M. JEAN-PAUL DUMONT, AMBASSADEUR, DÉLÉGUÉ À LA COOPÉRATION RÉGIONALE DANS LA ZONE ANTILLES-GUYANE

Enfin, la mission a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur, délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane

M. Serge Larcher, président , a rappelé que M. Jean-Paul Dumont, après une carrière de diplomate, avait été nommé, en février 2007, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane et qu'il était également représentant de la France auprès de l'Association des États de la Caraïbe (AEC) et de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Il a souhaité l'entendre sur l'état actuel et les perspectives de l'insertion régionale des trois départements français d'outre-mer concernés, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.

M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur, délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane , a précisé, en préambule, que la fonction de délégué régional était régie par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 et par le décret du 11 avril 2002 cette loi d'orientation déterminant également les conditions dans lesquelles les collectivités d'outre-mer peuvent exercer des activités internationales dans la région, notamment la négociation d'accords de coopération ou l'adhésion à des organisations régionales.

Il a indiqué que le délégué à la coopération régionale était investi de deux principales missions : un rôle de coordination des différentes actions de coopération régionale, qui peuvent être financées par les fonds de coopération régionale créés dans chaque département d'outre-mer, les fonds européens ou les financements de coopération nationale gérés par les ambassades, et un rôle en matière d'action multilatérale. Il a précisé que le délégué représentait la France auprès de l'Association des États de la Caraïbe (AEC) et de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) mais n'est pas accrédité auprès de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO).

Il a expliqué que l'association des États de la Caraïbe (AEC) avait été créée en juillet 1994 dans le but de promouvoir la consultation, la coopération et l'action concertée entre tous les pays de la Caraïbe, qu'elle comptait vingt-cinq États membres et trois membres associés, dont la France et que les projets de coopération technique se concentraient sur quatre domaines d'action prioritaires : le commerce, les transports, le tourisme durable et la prévention des catastrophes naturelles. Il a précisé qu'un certain nombre d'accords et de conventions étaient en voie de ratification, comme par exemple la convention pour la création de la zone de tourisme durable de la Grande Caraïbe ou l'accord pour la coopération régionale en matière de catastrophes naturelles et qu'une commission de la Mer des Caraïbes se mettait en place.

Il a exposé que, créée en 1973, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) réunissait quinze États et territoires associés et qu'il s'agissait de l'organisation régionale la plus intégrée dans le monde, après l'Union européenne, puisque, si elle avait pour objectif premier la création d'une zone de libre-échange, son champ d'action était très large, s'étendant aux transports, au développement industriel et commercial et même à la création d'un espace judiciaire commun, avec une Cour caribéenne de justice. Il a indiqué qu'en janvier 2006 avait été lancé un marché unique du CARICOM et que le premier accord de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) avait été signé avec le CARIFORUM, qui réunissait les pays membres du CARICOM et la République dominicaine, le 15 octobre 2008. Il a précisé que cet accord couvrait non seulement les échanges commerciaux de marchandises et de services mais touchait également à la coopération et au développement et que seul Haïti ne l'avait pas signé, pour des raisons de politique interne.

M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur, délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane , a ensuite indiqué que l'ambition de la coopération régionale était de favoriser l'insertion des régions et des collectivités d'outre-mer dans leur environnement régional tout en devant répondre à certaines conditions.

Il a ainsi estimé que la coopération régionale devait se fonder, d'une part, sur des projets structurants tels que ceux relatifs au câblage numérique aux Antilles, à l'approvisionnement énergétique, aux transports, à la santé ou encore à la mobilité étudiante, et d'autre part sur les priorités locales. Il a cité sur ce dernier point la Conférence de coopération régionale qui s'était tenue en avril 2008 et avait adopté plusieurs recommandations. Il a observé que la coopération régionale devait également mettre en oeuvre une meilleure coordination entre les différents financements disponibles, tels que les fonds de coopération régionale, les fonds de coopération nationale et les fonds européens. Il a considéré que l'articulation entre les différents financements de la Commission européenne, notamment entre les fonds Interreg gérés par la direction générale chargée de la politique régionale et le Fonds européen de développement (FED), géré par la direction générale chargée du développement, restait insuffisante bien que des progrès aient été accomplis dans ce domaine depuis que les régions d'outre-mer avaient invité l'AEC et le CARIFORUM, ainsi que l'OECE, à participer aux travaux des comités de sélection et de suivi des fonds Interreg.

Il a rappelé que les fonds Interreg représentaient un montant de 47 millions d'euros pour la Caraïbe et de 12 millions d'euros pour la Guyane, soit près de 60 millions d'euros, auxquels s'ajoutaient les fonds de coopération régionaux, de 1,5 million d'euros en moyenne, et de coopération nationale, de 2,53 millions d'euros en moyenne. À titre de comparaison, il a indiqué que le dixième Fonds européen de développement (FED) représentait un montant de 700 millions d'euros d'aide bilatérale, auxquels s'ajoutaient 165 millions d'euros d'aide régionale.

M. Éric Doligé, rapporteur , a demandé à M. Jean-Paul Dumont d'évoquer les principaux obstacles à une politique plus affirmée d'intégration régionale dans la zone Antilles-Guyane. Il s'est interrogé sur les initiatives qui pourraient être lancées afin de transcender les barrières linguistiques et culturelles actuelles et s'est enquis d'exemples concrets de coopération en matière économique entre les départements français d'Amérique et les États voisins.

M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane , a dit s'interroger sur l'existence d'une réelle volonté d'intégration de la part des populations des départements français d'Amérique, estimant que celle-ci émanait avant tout des élites politiques, économiques et culturelles de ces territoires.

Il a souligné que l'intégration régionale était avant tout l'oeuvre d'États souverains et mettait peu souvent en cause les territoires de la région Caraïbe jouissant d'une simple autonomie administrative.

Indiquant que l'Association des États de la Caraïbe avait une vocation « intégrationniste », il a mis en exergue le fait que la trop grande diversité géographique, politique et statutaire de ses vingt-cinq membres ne permettait pas d'atteindre un tel objectif, cette organisation constituant cependant un riche forum d'échanges.

Il a estimé que l'intégration régionale pouvait résulter de la mise en place de partenariats et de projets structurants dans des domaines clés, relevant l'intérêt du projet d'extension à l'ensemble de la Caraïbe et au plateau des Guyanes du câble numérique sous-marin reliant actuellement Porto-Rico à Trinidad-et-Tobago. Il a également évoqué la coopération sur les installations de géothermie mises en place à la Dominique, qui pourrait selon lui permettre de couvrir 10 % des besoins en énergie de la Martinique et de la Guadeloupe.

Insistant sur l'intérêt d'actions de coopération régionale en matière de transports, il a évoqué les projets en cours en matière de transport maritime, engagés dans le cadre européen, citant en particulier la politique en matière de cabotage, financée par l'initiative Interreg, et la mise en place d'une base de données des conteneurs. Il a néanmoins regretté l'absence d'une telle politique en matière de transports aériens, les voyages entre divers points de la Caraïbe étant aujourd'hui très complexes malgré la conclusion d'un accord au sein de l'Association des États de la Caraïbe, dont il lui a semblé que les compagnies aériennes ne tireraient sans doute pas profit.

Il a souhaité que des coopérations plus larges soient instituées en matière de santé, relevant que les départements français d'outre-mer avaient en ce domaine un savoir-faire qu'ils pourraient utilement partager.

Il a indiqué que la coopération régionale en matière de protection civile était au contraire assez avancée dans la mesure où une plateforme commune aux régions ultrapériphériques, aux pays et territoires d'outre-mer et aux pays ACP de la zone pourrait être prochainement mise en place grâce aux efforts de la Commission européenne. Il a précisé que les départements et régions d'outre-mer étaient en ces domaines très en avance par rapport aux États voisins.

M. Serge Larcher, président , a demandé si, dans le cadre de l'accord de partenariat économique conclu entre l'Union européenne et le CARICOM, des barrières douanières continueraient à s'opposer à l'exportation de produits des départements d'outre-mer vers les pays du CARICOM.

M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane , a rappelé que l'accord de partenariat économique était asymétrique, puisqu'il permettait l'importation sans restriction de produits dans l'Union européenne, alors que l'exportation de produits européens vers les États du CARICOM ne se libéralisait que progressivement. Il a toutefois précisé que cet accord comportait des clauses de sauvegarde régionale qui permettraient, au cas par cas et en situation de crise, de rétablir temporairement des barrières à l'importation.

M. Jean-Paul Virapoullé , rappelant l'expérience réunionnaise en ce domaine, a demandé pourquoi la politique d'intégration régionale suivie dans la zone Caraïbe ne prenait pas en compte les États-Unis d'Amérique ou le Brésil, alors même que leurs économies très développées en matière de nouvelles technologies, de tourisme ou d'industrie agroalimentaire ne pourraient que profiter aux autres États de la région.

M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane , a indiqué que les États-Unis d'Amérique étaient d'ores et déjà, en pratique, parties prenantes au phénomène d'intégration régionale, mais à sens unique, par l'effet d'attraction qu'ils exerçaient sur les jeunes diplômés des États caribéens.

M. Jean-Etienne Antoinette a mis en exergue certaines difficultés rencontrées par la Guyane dans ses relations avec le Brésil. Il a souligné, en premier lieu, les écarts de coût du travail ou de production entre les départements français et les États voisins, illustrant son propos par le fait que l'attribution du marché de construction du pont sur l'Oyapock pourrait revenir de ce fait à des entreprises brésiliennes, et non françaises.

Il a regretté que, dans les relations d'État à État, comme c'est le cas entre la France et le Brésil, les incidences concrètes sur le terrain de certaines politiques ne soient pas davantage prises en compte, soulignant que la question de la lutte contre l'activité aurifère illégale en Guyane émanant des Brésiliens n'était pas au coeur des négociations diplomatiques malgré ses effets néfastes sur l'économie et l'environnement de ce département.

Il a mis en lumière certaines situations administratives qu'il a jugées aberrantes, soulignant, à titre d'exemple, qu'un visa n'est pas exigé d'un Brésilien pour se rendre en France métropolitaine mais est requis d'un Brésilien souhaitant se rendre en Guyane ou que les viandes brésiliennes transitent le plus souvent par la métropole pour être par la suite vendues en Guyane au triple du prix de vente initial.

Approuvant ces propos, M. Georges Patient a estimé que la situation était semblable pour les carburants, les carburants en provenance du Suriname, d'un prix peu élevé, n'étant pas commercialisés en Guyane.

Reconnaissant la complexité induite par la politique communautaire des visas et par le fait que les départements d'outre-mer n'appartiennent pas à l'espace Schengen, M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane , a indiqué que le ministère des affaires étrangères travaillait de concert avec les ministères de l'intérieur et de l'immigration aux moyens de faciliter la circulation des personnes dans la zone. Il a souligné qu'un accord de circulation avait été conclu avec Sainte-Lucie et la Dominique, un accord du même type étant en cours de négociation avec Trinidad-et-Tobago.

M. Serge Larcher, président , a jugé que l'accord de circulation avec Sainte-Lucie avait eu pour conséquence néfaste de favoriser certaines formes de criminalité.

Il a souligné que les départements français d'Amérique avaient établi des relations touristiques avec les États-Unis, mais que celles-ci étaient entravées par des difficultés de desserte aérienne.

Il lui a semblé qu'une réelle intégration régionale ne pourrait advenir que si les États de la zone avaient entre eux des relations apaisées, évoquant en particulier les différends fréquents en matière de zones de pêches.

Il a estimé que la coopération en matière de protection civile était l'un des domaines prioritaires dans lesquels devaient se nouer de véritables partenariats entre les États de la zone Caraïbe.

Il s'est enfin interrogé sur la réalisation projetée d'un gazoduc en provenance de Trinidad-et-Tobago.

M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane , a indiqué que ce dernier dossier était suivi par les services gestionnaires du programme Interreg mais qu'il lui semblait que la réalisation de cet ouvrage se heurtait à des difficultés en raison des garanties d'approvisionnement exigées par les acheteurs potentiels.

Après que M. Éric Doligé, rapporteur , a fait part de son étonnement face à la complexité de la politique suivie en matière de visas, et que M. Georges Patient s'est indigné que les banques de métropole considèrent les habitants des départements d'outre-mer comme des non-résidents français, M. Serge Larcher, président , a souhaité savoir quelles actions de coopération régionale devraient être initiées en faveur des jeunes.

M. Jean-Paul Dumont a estimé qu'il manquait un instrument pour favoriser la mobilité et les échanges d'étudiants dans la zone des Caraïbes alors qu'un dispositif à l'image du programme Erasmus serait un moyen de dépasser les barrières culturelles et linguistiques entre les différents pays ou territoires. Il a indiqué qu'il avait visité plusieurs universités de la région et qu'il existait une réelle volonté en ce sens mais qu'il manquait un soutien financier à ce projet alors même que la jeunesse représentait l'avenir de ces territoires en étant susceptible de favoriser l'intégration sociale et culturelle des départements français d'outre-mer au sein de leur environnement régional.

M. Jean-Etienne Antoinette a indiqué qu'il avait présenté sans succès plusieurs amendements visant à favoriser la mobilité et les échanges des étudiants, notamment à l'occasion de l'examen de la loi sur le développement économique, mais que la commission des finances leur avait opposé un avis défavorable.

M. Jacques Gillot a estimé qu'au-delà de la coopération régionale l'insertion des régions et départements d'outre-mer dans leur environnement régional était une question éminemment politique, impliquant des transferts ou délégations de compétences de l'État aux collectivités d'outre-mer afin qu'elles puissent elles-mêmes conclure des accords ou participer à des organisations régionales.

M. Éric Doligé, rapporteur , s'est demandé si l'appartenance des régions et départements d'outre-mer à l'Union européenne ne constituait pas un obstacle à une meilleure insertion régionale de ces collectivités.

M. Jean-Paul Virapoullé a rappelé que, lors de la négociation des accords de Schengen, il y avait eu un consensus entre les différentes formations politiques représentées dans les régions et départements d'outre-mer pour ne pas faire partie de cet espace. Abondant dans le sens de M. Jacques Gillot, il a également estimé que la question de l'insertion régionale des régions et des départements d'outre-mer était une question de nature éminemment politique. Il a cité l'exemple de la Guyane, jugeant paradoxal que cette collectivité ne puisse pas conclure d'accords bilatéraux avec les pays voisins sur des questions telles que les visas.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page