B. M. JEAN-LOUIS BORLOO, MINISTRE D'ÉTAT, MEEDDAT

Votre Altesse, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les scientifiques, chers amis membres éminents du Collège de France. Permettez-moi tout d'abord de vous dire tout le plaisir que j'éprouve à me trouver ici, au Collège de France, au sein d'une institution qui a de tout temps éclairé la France et ses dirigeants, sur de nombreux sujets scientifiques et philosophiques. Or, vous n'êtes pas sans savoir que le défi climatique est d'abord et avant tout une grande aventure scientifique et humaine, absolument essentielle pour l'avenir de notre planète. Oui, je crois qu'aujourd'hui, la science peut changer le cours de l'histoire en mettant sa crédibilité et sa rigueur au service de la vérité. Votre Altesse, nous nous voyons souvent, à peu près tous les deux mois pour faire le point, ensemble, sur toutes les grandes urgences planétaires. Je me souviens d'ailleurs de votre émotion et de votre impatience juste avant de partir pour votre mission. Et je suis frappé aujourd'hui par la différence de ton et par la gravité de vos propos. Je pense qu'une expédition comme celle-ci ne laisse personne indifférent. Surtout quand il s'agit de se rendre, comme vous l'avez fait, sur un haut lieu de témoignage : témoignage scientifique, témoignage écologique, témoignage humain, témoignage de la solidarité entre les Nations avec la mise en réseau des nombreuses stations d'observation,...Donc, un grand merci pour ce témoignage et pour le film que vous nous avez rapporté. Je pense sincèrement que la science est à un tournant de son histoire où elle sort du cadre toujours un peu confidentiel des colloques et des discussions entre spécialistes pour s'adresser directement aux consciences individuelles et collectives, aux consommateurs, aux média ainsi qu'aux décideurs publics. Je crois que c'est un des immenses mérites des travaux du GIEC dont je voudrais saluer ici les membres.

C'est aussi la raison pour laquelle la France soutient depuis plusieurs années la création de l'IPBES, véritable « GIEC de la biodiversité ». Après bien des combats, cette nouvelle plateforme scientifique devrait voir le jour normalement au tout début de l'année 2010. Je pense d'ailleurs qu'on pourrait aller encore plus loin en proposant, par exemple, de rapprocher les équipes du GIEC et du futur IPBES sur des sujets d'intérêt commun comme la mer ou les pôles. En effet, celle que nous appelons notre planète Terre est d'abord faite de mers et d'océans. Et je suis convaincu, qu'en ce début de 21 ème siècle, c'est la mer qui sauvera la terre. Les océans constituent ainsi le « premier potentiel de vie » de l'humanité : potentiel énergétique avec les éoliennes en mer, potentiel médical avec les molécules marines, potentiel alimentaire avec le plancton,...Et pourtant, notre méconnaissance de la biodiversité marine est au moins aussi profonde que les océans ! Il faut remonter à l'extraordinaire Picard pour une descente à plus de 10 000 mètres ! Or, nous savons tous que la mer est un colosse aux pieds d'argile, fragilisé par le changement climatique, fragilisé par les pollutions terrestres, fragilisé par la surexploitation, fragilisé par les dégazages sauvages,...

Et c'est là qu'on voit tout ce que la science peut apporter car on ne protège bien que ce que l'on connaît bien. Même si nous sommes aujourd'hui des millions de passionnés ou d'amoureux de la mer, l'objectif consiste aujourd'hui, à aimer d'un coeur intelligent. Or, j'ai le sentiment, qu'autour de la communauté scientifique, se crée une véritable chaîne de solidarité internationale et qu'à l'interdépendance répond la coopération. J'ai ainsi l'impression que la Chine ou l'Inde sont à la fois proches et lointaines. J'ai le sentiment que Copenhague sera un rendez-vous qu'on ne manquera pas. J'ai été très frappé par les déclarations de mon homologue chinois l'autre jour à Washington lors du Major Economics Forum. Il a dit en effet deux choses très importantes. Il a d'abord reconnu que le monde n'avait plus le choix et que le développement durable n'était pas une contrainte mais bel et bien un atout pour la compétitivité de leur économie. Et puis, il a également reconnu qu'il était plus difficile pour un pays classiquement industrialisé, de réduire massivement ses émissions de CO 2 que pour une économie émergente d'adopter immédiatement un mode de développement sobre en carbone et en énergie. Quand on connaît l'état des relations entre la Chine et les Etats-Unis, on peut assez facilement mesurer les progrès accomplis en quelques mois seulement.

Mais revenons-en aux pôles puisque nous sommes à la clôture de l'année polaire internationale. Les pôles sont à la fois les témoins et les acteurs du changement climatique. Ils permettent surtout, au-delà des démonstrations scientifiques, d'offrir des images saisissantes, compréhensibles par tous. Lorsque Jean Jouzel explique par exemple que si l'Arctique disparaît, la terre perd « son frigo », n'importe qui, enfant ou adulte, est capable de comprendre. Nous devons donc jouer sur les deux tableaux à la fois : sur celui de la rigueur scientifique et sur celui de l'imaginaire collectif.

Alors, je voudrais dire aux scientifiques, je voudrais dire au Collège de France que nous vivons un moment particulier. J'étais ce matin à Chambéry pour une visite à l'INES qui réunit les meilleurs spécialistes du CNRS, du CEA, de l'IFP et du BRGM en matière de recherche sur l'énergie solaire. J'ai été frappé de constater qu'en quelques semaines ou en quelques mois, nous étions parvenus à multiplier par quarante nos capacités de production d'énergies renouvelables. Nous avons reçu, pas plus tard qu'hier, les estimations d'EUROSTAT qui évaluent l'impact des mesures du Grenelle Environnement sur nos émissions de CO 2 . Eh bien selon cet organisme totalement indépendant, notre pays devrait normalement réduire ses émissions de CO 2 de 22,8 % en 2020 par rapport à 1990. En clair, tout se joue dans les cinq ou les dix années à venir. Mais ce qui est vrai pour la France est aussi vrai pour l'Europe et pour le reste du monde. Nous avons, devant nous, le grand rendez-vous de Copenhague. Je sais que le Président de la République est particulièrement déterminé : il l'a d'ailleurs redit, à Prague, devant ses homologues. Le G8, le G14 et le prochain G20 seront largement consacrés aux questions climatiques. Le Président de la République a également nommé une personnalité de très grande qualité au poste d'ambassadeur pour les pôles, une personnalité qui a cette capacité assez rare de faire bouger les lignes même lorsque les sujets sont difficiles.

Pour ma part, je trouve que nous avons la chance de vivre une époque formidable. Le XXe siècle a été un peu le siècle des excès et de la démesure. Le XXI ème siècle sera le siècle de la mesure. Le siècle du respect, des respects, le respect de la planète, le respect de notre biodiversité, le respect des autres et au fond finalement le respect de soi. Merci.

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