MARDI 7 AVRIL 2009

Présidence de M. Serge Larcher, président

M. FRANÇOIS LEQUILLER, CHEF DE L'INSPECTION GÉNÉRALE, ET M. PHILIPPE DOUMERGUE, INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES (INSEE)

La mission a procédé à l' audition de MM. François Lequiller, chef de l'inspection générale, et Philippe Doumergue, inspecteur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Après avoir déclaré, en préambule, que la crise à laquelle étaient confrontés les départements d'outre-mer (DOM) illustrait la nécessité d'une véritable évaluation des politiques publiques qui y sont conduites, M. Serge Larcher, président, a estimé qu'une telle évaluation impliquait de disposer d'outils statistiques adaptés et que la mission commune d'information avait donc jugé utile d'entendre les représentants de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Précisant qu'il intervenait en tant que représentant du directeur général de l'Insee, M. Jean-Philippe Cotis, M. François Lequiller, chef de l'inspection générale de l'INSEE , a souligné l'attention apportée par l'Insee au suivi de la situation des DOM, y compris avant la crise récente, avec la production, en juillet 2008, d'un rapport au Conseil national de l'information statistique visant précisément à améliorer l'adaptation des statistiques nationales aux besoins spécifiques de l'outre-mer.

Puis il a relevé le paradoxe tenant à la nécessité pour les quatre DOM, en tant que départements français à part entière, de disposer des mêmes outils de mesure que les départements métropolitains, notamment pour répondre aux exigences imposées par l'Union européenne, tout en bénéficiant de la mise en place d'outils statistiques adaptés à leurs spécificités. Il a estimé que l'accord-cadre conclu avec le secrétariat d'État à l'outre-mer en 2007 présentait, de ce point de vue, un bon équilibre, conjuguant une meilleure couverture de ces territoires et une large concertation pour approfondir les enquêtes déjà menées.

Il a par ailleurs indiqué que les directions régionales de l'Insee dans les DOM fonctionnaient de manière similaire à celles de métropole, en collaboration avec l'État et les collectivités territoriales, en particulier au travers d'accords-cadres conclus avec les conseils généraux et régionaux. Il a toutefois signalé qu'avec 225 agents sur un total de 3 950, les DOM bénéficiaient de près de 6 % des effectifs totaux des directions régionales de l'Insee, soit une part supérieure à celle représentée par ces départements dans la population nationale. Il a justifié ces effectifs supplémentaires par l'existence de programmes spécifiques propres aux DOM, tels que les comptes nationaux complets de chacun d'eux, ainsi que par la nécessité de dupliquer dans les DOM certains services qui ne pouvaient être centralisés que pour la métropole. Enfin, il a indiqué que l'organisation interrégionale de l'Insee englobant les Antilles et la Guyane fonctionnait de manière satisfaisante et pourrait préfigurer une réorganisation de l'Insee en métropole.

M. Éric Doligé, rapporteur, s'est interrogé sur quatre points : l'existence de mécanismes d'évaluation des politiques publiques dans les DOM, les outils de suivi des prix, les relations de l'Insee avec les observatoires de prix et, enfin, le contenu des enquêtes récemment réalisées par l'Insee dans ces territoires.

En réponse, M. François Lequiller a indiqué que des outils spécifiques d'évaluation des politiques publiques en outre-mer existaient, tels que les comptes nationaux, permettant par exemple de simuler l'impact de l'activité spatiale en Guyane ou d'une réforme de la fiscalité.

Sur la question du suivi des prix, il a fait observer qu'un indice temporel des prix existait et permettait, dans chaque DOM, de suivre l'évolution, mois par mois, du niveau des prix. Il a en revanche reconnu que les études portant sur la comparaison des prix entre la métropole et les DOM avaient été irrégulières et étaient aujourd'hui obsolètes, les dernières datant de 1985 et 1992, mais a annoncé la réalisation d'une nouvelle étude, dont les résultats seraient connus dans le courant de l'année 2010. Enfin, il a relevé l'absence d'instrument de suivi et d'analyse du mode de formation des prix.

Après avoir indiqué l'existence d'une enquête annuelle très complète sur le chômage dans les DOM se fondant sur un échantillon six fois plus large que celui utilisé pour la métropole, M. François Lequiller a cité une étude récemment effectuée par l'Insee portant sur la défiscalisation de plein droit ainsi que la vaste enquête « Migration, famille, vieillissement » qui devrait être lancée fin 2009 sur un échantillon de plus de 7 500 foyers dans chaque DOM et dont les résultats seront connus en 2010 ou 2011.

Enfin, M. François Lequiller a souligné que l'Insee participait, en apportant son expertise, aux travaux des observatoires des prix en outre-mer.

En réponse à M. Marc Massion , qui s'interrogeait sur les effets dans les DOM du plan de diminution des effectifs de l'Insee, M. François Lequiller a fait valoir que l'Insee était soumis, comme les autres administrations publiques, à l'impératif de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Il a toutefois précisé que la délocalisation à Metz de 500 postes de statisticiens ne devrait pas affecter les DOM en raison de la nécessité d'un traitement local des données.

Après s'être félicité de la qualité du travail de l'Insee dans les DOM et notamment des études sur l'emploi, M. Jean-Paul Virapoullé a jugé prioritaire la question de la formation en rappelant que le chômage touchait 30 % des jeunes à La Réunion avec un fort besoin de travail qualifié non satisfait. Préconisant une évaluation du système scolaire et universitaire, il s'est interrogé sur la capacité de l'Insee à évaluer, d'une part, l'effort fourni par l'Education nationale en matière de qualification des jeunes dans les DOM et, d'autre part, les lacunes du système d'orientation des étudiants à l'entrée à l'université. Il a rappelé que 30 % des jeunes arrivant au collège ne maîtrisaient pas les fondamentaux et que le taux d'échec s'élevait à 60 % en première année à l'Université de La Réunion.

Tout en soulignant que le coeur de métier de l'Insee était le secteur économique, M. François Lequiller s'est déclaré ouvert à ces suggestions qui pourraient faire l'objet d'un partenariat avec les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'État compétents.

En réponse à M. Serge Larcher, président, qui s'interrogeait sur les modalités de mesure, par l'Insee, de l'inflation ayant résulté du cyclone Dean, M. François Lequiller a rappelé l'existence des indices mensuels des prix tout en constatant un hiatus partiellement inexpliqué, similaire à celui qui a pu être observé au moment du passage à l'euro, entre les mesures réalisées par l'Insee et la perception par la population de l'évolution des prix.

S'étonnant du décalage entre l'importance des effectifs de l'Insee dans les DOM et l'ancienneté des deux dernières études comparatives de prix, datant de 1985 et 1992, M. Jean-Etienne Antoinette a par ailleurs regretté que le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) affecté à certaines communes de Guyane, notamment Saint-Laurent du Maroni, ait été figé, jusqu'en 2006, sur une mesure de la population datant de 1999, alors que le taux de croissance démographique y était particulièrement élevé, atteignant 3,5 % sans prise en compte des flux migratoires. Il s'est enfin interrogé sur l'existence d'outils de mesure de l'économie informelle et des flux économiques transfrontaliers, notamment en Guyane.

M. François Lequiller a souligné que la réalisation d'études de prix comparatives n'était pas en lien avec les effectifs de l'Insee présents dans les DOM puisqu'elles étaient des opérations spécifiques, réalisées par des équipes dédiées. Sur la question de la réévaluation de la DGF, il a signalé que les méthodes de recensement avaient évolué vers un recensement continu, permettant une réévaluation annuelle de la population, ce qui garantirait désormais une meilleure réactivité du système. Il a renvoyé à la direction régionale de Guyane pour l'obtention d'informations plus précises sur la situation spécifique de Saint-Laurent du Maroni.

En réponse à M. Serge Larcher, président, qui s'interrogeait sur le degré d'autonomie des directions régionales par rapport à la direction générale de l'Insee, M. François Lequiller a précisé que les programmes d'études des directions régionales étaient élaborés en partenariat avec les collectivités territoriales concernées et que, par conséquent, les directions régionales jouissaient effectivement d'une certaine autonomie.

Enfin, M. François Lequiller a confirmé à Mme Catherine Procaccia qu'un indice temporel des prix permettait, comme l'avait souhaité à plusieurs reprises les sénateurs, d'évaluer le rythme d'évolution du niveau des prix dans les DOM.

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