message de fond restait pertinent. Cette intervention du Pr. Belpomme, que nous développons dans le rapport comme « une affaire dans l'affaire », a généré une alerte sanitaire, mais qui à notre sens, ne s'est pas appuyée suffisamment sur la réalité des études scientifiques.

On ne peut que regretter que ces deux apports aient contribué à « théâtraliser » cette question alors même qu'ils étaient dénués de tout contenu scientifique publiable (absence d'analyses de données, absence de méthodologie, absence d'analyses de résultats).

Sur un terrain social dont on a pu, à nouveau, mesurer l'extrême sensibilité, l'ombre portée 4 ( * ) de ces contributions est de nature à introduire des confusions malvenues dans le traitement d'un problème qui commande la recherche de solutions dépassionnées.

L'étude que nous avons menée nous a conduits à auditionner 122 acteurs de ce dossier. Après plus de 200 heures d'auditions, nous avons acquis la conviction qu'il s'agit d'un accident environnemental, mais que ce n'était qu'en poursuivant les études scientifiques et médicales que nous pourrions mesurer l'impact sanitaire réel sur la population. Les résultats scientifiques sont toujours longs à obtenir, mais nous espérons que d'ici quelques mois, les études épidémiologiques pourront lever un certain nombre d'interrogations.

Ceci d'autant plus que, les Antilles connaissent d'autres problèmes que ceux posés par la chlordécone, et notamment celui dû à la progression de l'obésité 5 ( * ) (diabète de type 2 de 2 à 3 plus fréquent qu'en métropole, maladies cardiovasculaires) .

Dans ce contexte, vos rapporteurs ont présenté leur étude de faisabilité, le 25 avril 2008 ; celle-ci a été adoptée par l'Office. Pour répondre aux préoccupations des deux commissions du Parlement qui ont saisi, il a été décidé :

- d'unifier les deux saisines sous l'intitulé « Impacts de l'utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles : bilan et perspectives d'évolution » ;

- de centrer l'objet des travaux sur trois grands thèmes :


• l'application des dispositions scientifiques du « plan chlordécone » ;


• les conséquences de l'utilisation des pesticides aux Antilles depuis l'interdiction de la chlordécone en 1993 ;


• et les conditions d'intégration de l'agriculture antillaise, et en particulier de la culture bananière, aux dispositions du « Grenelle de l'environnement ».

Mais il nous a semblé utile de faire précéder l'analyse de ces trois thèmes par un historique circonstancié.

* 1 Date de lancement du « plan chlordécone »

* 2 On trouvera annexée au présent rapport la réaction des chercheurs travaillant depuis des années sur ce sujet à la présentation du Pr Belpomme, ainsi que la justification qu'il a présentée à vos rapporteurs pour refuser d'être entendu en audition.

* 3 Cf. Le compte rendu de cette audition est consultable sur le site de l'Assemblée nationale (travaux de la commission des Affaires économiques - Compte rendu du 7 novembre 2007).

* 4 Très réelle comme en témoigne une récente émission produite par Thalassa sur les pesticides à la Martinique et intitulée « Un poison en Martinique » (12/2008) et celle produite par Canal + « Les maîtres de la Martinique » (01/2009).

* 5 En Martinique, un enfant sur quatre, un adulte sur deux est en surpoids ou obésité (données de l'Observatoire de la Santé de la Martinique).

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