(3) Un enjeu majeur : les départements d'outre-mer continueront-ils à pouvoir bénéficier des fonds structurels après 2014 ?

Les élargissements de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale de 2004 et 2007 ont modifié, par effet statistique, la place des DOM sur l'échelle de la richesse régionale dans l'Union européenne. Si les 4 départements d'outre-mer figuraient parmi les régions les plus défavorisées de l'Europe des Quinze, ils devancent maintenant nombre de régions des nouveaux États membres. Ainsi, les trois quarts des régions des nouveaux États membres figurent en terme de PIB par habitant derrière la Guyane, région la plus pauvre de l'Europe des Quinze.

Alors que les 4 départements d'outre-mer bénéficient actuellement de fonds européens importants au titre de la politique régionale, il existe donc un risque sérieux d'une diminution sensible des financements européens pour la période postérieure à 2014.

Ainsi, la Martinique par exemple, dont le PIB par habitant se rapproche désormais du seuil d'éligibilité de l'objectif « convergence » (75 % de la moyenne européenne du PIB par habitant), pourrait potentiellement connaître une diminution drastique des fonds européens après 2014.

Dans ce contexte, les réflexions actuelles sur l'avenir de la politique régionale et les futures perspectives financières revêtent une importance cruciale pour les départements français d'outre-mer.

À cet égard, il est nécessaire de prendre en compte trois paramètres :

- la place même de la politique régionale au sein du budget communautaire : face à la volonté des pays contributeurs nets (comme l'Allemagne ou les Pays-Bas) de diminuer leur contribution au budget communautaire, il convient de défendre une politique régionale ambitieuse, afin qu'elle ne puisse pas servir de variable d'ajustement lors des négociations sur les prochaines perspectives financières ;

- au sein de la politique régionale, l'équilibre entre les trois objectifs : actuellement, 80 % des crédits de la politique régionale sont destinés à l'objectif n°1, c'est-à-dire aux régions dont le PIB par habitant ne dépasse pas 75 % de la moyenne communautaire. Les discussions devraient surtout porter sur l'avenir de l'objectif n° 2, qui ne concerne pas les DOM mais les autres régions métropolitaines. Toutefois, une attention particulière devra être accordée aux critères d'éligibilité étant donné que le seuil de 75 % pourrait être remis en cause et que la Martinique est proche de ce seuil ;

- l'avenir de l'allocation spécifique de compensation des surcoûts : cette allocation spécifique, destinée aux régions ultrapériphériques et aux régions septentrionales, a été une nouveauté mise en place, non sans difficultés, dans les perspectives financières 2007-2013 (avec une enveloppe de quelque 500 millions d'euros) et qui présente une avancée importante pour les RUP. Or, elle pourrait être remise en cause dans les discussions sur les prochaines perspectives financières. Il sera donc nécessaire de justifier son utilité, son impact et sa « valeur ajoutée ». Le périmètre de cette allocation (qui ne vise que les dépenses de fonctionnement et pas les dépenses d'investissement), ainsi que le mode de calcul de compensation des handicaps par la Commission européenne sont toutefois contestables (cette compensation ne sert actuellement qu'à compenser le coût du frêt et ne peut servir, par exemple, à financer la mise en place d'infrastructures de retraitement des déchets). Une évolution paraît donc nécessaire.

Par ailleurs, l'avenir de la politique régionale ne tient pas seulement à l'enveloppe budgétaire globale mais il faut prendre en compte les modalités de financement, et en particulier :

- la possibilité de mettre en place des taux d'intervention majorés : certaines régions, comme les régions septentrionales suédoises ou finlandaises ou certaines îles grecques, bénéficient de conditions particulières avec des taux de cofinancement plus importants de la part de l'Union européenne ;

- le périmètre d'intervention : lors des dernières discussions sur les perspectives financières et la politique régionale, l'accent a surtout été mis sur la stratégie de Lisbonne, la compétitivité et l'innovation. À l'avenir, l'accent pourrait être mis sur les nouveaux défis, tels que l'énergie, l'environnement ou les flux migratoires, où les RUP ont des intérêts spécifiques à faire valoir ou bien l'essentiel des crédits pourrait être concentré sur l'objectif du développement économique.

À cet égard, l'objectif de « cohésion territoriale » serait de nature à concilier une politique régionale ambitieuse, destinée à l'ensemble du territoire, et la prise en compte des spécificités de certaines régions, telles que les DOM.

Comme il est indiqué, dans la contribution française au Livre vert de la Commission européenne sur la cohésion territoriale :

« La question des régions ultrapériphériques mérite, dans ce contexte, une réflexion et un traitement spécifiques au nom de la cohésion territoriale. L'approche des Régions ultrapériphériques les caractérisant comme des régions ayant des spécificités géographiques particulières est réductrice au regard de leur réalité territoriale. L'objectif de cohésion territoriale s'il ne se limite pas à un traitement différencié des territoires, devrait permettre de prendre en compte la réalité particulière de ces territoires spécifiques au travers d'une approche globale et intégrée. Il est, en particulier, indispensable de tenir compte, dans la conception et la mise en oeuvre des politiques communautaires, de l'environnement international de ces régions et du rôle d'avant-postes de l'Europe qu'elles sont amenées à jouer. »

Votre mission commune d'information souhaite dès lors insister sur l'importance pour notre pays de mettre l'accent sur l'objectif de « cohésion territoriale », tel que reconnu par le traité de Lisbonne, dans le cadre des discussions sur l'avenir de la politique régionale, afin de défendre une politique régionale ambitieuse destinée à l'ensemble des régions françaises et des DOM en particulier.

Proposition n° 56 : Promouvoir une politique régionale ambitieuse dans la perspective des négociations sur l'avenir de cette politique, en mettant l'accent sur l'objectif de cohésion territoriale.

Par ailleurs, l'approche territoriale pourrait présenter l'avantage de se traduire non seulement pas un traitement différencié des RUP par rapport au reste de l'Union, mais également par un traitement spécifique de chaque RUP, qui prendrait mieux en compte les spécificités de chacune des régions concernées.

Cela permettrait notamment de prendre en compte l'éloignement de chacune de ces régions par rapport au continent européen ou l'immensité du territoire de la Guyane.

Proposition n° 57 : Inciter l'Union européenne à développer, non seulement une approche différenciée des régions ultrapériphériques par rapport au reste de l'Union européenne, mais aussi un traitement individualisé de chacune de ces régions.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page